LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 septembre 2012), que Mme X... a été engagée à compter du 2 janvier 1989 par la société Tassinari et Chatel qui appartient au groupe Lelièvre ; qu'elle occupait en dernier lieu les fonctions d'assistante à la direction technique et était affectée au site de Fontaines-sur-Saône ; que l'employeur a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail pour motif économique que celle-ci a refusée ; que, le 18 juin 2009, il lui a notifié son licenciement pour motif économique ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur un motif réel et sérieux et de la débouter en conséquence de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel, qui s'est bornée au titre de sa motivation, pour décider que l'existence de la cause économique du licenciement est démontrée, à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel de l'employeur, ayant ainsi statué par une apparence de motivation faisant objectivement peser un doute sur son impartialité, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement invoqués par l'employeur ; qu'en affirmant en l'espèce que la réunion des deux sites de production avec le regroupement des activités de tissage mécanique et d'administration à Panissières et la fermeture de l'atelier de Fontaines-sur-Saône constituent des décisions de gestion relevant d'une stratégie industrielle et échappant au contrôle du juge prud'homal, sans aucunement vérifier le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, la cour d'appel a excédé négativement ses pouvoirs en violation de l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1233-3 du même code ;
3°/ qu'il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en décidant en l'espèce que le licenciement de la salariée est fondé sur un motif économique, après s'être bornée à relever une baisse des commandes et du chiffres d'affaires de la société employeur et du groupe auquel elle appartient, pourtant insuffisante à caractériser l'existence de difficultés économiques, ou à démontrer que la restructuration de l'entreprise était nécessaire à assurer la sauvegarde de sa compétitivité, et sans expliquer en quoi ces dernières, à les supposer établies, auraient justifié la modification du contrat de travail de l'intéressée, puis la suppression de son poste de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
4°/ subsidiairement, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure après avoir réalisé tous les efforts de formation et d'adaptation nécessaires ; qu'en décidant que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, tout en constatant que des postes disponibles n'avaient pas été proposés à la salariée et sans vérifier si l'employeur n'aurait pas pu assurer à celle-ci une formation lui permettant d'y accéder, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
5°/ au surplus, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure ; qu'après avoir constaté l'existence de postes disponibles au sein de la société employeur et du groupe auquel elle appartient, pourvus par recrutement extérieur, la cour d'appel a considéré, pour décider que l'employeur a exécuté son obligation de reclassement, que ces postes disponibles ne correspondent pas aux qualifications de la salariée, sans toutefois préciser sur quels éléments elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et sans se référer aux conclusions de l'employeur, que, depuis le milieu des années 2000, l'industrie textile y compris celle des tissus haut-de-gamme, était concurrencée par l'industrie des pays émergents dont les coûts de production sont moindres, que l'ensemble du groupe Lelièvre et la société Tassinari et Chatel connaissaient en 2007 et 2008 une baisse du chiffre d'affaires de 50 %, qu'à la suite de la fusion-absorption de la société Quenin, la réunion des deux entités avait entraîné la fermeture de l'atelier et du service administratif de Fontaines-sur-Saône où travaillait la salariée, qu'aucun poste équivalent au sien n'existait sur le site de Panissières, que la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique consistait en le transfert de la salariée sur ce dernier site dans un poste administratif avec un déclassement et d'autres fonctions, que les sociétés Lelièvre et Eurintex, qui avaient dû également procéder à des licenciements, avaient répondu négativement aux demandes de reclassement en leur sein de la salariée et que les quelques embauches effectuées avaient eu lieu sur des postes de commerciaux qui ne correspondaient pas à la qualification de la salariée, faisant ainsi ressortir l'absence de possibilité de reclassement au sein du groupe, même après mesure de formation ou d'adaptation, la cour d'appel a pu décider que le licenciement était justifié par un motif économique réel et sérieux ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme X...Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement de Mme X... fondé sur un motif économique réel et sérieux et d'avoir en conséquence débouté celle-ci de toutes ses demandes ; Aux motifs que « Selon l'article L. 1233-3 du code du travail constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne de la salariée résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par la salariée, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; Selon l'article L. 1233-4 du même code le licenciement pour motif économique d'une salariée ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressée ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; le reclassement de la salariée s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'elle occupe ou sur un emploi équivalent ; à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de la salariée, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées à la salariée sont écrites et précises ;
La lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, contient les motifs suivants :- Crise générale du textile due à l'émergence de concurrents à bas coûts de main d'oeuvre, y compris dans les tissus haut de gamme ;- Baisse continue des commandes de l'ordre de 50 % depuis octobre 2008,- Baisse corrélative du chiffre d'affaires,- Assèchement de la trésorerie,- Indicateurs ne permettant pas une amélioration dans les mois et années à venir,- Nécessité de prendre des mesures rapidement sous peine de risquer un dépôt de bilan et la fermeture de l'entreprise,- Concentration du tissage mécanique et des services administratifs à Panissières,- Suppression de 13 emplois pour adapter les effectifs au volume d'activité,- Refus d'un reclassement par mutation géographique et déclassement de cadre en ETAM,- Absence de toute autre possibilité de reclassement tant au niveau de l'entreprise que des autres sociétés du groupe LELIEVRE ; La SAS TASSINARI et CHATEL, maison de soierie fondée en 1680 à Lyon, a pour activité la fabrication (tissage) de tissus haut de gamme destinés à l'ameublement (soierie et autres matières nobles) ; Ses ateliers de production (tissage mécanique) se trouvaient jusqu'en juillet 2009 à Fontaines-sur-Saône (Rhône) ;
La SAS TASSINARI et CHATEL fait depuis 1998 partie du groupe LELIEVRE, qui édite des tissus d'ameublement et regroupe les sociétés LELIEVRE, TASSINARI et CHATEL, EURINTEX ; La société QUENIN en faisait partie jusqu'au milieu de l'année 2009 ; Par un contrat à durée indéterminée signé le 24 novembre 1988 et ayant pris effet le 2 janvier 1989, la SAS TASSINARI et CHATEL embauchait Stéphanie Y..., devenue épouse X..., en tant qu'assistante à la direction technique sur le site de Fontaines-sur-Saône (Rhône) ; A la suite de l'entrée de la SAS TASSINARI et CHATEL dans le groupe LELIEVRE en 1998 Stéphanie Y... épouse X... se voyait le 1er février 1999 promue cadre selon la convention collective de l'industrie textile ; Son poste figurait parmi les moins nombreux du groupe, qui employait une centaine de personnes ; A compter du milieu des années 2000, l'industrie textile française se voyait fortement concurrencer par celle de pays émergents dont les coûts de production sont moindres ;
Cette concurrence touchait aussi le secteur des tissus haut de gamme ; Ainsi la SAS TASSINARI et CHATEL et l'ensemble du groupe LELIEVRE connaissaient en 2007 et 2008 une baisse des commandes et du chiffres d'affaires ; que celle-ci était de l'ordre de 50 % par rapport aux années antérieures ; La SAS TASSINARI et CHATEL prenait le 1er janvier 2009 en location-gérance le fonds de la société QUENIN situé à Panissières (Loire) ; cette opération avait lieu en vue de la fusion-acquisition de la société QUENIN par la SAS TASSINARI et CHATEL, laquelle se réalisait le 30 juin 2009 ;
La réunion de ces deux entités entraînait la fermeture de l'atelier de Fontaines-sur-Saône et le regroupement des activités de tissage mécanique et d'administration à Panissières ; que seules restaient sur le premier site les activités annexes du bureau de style et du tissage à bras ; Il s'agissait de décisions de gestion relevant d'une stratégie industrielle et échappant au contrôle du juge prud'homal ; La cause économique invoquée par la SAS TASSINARI et CHATEL est ainsi avérée ;
Dans ces conditions, la suppression du poste de cadre administratif occupé à Fontaines-sur-Saône par Stéphanie Y... épouse X... se justifiait ; il faisait partie d'une série de 13 licenciements ; Aucun poste équivalent au sien n'existait à Panissières ; Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 avril 2009, la SAS TASSINARI et CHATEL proposait à Stéphanie Y... épouse X... une modification du contrat de travail consistant en son transfert sur le site de Panissières à un poste administratifs avec déclassement en ETAM ; le travail de la salariée aurait consisté à suivre les approvisionnements en matières premières, les fournisseurs et les sous-traitants ; Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 mai 2009, Stéphanie Y... épouse X... refusait cette proposition ; La SAS TASSINARI et CHATEL interrogeait parallèlement en avril 2009 les sociétés LELIEVRE et EURINTEX sur des possibilités de reclassement en leurs seins ; Ces deux sociétés, qui avaient dû aussi procéder à des licenciements, répondaient négativement ;
Quelques embauches avaient eu lieu sur des postes commerciaux qui ne correspondaient pas à la qualification de Stéphanie Y... épouse X... ; La SAS TASSINARI et CHATEL respectait ainsi son obligation de reclassement ; Le licenciement repose dès lors sur un motif économique réel et sérieux, ce qui rend Stéphanie Y... épouse X... mal fondée en sa demande » ; 1/ Alors que la Cour d'appel, qui s'est bornée au titre de sa motivation, pour décider que l'existence de la cause économique du licenciement est démontrée, à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel de l'employeur, ayant ainsi statué par une apparence de motivation faisant objectivement peser un doute sur son impartialité, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ; 2/ Alors, d'autre part, qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement invoqués par l'employeur ; qu'en affirmant en l'espèce que la réunion des deux sites de production avec le regroupement des activités de tissage mécanique et d'administration à Panissières et la fermeture de l'atelier de Fontaines-sur-Saône constituent des décisions de gestion relevant d'une stratégie industrielle et échappant au contrôle du juge prud'homal, sans aucunement vérifier le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, la Cour d'appel a excédé négativement ses pouvoirs en violation de l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1233-3 du même code ;
3/ Alors, en tout état de cause, qu'il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en décidant en l'espèce que le licenciement de la salariée est fondé sur un motif économique, après s'être bornée à relever une baisse des commandes et du chiffres d'affaires de la société employeur et du groupe auquel elle appartient, pourtant insuffisante à caractériser l'existence de difficultés économiques, ou à démontrer que la restructuration de l'entreprise était nécessaire à assurer la sauvegarde de sa compétitivité, et sans expliquer en quoi ces dernières, à les supposer établies, auraient justifié la modification du contrat de travail de l'intéressée, puis la suppression de son poste de travail, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ; 4/ Alors, en outre et subsidiairement, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure après avoir réalisé tous les efforts de formation et d'adaptation nécessaires ; qu'en décidant que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, tout en constatant que des postes disponibles n'avaient pas été proposés à la salariée et sans vérifier si l'employeur n'aurait pas pu assurer à celle-ci une formation lui permettant d'y accéder, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ; 5/ Alors, au surplus, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure ; qu'après avoir constaté l'existence de postes disponibles au sein de la société employeur et du groupe auquel elle appartient, pourvus par recrutement extérieur, la Cour d'appel a considéré, pour décider que l'employeur a exécuté son obligation de reclassement, que ces postes disponibles ne correspondent pas aux qualifications de la salariée, sans toutefois préciser sur quels éléments elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.