LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 décembre 2012), que M. X...a été victime, le 8 septembre 2007, d'un accident alors qu'il participait à une compétition de karting organisée par son employeur sur une piste appartenant à la société SMF kart (SMF), assurée auprès de la société Covea risks ; qu'il a assigné cette société et son assureur en responsabilité et en indemnisation de ses préjudices ; Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir engager la responsabilité de la société SMF en raison du dysfonctionnement du kart qu'il utilisait au moment de l'accident et à voir celle-ci condamner à lui verser une provision de 20 000 euros à valoir sur son préjudice et de sa demande d'expertise médicale, alors, selon le moyen, que le principe d'égalité des armes implique que chaque partie puisse présenter raisonnablement sa cause dans des conditions qui ne la place pas en net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en écartant les conclusions techniques de l'expert judiciaire pour la seule raison qu'elles sont tirées de l'examen d'autres karts que celui à l'origine de l'accident, après avoir constaté qu'aucun examen du kart litigieux n'avait pu être réalisé, le mécanicien de la société SMF kart l'ayant rapidement démonté après les faits, la cour d'appel, qui n'a pas permis à M. X...de présenter équitablement sa cause face à l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, en raison d'une action de son adversaire, d'établir la preuve de sa prétention, a méconnu les exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; Mais attendu que l'arrêt retient, s'agissant de la défaillance du kart utilisé par M. X..., que comme l'a relevé à juste titre le premier juge, aucune preuve d'une quelconque défaillance des systèmes d'accélération et de freinage indépendante du comportement du conducteur n'est rapportée et n'aurait pu en tout état de cause être rapportée dans la mesure où l'expert a relevé lui-même que le type de montage de la commande d'accélérateur pouvait certes provoquer des blocages ponctuels de la commande d'accélération, qui pouvaient également se débloquer d'une façon tout aussi aléatoire au gré d'une vibration, secousse ou autres ; qu'ainsi, même à supposer la mise en oeuvre de mesures conservatoires, qui n'a jamais été sollicitée par M. X..., l'expert aurait été dans l'incapacité de se prononcer sur l'état du kart litigieux et sur l'existence ou non de défaillances du système d'accélération ; qu'en outre, les constatations de l'expert, effectuées vingt mois après les faits sur des engins immobilisés depuis plusieurs mois, doivent être relativisées dès lors que les dysfonctionnements constatés sont susceptibles de provenir de l'état de vétusté et d'usure des engins examinés comme de leurs conditions de stationnement ; Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'a pas écarté les conclusions techniques de l'expert judiciaire au seul motif qu'elles seraient tirées de l'examen d'autres karts que celui se trouvant à l'origine de l'accident, ni constaté que le mécanicien de SMF l'avait rapidement démonté après les faits, a pu, au terme d'un débat respectant le principe de l'égalité des armes, statuer comme elle l'a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen : Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir engager la responsabilité de la société SMF en raison de l'insuffisance des mesures de protection prises pour assurer la sécurité des utilisateurs du circuit et à voir celle-ci condamner à lui verser une provision de 20 000 euros à valoir sur son préjudice et de sa demande d'expertise médicale, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un tiers peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce dernier lui a causé un dommage ; que l'exploitant d'un circuit de karting est tenu d'assurer la sécurité de ses utilisateurs ; qu'en se bornant à relever que seuls les dispositifs à air gonflable doivent être fixés de manière à empêcher qu'un kart puisse passer en-dessous de ce dispositif, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les protections souples installées au pied du mât métallique d'éclairage n'étaient pas, en raison de leur mauvaise fixation, inopérantes à assurer efficacement la sécurité des utilisateurs du circuit, ce dont il aurait résulté que la responsabilité de la société SMF aurait dû être engagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 2°/ qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si l'emplacement du mât métallique d'éclairage en fin de ligne droite n'était pas dangereux pour les utilisateurs du circuit, ce qui était de nature à engager la responsabilité de la société SMF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; Mais attendu que l'arrêt retient, au sujet des manquements imputés à la société SMF au titre des mesures de protection et de sécurité, qu'il convient de relever, s'agissant des bacs à graviers, que l'expert ne pouvait soutenir qu'ils n'avaient pas joué leur rôle et qu'ils contrevenaient aux dispositions de l'article 2. 12 de l'arrêté du 7 août 2006 dans la mesure où la vitesse du kart lors du choc était inconnue ; que par ailleurs, aucune explication n'a pu être recueillie sur le fait que M. X...soit allé percuter le mât d'éclairage et n'ait pas tenté une manoeuvre pour provoquer l'immobilisation du kart en se dirigeant vers les espaces libres autour de ce mât, sur lesquels se trouvaient des filets de protection ; que dès lors, en l'absence de preuve d'une ou de plusieurs fautes imputables à la société SMF et ayant contribué à la réalisation de son dommage, c'est à juste titre que le premier juge a débouté M. X...de ses demandes, les conditions posées par l'article 1382 du code civil n'étant pas réunies en l'espèce ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; Et attendu que les autres branches du premier moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X...aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X...de ses demandes tendant à voir engager la responsabilité de la société SMF KART en raison du dysfonctionnement du kart qu'il utilisait au moment de l'accident et à voir celle-ci condamner à lui verser une provision de 20. 000 euros à valoir sur son préjudice et de sa demande d'expertise médicale, AUX MOTIFS PROPRES QUE« Aucune preuve d'une quelconque défaillance des systèmes d'accélération et de freinage indépendante du comportement du conducteur n'est rapportée et n'aurait pu en tout état de cause être rapportée dans la mesure où l'expert a relevé lui-même que le type de montage de la commande d'accélérateur pouvait certes provoquer des blocages ponctuels de la commande d'accélération, qui pouvait également se débloquer d'une façon tout aussi aléatoire au gré d'une vibration, secousse ou autre : ainsi, même à supposer la mise en oeuvre de mesures conservatoires, laquelle mise en oeuvre n'avait jamais été sollicitée par Monsieur X..., l'expert aurait été dans l'incapacité de se prononcer sur l'état du kart litigieux ; que sur les constatations de l'expert, effectuées 20 mois après les faits sur des engins immobilisés depuis plusieurs mois, doivent être relativisées dès lors que les dysfonctionnements constatés sont susceptibles de provenir de l'état de vétusté et d'usure des engins examinés comme de leurs conditions de stationnement ; en revanche, il résulte du rapport établi par Monsieur A..., qui a été contradictoirement débattu, que la cause de l'accident réside dans l'utilisation simultanée par Monsieur X...des commandes de freins et d'accélérateur, et ce au mépris des consignes de sécurité qui avaient été précédemment données, cette cause étant de même reprise par l'expert judiciaire au sein de son rapport, lequel a relevé que les freins de l'engin ont été sollicités de façon anormale d'où leur inefficacité ; dès lors, aucune preuve d'un dysfonctionnement de l'engin, indépendant du comportement de son utilisateur, n'est rapportée en l'espèce et ce d'autant qu'aucune précision n'a pu être apportée sur la vitesse à laquelle circulait Monsieur X...avant la survenance des dysfonctionnement allégués mais dont la preuve n'est pas rapportée avec une certitude suffisante » ; Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Tous les éléments du dossier, expertise judiciaire incluse, convergent à retenir que M. X...Jean-Jacques (qui l'a lui-même reconnu à l'occasion de l'une de ses déclarations), a fait une utilisation anormale des freins, ayant généré leur inefficacité pour cause de surchauffe ; que s'agissant du blocage de l'accélérateur, il est invoqué dès l'origine, et dès les suites immédiates du sinistre, par M. X...Jean-Jacques ; que le véhicule litigieux n'a pas été expertisé, ni à l'occasion de l'expertise amiable, qui s'est déroulée 3 mois après le sinistre, ni à l'occasion de l'expertise judiciaire, postérieure de plus de 20 mois au sinistre ; qu'en effet, l'expert amiable s'en est remis au témoignage de M. B..., mécanicien et préposé de l'exploitant du circuit, qui déclare que M. X...(auquel il est allé porter secours), ayant immédiatement déclaré que l'accélérateur était resté bloqué, lui-même a aussitôt vérifié, et a constaté qu'il n'y avait aucune défaillance à ce niveau, ce qu'il a fait remarquer à M. X..., ainsi qu'aux autres compétiteurs qui s'étaient arrêtés et dont il ignore les noms (M. SENEGAS le confirmera) ; qu'en tout état de cause, l'expert amiable n'aurait pu investiguer, dès lors que M. B..., mécanicien préposé de l'exploitant du circuit, indique qu'il avait, par la suite, démonté le mécanisme de ce kart dont le châssis était endommagé, et l'avait réutilisé sur un autre engin, sans remarquer aucune anomalie ; qu'au contraire de ces éléments, l'expert judiciaire, (pages 17 à 19 de son rapport), au vu de constatations effectuées sur des karts similaires, retirés du circuit depuis plusieurs mois, et stockés sur le site, (dont il donne le détail page 17 et 18), est d'avis que une défaillance mécanique sur le karting ne peut être exclue ; que l'avis de l'expert, est à relativiser, dès lors qu'il repose sur des constatations effectuées sur d'autres véhicules que le véhicule litigieux, plus de 20 mois après le sinistre, et alors même que ces véhicules n'étaient plus utilisés, et que les constatations qui sous-tendent cet avis sont essentiellement des constatations relatives à l'usure, et au défaut d'entretien, compatibles avec le délai écoulé, et les conditions dans lesquelles les véhicules examinés étaient entreposés (sur un parking à côté de l'atelier de maintenance) ; Ces éléments ne permettent pas au tribunal de retenir de façon certaine, la défaillance technique invoquée par le demandeur en relation avec la survenance du dommage dont il demande réparation » ;
ALORS, de première part, QUE le principe d'égalité des armes implique que chaque partie puisse présenter raisonnablement sa cause dans des conditions qui ne la place pas en net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en écartant les conclusions techniques de l'expert judiciaire pour la seule raison qu'elles sont tirées de l'examen d'autres karts que celui à l'origine de l'accident, après avoir constaté qu'aucun examen du kart litigieux n'avait pu être réalisé, le mécanicien de la société SMF KART l'ayant rapidement démonté après les faits, la Cour d'appel, qui n'a pas permis à Monsieur X...de présenter équitablement sa cause face à l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, en raison d'une action de son adversaire, d'établir la preuve de sa prétention, a méconnu les exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; ALORS, de deuxième part, QU'en retenant que même à supposer la mise en oeuvre de mesures conservatoires, l'expert aurait été dans l'incapacité de se prononcer sur l'état du kart litigieux, la Cour d'appel a statué par des motifs purement hypothétique ; ALORS, de troisième part, QU'en retenant que l'expert judiciaire aurait constaté que l'accident trouverait sa cause dans l'emploi simultané des freins et de l'accélérateur, quand au contraire, le rapport d'expertise relevait que la surchauffe des freins avait été provoquée par « le blocage de la commande d'accélérateur » et en concluait que « si la commande d'accélération avait normalement fonctionné sur cette la ligne droite, même avec des freins peu efficaces (du fait d'une surchauffe), le karting aurait dû ralentir de lui-même en roulant sur le sol irrégulier et herbeux de l'accotement, lui permettant ainsi de perdre sur cette distance l'essentiel de sa vitesse » (Rapport, p. 19), la Cour d'appel l'a dénaturé par omission, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
ALORS, de quatrième part, QUE si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à une discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant sur le seul rapport d'expertise amiable, contradictoirement débattu, sans que ce dernier ne soit corroboré par aucun autre élément, le rapport d'expertise judiciaire ayant été dénaturé, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du Code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; ALORS, de cinquième part, QUE nul ne peut se constituer un titre à lui-même ; qu'en se retranchant derrière les déclarations du mécanicien préposé de la société SMF KART pour retenir que l'engin ne présentait aucune anomalie, la Cour d'appel a violé l'article 9 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à voir engager la responsabilité de la société SMF KART en raison de l'insuffisance des mesures de protection prises pour assurer la sécurité des utilisateurs du circuit et à voir celle-ci condamner à lui verser une provision de 20. 000 euros à valoir sur son préjudice et de sa demande d'expertise médicale ; AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE « L'expert judiciaire, Monsieur Y..., ne peut retenir que la protection posée par la SARL SMF KART au pied du mât d'éclairage contre lequel le kart de Monsieur X... est venu terminer sa course ne répondait pas aux dispositions légales en la matière dans la mesure où la fixation n'était pas de nature à empêcher le passage d'un kart sous le dispositif mis en place : en effet, ces dispositions ne visent que les protections à dispositif à air gonflable, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; par ailleurs, s'agissant des bacs à graviers, l'expert ne pouvait soutenir qu'ils n'avaient pas joué leur rôle et qu'ils contrevenaient aux dispositions de l'article 2. 12 de l'arrêté du 7/ 8/ 2006 dans la mesure où la vitesse du kart lors du choc était inconnue ; enfin, aucune explication n'a pu être recueillie sur le fait que Monsieur X... soit allé percuter le mat d'éclairage et n'ai pas tenté une manoeuvre pour tenter de provoquer l'immobilisation du kart en cause en se dirigeant vers les espaces libres autour de ce mât, sur lesquels se trouvaient des filets de protection » ; ALORS, d'une part, QU'un tiers peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce dernier lui a causé un dommage ; que l'exploitant d'un circuit de karting est tenu d'assurer la sécurité de ses utilisateurs ; qu'en se bornant à relever que seuls les dispositifs à air gonflable doivent être fixés de manière à empêcher qu'un kart puisse passer en dessous de ce dispositif, sans rechercher, comme elle y était invitée (Conclusions, p. 14), si les protections souples installées au pied du mât métallique d'éclairage n'étaient pas, en raison de leur mauvaise fixation, inopérantes à assurer efficacement la sécurité des utilisateurs du circuit, ce dont il aurait résulté que la responsabilité de la société SMF KART aurait dû être engagée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; ALORS, d'autre part, QU'en ne recherchant pas comme elle y était invitée (Conclusions, p. 14), si l'emplacement du mat métallique d'éclairage en fin de ligne droite n'était pas dangereux pour les utilisateurs du circuit, ce qui était de nature à engager la responsabilité de la société SMF KART, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.