LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un arrêt irrévocable du 30 mars 2010 a prononcé le divorce des époux Jean-Marc X... et Danielle Y... aux torts de l'épouse et débouté celle-ci de sa demande de prestation compensatoire ; qu'invoquant la fraude commise par son ex-époux, Mme Y... a formé un recours en révision ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer une prestation compensatoire, l'arrêt retient que la rupture du mariage crée une disparité dans les situations respectives des parties ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X..., qui prétendait qu'en application de l'article 270, alinéa 3, du code civil, les circonstances particulières de la rupture justifiaient le non-paiement d'une prestation compensatoire à son épouse aux torts exclusifs de laquelle le divorce était prononcé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les trois premières branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à verser à Mme Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 40 000 euros, l'arrêt rendu le 25 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR accueilli le recours en révision formé par madame Y... contre l'arrêt rendu le 30 mars 2010, rétracté de cet arrêt les dispositions par lesquelles il avait été dit n'y avoir lieu à prestation compensatoire à la charge de monsieur X... au profit de madame Y... et condamné monsieur X... à verser à madame Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 40.000 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE la Sarl Nouvelle d'Exploitation X..., ayant pour objet notamment les travaux publics, avait été constituée entre Yvonne Z..., mère de Jean-Marc X... et Sabine X..., fille de Jean-Marc X... le 10 septembre 2003, chacune des associées étant titulaire de 50 des 100 parts créées ; que cette personne morale, à l'évidence, avait poursuivi les mêmes activités que la Sarl d'Exploitation X..., liquidée judiciairement le 1er septembre 2003, étant précisé que la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif était intervenue le 27 novembre 2006 ; que le gérant choisi pour diriger cette société nouvelle avait été pris en dehors des deux associées précitées puisque Jean-Marc X... avait été désigné pour exercer ces fonctions ; qu'au surplus, le siège social de la personne morale avait été fixé au domicile de ce dernier ; que les associées n'avaient jamais voté la moindre distribution de dividendes à l'issue des exercices successifs de 2006 à 2009 mais avaient au contraire systématiquement affecté les bénéfices réalisés au compte « réserves ordinaires » ; que cette dotation avait fini par atteindre la somme de 200.000 ¿ ; que ce comportement sur une telle période et pour un tel montant était d'autant plus anormal, d'un point de vue social, qu'il n'était explicité par rien, les documents sociaux ne faisant état d'aucun projet de développement ou d'investissement ; que le 28 février 2010 étaient intervenues un certain nombre de donations manuelles aux termes desquelles Yvonne Z... avait donné à son fils Jean-Marc X... la pleine propriété de 32 parts sociales de la Sarl et 32 autres à son petit-fils Bastien, Sabine X... avait donné à son père Jean-Marc X... la pleine propriété de ses 50 parts sociales et Jean-Marc X... avait donné à son fils Bastien la pleine propriété des parts reçues le même jour de sa mère ; que dans le rapport de gestion de la gérance dressé en prévision de l'assemblée générale ordinaire du 20 avril 2011 relative à l'exercice clos le 31 décembre 2010, il avait été constaté l'existence d'un bénéfice net de 54.467 ¿ et décidé de sa distribution à titre de dividendes à hauteur de 50.000 ¿ ; que ces éléments ainsi que ceux dont l'énumération suivait, démontraient l'existence d'une véritable fraude de la part de l'intimé : la société avait été créée avant que Jean-Marc X... ne prenne l'initiative d'introduire la procédure en divorce, cette personne morale avait été dirigée par Jean-Marc X..., désigné en qualité de gérant non associé, moyennant un salaire pratiquement constant de l'ordre de 1.250 ¿ par mois, en dépit des profits dégagés, les documents sociaux et bilans n'avaient fait l'objet d'aucune publicité au registre du commerce et des sociétés entre la création de cette société à la mi-2003 et le mois de décembre 2010, ce qui avait eu pour effet de camoufler tant l'existence des bénéfices constamment réalisés année après année que leur mise en réserve systématique, les bénéfices dégagés, non négligeables pour s'être finalement élevés à 200.000 ¿, n'avaient fait l'objet d'aucune distribution au fil des ans et étaient venus doter le compte « réserves libres » sans que cette mise en réserve ne soit explicitée dans les documents sociaux et encore moins justifiée de manière cohérente par un besoin d'autofinancement sous-jacent à quelque projet de développement ou d'investissement, ce procédé utilisé durant plusieurs années signait la volonté, d'une part, de ne pas allouer ces profits aux associés en place à l'époque, d'autre part, de créer un décalage permettant d'attendre que les conditions soient réunies pour que l'intimé puisse figurer parmi les associés, ce n'était qu'une fois la demande de prestation compensatoire adverse définitivement écartée que l'intimé avait très rapidement été investi de la qualité d'associé et que les bénéfices en question, méthodiquement affectés au compte « réserves libres », avaient été, soit mis en distribution sous forme de dividendes, soit incorporés au capital social, l'un des dons manuels avait été consenti par la file (30 ans) à son père (58 ans), ce que rien, certes, n'interdisait, mais qui, dans ce contexte, constituait tout de même une curiosité, et ces donations, réalisées à une époque où les donatrices ne pouvaient ignorer que l'exercice en cours serait bénéficiaire, avaient immanquablement fait perdre à ces dernières tout droit sur les sommes distribuables et distribuées ; qu'en effet, le droit aux dividendes n'était acquis qu'après approbation des comptes, laquelle était intervenue postérieurement à ces actes, que Jean-Marc X..., bénéficiaire de ces dons, était donc devenu titulaire des parts transmises, avait ainsi eu droit aux dividendes non échus de l'exercice 2010, c'est-à-dire à ceux non encore mis en distribution au moment du transfert de propriété des valeurs mobilières, ce qui constituait une autre curiosité ; que les conditions du paragraphe premier de l'article 595 du code de procédure civile étaient réunies, pour les raisons suivantes ; que la fraude était antérieure au prononcé de l'arrêt contesté ; qu'elle se caractérisait par la création d'une personne morale grâce à des complicités familiales ; que le montage juridique mis en place était antérieur à l'arrêt du 30 mars 2010 ; qu'il était volontaire ; que quant aux différentes phases décrites plus haut, prises tant individuellement que dans leur ensemble, elles présentaient un aspect intentionnel évident dans un but frauduleux ; que certes, le montage social était connu de la cour avant la survenance de cet arrêt mais rien ne permettait au moment de son prononcé de savoir s'il poursuivait un objectif frauduleux et de quelle manière il serait mis en oeuvre ; que ce montage social constituait la manoeuvre, le germe sans lequel la fraude ne pouvait être réalisée ; que c'était en effet lui qui avait permis les décalages dans le temps pour permettre l'arrivée de l'intimé en qualité d'associé une fois tout danger supposé passé et le mettre à même de profiter des bénéfices systématiquement mis sans autre raison en réserve, et qui avait permis de mettre l'intimé en mesure de devenir, sans bourse délier, associé pour moitié de la société et ainsi d'appréhender - à tout le moins - 50 % des bénéfices dotant le compte réserves - incorporé au capital social - et les dividendes relatifs à l'exercice 2010 immédiatement mis en distribution, de dénouer les opérations décrites plus haut ; que la fraude se confirmait encore par l'absence de toute publicité au registre du commerce et des sociétés, entre 2003 et 2010, afin d'éviter de faire connaître les résultats favorables de la Sarl d'Exploitation X... et la dotation systématique de tous les bénéfices au compte réserve ; que ce n'était qu'une fois l'arrêt du 30 mars 2010 devenu définitif que Danielle Y... avait été en situation de découvrir la cause de la révision, cause qui se situait antérieurement au prononcé de cette décision, mais qui s'éclairait par la survenance d'évènements qui lui étaient postérieurs ; que ces éléments s'étaient révélés ultérieurement au prononcé de l'arrêt précité surpris par la fraude de la partie au profit de laquelle il avait été rendu ; qu'il ne pouvait être sérieusement contesté que la tromperie mise en oeuvre avait vicié l'arrêt en cause et en avait déterminé le sens ; qu'il suffisait pour s'en convaincre d'en lire les attendus ; que les manoeuvres sciemment diligentées par Jean-Marc X... avaient réellement exercé un rôle en sa faveur : que s'il avait été dit n'y avoir lieu à prestation compensatoire, c'était à la suite d'une analyse faussée par sa tromperie, d'une part de sa situation financière et patrimoniale, d'autre part de ses droits prévisibles au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article 271 du code civil ; que l'intimé avait en effet bénéficié gracieusement de la moitié des parts de la Sarl Nouvelle d'Exploitation X..., de droits sur le bénéfices mis en réserve, de droits sur les bénéfices courants - s'agissant de ceux de l'exercice 2010 - et de la plus-value sur les parts reçues grâce à l'incorporation de réserves dans le capital social ; qu'il était irréaliste de soutenir que tout cela n'avait pas entraîné une modification favorable de sa situation (arrêt, pp. 7 à 9) ;
ALORS QU'en retenant l'existence d'une fraude prétendument commise par monsieur X... qui, selon les propres termes de l'arrêt, ne pouvait avoir été réalisée qu'au moyen d'une complicité familiale continue sur plusieurs années, sans qu'ait été constatée la moindre circonstance établissant la participation à la fraude des prétendus « complices », membres de la famille de l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 595 du code de procédure civile ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en ne caractérisant pas non plus une quelconque simulation ou fictivité de la personne morale sous le couvert de laquelle aurait été commise la prétendue fraude imputée à monsieur X..., la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR accueilli le recours en révision formé par madame Y... contre l'arrêt rendu le 30 mars 2010, rétracté de cet arrêt les dispositions par lesquelles il avait été dit n'y avoir lieu à prestation compensatoire à la charge de monsieur X... au profit de madame Y... et condamné monsieur X... à verser à madame Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 40.000 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE le divorce des époux X.../Y... avait été confirmé par arrêt en date du 30 mars 2010 de la cour d'appel de Pau (arrêt, p. 3, in limine), arrêt devenu définitif (arrêt, p. 9, sixième alinéa) ; que dans le rapport de gestion de la gérance de la société Nouvelle d'Exploitation X... dressé en prévision de l'assemblée générale ordinaire du 20 avril 2011 relative à l'exercice clos au 31 décembre 2010, il était constaté l'existence d'un bénéfice net de 54.467 ¿ et décidé de sa distribution à titre de dividendes à hauteur de 50.000 ¿ (arrêt, p. 8, alinéa premier) ; que les revenus et charges des parties avaient été décrits par la cour dans son arrêt du 30 mars 2010 ; qu'il convenait d'y ajouter en intégrant dans les ressources de Jean-Marc X... les données chiffrés qui venaient d'être retenues ; qu'il apparaissait dès lors que la rupture du mariage créait dans les conditions de vie respectives des parties une disparité qui devait être compensée ; qu'il ne pouvait être fait droit à la demande de la requérante tendant au prononcé de la rétractation de l'entier arrêt du 30 mars 2010 ; que la révision ne portait en effet que sur les seuls chefs de la décision pour laquelle elle était justifiée, à moins que d'autres en dépendent, ce qui n'était pas en l'espèce le cas ; que demeurant les éléments retenus plus haut et ceux précédemment considérés par la cour, il convenait d'allouer à Danielle Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 40.000 euros (arrêt, p. 9) ;
ALORS QUE la cour d'appel qui, sur recours en révision, rétracte un précédent arrêt ne peut statuer par voie de référence à la décision rétractée et doit impérativement reprendre, en fait comme en droit, l'examen de l'entier litige ; qu'en s'abstenant de procéder elle-même à l'entier examen en fait et en droit du litige et en se bornant à compléter son précédent arrêt en s'y référant expressément, quand celui-ci, rétracté sur recours en révision, était entièrement anéanti du chef de la prestation compensatoire, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 593 et 601 du code de procédure civile ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en ne procédant à aucune appréciation concrète des critères prévus par la loi pour l'ouverture du droit à prestation compensatoire, savoir les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, et en se bornant à un pur et simple renvoi à ce qui avait été jugé par l'arrêt rétracté, lequel était pourtant impropre à fournir à cet égard une motivation effective puisque la prestation compensatoire demandée par l'épouse avait alors été refusée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'avant approbation des comptes par l'assemblée générale de la société et mise en distribution des bénéfices, le dividende n'a pas d'existence juridique et ne fait pas partie du patrimoine de l'associé ; qu'à supposer même établie une fraude commise par monsieur X..., devant conduire à considérer qu'il aurait toujours été associé de la société Nouvelle d'Exploitation X... à hauteur de 50 % des parts, la constatation de ce que le divorce avait été prononcé le 30 mars 2010 interdisait la prise en considération, à titre d'élément du patrimoine de monsieur X... à retenir pour l'évaluation de la prestation compensatoire, de la part de bénéfice social ultérieurement attribuée à monsieur X..., selon d'autres constatations expresses de l'arrêt, par assemblée générale du 20 avril 2011 au titre de l'exercice social clos le 31 décembre 2010 ; qu'en prenant en considération, dans l'évaluation de la prestation compensatoire, ce revenu qui, ainsi qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt, n'existait pas à la date du divorce, sans caractériser la moindre circonstance de nature à le rendre prévisible à ladite date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'en ne répondant pas aux conclusions (p. 7) par lesquelles monsieur X... s'était prévalu de la règle légale selon laquelle le juge peut refuser d'accorder une prestation compensatoire au regard des circonstances particulières de la rupture et avait fait valoir, à cet égard, que son épouse l'avait abandonné le 7 octobre 2002 pour « vivre libre » avec son amant, situation qui perdurait, qu'il avait dû s'occuper seul de l'avenir de ses enfants, qu'il avait acquitté les dettes communes, qu'à la suite d'un grave accident, il était resté abandonné de sa femme et qu'il serait particulièrement inéquitable de le sanctionner financièrement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.