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14/05/2014 | FRANCE | N°13-11711

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 mai 2014, 13-11711


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2012), que M. X... a assigné à New York son épouse, Mme Y..., en divorce, que cette dernière, déboutée par le juge new-yorkais d'une requête pour interdire à son mari de disposer de divers biens dont notamment l'appartement appartenant à la SCI 59 Invalides dont les parts sont détenues par un trust familial constitué à New York, a saisi un juge aux affaires familiales en France sur le fondement de l'article 220-1 du code civil pour interdire à la SCI

59 Invalides de vendre les lots de copropriété lui appartenant, lui...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2012), que M. X... a assigné à New York son épouse, Mme Y..., en divorce, que cette dernière, déboutée par le juge new-yorkais d'une requête pour interdire à son mari de disposer de divers biens dont notamment l'appartement appartenant à la SCI 59 Invalides dont les parts sont détenues par un trust familial constitué à New York, a saisi un juge aux affaires familiales en France sur le fondement de l'article 220-1 du code civil pour interdire à la SCI 59 Invalides de vendre les lots de copropriété lui appartenant, lui ordonner de continuer à assurer les frais afférents à l'appartement et interdire tout déplacement ou vente de meubles meublant l'appartement ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de refuser de révoquer l'ordonnance de clôture, d'infirmer l'ordonnance du 9 septembre 2011, puis de déclarer irrecevables ses demandes ;
Attendu qu'après avoir constaté qu'il n'était pas justifié par Mme Y... d'une cause grave, la cour d'appel a exactement décidé de ne pas révoquer l'ordonnance de clôture ; que le premier moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'opposer l'autorité de chose jugée attachée à la décision américaine du 13 septembre 2010 et à la décision américaine du 15 mars 2012 qui l'a confirmée, pour déclarer irrecevable ses demandes fondées sur l'article 220-1 du code civil, alors, selon les moyens :
1°/ que, dès lors que le contentieux porte sur le statut des immeubles situés en France, la compétence du juge français même indirecte, est exclusive ; qu'en opposant l'autorité de décisions rendues aux Etats-Unis, quand l'objet du litige concernait au moins pour partie la disposition de biens immobiliers situés en France, les juge du fond ont violé la règle suivant laquelle une décision étrangère ne peut être reconnue, et donc opposée dès lors qu'elle a été rendue en violation d'une compétence indirecte exclusive ;
2°/ que, réserve faite de l'hypothèse où la décision étrangère règle définitivement les rapports patrimoniaux entre les époux, et au titre de la loi de police que constitue l'article 220-1 du code civil, le juge français, appréciant la situation à la date à laquelle il statue, et sans qu'il y ait lieu de s'arrêter à une décision étrangère ayant pu intervenir, peut toujours prescrire les mesures qu'autorise le texte ; qu'en décidant le contraire, motif pris que des décisions avaient été rendues aux Etats-Unis, les juges du fond ont violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article 220-1 du même code ;
3°/ qu'une décision étrangère ne peut faire obstacle à ce que le juge français, sur le fondement de la loi de police que constitue l'article 220-1 du code civil, prenne les mesures nécessaires pour éviter la mise en péril des intérêts de la famille, que pour autant que le juge étranger saisi sur un fondement similaire a statué également sur le point de savoir si, indépendamment des droits des époux, des mesures devaient être prises pour éviter la mise en péril des intérêts de la famille ; que tel n'était le cas, ni de la décision du 13 septembre 2010 dans la mesure où elle se bornait à se prononcer sur la validité du contrat de mariage, les autres demandes étant rejetées par voie de conséquence, ni l'ordonnance du 15 mars 2012 dans la mesure où elle se prononçait sur le droit de propriété, le sort des autres demandes n'étant que la conséquence du parti ainsi adopté ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé les règles gouvernant l'autorité de chose jugée attachée aux décisions étrangères, ainsi que les règles gouvernant l'impossibilité qui en résulte pour le juge français de prendre les mesures visées à l'article 220-1 du code civil ;
4°/ que, dès lors qu'ils accueillent une fin de non-recevoir, pour déclarer la demande irrecevable, les juges constatent, par là même, qu'ils n'ont pas le pouvoir d'en examiner le bien fondé ; qu'ayant estimé que les demandes de Mme Y... étaient irrecevables, à raison de l'autorité attachée aux décisions américaines, il était exclu que les juges du fond puissent s'arroger le pouvoir de se prononcer sur le bien fondé des demandes ; qu'en décidant le contraire, pour déterminer si au fond les conditions de l'article 220-1 du code civil étaient remplies, les juges du fond ont commis un excès de pouvoir ;
5°/ que les manquements invoqués, au regard de l'article 220-1 du code civil, concernaient non pas l'exécution par le mari de son seul devoir de secours, mais les initiatives prises par le mari pour disposer d'un bien, réservé dans le cadre du régime matrimonial adopté par les époux à la seconde épouse ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 220-1 du code civil ;
6°/ qu'appelés à se prononcer sur la mise en péril des intérêts de la famille, les juges du fond se devaient, indépendamment même de la localisation du domicile de l'épouse, se demander si, dans l'organisation de leur régime matrimonial, les époux n'avaient pas réservé à la seconde épouse le bien situé à Paris et si l'initiative prise par le mari n'était pas de nature à tenir en échec cette disposition, l'épouse risquant d'être privée du seul bien appelé à lui revenir ; que faute de s'être prononcés sur ce point, sous l'angle du péril, les juges du fond ont, une fois encore, privé leur décision de base légale au regard de l'article 220-1 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la décision étrangère qui rejette une demande de nullité du contrat de mariage et refuse d'interdire au mari de disposer de divers biens, produit ses effets en France indépendamment de toute déclaration d'exequatur dès lors qu'elle ne doit pas donner lieu à des actes d'exécution forcée en France ; que la cour d'appel a justement décidé, qu'en présence d'une triple identité de parties, d'objet et de cause entre l'instance américaine et l'instance française en ce qui concerne la demande de disposer de l'appartement parisien, il y avait lieu d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée et de déclarer irrecevables les demandes de Mme de Hemricourt de Grunnne ;
Attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que Mme Y... ait soutenu devant la cour d'appel l'existence d'une compétence exclusive du juge français en raison de la situation de biens immobiliers en France ; que la première branche du deuxième moyen est nouvelle, mélangée de fait, et partant, irrecevable ;
Attendu, enfin, que la quatrième branche du deuxième moyen et le troisième moyen, qui critiquent un motif surabondant, sont inopérants ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la SCI 59 Invalides et la somme de 2 500 euros à M. X... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a refusé de révoquer l'ordonnance de clôture, infirmé l'ordonnance du 9 septembre 2011, puis déclaré irrecevables les demandes de Madame Y... ;
AUX MOTIFS QUE « la Sci 59 Invalides a conclu la veille du prononcé de l'ordonnance de clôture et que tant M. X... que Mme Y...ont conclu le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture, il n'est justifié, ni par la Sci 59 Invalides, ni par Mme Y..., d'une cause grave, au sens de l'article 784, alinéa 1, du code de procédure civile, justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, étant relevé qu'aucune partie ne demande à voir écarter des débats des conclusions signifiées ou des pièces communiquées par les autres la veille ou le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture ; qu'il n'y a donc pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ; qu'en conséquence, en application de l'article 783, alinéa 1er du code de procédure civile, il y a lieu de déclarer d'office irrecevables les conclusions signifiées et les pièces communiquées par les parties postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture ; »
ALORS QUE, premièrement, les juges du fond apprécient, certes, souverainement, si la circonstance invoquée caractérise une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture ; qu'une appréciation relevant du pouvoir souverain doit néanmoins être motivée ; qu'au moment où ils examinent la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, les juges du fond doivent, à tout le moins, identifier la circonstance invoquée, fût-ce pour permettre un contrôle quant au point de savoir si les conclusions de la partie qui a sollicité la révocation ont été correctement lues, et s'il a bien été statué sur la circonstance invoquée par cette partie ; qu'en l'espèce, l'arrêt se borne à relever que Mme Y... ne justifie pas « d'une cause grave au sens de l'article 784 alinéa 1er du code de procédure civile, justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture », sans qu'on sache concrètement sur quoi il a été statué ni qu'on puisse vérifier si les juges du fond se sont bien déterminés au vu des éléments invoqués ; que l'arrêt attaqué souffre d'un défaut de base légale au regard des articles 784 et 907 du code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, examinant au fond les conditions d'application de l'article 220-1 alinéa 1er du code civil, les juges du second degré ont opposé que si Mme Y... affirme qu'elle est domiciliée à Paris, définitivement, depuis le mois de mai 2012, cette affirmation n'est corroborée par aucune pièce ; que pour solliciter la révocation de l'ordonnance de clôture, intervenue le 6 novembre 2012, Mme Y... a fait état d'un jugement du tribunal de New York, en date du 8 novembre 2012, porté à la connaissance de Mme Y... le 16 novembre 2012, dont il résulte que le juge américain a pris acte de la résidence de l'intéressée au 59 boulevard des Invalides à Paris, et fixé en conséquence le montant de la prestation compensatoire ; qu'un jugement peut être invoqué comme élément de preuve et que les juges du fond ont alors l'obligation de s'expliquer sur cet élément de preuve ; qu'en s'abstenant, par suite, de rechercher si l'intervention du jugement américain du 6 novembre 2012, relatif à un point qui, selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, était au centre des débats au regard de l'article 220-1 du code civil, n'était pas de nature à prouver la domiciliation de Mme Y... au 59 boulevard des Invalides à Paris, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 784 et 907 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a opposé l'autorité de chose jugée attachée à la décision américaine du 13 septembre 2010 et à la décision américaine du 15 mars 2012 qui l'a confirmée, pour déclarer irrecevable les demandes de Mme Y... fondées sur l'article 220-1 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE « la reconnaissance d'un jugement étranger suppose la réunion de trois conditions, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l'absence de fraude à la loi ; qu'en l'espèce, s'agissant d'une procédure de divorce intentée aux Etats-Unis par M. X..., citoyen de nationalité américaine, à l'encontre de Mme Y..., citoyenne de nationalité française et ayant acquis la nationalité américaine (à une date dont il n'a pas été justifié), les époux étant tous deux domiciliés à New-York, il y a lieu de considérer que le litige se rattachait de manière caractérisée aux Etats-Unis d'Amérique, dont la juridiction de l'Etat de New York a été saisie ; qu'il apparaît que la décision rendue le 13 septembre 2010 et confirmée en appel le 15 mars 2012 est conforme à l'ordre public international de fond et de procédure et n'a pas été rendue en fraude à la loi ; qu'en conséquence, rien, et d'ailleurs aucune des parties, ne s'oppose à la reconnaissance de cette décision ; qu'au terme de son ordonnance du 13 septembre 2010, dont la traduction libre produite n'a pas été contestée, Mme A..., juge à la cour suprême de l'Etat de New York, a conclu que Mme Y...n'était pas " parvenue à démontrer que le contrat de mariage français pouvait être invalidé ", de sorte que les requêtes présentées par celle-ci aux fins, d'une part, de voir interdire à M. X... de disposer d'un ensemble de biens comprenant notamment l'appartement parisien, d'autre part, de voir prononcer la nullité du contrat de mariage, étaient " rejetées " ; qu'au terme de son ordonnance du 15 mars 2012, dont, ici encore, la traduction libre produite n'a pas été contestée, la division d'appel, première section, de la cour suprême de l'Etat de New York a jugé qu'" il n'y avait aucune raison de restreindre les biens en question dans la mesure où Mme Y...n'était pas parvenue à prouver qu'ils ne sont pas possédés séparément par M. X.... en application des termes du contrat de mariage " ; qu'il existe ainsi une même triple identité de parties, d'objet et de cause entre l'instance américaine et l'instance française en ce qui concerne la demande d'interdiction de disposer de l'appartement parisien, qu'il y a donc lieu d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée et, infirmant l'ordonnance déférée, de déclarer irrecevables les demandes de Mme Y...; qu'au demeurant, si, selon l'article 220-1, alinéa 1er du code civil, lorsque l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts, force est de constater qu'en l'espèce, en l'état des pièces produites, Mme Y...ne démontre ni que M. X... a manqué gravement à ses devoirs à son égard, alors que celui-ci justifie subvenir encore largement aux besoins de son épouse, ni que M. X... met en péril les intérêts de la famille, alors qu'il résulte des pièces produites, d'une part, que, par ordonnance du 7 juin 2012, traduite par une traductrice agréée auprès du consulat de France à New York, Mme Barbara B..., juge à la cour suprême de l'Etat de New York, a confié la " garde permanente et légale " de Paul à son père, d'autre part, qu'il apparaît que l'appartement parisien constitue, non pas le domicile de Mme Y..., mais tout au plus un lieu de résidence passager, l'affirmation selon laquelle celle-ci s'y est établie " définitivement en mai 2012 " n'étant corroborée par aucune pièce » ;
ALORS QUE, premièrement, dès lors que le contentieux porte sur le statut des immeubles situés en France, la compétence du juge français même indirecte, est exclusive ; qu'en opposant l'autorité de décisions rendues aux Etats-Unis, quand l'objet du litige concernait au moins pour partie la disposition de biens immobiliers situés en France, les juge du fond ont violé la règle suivant laquelle une décision étrangère ne peut être reconnue, et donc opposée dès lors qu'elle a été rendue en violation d'une compétence indirecte exclusive ;
ALORS QUE, deuxièmement, réserve faite de l'hypothèse où la décision étrangère règle définitivement les rapports patrimoniaux entre les époux, et au titre de la loi de police que constitue l'article 220-1 du code civil, le juge français, appréciant la situation à la date à laquelle il statue, et sans qu'il y ait lieu de s'arrêter à une décision étrangère ayant pu intervenir, peut toujours prescrire les mesures qu'autorise le texte ; qu'en décidant le contraire, motif pris que des décisions avaient été rendues aux Etats-Unis, les juges du fond ont violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article 220-1 du même code ;
ALORS QUE, troisièmement, une décision étrangère ne peut faire obstacle à ce que le juge français, sur le fondement de la loi de police que constitue l'article 220-1 du code civil, prenne les mesures nécessaires pour éviter la mise en péril des intérêts de la famille, que pour autant que le juge étranger saisi sur un fondement similaire a statué également sur le point de savoir si, indépendamment des droits des époux, des mesures devaient être prises pour éviter la mise en péril des intérêts de la famille ; que tel n'était le cas, ni de la décision du 13 septembre 2010 dans la mesure où elle se bornait à se prononcer sur la validité du contrat de mariage, les autres demandes étant rejetées par voie de conséquence, ni l'ordonnance du 15 mars 2012 dans la mesure où elle se prononçait sur le droit de propriété, le sort des autres demandes n'étant que la conséquence du parti ainsi adopté ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé les règles gouvernant l'autorité de chose jugée attachée aux décisions étrangères, ainsi que les règles gouvernant l'impossibilité qui en résulte pour le juge français de prendre les mesures visées à l'article 220-1 du code civil ;
ALORS QUE, quatrièmement, dès lors qu'ils accueillent une fin de non recevoir, pour déclarer la demande irrecevable, les juges constatent, par la même, qu'ils n'ont pas le pouvoir d'en examiner le bien fondé ; qu'ayant estimé que les demandes de Mme Y... étaient irrecevables, à raison de l'autorité attachée aux décisions américaines, il était exclu que les juges du fond puissent s'arroger le pouvoir de se prononcer sur le bien fondé des demandes ; qu'en décidant le contraire, pour déterminer si au fond les conditions de l'article 220-1 du code civil étaient remplies, les juges du fond ont commis un excès de pouvoir.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a opposé l'autorité de chose jugée attachée à la décision américaine du 13 septembre 2010 et à la décision américaine du 15 mars 2012 qui l'a confirmée, pour déclarer irrecevable les demandes de Mme Y... fondées sur l'article 220-1 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE « la reconnaissance d'un jugement étranger suppose la réunion de trois conditions, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l'absence de fraude à la loi ; qu'en l'espèce, s'agissant d'une procédure de divorce intentée aux Etats-Unis par M. X..., citoyen de nationalité américaine, à l'encontre de Mme Y..., citoyenne de nationalité française et ayant acquis la nationalité américaine (à une date dont il n'a pas été justifié), les époux étant tous deux domiciliés à New-York, il y a lieu de considérer que le litige se rattachait de manière caractérisée aux Etats-Unis d'Amérique, dont la juridiction de l'Etat de New York a été saisie ; qu'il apparaît que la décision rendue le 13 septembre 2010 et confirmée en appel le 15 mars 2012 est conforme à l'ordre public international de fond et de procédure et n'a pas été rendue en fraude à la loi ; qu'en conséquence, rien, et d'ailleurs aucune des parties, ne s'oppose à la reconnaissance de cette décision ; qu'au terme de son ordonnance du 13 septembre 2010, dont la traduction libre produite n'a pas été contestée, Mme A..., juge à la cour suprême de l'Etat de New York, a conclu que Mme Y...n'était pas " parvenue à démontrer que le contrat de mariage français pouvait être invalidé ", de sorte que les requêtes présentées par celle-ci aux fins, d'une part, de voir interdire à M. X... de disposer d'un ensemble de biens comprenant notamment l'appartement parisien, d'autre part, de voir prononcer la nullité du contrat de mariage, étaient " rejetées " ; qu'au terme de son ordonnance du 15 mars 2012, dont, ici encore, la traduction libre produite n'a pas été contestée, la division d'appel, première section, de la cour suprême de l'Etat de New York a jugé qu'" il n'y avait aucune raison de restreindre les biens en question dans la mesure où Mme Y...n'était pas parvenue à prouver qu'ils ne sont pas possédés séparément par M. X.... en application des termes du contrat de mariage " ; qu'il existe ainsi une même triple identité de parties, d'objet et de cause entre l'instance américaine et l'instance française en ce qui concerne la demande d'interdiction de disposer de l'appartement parisien, qu'il y a donc lieu d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée et, infirmant l'ordonnance déférée, de déclarer irrecevables les demandes de Mme Y...; qu'au demeurant, si, selon l'article 220-1, alinéa 1er du code civil, lorsque l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts, force est de constater qu'en l'espèce, en l'état des pièces produites, Mme Y...ne démontre ni que M. X... a manqué gravement à ses devoirs à son égard, alors que celui-ci justifie subvenir encore largement aux besoins de son épouse, ni que M. X... met en péril les intérêts de la famille, alors qu'il résulte des pièces produites, d'une part, que, par ordonnance du 7 juin 2012, traduite par une traductrice agréée auprès du consulat de France à New York, Mme Barbara B..., juge à la cour suprême de l'Etat de New York, a confié la " garde permanente et légale " de Paul à son père, d'autre part, qu'il apparaît que l'appartement parisien constitue, non pas le domicile de Mme Y..., mais tout au plus un lieu de résidence passager, l'affirmation selon laquelle celle-ci s'y est établie " définitivement en mai 2012 " n'étant corroborée par aucune pièce » ;
ALORS QUE, premièrement, les manquements invoqués, au regard de l'article 220-1 du code civil, concernaient non pas l'exécution par le mari de son seul devoir de secours, mais les initiatives prises par le mari pour disposer d'un bien, réservé dans le cadre du régime matrimonial adopté par les époux à la seconde épouse ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 220-1 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, appelés à se prononcer sur la mise en péril des intérêts de la famille, les juges du fond se devaient, indépendamment même de la localisation du domicile de l'épouse, se demander si, dans l'organisation de leur régime matrimonial, les époux n'avaient pas réservé à la seconde épouse le bien situé à Paris et si l'initiative prise par le mari n'était pas de nature à tenir en échec cette disposition, l'épouse risquant d'être privée du seul bien appelé à lui revenir ; que faute de s'être prononcée sur ce point, sous l'angle du péril, les juges du fond ont, une fois encore, privé leur décision de base légale au regard de l'article 220-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-11711
Date de la décision : 14/05/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 mai. 2014, pourvoi n°13-11711


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11711
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