LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 février 2012), qu'un juge des tutelles, avisé par un centre communal d'action sociale de l'urgence d'une intervention concernant Mme Frédérica X..., née en 1926, vivant dans un appartement insalubre et isolée, a, par ordonnance du 27 juillet 2005, fait diligenter une expertise psychiatrique, et par ordonnance du 3 août 2005, désigné un mandataire spécial chargé de percevoir ses revenus, de les utiliser pour son entretien et le paiement de ses dettes, de faire fonctionner ses comptes et de recevoir sa correspondance ; qu'à la suite d'une expertise, le juge des tutelles a, par jugement du 29 mars 2006, prononcé la mise sous tutelle de Mme X..., désigné un gérant de tutelle et ordonné l'exécution provisoire de la décision ; que Mme X..., après une hospitalisation en 2006, a été hébergée, à compter du 22 février 2007, en maison de retraite ; que, par deux décisions des 18 juillet 2006 et 14 mars 2007, le juge des tutelles a autorisé le gérant de tutelle, d'abord, à faire débarrasser le domicile insalubre de la majeure protégée pour y faire procéder à des travaux de rénovation nécessaires à un éventuel retour de celle-ci à son domicile, puis à vendre l'appartement ainsi que le mobilier ; que, par jugement du 7 mai 2008, le tribunal de grande instance a ordonné la mainlevée de la mesure de tutelle ; qu'invoquant des fautes de gestion commises par la gérante de tutelle, Mme X... a assigné l'Agent judiciaire du trésor en déclaration de responsabilité et réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement l'ayant déboutée de l'intégralité de sa demande d'indemnisation dirigée contre l'Etat, alors, selon le moyen, que le tuteur ne peut, sans l'accord du majeur protégé, et à défaut, sans autorisation préalable d'un juge, décider contre le gré de la personne protégée, du placement dans une maison de retraite ; qu'en l'espèce, Mme X..., dont la parfaite lucidité a finalement été constatée, entraînant la fin de la mesure de tutelle, a fait valoir qu'elle avait été enfermée contre son gré dans une maison de retraite très isolée, grillagée et au régime très dur, qu'il s'agissait d'un acte attentatoire à sa liberté, équivalent à un internement, lui ayant au moins causé un préjudice moral ; qu'en écartant toute faute de la gérante de tutelle à raison de ce placement en maison de retraite, sans constater ni l'accord de Mme X..., ni son incapacité à exprimer une volonté, ni l'autorisation d'un juge, la cour d'appel a violé les articles 395, alinéa 1, 456 et 473 anciens du code civil, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 66 de la Constitution ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs tant propres qu'adoptés, que l'hébergement en maison de retraite de Mme X... avait été rendu nécessaire pour réhabiliter son appartement devenu insalubre, mais aussi en raison de son état de santé déficient, la cour d'appel a pu en déduire que cet hébergement ne pouvait être considéré comme ayant été contraire à ses intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que Mme X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen,
1°/ que l'autorisation du juge des tutelles n'est pas exclusive de la faute du gérant de tutelle ; qu'en se fondant sur le fait que la gérante de tutelle avait agi dûment autorisée, la cour d'appel a violé l'article 473 ancien du code civil ;
2°/ que le logement de la personne protégée et les meubles meublants dont il est garni doivent être conservés à sa disposition aussi longtemps qu'il est possible, sauf aliénation nécessaire ou conforme à l'intérêt de la personne protégée ; que le seul fait de vouloir éviter des frais de garde meubles ne suffit pas, à défaut du constat que la personne protégée ne disposait pas des fonds nécessaires pour régler ces frais ou d'une impossibilité définitive d'un retour à domicile, à exclure toute faute de la gérante de tutelle ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 473 et 490-2 anciens du code civil ;
3°/ que les souvenirs et autres objets de caractère personnel doivent être gardés à la disposition de la personne protégée ; qu'en énonçant « que rien ne permet de mettre en doute, que la gérante de tutelle avait entreposé dans la cave les meubles de valeur et effets personnels » sans s'expliquer, comme elle y était invitée, offre de preuve à l'appui, sur le fait qu'une partie des objets personnels de Mme X... avait été retrouvée non pas dans la cave, mais aux objets trouvés de la ville de Nice, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 473 et 490-2 anciens du code civil ;
4°/ que dans ses conclusions, Mme X... faisait valoir que la gérante de tutelle avait fait effectuer des travaux de salle de bains coûteux et inadaptés à une personne âgée et handicapée, visiblement dans le but, non de lui permettre de rentrer chez elle, mais de vendre l'appartement ; qu'en se bornant à retenir le caractère justifié, en son principe, de travaux de rénovation de l'appartement en mauvais état, sans examiner si les travaux réalisés dans la salle de bain étaient effectivement conformes à l'intérêt de Mme X... en ce qu'adaptés à son retour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 473 et 450 anciens du code civil ;
5°/ que subit nécessairement un préjudice une personne âgée dont le gérant de tutelle aurait fautivement tenté de vendre le logement alors que, placée contre son gré en maison de retraite, elle souhaitait rentrer chez elle, la vente n'ayant été empêchée que par le jugement ayant mis fin à la tutelle ; qu'en excluant toute preuve d'un préjudice au motif que la mise en vente n'a pas été suivie d'effet, la cour d'appel a violé l'article 473 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs tant propres qu'adoptés, que Mme X... ne démontrait ni que la gérante de tutelle avait mal géré les fonds, ni qu'elle avait jeté des documents importants ou des objets divers, et constaté que celle-ci avait fait réaliser des travaux rendus nécessaires par le très mauvais état et l'insalubrité de l'appartement, tels qu'ils résultaient notamment de constats d'huissier et du rapport du centre communal d'action sociale, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties ni à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la gérante de tutelle ; que le moyen, qui est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait en sa cinquième branche, et mal fondé pour le surplus, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris ayant débouté Mme X... de l'intégralité de sa demande d'indemnisation dirigée contre l'Etat ;
AUX MOTIFS QUE le placement en maison de retraite de Mademoiselle X..., en raison notamment de la nécessité de procéder à la remise en état d'habitabilité de son appartement, mais aussi de son état de santé physique déficient, ne peut être considéré comme ayant été contraire à ses intérêts ;
ET AUX MOTIFS adoptés QU'après diverses hospitalisations et dans l'attente que les travaux de rénovation de son appartement soient terminés, Frédérica X... a, début 2007, dû être admise en maison de retraite à Touët-sur-Var ; qu'il n'apparait pas qu'une solution autre qu'un placement en maison de retraite était alors envisageable, devant d'ailleurs être relevé que dans le courrier précité du 17 janvier 2008 de la gérante de tutelle au juge des tutelles, il est indiqué que le docteur Y..., propre médecin de Frédérica X..., venait de refuser d'établir au profit de celle-ci un "certificat de retour à domicile", ce qui signifie que l'intéressée n'était alors pas médicalement apte à rentrer chez elle ; que ce faisant, ce médecin n'a fait que confirmer ce que d'autres avaient estimé à savoir ... le docteur Z... (médecin au Centre de convalescence de Gorbio) le 29 juin 2006 : « suite à l'inexécution de ceux-ci (les travaux d'aménagement de l'appartement), nous avons proposé à Madame X... un passage en maison de retraite" ; ... le docteur A... (médecin à la "Clinique des Sources" de Nice) le 18 janvier 2007 : « ... Madame X... ... est hospitalisée ... depuis le 6 décembre 2006. Son état de santé est incompatible avec un retour à domicile et nécessite un placement en maison de retraite médicalisée" ; qu'il n'apparaît donc pas que le placement en maison de retraite en cause soit en quoi que ce soit fautif et il en va bien sûr de même des conséquences financières (règlement de la maison de retraite) qui en sont résulté pour Frédérica X... ;
ALORS QUE le tuteur ne peut, sans l'accord du majeur protégé, et à défaut, sans autorisation préalable d'un juge, décider contre le gré de la personne protégée, du placement dans une maison de retraite ; qu'en l'espèce, Mme X..., dont la parfaite lucidité a finalement été constatée, entrainant la fin de la mesure de tutelle, a fait valoir qu'elle avait été enfermée contre son gré dans une maison de retraite très isolée, grillagée et au régime très dur, qu'il s'agissait d'un acte attentatoire à sa liberté, équivalent à un internement, lui ayant au moins causé un préjudice moral ; qu'en écartant toute faute de la gérante de tutelle à raison de ce placement en maison de retraite, sans constater ni l'accord de Mme X..., ni son incapacité à exprimer une volonté, ni l'autorisation d'un juge, la Cour d'appel a violé les articles 395 alinéa 1, 456 et 473 anciens du code civil, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 66 de la Constitution.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris ayant débouté Mme X... de l'intégralité de sa demande d'indemnisation dirigée contre l'Etat ;
AUX MOTIFS propres QUE c'est à bon droit, et par des motifs pertinents que la Cour adopte, que le tribunal a estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la gérante de tutelle, qui a fait réaliser des travaux rendus nécessaires par le très mauvais état et l'insalubrité de l'appartement, tels qu'ils résultaient notamment de la description faite par le psychologue clinicienne du Centre communal d'action sociale ainsi que du constat dressé par huissier de justice le 8 décembre 2005 ; que la preuve n'était pas rapportée que la gérante aurait jeté des papiers importants ou objets divers appartenant à Mademoiselle X..., alors qu'il résulte au contraire d'un courrier adressé le 25 février 2008 au Juge des tutelles par la gérante, que rien ne permet de mettre en doute, que celle-ci avait entreposé dans la cave les meubles de valeur et effets personnels, et fait vendre aux enchères le reste du mobilier afin d'éviter des frais de garde-meubles ; (¿) que, s'agissant de la mise en vente de son appartement, celle-ci n'a pas été suivie d'effet et l'appelante ne démontre aucun préjudice à cet égard ; que c'est dans ces conditions à juste titre que le tribunal dont la décision doit être confirmée, a débouté Mademoiselle X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS adoptés QUE c'est dument autorisée par le juge des tutelles qu'Isabelle B... a fait vidé l'appartement, vendu le mobilier aux enchères publiques et fait réaliser les travaux de rénovation nécessaires ; qu'aucune faute ne peut être reprochée à Isabelle B..., n'étant pas établi que cette gérante de tutelle aurait, au-delà des termes de l'ordonnance du 18 juillet 2006, disposé des objets personnels et autres souvenirs de famille de l'intéressée ; que particulièrement, la preuve n'est pas rapportée que la gérante de tutelle aurait jeté à la poubelle divers papiers importants appartenant à Frédérica X..., voire une bague ou de l'argent ;
1° ALORS QUE l'autorisation du juge des tutelles n'est pas exclusive de la faute du gérant de tutelle ; qu'en se fondant sur le fait que la gérante de tutelle avait agi dûment autorisée, la Cour d'appel a violé l'article 473 ancien du code civil ;
2° ALORS QUE le logement de la personne protégée et les meubles meublants dont il est garni doivent être conservés à sa disposition aussi longtemps qu'il est possible, sauf aliénation nécessaire ou conforme à l'intérêt de la personne protégée ; que le seul fait de vouloir éviter des frais de garde meubles ne suffit pas, à défaut du constat que la personne protégée ne disposait pas des fonds nécessaires pour régler ces frais ou d'une impossibilité définitive d'un retour à domicile, à exclure toute faute de la gérante de tutelle ; que la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 473 et 490-2 anciens du code civil ;
3° ALORS QUE les souvenirs et autres objets de caractère personnel doivent être gardés à la disposition de la personne protégée ; qu'en énonçant « que rien ne permet de mettre en doute, que la gérante de tutelle avait entreposé dans la cave les meubles de valeur et effets personnels » sans s'expliquer, comme elle y était invitée, offre de preuve à l'appui, sur le fait qu'une partie des objets personnels de Mme X... avait été retrouvée non pas dans la cave, mais aux objets trouvés de la ville de Nice, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 473 et 490-2 anciens du code civil ;
4° ALORS QUE dans ses conclusions, Mme X... faisait valoir que la gérante de tutelle avait fait effectuer des travaux de salle de bains coûteux et inadaptés à une personne âgée et handicapée, visiblement dans le but, non de lui permettre de rentrer chez elle, mais de vendre l'appartement ; qu'en se bornant à retenir le caractère justifié, en son principe, de travaux de rénovation de l'appartement en mauvais état, sans examiner si les travaux réalisés dans la salle de bain étaient effectivement conformes à l'intérêt de Mme X... en ce qu'adaptés à son retour, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 473 et 450 anciens du code civil ;
5° ALORS QUE subit nécessairement un préjudice une personne âgée dont le gérant de tutelle aurait fautivement tenté de vendre le logement alors que, placée contre son gré en maison de retraite, elle souhaitait rentrer chez elle, la vente n'ayant été empêchée que par le jugement ayant mis fin à la tutelle ; qu'en excluant toute preuve d'un préjudice au motif que la mise en vente n'a pas été suivie d'effet, la Cour d'appel a violé l'article 473 du code civil.