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13/05/2014 | FRANCE | N°13-12240

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 mai 2014, 13-12240


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 décembre 2012), rendu en matière de contredit, que la société Etablissements Lucien Walch (société Walch) a vendu, suivant les modalités FOB, à la société Schouten Ceralco BV (société Schouten), établie aux Pays-Bas, une certaine quantité de maïs qu'elle avait engrangée dans un silo de l'union de coopératives agricoles Invivo (union Invivo), en exécution d'un contrat de réservation de capacités de stockage ; que les clients finaux

étant les sociétés Raiffeisen Waren Zentrale Rhein (société RWZ) et RWZ-Kraf...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 décembre 2012), rendu en matière de contredit, que la société Etablissements Lucien Walch (société Walch) a vendu, suivant les modalités FOB, à la société Schouten Ceralco BV (société Schouten), établie aux Pays-Bas, une certaine quantité de maïs qu'elle avait engrangée dans un silo de l'union de coopératives agricoles Invivo (union Invivo), en exécution d'un contrat de réservation de capacités de stockage ; que les clients finaux étant les sociétés Raiffeisen Waren Zentrale Rhein (société RWZ) et RWZ-Kraftfutter Werke (société RKW), établies en Allemagne, le transport de la marchandise sur le Rhin, entre les ports d'Ottmarsheim (France) et Neuss (Allemagne), a été confié à la société Partnership Rhenus, qui l'a fait exécuter par la société Vof Y...et MM. Lukas et Roland Y... (les transporteurs fluviaux) sur le bateau « MS Alexander », un connaissement fluvial étant émis, dont un original a été remis aux sociétés RWZ et RKW et l'autre à l'union Invivo ; que, n'ayant pas été payée par la société Schouten, objet d'une procédure collective aux Pays-Bas, la société Walch a saisi la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse d'une action en dommages-intérêts dirigée à l'encontre des transporteurs fluviaux, leur reprochant, sur un fondement quasi délictuel, d'avoir permis aux clients finaux, par la présentation d'un original du connaissement, de prendre livraison sans garantie de paiement du vendeur ;
Attendu que la société Walch fait grief à l'arrêt d'avoir dit les juridictions françaises incompétentes pour connaître de cette demande en raison de sa nature contractuelle, alors, selon le moyen :
1°/ que la matière contractuelle, au sens de l'article 5 du règlement CE n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, implique l'existence d'un engagement librement assumé d'une partie envers une autre ; que la cour d'appel a relevé que le transport litigieux, tel que constaté par le connaissement, avait été effectué à la demande du client final RKW à Neuss ¿ et effectué par la société Vof Y...sur la commande de la société Rhenus ; qu'il portait sur des marchandises vendues « free on board » par Walch à la société Schouten ; qu'en décidant cependant, pour écarter la compétence des juridictions du lieu du fait dommageable, que la faute reprochée par la société Walch aux transporteurs relevait de la matière contractuelle, sans avoir constaté l'existence d'un engagement librement assumé de cette société envers chacun des défendeurs, soit les sociétés Vof Y...et Rhenus, et MM. Roland et Lukas Y..., transporteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
2°/ que, dans une vente FOB, le vendeur n'est tenu que de livrer la marchandise sur son lieu d'embarquement, l'acheteur étant seul chargé de contracter avec le transporteur ; que, sauf convention contraire entre le vendeur et l'acheteur, le vendeur FOB a rempli son obligation de livraison lorsque la marchandise est placée à bord du navire choisi par l'acquéreur, à qui les risques sont alors transférés ; que le connaissement qui lui est éventuellement remis ne fait la preuve que de la délivrance effective de la marchandise, et ne saurait le rendre partie à un contrat conclu préalablement entre l'acquéreur et le transporteur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du code civil ;
3°/ que la société Walch faisait valoir que dans une vente FOB, l'obligation de contracter le transport incombe à l'acheteur et non au vendeur ; que ce dernier reste donc un tiers au contrat de transport, et que la responsabilité du transporteur ne peut dès lors être engagée envers le vendeur que sur un fondement délictuel ; qu'en énonçant, pour décider du contraire, que la société Walch n'invoquait pas le fait que la marchandise ait été remise au transporteur « free on board » au soutien de la compétence des tribunaux de Mulhouse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que le mandat ne se présume pas ; que la société Walch contestait avoir donné un quelconque mandat à l'union Invivo ; qu'en énonçant, pour dire que l'action exercée par la société Walch contre les transporteurs revêtait un caractère contractuel au sens de l'article 5-1 du règlement CE 44/ 2001 du 21 décembre 2000, que l'union Invivo, en signant le connaissement « po », avait « nécessairement » agi pour le compte de son mandant, soit la société Walch, qui ne « peut être » que son donneur d'ordre avec qui elle était liée par un contrat de réservation de stockage, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence du mandat qu'elle retenait, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1985 du code civil, ensemble l'article 1341 du même code ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 5 du règlement (CE) n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire en matière civile et commerciale, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, qu'une demande ne relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens du paragraphe 3 de ce texte que si elle vise à mettre en jeu la responsabilité du défendeur et ne se rattache pas à la matière contractuelle, laquelle, au sens du paragraphe 1er, se définit par l'existence d'un engagement librement assumé d'une partie envers l'autre ; que l'arrêt constate, par motifs propres, que la société Walch détient un original du connaissement, que celui-ci porte le cachet de l'union Invivo suivi de la mention « pour ordre » ainsi que la signature d'un de ses préposés et relève, par motifs adoptés, que l'union Invivo était chargée, en vertu du contrat de réservation de capacités de stockage, d'exécuter les ordres d'expédition de la société Walch ; que de ces constatations, la cour d'appel, abstraction faite du motif critiqué par la troisième branche, a pu déduire qu'en dépit du choix de l'incoterm FOB par les parties au contrat de vente, la société Walch était, dans les circonstances de la cause, partie au contrat de transport conclu par l'union Invivo en qualité de mandataire, ce dont il résulte qu'il existait entre la société Walch, mandante, et les transporteurs fluviaux un engagement librement assumé d'une partie envers l'autre ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Etablissements Lucien Walch aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer, d'une part, à la société Rhenus Partnership GmbH la somme de 3000 euros et, d'autre part, à la société Partnership Vof Y...et à MM. Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Lucien Walch
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré incompétente la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse pour connaître de la demande de la société Lucien Walch, et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
AUX MOTIFS QUE la responsabilité des transporteurs est recherchée par Walch à la suite d'un transport effectué par Vof Y...sur la commande de Rhenus, à la demande du client final RKW à Neuss et portant sur des marchandises vendues par Walch à Schouten ; que Rhenus a établi un connaissement concrétisant le contrat de transport au mois d'octobre 2009 ; qu'Union Invivo qui était chargée du stockage pour le compte de Walch est intervenue au contrat de transport en apposant son tampon sur l'exemplaire transmis par Rhenus, et a ratifié le connaissement non pas pour son compte, mais PO c'est à dire pour ordre de son mandant, qui était Walch et pour qui elle agissait nécessairement ; que le document présenté par Rhenus est un connaissement émis par Rhenus Logistics à Ottmarsheim, portant la mention « original » et indiquant comme expéditeur RWZ de Cologne, comme adresse contact Silo Invivo, comme bateau le MS Alexander, comme lieu de chargement Ottmarsheim, comme destinataire RKW et comme port de déchargement Neuss ; qu'il s'agit d'une copie, Rhenus soutenant qu'elle a remis le connaissement au destinataire ; que l'exemplaire détenu par Walch est un document original reproduisant les mêmes mentions mais complétées par d'autres ; qu'il y a été ajouté le poids, les horaires de chargement et le tampon de Union Invivo avec une mention pour ordre et une signature ainsi que la date précise du chargement, et l'ajout de « 30 » devant la mention « octobre 2009 » ; que la responsabilité de Rhenus est recherchée pour voir établi deux originaux du commandement sans mentionner précisément leur nombre et celle de Vof Y...pour avoir contribué à cette faute ; que le fait que le connaissement détenu par Walch comporte la signature de Union Invivo précédée de PO peut signifier soit que le signataire du connaissement n'était pas un préposé de Union Invivo, mais ce fait n'est pas invoqué, soit que Union Invivo ait agi non pour elle-même mais pour son donneur d'ordre, lequel ne peut être que Walch avec qui il était lié par un contrat de réservation de stockage antérieur du 21 mai 2007 ; que le fait que le connaissement contresigné par Invivo ait été remis à Walch et que celle-ci entend se prévaloir des stipulations de ce connaissement démontre que sa demande est bien fondée sur le grief formulé contre Rhenus d'avoir commis un manquement à ses obligations envers elle en établissant un deuxième original ; qu'il est vrai que Walch invoque à la fois la qualité de tiers au contrat de transport car elle ne figurait pas en tant que telle sur le connaissement ; que cependant le manquement de Rhenus est bien allégué vis à vis de ses obligations contractuelles et Walch tient ses droits du connaissement dont elle détient l'original ; que sans doute la faute reprochée à Rhenus pourrait être recherchée sur un fondement délictuel vis à vis d'un tiers au contrat mais Walch se trouve avant tout liée par les dispositions du contrat validées par son mandataire ; qu'en conséquence la responsabilité de Rhenus est recherchée pour avoir méconnu les obligations découlant du même connaissement ; qu'une telle action présente un caractère contractuel à l'égard de Walch ; qu'une telle faute entre bien dans les prévisions de la matire contractuelle au sens du règlement CE 44/ 2001 du 22 décembre 2000 ; que le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est en l'espèce le lieu de livraison soit à Neuss en Allemagne ; que le fait que la marchandise ait été remise au transporteur « free on board » n'est pas invoqué par Walch au soutien de la compétence des tribunaux de Mulhouse et a comme seule incidence un transfert des risques à l'expéditeur ; que la marchandise a effectivement été livrée à Neuss au siège du destinataire final ; que c'est donc à bon droit que le premier juge s'est estimé incompétent pour en connaître ;
1) ALORS QUE la matière contractuelle, au sens de l'article 5 du règlement CE n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, implique l'existence d'un engagement librement assumé d'une partie envers une autre ; que la cour d'appel a relevé que le transport litigieux, tel que constaté par le connaissement, avait été effectué à la demande du client final RKW à Neuss ¿ et effectué par la société Vof Y...sur la commande de la société Rhenus ; qu'il portait sur des marchandises vendues « free on board » par Walch à la société Schouten ; qu'en décidant cependant, pour écarter la compétence des juridictions du lieu du fait dommageable, que la faute reprochée par la société Lucien Walch aux transporteurs relevait de la matière contractuelle, sans avoir constaté l'existence d'une engagement librement assumé de cette société envers chacun des défendeurs, soit les sociétés Vof Y...et Rhenus, et MM Roland et Lukas Y..., transporteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
2) ALORS QUE dans une vente FOB, le vendeur n'est tenu que de livrer la marchandise sur son lieu d'embarquement, l'acheteur étant seul chargé de contracter avec le transporteur ; que, sauf convention contraire entre le vendeur et l'acheteur, le vendeur FOB a rempli son obligation de livraison lorsque la marchandise est placée à bord du navire choisi par l'acquéreur, à qui les risques sont alors transférés ; que le connaissement qui lui est éventuellement remis ne fait la preuve que de la délivrance effective de la marchandise, et ne saurait le rendre partie à un contrat conclu préalablement entre l'acquéreur et le transporteur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du code civil ;
3) ALORS QUE la société Lucien Walch faisait valoir que dans une vente FOB, l'obligation de contracter le transport incombe à l'acheteur et non au vendeur ; que ce dernier reste donc un tiers au contrat de transport, et que la responsabilité du transporteur ne peut dès lors être engagée envers le vendeur que sur un fondement délictuel (conclusions pages 10 et 11) ; qu'en énonçant, pour décider du contraire, que la société Lucien Walch n'invoquait pas le fait que la marchandise ait été remise au transporteur « free on board » au soutien de la compétence des tribunaux de Mulhouse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE le mandat ne se présume pas ; que la société Lucien Walch contestait avoir donné un quelconque mandat à la société Union Invivo ; qu'en énonçant, pour dire que l'action exercée par la société Lucien Walch contre les transporteurs revêtait un caractère contractuel au sens de l'article 5-1 du règlement CE 44/ 2001 du 21 décembre 2000, que la société Union Invivo, en signant le connaissement « po », avait « nécessairement » agi pour le compte de son mandant, soit la société Walch, qui ne « peut être » que son donneur d'ordre avec qui elle était liée par un contrat de réservation de stockage, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence du mandat qu'elle retenait, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1985 du code civil, ensemble l'article 1341 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-12240
Date de la décision : 13/05/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 19 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 mai. 2014, pourvoi n°13-12240


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.12240
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