LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 671 et 672 du code civil ;
Attendu qu'il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prévue par les règlements particuliers existants, ou par des usages constants et reconnus, et à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations ; que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance moindre que la distance légale soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée ci-dessus à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 juin 2012), que les fonds des consorts X... et de Mme Y... sont séparés par une haie constituée d'arbres de 10 à 12 mètres de hauteur ; que les consorts X... ont assigné Mme Y... en arrachage des arbres et arbustes situés à moins de 50 cm de la limite séparative et en étêtage et maintien à une hauteur maximum de 2 m des arbres situés à moins de 2 mètres de cette limite ; que Mme Y... leur a opposé la prescription trentenaire ;
Attendu que pour dire la prescription acquise, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription trentenaire pour la réduction des arbres à la hauteur déterminée par l'article 671 est la date à laquelle ils ont dépassé la hauteur maximum permise et qu'il résulte de l'expertise des souches des arbres que les tiges originelles avant le premier recépage avaient plus de deux mètres il y a plus de trente ans ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher si les arbres situés dans la zone comprise entre 50 cm et 2 mètres de la ligne séparative avaient dépassé la hauteur de 2 mètres depuis plus de 30 ans, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il a débouté les consorts X... de leur demande d'étêtage et de maintien à une hauteur de deux mètres, des arbres composant la haie champêtre, de leur demande d'astreinte de 50 euros, l'arrêt rendu le 27 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer aux consorts X... la somme de 2 990 euros ; rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quatorze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour les consorts X...,
En ce que l'arrêt attaqué, condamnant Mme Y... à procéder ou faire procéder à l'élagage et au maintien de la haie, implantée sur la parcelle n° 122 sise chemin des écureuils à Archingeay (17380) lui appartenant, en limite séparative de la parcelle n° 127, appartenant à M. X... et Mme Z... dans les conditions prévues aux articles 671 à 673 du code civil sous astreinte de 20 € par jour de retard passé un délai de trois mois, a dit que cette condamnation ne s'appliquait qu'à la ramure des arbres âgés de plus de trente ans composant la haie champêtre qui dépassait le grillage, à l'exception de la haie d'arbustes d'une longueur de vingtsept mètres qui a été élaguée dans les conditions prévues à l'article 671 et 672 du code civil et déboute les exposants de leur demande d'arrachage des arbres et arbustes, d'étêtage et de maintien à une hauteur de deux mètres, des arbres composant la haie champêtre ;
Aux motifs qu'il résulte du procès-verbal dressé le 25 janvier 2012 par Maître B..., huissier de justice à Saint-Jeand'Angély, que les propriétés des parties sont effectivement séparées par une haie constituée d'un massif, puis par une haie champêtre avec des arbres.
En ce qui concerne la première partie au nord, il est indiqué qu'il existe un ensemble d'arbustes formant une haie le long du grillage sur 27 m environ, et l'huissier de justice a pu constater que :- l'ensemble et coupé à moins de 2 m de hauteur et qu'il est parfaitement entretenu-il existe un espace d'un mètre laissé entre le grillage et les arbustes-il existe un autre grillage posé par les époux X...- deux souches anciennes sont visibles en partie centrale, mais qu'elles ne comportent aucune racine. En ce qui concerne la haie champêtre située plus loin, elle est composée selon l'huissier d'un ensemble d'arbres anciens de plus de 5 m, et il est constaté :- qu'aucune branche basse ne dépasse, ne gêne ou n'endommage le grillage posé-qu'en partie haute, à plus de 2 m 50, seule la ramure des arbres passe largement au-dessus du grillage et qu'elle ne gêne en rien le passage d'engins ou d'un tracteur tondeuse. L'appelante produit cinq témoignages circonstanciés attestant de l'existence de la haie champêtre depuis plus de 30 ans. Elle fournit également l'expertise de M. Stéphane A... du 12 septembre 2011 qui contient les éléments d'information suivants :- la haie est constituée d'un alignement de cépées d'érable champêtre, d'érable de Montpellier, et de frêne sur 25 à 30 m avec une hauteur moyenne de 10 à 12 m et des diamètres de tige variant de 8 à 14 cm-l'espace entre la haie et la clôture qui sépare les terrains des parties, a été nettoyé et les branches des arbres coupées pour ne pas dépasser chez le voisin-la haie est présente sur le site depuis au moins soixante et un ans selon la photographie aérienne de l'année 1950- l'analyse des cernes démontre que les souches des arbres ont plus de trente ans compte tenu des dimensions des tiges qui ont environ vingt à vingt-cinq ans d'âge.- compte tenu des conditions de croissance normale de ces érables, étant donné le diamètre moyen des souches, les tiges originelles avant le premier recépage avaient deux mètres il y a plus de trente ans-les souches des arbres ont entre cinquante-cinq et quatre-vingt-trois ans avec une moyenne d'environ soixante-neuf ans. Il apparaît de l'ensemble de ces constatations, ainsi que des nombreuses photographies qui complètent le constat d'huissier de justice, que la haie litigieuse est bien constituée de deux parties distinctes ainsi que l'appelante le soutient, et que la première haie d'arbustes a effectivement fait l'objet d'un élagage, dans le respect des dispositions de l'article 671 du code civil qui dispose qu'à défaut de règlements et d'usage, les arbustes près de la limite de la propriété voisine doivent se trouver à une distance d'un demi mètre pour les plantations inférieures à deux mètres. Or Mme Y... rapporte la preuve par le constat d'huissier, que les arbustes sont taillés à moins de deux mètres et qu'il existe un espace d'un mètre entre le grillage et les arbustes. Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme Y... à faire procéder à l'élagage de ladite haie sous astreinte. En ce qui concerne les arbres qui composent la haie champêtre, les intimés entendent contester l'acquisition de la prescription trentenaire édictée à l'article 672 du code civil, en se référant à un plan de bornage établi en 1997 qui mentionne les vestiges de la haie. Au vu de la configuration des lieux qui font clairement état de deux haies de nature différente, cette seule mention n'est pas suffisante à démontrer la suppression de l'ensemble des arbustes et arbres à l'époque, alors que les témoins sont unanimes à rappeler :- l'existence de la haie agricole depuis 1955- la destruction par M. X... de la partie double de la haie agricole sur son terrain herbeux afin d'implanter une clôture séparative. Dès lors, la mention des vestiges de la haie formulée ne 1997 par le géomètre ne peut s'appliquer que sur la partie détruite par l'intimé. Il est constant que le point de départ de la prescription trentenaire pour la réduction des arbres à la hauteur déterminée par l'article 671, n'est pas la date à laquelle les arbres ont été plantés, mais la date à laquelle ils ont dépassé la hauteur maximale permise. Or, en l'espèce, le seul plan de bornage de 1997, ne peut constituer une contre preuve suffisante de l'expertise précise et complète des souches des arbres effectuée par l'expert agricole A..., de laquelle il résulte que l'analyse des diamètres moyens des souches démontrent que les tiges originelles avant le premier recépage avaient plus de deux mètres il y a plus de trente ans. C'est donc à bon droit que l'appelante invoque la prescription trentenaire concernant les arbres composant la grande haie champêtre pour s'opposer à la demande d'arrachage et d'étêtage des arbres présentées par les consorts X... ;
1°/ Alors que si les arbres meurent, ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales ; que la cour d'appel, pour limiter l'obligation d'élagage à la ramure des arbres âgés de plus de trente ans composant la haie champêtre qui dépasse le grillage, s'est fondée sur la présence de la haie depuis plus de trente ans, l'âge des souches entre 55 et 83 ans, et a retenu que les tiges originelles avant le premier recépage avaient plus de deux mètres il y a plus de trente ans ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la haie était constituée d'arbres recépés, et que les tiges avaient environ 20 à 25 ans d'âge, ce dont il résulte que les arbres avaient été recépés depuis moins de trente ans, et sans constater qu'ils auraient dépassé 2 mètres de hauteur depuis trente ans, la cour d'appel a violé les articles 671 et 672 du code civil ;
2°/ Alors, en tout état de cause, que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale de la limite séparative, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire ; que la cour d'appel, pour limiter l'obligation d'élagage à la ramure des arbres âgés de plus de trente ans composant la haie champêtre qui dépasse le grillage, s'est fondée sur la présence de la haie depuis plus de trente ans, l'âge des souches entre 55 et 83 ans, et a retenu que les tiges originelles avant le premier recépage avaient plus de deux mètres il y a plus de trente ans ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la haie était constituée d'arbres recépés, et que les tiges avaient environ 20 à 25 ans d'âge, ce dont il résulte que les arbres avaient été recépés depuis moins de trente ans, et sans constater qu'ils auraient dépassé 2 mètres de hauteur durant une période de trente ans, la cour d'appel a violé les articles 671 et 672 du code civil.