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06/05/2014 | FRANCE | N°12-35129

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mai 2014, 12-35129


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Lamy Lexel le 3 janvier 2000 en qualité de juriste ; qu'après avoir saisi la juridiction prud'homale le 28 mars 2008, il a été licencié pour motif économique par lettre du 30 juin suivant ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt énonce que la demande de résiliation du contrat de travail n'est pas formulée en appel et, après avoir estimé que le s

alarié ne démontrait aucun harcèlement moral ni aucune pression ou mauvaise foi d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Lamy Lexel le 3 janvier 2000 en qualité de juriste ; qu'après avoir saisi la juridiction prud'homale le 28 mars 2008, il a été licencié pour motif économique par lettre du 30 juin suivant ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt énonce que la demande de résiliation du contrat de travail n'est pas formulée en appel et, après avoir estimé que le salarié ne démontrait aucun harcèlement moral ni aucune pression ou mauvaise foi de son employeur, retient qu'il n'en tire, en tout état de cause, aucun moyen pour demander soit la résiliation du contrat de travail soit la nullité du licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions soutenues à l'audience, le salarié avait maintenu sa demande de résiliation judiciaire qu'il exposait être justifiée par le comportement de son employeur caractérisant un harcèlement moral ou, à tout le moins un manquement à la bonne foi contractuelle, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;
Et sur le premier moyen, pris en ses deux dernières branches :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral résultant de ce qu'il ne lui avait plus été fourni de travail depuis mars 2008 et qu'aucun espace de travail ne lui était attribué, ce qui constituait selon lui une pression pour le faire démissionner, l'arrêt retient, après avoir constaté que l'absence d'activité du salarié correspondait au départ d'un des associés du cabinet, que le salarié ne démontre aucun harcèlement moral, ni aucune pression, ni mauvaise foi de son employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lorsqu'un salarié allègue un ensemble de faits constitutifs, selon lui, d'un harcèlement moral, il lui appartient seulement d'établir que tout ou partie d'entre eux laisse supposer l'existence de tels agissements, que si tel est le cas, il appartient alors au juge d'appréhender ces faits dans leur ensemble, de rechercher s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause M. Y..., l'arrêt rendu le 25 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, pour les points restant en litige ;
Condamne la société Lamy Lexel avocats associés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lamy Lexel avocats associés à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail, en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de dommages et intérêts pour harcèlement et à tout le moins pour manquement de la société Lamy Lexel à l'exécution de bonne foi du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE M. X... soutient que la société Lamy Lexel ne lui a plus fourni de travail depuis mars 2008 et qu'aucun espace de travail ne lui était attribué, circonstances qui constituaient une pression pour le faire démissionner ; que cependant, il est démontré que l'absence d'activité de M. X... correspond au départ de Maître Y..., associé chargé du département de droit public, qui lui avait proposé de travailler avec lui en qualité d'associé, avec un fixe supérieur à son salaire, à condition qu'il prête serment, ce que le salarié avait refusé ; que de plus Maître Y... après son départ lui sous-traitait des dossiers ; que M. X... ne démontre aucun harcèlement moral ni aucune pression, ni mauvaise foi de son employeur ; qu'il n'en tire, en tout état de cause, aucun moyen pour demander soit la résiliation du contrat, soit la nullité du licenciement ;

1°- ALORS QUE dans ses conclusions d'appel dont l'arrêt a constaté qu'elles avaient été soutenues à l'audience, M. X... a expressément demandé, à titre principal, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du cabinet d'avocats Lamy Lexel et le paiement de dommages et intérêts au titre de la rupture de son contrat devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en se prévalant de l'absence de fourniture de travail à compter de mars 2008, des pressions exercées par l'employeur pour qu'il démissionne ainsi que de la suppression de son bureau et de son affectation à un bureau isolé dans un espace en travaux ; qu'en énonçant que M. X... ne demandait pas la résiliation judiciaire de son contrat et en ne se prononçant pas sur cette demande, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°- ALORS de plus que la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; qu'en reprochant à M. X... de ne démontrer aucun harcèlement de la part du cabinet Lamy Lexel, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve du harcèlement sur le salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L 1154-1 du code du travail ;
3°- ALORS QUE le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il appartient aux juges du fond de dire si les éléments invoqués et matériellement établis par le salarié, pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en se bornant à constater l'absence d'activité de M. X... fournie par le cabinet et en rejetant cependant ses demandes au motif inopérant que Me Y... qui avait quitté le cabinet-et n'était donc pas son employeur-lui aurait sous-traité des dossiers et sans s'expliquer sur l'ensemble des éléments invoqués par M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige, justifie la mesure prise en exposant essentiellement que :- des départs d'associés ont entraîné la fin des activités dont ils avaient la charge et une baisse du chiffre d'affaire ;- il a été décidé, pour réduire les frais, de fermer l'activité de droit public ;- en conséquence le poste de M. X... a été supprimé ; que la société Lamy Lexel explique les difficultés économiques rencontrées par le cabinet par le départ de plusieurs associés, entraînant la suppression d'activités, dont celle du droit public et une baisse du chiffre d'affaire ; qu'elle produit ses résultats annuels laissant apparaître une baisse continue et importante de 2006 à 2007, confirmée en 2008 et 2009 ; qu'elle produit un tableau de l'activité des différentes spécialités du cabinet, laissant apparaître un retard de l'activité en droit public par rapport à l'objectif, aucun secteur n'ayant, quoiqu'il en soit, atteint les objectifs fixés ; que si M. X... relève que le résultat de 2007 s'établit à 740 000 €, il s'agit du résultat avant impôts, le résultat net étant de 360 000 € et qu'il convient de constater qu'il était en 2006 supérieur de 600 000 €, pour un chiffre d'affaires diminuant dans une proportion bien moindre ; que dans ce contexte de perte de clientèle, de baisse du chiffre d'affaire et du résultat, la suppression de l'activité de droit public, après le départ des associés concernés, relevait de la décision de l'employeur qui procédait par les moyens qu'il estimait appropriés, aux baisses des dépenses nécessaires à la pérennité de l'entreprise ; que d'autres mesures ont été prises, notamment un changement de locaux permettant une économie sur les loyers ; que les résultats en baisse importante des années suivantes, pour atteindre 42 000 € en 2009, justifient la décision d'améliorer la compétitivité de l'entreprise prise dès 2007 ; qu'il n'est pas contesté que le poste de M. X... a été effectivement supprimé ; que le licenciement économique de M. X... est justifié ; qu'il a été proposé à M. X... un poste à Lyon dans la même spécialité, mais moins payé, que celui-ci a refusé ; que l'employeur était dans l'obligation de proposer au salarié dont le licenciement était envisagé tout poste correspondant à ses capacités, y compris ceux comportant une rémunération moindre et dans un établissement différent ; que M. X... ne fournit aucun indice à la cour de nature à laisser penser qu'un autre poste existant ne lui aurait pas été proposé ; qu'il ne peut faire valoir l'embauche d'avocats, alors qu'il a refusé de prêter serment et qu'il n'allègue pas que des collaborateurs salariés aient été recrutés ; que l'employeur, qui a procédé loyalement aux recherches utiles, a satisfait à son obligation de reclassement ;

ET AUX MOTIFS QUE M. X... fait valoir que les critères d'ordre des licenciements n'a pas été respecté ; que cependant les critères d'ordre s'appliquent entre salariés appartenant à une même catégorie et que M. X... ne conteste pas qu'il appartenait à un catégorie de juriste de droit public comportant son poste et un poste vacant à Lyon ; que dès lors il ne peut soutenir, alors qu'il a refusé le poste de Lyon, qu'un autre salarié aurait dû être licencié dans la catégorie ; que dès lors le moyen tiré de l'omission de prendre en compte le critère des difficultés de réinsertion est sans objet ;
1°- ALORS QUE ne caractérise ni des difficultés économiques ni même une menace de nature à justifier un licenciement économique motivé par une réorganisation de l'entreprise en vue d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité, la seule baisse, pendant trois ans, du chiffre d'affaires de l'entreprise et de son bénéfice net ; qu'en se bornant à constater une perte de clientèle, une baisse du chiffre d'affaires et une baisse du bénéfice net au cours des années 2007 à 2009, ce dont il ressort que si le cabinet connaissait une activité moindre, son résultat restait bénéficiaire et sa pérennité n'était pas pour autant menacée, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°- ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par M. X... dans ses conclusions d'appel, si la suppression de son poste de juriste ne correspondait pas à la volonté du cabinet Lamy Lexel de réaliser des économies et d'améliorer sa rentabilité, ce qui ne permet pas de légitimer un licenciement économique motivé par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
3° ALORS en outre que dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur doit procéder à des recherches effectives et loyales de postes disponibles dans un emploi équivalent ou de catégorie inférieure et doit envisager des mesures de formation ou d'adaptation afin d'assurer le reclassement interne du salarié ; qu'en se fondant sur le seul fait que le cabinet Lamy Lexel avait proposé à M. X..., juriste en droit public, « un poste à Lyon dans la même spécialité mais moins payé », pour en déduire que la société Lamy Lexel avait satisfait à son obligation de reclassement sans constater l'absence d'autres postes disponibles au sein de cet important cabinet d'avocats pouvant être proposés à M. X... au besoin en le faisant bénéficier de mesures de formation ou d'adaptation, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L 1233-4 du code du travail ;
4°- ALORS de plus que les critères d'ordre des licenciements s'apprécient dans le cadre de l'entreprise et au sein de la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié définie comme l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; qu'ayant constaté qu'existait un autre poste de juriste de droit public à Lyon, ce dont il ressort que la société Lamy Lexel aurait dû appliquer l'ordre des licenciements aux salariés des deux établissements de Paris et de Lyon dès lors qu'était envisagé la suppression d'un emploi de juriste de droit public et en jugeant cependant le contraire au motif inopérant que M. X... avait refusé la proposition de poste à Lyon, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail ;
5°- ALORS enfin que le poste de juriste en droit public ne constitue pas une catégorie professionnelle au sens des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail laquelle inclut, dans un cabinet d'avocats employant des juristes, tous les juristes sans distinction de spécialité ; qu'en réduisant la catégorie professionnelle à laquelle appartenait M. X... à celle de juriste en droit public pour apprécier l'ordre des licenciements, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1233-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-35129
Date de la décision : 06/05/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mai. 2014, pourvoi n°12-35129


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.35129
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