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30/04/2014 | FRANCE | N°13-80833

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 avril 2014, 13-80833


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Gérard X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2013, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 mars 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambr

e ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Gérard X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2013, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 mars 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle BLANC et ROUSSEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1, 314-10 du code pénal, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 156, 463, 428, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance ;
" aux motifs que M. X... se voyait reprocher d'avoir détourné à son profit une somme totale de 87 000 euros à l'aide de chèques débités sur la société Capo Rosso pour payer sa propre TVA sans autorisation des gérants ; que M. X... était, au moment des faits reprochés, comptable de la société Capo Rosso ; que onze chèques d'un montant total de 87 145 euros avaient été encaissés par les services du Trésor public pour régler les dettes de TVA personnelle de M. X... ; qu'il exposait être créditeur envers la société Capo Rosso d'une dette de 450 000 francs au titre de prestations comptables qu'il affirmait avoir effectuées au profit de M. Y..., directeur de l'hôtel Le Grand Bleu dans les années 1990 ; qu'il exposait avoir établi la comptabilité des deux années d'exploitation, avoir reçu une lettre de mission et avoir convenu avec M. Y... que celui-ci le règlerait personnellement ; que M. Y... avait remis à M. X... six effets de commerce de 50 000 francs et un chèque en blanc que M. Y... lui avait demandé de ne pas encaisser immédiatement ; que la veuve de M. Y... contestait l'existence de cette dette envers le prévenu de même que sa fille, laquelle avait précisé que son père n'était à l'époque que le directeur du Grand Bleu et que, si dette il y avait, il n'appartenait pas à son père de la rembourser ; que M. X... appuyait ses déclarations sur des factures libellées « notes d'honoraires » qui ne pouvaient avoir été établies en 1992 au vu notamment de la numérotation à dix chiffres des coordonnées téléphoniques de M. X... alors que cette numérotation n'existait pas encore ; que la police de caractères de ces factures était en outre différente des factures non contestées par la partie civile ; que M. X... avait d'ailleurs admis les avoir refaites avec des notes qu'il ne détenait plus ; que le montant des honoraires réclamés apparaissait en outre très supérieur au montant dû pour des prestations de ce type ; que les effets de commerce qui avaient selon le prévenu été signés par M. Y... pour le remboursement de la dette contractée envers M. X... étaient datés de 1999 tandis que les factures étaient datées de 1992 ; que les explications selon lesquelles M. Y... aurait demandé à M. X... de ne pas les encaisser ne reposaient que sur les affirmations du prévenu et étaient contredites par les déclarations des parties civiles ; qu'il paraissait curieux que M. X... n'ait pas produit sa créance au plus tard au décès de M. Y... ; que M. X... n'avait aucunement justifié des missions qu'il disait avoir reçues de M. Y... ; que l'invocation de la volonté d'une personne défunte ne pouvait, en l'état des affirmations contraires des parties civiles et en l'absence de tout élément probant, constituer une preuve de la bonne foi du prévenu ; que les courriers échangés avec la compagnie générale de tourisme et d'hôtellerie versés aux débats n'apportaient aucun élément susceptible d'éclairer la cour sur l'existence des prestations invoquées ; que M. X... n'expliquait pas pourquoi M. Y... puis sa veuve après son décès lui avaient remis des chèques à l'ordre de la société Capo Rosso en paiement de prestations dénuées de rapport avec l'activité de cette société mais relevant de l'activité d'une autre société ; qu'il résultait en outre de l'audition de M. A..., expert-comptable ayant succédé à M. X..., que ce dernier usait d'une pratique particulière pour encaisser ses chèques, débitant dans un premier temps le compte d'attente puis créditant le compte après un certain temps par des montants qui n'étaient pas les mêmes pris séparément mais qui étaient les mêmes in fine ; qu'en outre, lors de l'opération de crédit, il utilisait trois comptes : le compte fournisseur X..., le compte de tiers SCI Camiliolo et le compte fournisseur Mairie de Piana ; que la cour était en droit de s'interroger sur cette pratique comptable ayant pour effet objectif de rendre plus opaques les opérations comptables même si elle constituait, selon l'attestation de Mme D...
B...produite par M. X..., une pratique courante ; que M. X... affirmait enfin que Mme C... ou Mme Y... ne pouvaient ignorer que la TVA de la société était payée au Trésor public par virements et non par chèques et que la société n'avait contracté aucune dette fiscale ; qu'il résultait de l'audition des parties civiles lors de l'audience qu'elles avaient manifestement une connaissance comptable très superficielle et qu'elles avaient, sur le plan professionnel, une entière confiance en M. X... qui était un parent ; que d'ailleurs Mme C..., lors de son audition devant les enquêteurs, avait déclaré que M. X... lui demandait de lui remettre des chèques sans autre précision ; que les faits d'abus de confiance étaient par conséquent parfaitement établis ;
" 1°) alors que les arrêts de condamnation sont nuls lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ; que M. X... avait sollicité un complément d'information afin d'obtenir communication des livres comptables des sociétés Camillioli, Scandola et Capo Rosso pour les exercices 2006 à 2009 qui auraient permis de vérifier ses dires concernant les prestations effectuées par lui à l'origine de l'établissement des chèques litigieux et de justifier sa relaxe ; qu'à défaut d'avoir statué sur cette demande à même d'innocenter M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que les parties civiles ont la charge de prouver la culpabilité du prévenu, lequel n'a pas à démontrer sa bonne foi ou son innocence ; qu'en mettant à la charge de M. X... la preuve des missions qu'il disait avoir reçues de M. Y..., qu'en énonçant que le prévenu n'avait pas démontré sa bonne foi et en s'étant fondée sur les seules déclarations des parties civiles venues contredire sans preuve le système de défense du prévenu, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence ;
" 3°) alors que la cour d'appel, en énonçant qu'il paraissait curieux que M. X... n'ait pas produit sa créance au plus tard au décès de M. Y..., a statué par un motif inopérant et entaché ainsi sa décision d'un défaut de motifs ;
" 4°) alors que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la circonstance, relevée par le tribunal que Mme C..., secrétaire et épouse du gérant de l'hôtel Capo Rosso, eût depuis des années régularisé la situation fiscale de M. X..., ne démontrait pas que la société Capo Rosso avait réglé, en toute connaissance de cause, la dette fiscale de M. X..., a privé sa décision de motifs ;
" 5°) alors que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si la pratique du « compte d'attente » ne permettait pas précisément d'éviter le délit d'abus de confiance en évitant que les sommes litigieuses soient débitées des comptes courants d'associés qui auraient été rapidement négatifs, a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
" 6°) alors que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était aussi invitée, si les plaignants, en leur qualité de secrétaire comptable et de gérant de la société Capo Rosso, ne devaient pas nécessairement savoir que la société Capo Rosso n'avait contracté aucune dette fiscale correspondant aux chèques litigieux, n'ayant reçu aucun avis de paiement ni aucune relance et ne devaient pas aussi forcément savoir que la société Capo Rosso, en raison de l'importance de son chiffre d'affaires, avait l'obligation de payer ses impôts par virements, ce qui impliquait qu'ils savaient que l'émission de chèques débités sur la société Capo Rosso servait à autre chose qu'au paiement de la TVA due par la société, a privé sa décision de base légale ;
" 7°) alors que le juge doit se prononcer sur la force probante d'un aveu ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si les documents comptables produits par la partie civile ne révélaient pas l'absence d'annulation comptable des chèques litigieux passés en écritures de débit et l'aveu par la partie civile du bien-fondé de la créance de M. X... envers la société Capo Rosso, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
" 8°) alors que le délit d'abus de confiance suppose le détournement d'une somme remise à titre précaire par le plaignant à charge d'en faire un usage déterminé ; qu'à défaut d'avoir caractérisé la remise d'une somme à M. X... à charge d'en faire un usage déterminé et le détournement d'affectation ou de destination commis par le prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à verser à la partie civile la somme de 8 456, 92 euros au titre des frais comptables, la somme de 87 145 duros au titre de son préjudice matériel et celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs que la partie civile sollicitait une somme de 8 456, 92 euros au titre des frais comptables ; qu'elle en justifiait par la production de la note d'honoraires de M. A..., expert ; qu'il y avait lieu de lui allouer cette somme ; que le préjudice matériel de la société Capo Rosso s'élevait au montant des sommes détournées arrêté par le texte de poursuite, soit 87 145 euros ; que la société Capo Rosso avait incontestablement subi un préjudice moral, l'infraction ayant été commise par un membre de la famille en lequel les gérants avaient confiance ; que ce préjudice serait indemnisé à hauteur de 5 000 euros ;
" 1°) alors que l'action civile n'est recevable que pour les chefs de dommage découlant directement des faits poursuivis ; qu'en allouant une somme correspondant à une note d'honoraires établie par M. A..., expert-comptable ayant succédé à M. X..., honoraires qui n'avaient aucun lien avec le délit d'abus de confiance reproché à M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que la partie civile ne peut former aucune demande nouvelle en cause d'appel et ne peut demander une augmentation des dommages et intérêts que pour le préjudice souffert depuis la décision de première instance ; qu'en accordant la réparation d'un préjudice moral dont la société Capo Rosso n'avait pas sollicité l'indemnisation devant le tribunal et qui n'était pas apparu postérieurement au jugement, ce dont M. X... s'était prévalu dans ses conclusions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, répondant nécessairement, pour les écarter, aux articulations des conclusions aux fins de supplément d'information dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, dont le second, en sa seconde branche, manque en fait, l'indemnisation d'un préjudice moral ayant été sollicitée devant le tribunal, et qui se bornent, pour le surplus, à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente avril deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-80833
Date de la décision : 30/04/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 16 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 avr. 2014, pourvoi n°13-80833


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.80833
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