LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par convention du 13 février 2006 et avenant du 20 septembre 2006, la société Delta finance, devenue Orcialis, société de conseil patrimonial spécialisée dans l'investissement immobilier de défiscalisation, a reçu de la société Patrimmo sélection un mandat de commercialisation des biens immobiliers du programme Le Verger du palais, situé près de Limoges ; que la société Patrimmo sélection s'était elle-même vu confier ce mandat par la société Construction finance, promoteur et vendeur du projet, par contrat en date du 1er juillet 2006 ; que, le 3 novembre 2006, M. X... a signé un contrat préliminaire de réservation d'une vente en l'état futur d'achèvement, portant sur deux lots de cette résidence, avec la société Construction finance ; que, le 10 novembre 2006, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Midi, chargée de financer l'opération immobilière, a présenté une offre de prêt immobilier à M. X... d'un montant de 109 600 euros ; que, par acte notarié du 27 juillet 2007, M. X... a acquis en l'état de futur achèvement deux lots de la résidence Le Verger du palais pour le prix de 102 911 euros, avec une livraison prévue au 2e trimestre 2008 et des paiements fractionnés à échéance ; que, le 25 novembre 2008, la société Construction finance a informé M. X... d'un retard dans la livraison, dont la date était reportée au mois de mars 2009, et de l'existence de difficultés de trésorerie ; que les travaux ont été interrompus le 26 février 2009 ; que, par jugement du 4 juin 2009, la société Construction finance a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire transformée, le 28 août 2009, en liquidation judiciaire ; que M. Y... a été désigné en qualité de liquidateur ; que M. X... a fait assigner la société Construction finance, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la caisse), venant aux droits de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Midi, et la société Orcialis, aux fins de voir prononcer la résolution conjointe de la vente et du prêt afférent, sur le fondement des articles 1610 et 1611 du code civil, d'engager la responsabilité de la société Orcialis, et d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de dommages-intérêts ; que M. X... a fait assigner M. Y..., en qualité de mandataire liquidateur, en intervention forcée ;
Sur la déchéance du pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre la société Patrimmo sélection, invoquée par celle-ci, et en ce qu'il est dirigé contre la société Orcialis et contre M. Y..., ès qualités, relevée d'office, après avis donné aux parties :
Vu l'article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que la caisse s'est pourvue en cassation, le 15 janvier 2013, contre la société Orcialis, la société Patrimmo sélection, M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction finance, et M. X... ; que le mémoire ampliatif n'a pas été signifié à la société Orcialis, à la société Patrimmo sélection ni à M. Y..., ès qualités ; qu'il s'ensuit que la déchéance du pourvoi est encourue à l'égard de ces derniers ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident, contestée par M. X... :
Attendu que M. X... fait valoir que, n'ayant pas été soutenu à l'encontre de la société Orcialis, le pourvoi principal était frappé de déchéance, à l'égard de cette dernière, à l'expiration du délai légal de quatre mois imparti au demandeur au pourvoi, et que le pourvoi incident se trouve, de ce fait, irrecevable ; que M. X... ajoute que, en tout état de cause, son mémoire en défense ayant été notifié à l'avocat de la société Orcialis le 22 juillet 2013, le pourvoi incident, à supposer même qu'il soit recevable malgré la déchéance du pourvoi principal, ne pouvait être formé cinq mois après cette notification ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des productions que l'arrêt attaqué ait été notifié par voie de signification à la société Orcialis, de sorte que le délai de pourvoi en cassation n'a pas commencé à courir à l'égard de cette dernière, peu important la date à laquelle celle-ci a eu connaissance de l'arrêt ;
D'où il suit que le pourvoi incident est recevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre M. X... :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du prêt qu'elle avait consenti à M. X... et, en conséquence, de le condamner à lui payer la somme de 92 857, 63 euros, alors, selon le moyen, que, hormis le cas où la loi le prévoit, un contrat n'est indivisible, ou interdépendant, d'un autre contrat, que si les parties qui l'ont conclu en sont ainsi convenues ; qu'en affirmant que le prêt consenti par la caisse à M. X... est « indissociable » de la vente en l'état futur d'achèvement dont il a permis de financer le prix, la cour d'appel, qui ne justifie pas que, de façon directe ou indirecte, la caisse et M. X... en seraient ainsi convenus, a violé les articles 1134, 1184, 1217 et 1218 du code civil ;
Mais attendu que, selon l'article L. 312-12, alinéa 1er, du code de la consommation, l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans le délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'en raison de l'effet rétroactif attaché à la résolution judiciaire d'un contrat de vente, celui-ci est réputé n'avoir jamais été conclu, de sorte que le prêt demandé en vue du financement de la vente est résolu de plein droit ;
Attendu que l'arrêt a relevé que la demande de M. X... tendant à la résolution de la vente pour défaut d'achèvement de l'immeuble, pour absence de livraison dans le délai contractuel et pour interruption des travaux, lesquels n'ont pu reprendre en raison de la procédure de redressement judiciaire, doit être accueillie, dès lors que ces circonstances caractérisent l'inexécution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement ; qu'il en résulte que le prêt souscrit par M. X... auprès de la caisse est résolu ; que, par ce motif de pur droit, substitué à celui critiqué après avis donné aux parties, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre M. X..., pris en sa première branche :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une indemnité de 80 000 euros, alors, selon le moyen, que la banque qui consent à un emprunteur un crédit adapté à ses capacités financières et au risque d'endettement né de l'octroi du prêt à la date de la conclusion du contrat, n'est pas, en l'absence de risque, tenue à une obligation de mise en garde ; que la cour d'appel, qui constate que, suivant la caisse, le crédit qu'elle a consenti à M. X... était adapté à ses capacités, lui reproche, sans s'expliquer autrement sur ce point, de n'avoir pas mis M. X... en garde « contre le fait que sa capacité de rembourser le prêt était étroitement tributaire du succès du projet immobilier, de l'achèvement de l'immeuble et des ressources qu'il pourrait lui procurer à M. X... », quand « elle ne pouvait davantage ignorer les capacités financières limitées de M. X... » ; qu'elle a ainsi violé l'article 1147 du code civil, ensemble les règles qui régissent l'obligation de mise en garde du banquier ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par un motif non contesté, que M. X... n'était pas un emprunteur averti ; qu'elle a ensuite constaté que, selon la caisse, M. X... avait une capacité à épargner allant jusqu'à 300 euros par mois, et que le prêt qui lui avait été consenti était d'un montant de 109 600 euros remboursable en 330 mois, par échéances de 393, 30 euros pendant 24 mois, puis de 629 euros pendant 276 mois, que la caisse ne pouvait ignorer les capacités financières limitées de M. X... ni la saturation du marché locatif du type de celui de l'immeuble en cause, à Limoges, de sorte que la capacité de M. X... à rembourser le prêt était étroitement tributaire du succès du projet immobilier ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a décidé à bon droit que la caisse n'ayant pas exercé le devoir de mise en garde auquel elle était tenue à l'égard de M. X... lors de la conclusion du contrat, sa responsabilité était engagée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Attendu que la société Orcialis fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la caisse à payer à M. X... la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que diverses sommes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, alors, selon le moyen, que la responsabilité personnelle d'un mandataire ne saurait être engagée par le tiers cocontractant qu'en présence d'une faute détachable de ses fonctions et que le manquement du mandataire à son obligation d'information envers le tiers cocontractant n'est pas une faute détachable ; qu'ainsi, en engageant la responsabilité de la société Orcialis sans relever l'existence d'une faute détachable de sa mission de mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1984 du code civil ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à leur égard dans l'accomplissement de sa mission ; qu'ayant constaté que M. X... avait été démarché, pour le compte du promoteur, par la société Orcialis, qui n'est pas un mandataire ordinaire, choisi au hasard, mais un professionnel spécialisé dans l'investissement locatif défiscalisé ; qu'en cette double qualité, la société Orcialis, qui était tenu d'informer M. X..., acheteur néophyte, dont les ressources annuelles maximales étaient de 30 000 euros, des particularités des investissements qui lui étaient proposés et des risques de l'opération en cause, dont le montage était fragile puisque chacun de ses éléments, vente, prêt, vente des autres appartements, paiement des entreprises, était lié aux autres, de sorte qu'il suffisait qu'un seul de ces éléments soit fragilisé pour que l'ensemble s'écroule, et ayant relevé que la société Orcialis ne démontrait pas avoir satisfait à cette obligation d'information, la cour d'appel a retenu à bon droit la responsabilité de cette dernière, sans être tenue de constater l'existence d'une faute imputable à la société Orcialis, qui serait détachable de sa mission de mandataire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre M. X..., pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que l'arrêt retient que le manquement de la caisse à ses devoirs d'information et de mise en garde est en lien direct avec le préjudice causé à M. X... et qu'il convient de la condamner à payer à celui-ci la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice que lui causent ses fautes précontractuelles et contractuelles ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le montant alloué constituait la réparation d'une perte de chance et que cette réparation était mesurée à la probabilité de la chance perdue par M. X... de ne pas souscrire le contrat de prêt litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que l'arrêt retient que la société Orcialis, qui était tenue à une obligation d'information envers M. X..., avant la vente, en sa double qualité de mandataire du vendeur, pour la commercialisation, et de professionnel de l'immobilier défiscalisé, ne rapporte pas avoir satisfait à cette obligation, causant à M. X... un préjudice certain dont il convient d'évaluer la réparation à la somme de 80 000 euros ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le montant alloué constituait la réparation d'une perte de chance et que cette réparation était mesurée à la probabilité de la chance perdue par M. X... de ne pas souscrire le contrat de vente en l'état futur d'achèvement litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
Constate la déchéance du pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre la société Patrimmo sélection, la société Orcialis et M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction finance ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc et la société Orcialis à payer à M. X... la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 8 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la résolution du prêt que la Crcam du Languedoc a consenti à M. Boris X... et, en conséquence, D'AVOIR condamné le second à payer à la première la somme de 92 857 ¿ 63 ;
AUX MOTIFS QUE « la demande de M. X..., tendant à la résolution de la vente pour défaut d'achèvement de l'immeuble, absence de livraison dans le délai contractuel, interruption des travaux qui n'ont pas pu être repris en raison de la procédure de redressement judiciaire, doit être admise sans contestation possible ; que ces circonstances caractérisent largement, en effet, l'inexécution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement, sa résolution et celle de son accessoire indissociable, le contrat de prêt » (cf. arrêt attaqué, p. 7, § motifs de la décision, 1er alinéa) ; que « le contrat de prêt est l'accessoire du contrat de vente, indissociable de la vente ; que la résolution de l'un entraîne la résolution de l'autre » (cf. jugement entrepris, 6, § sur la résolution du contrat de prêt, 1er alinéa) ;
. ALORS QUE, hormis le cas où la loi le prévoit, un contrat n'est indivisible, ou interdépendant, d'un autre contrat, que si les parties qui l'ont conclu en sont ainsi convenues ; qu'en affirmant que le prêt consenti par la Crcam du Languedoc à M. Benoît X... est « indissociable » de la vente en l'état futur d'achèvement dont il a permis de financer le prix, la cour d'appel, qui ne justifie pas que, de façon directe ou indirecte, la Crcam du Languedoc et M. Benoît X... en seraient ainsi convenus, a violé les articles 1134, 1184, 1217 et 1218 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Crcam du Languedoc à payer à M. Boris X... une indemnité de 80 000 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE « la Crcam du Languedoc prétend que le crédit était parfaitement adapté, eu égard aux revenus de M. X..., de sa situation de célibataire et de sa capacité d'épargne allant jusqu'à 300 ¿ par mois » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 4e alinéa) ; que « le prêt lui était consenti pour la somme de 109 600 ¿ remboursable en trois cent trente mois avec des échéances de 393 ¿ 30 pendant vingt-quatre mois puis de 629 ¿ pendant deux cent soixante-seize mois » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 5e alinéa) ; que « la Crcam du Languedoc, professionnel du financement, connaissait ce type d'opération qu'elle finançait, en accord avec les autres intervenants au projet de construction ; qu'elle devait mettre en garde M. X... contre le fait que sa capacité de rembourser le prêt était étroitement tributaire du succès du projet immobilier, de l'achèvement de l'immeuble et des ressources qu'il pourrait procurer à M. X... » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 6e alinéa) ; que « la Crcam du Languedoc ne pouvait ignorer la saturation du marché locatif de ce type à Limoges ; qu'elle ne pouvait ignorer davantage ignorer les capacités financières limitées de M. X... » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 7e alinéa) ; qu'« en ne justifiant pas de l'information sur ces éléments, la Crcam du Languedoc engage sa responsabilité envers lui » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 8e alinéa) ; qu'« il convient de condamner la Crcam du Languedoc ¿ à payer à M. X... la somme de 80 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice que lui causent ses fautes précontractuelles et contractuelles » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 9e alinéa) ;
1. ALORS QUE la banque qui consent à un emprunteur un crédit adapté à ses capacités financières et au risque d'endettement né de l'octroi du prêt à la date de la conclusion du contrat, n'est pas, en l'absence de risque, tenue à une obligation de mise en garde ; que la cour d'appel, qui constate que, suivant la Crcam du Languedoc, le crédit qu'elle a consenti à M. Boris X... était adapté à ses capacités, lui reproche, sans s'expliquer autrement sur ce point, de n'avoir pas mis M. Boris X... en garde « contre le fait que sa capacité de rembourser le prêt était étroitement tributaire du succès du projet immobilier, de l'achèvement de l'immeuble et des ressources qu'il pourrait lui procurer à M. X... », quand « elle ne pouvait ignorer davantage ignorer les capacités financières limitées de M. X... » ; qu'elle a ainsi violé l'article 1147 du code civil, ensemble les règles qui régissent l'obligation de mise en garde du banquier ;
2. ALORS QUE le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter ; qu'en allouant à M. Boris X..., victime d'un manquement à l'obligation de mise en garde, une indemnité de 80 000 ¿ sans faire état d'un élément permettant de vérifier qu'elle aurait ainsi réparé le préjudice que M. Boris X... a subi du fait qu'il a perdu la chance de ne pas souscrire l'emprunt qu'il a conclu avec la Crcam du Languedoc, la cour d'appel a privé sa décision de base légale sous le rapport de l'article 1147 du code civil et des règles qui régissent l'obligation de mise en garde du banquier. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Spinosi, avocats aux Conseils, pour la société Orcialis.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum la société ORCIALIS et la CRCAM du LANGUEDOC à payer à Monsieur X... la somme de 80. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts ainsi que les sommes de 3. 000 ¿ et 6. 000 ¿ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Aux motifs propres que :
« M. X... n'est pas entré en contact avec la SARL PATRIMMO SELECTION. C'est la SARL ORCIALIS qui l'a démarché, pour le compte du promoteur.
La SARL ORCIALIS conteste tout manquement à une obligation d'information envers M. X..., simple obligation de moyens à l'égard d'une personne avec laquelle elle n'a pas de lien juridique. Elle dit avoir apporté un suivi personnalisé au dossier de M. X... et être intervenue sans cesse auprès des différents protagonistes de l'opération pour tenir M. X... ainsi informé que possible, de l'évolution du dossier.
Par cette affirmation elle se reconnaît bien débitrice de cette obligation d'information, même après la signature du contrat (ses pièces 7, 17, 21).
Selon elle, la garantie intrinsèque remplissait les conditions légales et la situation de la société CONSTRUCTION FINANCE était bonne lorsque la convention de vente en l'état futur d'achèvement a été signée ; elle met l'accent sur l'importance des créances clients et des immobilisations dont bénéficiait le promoteur.
La SARL ORCIALIS, comme la SARL PATRIMMO SELECTION, insistent beaucoup sur le fait qu'en leur qualité de mandataires, elles ne doivent de compte qu'à leur mandant et qu'il convient, avant d'envisager leur obligation d'information envers un tiers, d'établir qu'elles ont commis une faute contractuelle dans l'exécution de leur mandat, faute qui serait en lien direct avec le préjudice subi par un tiers.
Il est constant que la faute contractuelle de la SARL ORCIALIS à l'égard de la SARL PATRIMMO SELECTION et de la société CONSTRUCTION FINANCE n'est pas établie. Elles ont probablement toutes deux tenté de remplir au mieux leur mission de commerciaux, en vendant le maximum d'appartements inclus dans le programme conçu par leur mandant. Il y avait urgence dans la présente espèce, puisque sans le bouclage des ventes, la garantie d'achèvement ne pouvait être mise en oeuvre. On peut craindre dans ce cas, que le commercial n'insiste pas particulièrement, auprès des acheteurs potentiels, sur les dangers de l'opération.
Cependant et d'une part, la SARL ORCIALIS, comme la SARL PATRIMMO SELECTION, ne sont pas des mandataires ordinaires, choisis au hasard ; il s'agit de professionnels spécialisés ¿ pour la SARL ORC1ALIS ¿ dans l'investissement locatif défiscalisé, titulaires d'une carte professionnelle dont elles font largement état dans leurs écritures et dans les documents publicitaires remis à M. X....
En cette double qualité, la SARL ORCIALIS devait informer M. X... sur les particularités des investissements proposés à cet acheteur néophyte, dont les ressources annuelles maximales étaient de 30. 000 ¿.
Etant le seul interlocuteur " contractuel " de M. X..., dans ce montage juridique où chaque intervenant est lié aux autres, la SARL ORCIALIS devait l'informer pour le moins, des risques de l'opération dont le montage est fragile puisque tout se tient la vente, le prêt, la vente des autres appartements, le paiement des entreprises ; si bien qu'il suffit qu'un seul élément faiblisse pour que l'ensemble s'écroule.
En effet, fin 2005, la solvabilité et pour le moins la trésorerie de la société CONSTRUCTION FINANCE était très fragile ; elle présentait des capitaux propres négatifs à hauteur de 1. 365. 048 ¿. Entre 2006 et 2007, son bénéfice n'a cessé de baisser, passant de 743. 336 ¿ à 523. 480 ¿. Or, l'acte authentique de vente est du 27 juillet 2007.
D'autre part, la garantie intrinsèque, certes légale, est inadaptée ou du moins très risquée s'agissant d'une petite structure comme l'est la société CONSTRUCTION FINANCE.
La SARL ORCIALIS, qui de manière certaine, était tenue d'une obligation d'information envers M. X..., avant la vente, en sa double qualité de mandataire du vendeur pour la commercialisation, et de professionnel de l'immobilier défiscalisé, ne rapporte pas avoir satisfait à cette obligation, causant à M. X... un préjudice certain, dont le tribunal a, à juste titre, évalué la réparation à la somme de 80. 000 ¿ » ;
Alors, d'une part, que la responsabilité personnelle d'un mandataire ne saurait être engagée par le tiers cocontractant qu'en présence d'une faute détachable de ses fonctions et que le manquement du mandataire à son obligation d'information envers le tiers cocontractant n'est pas une faute détachable ; qu'ainsi, en engageant la responsabilité de la société ORCIALIS sans relever l'existence d'une faute détachable de sa mission de mandataire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1984 du Code civil ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Alors, d'autre part, et en tout état de cause, que le préjudice né du manquement d'un débiteur à une obligation d'information requise avant la formation d'un contrat ne peut constituer qu'une perte de chance de ne pas contracter ; qu'en allouant à Monsieur Boris X..., victime d'un manquement à une obligation d'information, une indemnité de 80. 000 ¿ sans faire état d'un quelconque élément permettant de vérifier qu'elle aurait ainsi réparé le préjudice subi du fait de la perte d'une chance de ne pas souscrire le contrat de vente en l'état futur d'achèvement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale tant au regard de l'article 1382 du Code civil que du principe de réparation intégrale du préjudice.