LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° P 10-25. 582 et n° W 10-25. 589 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a interjeté appel d'une ordonnance réputée contradictoire du juge des référés d'un tribunal de grande instance qui a constaté la résiliation du bail commercial que lui avait consenti M. Y...et l'a condamné à payer certaines sommes à ce dernier ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la signification de l'assignation délivrée au « ...à 60350 Pierrefonds », lieu d'exploitation du bail commercial, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque la signification à personne s'avère impossible, l'acte doit être délivré au domicile et seulement à défaut de domicile connu, à résidence ; qu'en déclarant que l'assignation avait été délivrée à bon droit au siège de l'exploitation du restaurant de M. X...sans constater que ce dernier n'avait pas de domicile connu, la cour d'appel a violé les articles 654 et 655 du code de procédure civile ;
2°/ que la domiciliation du siège d'une entreprise à l'adresse de M. X...n'excluait pas que cette même adresse soit son domicile personnel ; que cette seule constatation de l'arrêt ne peut suffire à établir que M. X...n'aurait pas eu de domicile connu ; qu'ainsi l'arrêt attaqué est privé de base légale au regard des articles 654 et 655 du Code de procédure civile ;
3°/ que le grief causé par l'assignation irrégulièrement délivrée le 3 septembre pour une audience du 10 septembre résulte de ce que M. X...n'a pu comparaître en première instance ; qu'en excluant tout grief au motif inopérant que M. X...avait pu interjeter appel de cette décision, la cour d'appel a violé les articles 654 et 655 du code de procédure civile ; 4°/ que M. X...avait fait valoir dans ses conclusions que l'indication dans son acte d'appel du « ...à 60350 Pierrefonds » était une erreur matérielle, ce qu'il justifiait par des pièces produites au dossier ; qu'en se fondant néanmoins sur cette déclaration pour valider la signification de l'assignation à cette adresse, sans s'expliquer sur l'erreur matérielle ainsi commise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des productions que l'assignation introductive d'instance a été signifiée à M. X...au ..., 60350 Pierrefonds, adresse dont l'huissier instrumentaire a vérifié et confirmé qu'elle constituait le domicile du destinataire de l'acte ;
Et attendu qu'ayant relevé que le domicile revendiqué par M. X...,
..., 60290 Rantigny était incertain dès lors que, selon les indications du tribunal de commerce de Beauvais, cette adresse était celle du siège d'une société ISA, que l'ordonnance avait été signifiée à l'adresse du ..., 60350 Pierrefonds où M. X...qui avait interjeté appel de l'ordonnance, s'était, lui-même, domicilié dans sa déclaration d'appel, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a décidé que M. X...avait été régulièrement assigné ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche pour critiquer des motifs surabondants, est mal fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 14, 16 et 562 du code de procédure civile ;
Attendu que, lorsque l'appelant n'a conclu qu'à l'annulation du jugement en raison de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, si elle écarte cette nullité, ne peut statuer au fond qu'après que les parties ont été invitées à conclure au fond ;
Qu'en confirmant le jugement, sans avoir invité M. X...à conclure sur le fond du litige, alors que l'injonction de conclure délivrée le 27 octobre 2008 était antérieure aux conclusions de l'appelant se bornant à soulever l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance, l'arrêt rendu le 22 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X...;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits aux pourvois n° P 10-25. 582 et W 10-25. 589 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de nullité de la signification de l'assignation délivrée au « ...à 60350 Pierrefonds », lieu d'exploitation du bail commercial ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article 654 du Code de procédure civile, qui prescrivent que « la signification doit être faite à personne », ne sont sanctionnées par la nullité que si leur violation a porté grief à la partie qui l'invoque ; en l'espèce, Maxime Brice X...se plaint de ce que la signification qui a été faite au « ...à 60350 Pierrefonds » qui est le lieu d'exploitation de son restaurant et non au « ... à 60290 Rantigny » qui serait son domicile ; cela étant la cour observe (que) le domicile de Maxime Brice X...reste incertain, dès lors qu'il ressort des pièces de la procédure que le « ... à 60290 Rantigny » est, selon les indications du RC de Beauvais, le siège d'une entreprise dénommée ISA, dès lors que l'ordonnance entreprise lui a été signifiée au « ...à 60350 Pierrefonds » et qu'il a pu en interjeter appel, dès lors que, dans son acte d'appel, il a donné comme adresse personnelle le « ...à 60350 Pierrefonds » et dès lors que c'est à bon droit, dans ces conditions, que la signification lui a été délivrée au siège de son exploitation ; Maxime Brice X...ne démontrant pas en quoi l'assignation au « ...à 60350 Pierrefonds » lui a fait grief ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque la signification à personne s'avère impossible, l'acte doit être délivré au domicile et seulement à défaut de domicile connu, à résidence ; qu'en déclarant que l'assignation avait été délivrée à bon droit au siège de l'exploitation du restaurant de M. X...sans constater que ce dernier n'avait pas de domicile connu, la Cour d'appel a violé les articles 654 et 655 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la domiciliation du siège d'une entreprise à l'adresse de M. X...n'excluait pas que cette même adresse soit son domicile personnel ; que cette seule constatation de l'arrêt ne peut suffire à établir que M. X...n'aurait pas eu de domicile connu ; qu'ainsi l'arrêt attaqué est privé de base légale au regard des articles 654 et 655 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE SURCROIT, QUE le grief causé par l'assignation irrégulièrement délivrée le 3 septembre pour une audience du 10 septembre résulte de ce que M. X...n'a pu comparaître en première instance ; qu'en excluant tout grief au motif inopérant que M. X...avait pu interjeter appel de cette décision, la Cour d'appel a violé les articles 654 et 655 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE M. X...avait fait valoir dans ses conclusions que l'indication dans son acte d'appel du « ...à 60350 Pierrefonds » était une erreur matérielle, ce qu'il justifiait par des pièces produites au dossier (conclusions, p. 7) ; qu'en se fondant néanmoins sur cette déclaration pour valider la signification de l'assignation à cette adresse, sans s'expliquer sur l'erreur matérielle ainsi commise, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir, après s'être opposé au renvoi de l'affaire à l'instruction afin de permettre aux parties de conclure sur le fond, confirmé l'ordonnance entreprise du 24 septembre 2008 ;
AUX MOTIFS QUE Maxime Brice X...soutient que, dès lors qu'il n'a pas conclu sur le fond, l'affaire doit être renvoyée à la mise en état pour lui permettre de conclure ; la cour observe que, sur son appel en date 22 octobre 2008, le président de la chambre a, par ordonnance du 27 octobre 2008, fixé l'affaire au 17 février 2009 en invitant les parties à conclure pour cette date ; que Maxime Brice X..., appelant, a conclu (conclusions du 11 février 2009) et que Patrick Y..., intimé, a conclu (conclusions du 31 décembre 2008) ; que, par la suite, tant Maxime Brice X...que Patrick Y...ont encore conclu (le 17 septembre 2009 pour l'un, le 20 avril 2009) ; qu'à la demande de Maxime Brice X..., l'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois ; il échet de constater que Maxime Brice X...a largement eu le temps de conclure au fond et que c'est donc volontairement et à des fins purement dilatoires qu'il s'est abstenu de conclure au fond ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque l'appelant, qu'il ait ou non comparu ou conclu en première instance, n'a conclu qu'à l'annulation du jugement en raison de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la Cour d'appel, si elle écarte cette nullité, ne peut statuer au fond qu'après que les parties aient été enjoint de conclure au fond ; qu'en l'espèce, en confirmant l'ordonnance entreprise, après avoir refusé de renvoyer l'affaire à la mise en état pour permettre à l'appelant de conclure au fond, bien qu'il n'avait pas comparu en première instance et qu'il avait conclu uniquement à l'annulation du jugement en raison de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la Cour d'appel a violé les articles 14, 16 et 562 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en refusant de prononcer le renvoi de l'affaire à la mise en état pour permettre aux parties de conclure sur le fond, en se bornant à relever que le président de la chambre avait, par ordonnance du 27 octobre 2008, fixé l'affaire au 17 février 2009 en invitant les parties à conclure pour cette date, sans constater l'existence d'une injonction de conclure au fond, la Cour d'appel a violé les articles 14, 16 et 562 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QU'en refusant le renvoi de l'affaire à l'instruction pour permettre aux parties de conclure au fond, en constatant que M. X...aurait largement eu le temps de conclure au fond et que c'est donc volontairement et à des fins purement dilatoires qu'il s'est abstenu de conclure au fond, sans qu'il n'ait eu d'injonction pour le faire, la Cour d'appel a de nouveau violé les articles 14, 16 et 562 du Code de procédure civile.