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09/04/2014 | FRANCE | N°13-15555

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 avril 2014, 13-15555


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Mutuelle des architectes français (la MAF) et à Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Socotec ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 février 2013), rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 27 mai 2010, pourvoi n° 09-14.107, Bull. civ. III, n° 106), que la société Modling, maître de l'ouvrage, assurée en police dommages-ouvrage, par la société Cigna, aux droits de laquelle se trouve la société Ace Euro

pean Group Limited (Ace) a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Mutuelle des architectes français (la MAF) et à Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Socotec ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 février 2013), rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 27 mai 2010, pourvoi n° 09-14.107, Bull. civ. III, n° 106), que la société Modling, maître de l'ouvrage, assurée en police dommages-ouvrage, par la société Cigna, aux droits de laquelle se trouve la société Ace European Group Limited (Ace) a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré par la MAF, chargé la société Asco assurée par la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP) de l'exécution du lot « étanchéité » dans la construction de bâtiments ; qu'une mission de contrôle technique a été confiée à la société Socotec, également assurée par la SMABTP ; que la réception est intervenue le 6 janvier 1992 ; qu'à la suite de l'apparition de désordres, la société Ace, condamnée par un arrêt du 17 avril 2003 à payer à la société Modling des sommes au titre du préfinancement des travaux de reprise, a exercé un recours subrogatoire contre Mme X..., venant aux droits de Guy X... décédé, M. Y..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Asco, la société Socotec et les assureurs ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :
Attendu que la MAF et la SMABTP font grief à l'arrêt de les condamner in solidum avec Mme X..., à payer à la société Ace la somme de 3 489 624 euros avec intérêts légaux et capitalisation, alors, selon le moyen, que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que l'assureur dommages-ouvrage est responsable envers les tiers, notamment les constructeurs et leurs assureurs, en cas de méconnaissance de ses obligations légales ayant aggravé les désordres ; qu'en l'espèce, Mme X... et la Mutuelle des architectes français ont soutenu que la compagnie Ace, assureur dommages-ouvrage, avait effectué une proposition d'indemnisation insuffisante, ce qui avait entraîné une aggravation des désordres ; que pour rejeter leur recours contre cet assureur, la cour d'appel s'est bornée à retenir que le responsable d'un dommage et son assureur sont sans qualité pour critiquer la prise en charge du sinistre par l'assureur de la chose, et que l'assureur responsabilité de l'entrepreneur doit prendre toute mesure utile pour éviter l'aggravation des désordres ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 242-1 du code des assurances ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que les assureurs en responsabilité de l'architecte et de l'entrepreneur, auxquels incombait la charge finale de la réparation des désordres relevant de l'article 1792 du code civil, devaient prendre toutes les mesures utiles pour éviter l'aggravation du sinistre et ne pouvaient pas se prévaloir des fautes de l'assureur dommages-ouvrage, qui auraient pu concourir à l'aggravation des désordres ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Mutuelle des architectes français et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à payer à la société Ace European Group Limited la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Mutuelle des architectes français ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle des architectes français et Mme X....
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum Madame X... et la Mutuelle des Architectes Français, avec la SMABTP, à payer à la société ACE European Group Limited la somme de 3.489.624 € avec intérêts légaux à compter des paiements effectués à la société MODLING et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil à compter du 15 décembre 2000,
Aux motifs que « la SMABTP, Madame X... et la MAF opposent à la société ACE sa propre responsabilité dans la mauvaise appréhension du sinistre.Selon elles la société ACE n'aurait pas accompli sa mission qui était de mettre fin au désordre, puis d'exercer des recours, enfin de n'avoir préconisé que des réparations ponctuelles ne permettant pas de supprimer l'importance du phénomène de condensation.Elles s'estiment en conséquence bien fondées à faire consacrer la responsabilité de la société ACE sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code Civil.Toutefois, il est de jurisprudence constante que le responsable d'un dommage (ou son assureur) qui n'est ni le souscripteur ni le bénéficiaire d'un contrat d'assurance de chose, est sans qualité à critiquer la prise en charge du sinistre par l'assureur de la chose.L'assureur responsabilité de l'entrepreneur, sur qui pèse la charge finale de la réparation des désordres relevant de l'article 1792 du Code Civil, ne peut se prévaloir des fautes éventuelles de l'assureur dommages-ouvrage qui auraient pu concourir à l'aggravation des désordres, dès lors qu'il incombe au premier de ces assureurs de prendre toute mesure utile pour éviter cette aggravation.La SMABTP et la MAF, qui ne sont ni le souscripteur ni le bénéficiaire du contrat dommages-ouvrage, sont en conséquence irrecevables à critiquer la prise en charge du sinistre par la société ACE, alors même qu'il leur incombait de prendre toutes mesures utiles pour éviter l'aggravation du sinistre et ce alors même que la SMABTP et la MAF étaient présentes aux opérations d'expertise diligentées dès octobre 1993 par l'assureur dommages-ouvrage ainsi que cela résulte du compte rendu d'expertise de Monsieur Z... en date du 22/10/1993.Le moyen tiré du prétendu dépassement par l'assureur dommages-ouvrage des délais pour gérer la réclamation de son assuré, ne saurait pas davantage exclure le recours de l'assureur dommages-ouvrage contre les responsables des désordres.Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté que, subrogée dans les droits et actions de son assurée, la société ACE peut bénéficier de tous les moyens tant en procédure qu'au fond et de tous les avantages attachés au paiement de l'indemnité à laquelle celle-ci aurait pu prétendre et débouté la SMABTP, Madame X... et la MAF de leur demande tendant à voir déclarer ACE responsable même partiellement des dommages » (arrêt p. 8 et 9) ;

ALORS QUE le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que l'assureur dommages-ouvrage est responsable envers les tiers, notamment les constructeurs et leurs assureurs, en cas de méconnaissance de ses obligations légales ayant aggravé les désordres ; qu'en l'espèce, Mme X... et la Mutuelle des Architectes Français ont soutenu que la compagnie ACE, assureur dommages-ouvrage, avait effectué une proposition d'indemnisation insuffisante, ce qui avait entraîné une aggravation des désordres ; que pour rejeter leur recours contre cet assureur, la cour d'appel s'est bornée à retenir que le responsable d'un dommage et son assureur sont sans qualité pour critiquer la prise en charge du sinistre par l'assureur de la chose, et que l'assureur responsabilité de l'entrepreneur doit prendre toute mesure utile pour éviter l'aggravation des désordres ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et L.242-1 du Code des assurances.Moyen produit au pourvoi provoqué par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la SMABTP.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum la SMABTP, avec Mme X... et la MAF, à payer à la société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED la somme de 3 489 624 ¿ avec intérêts légaux à compter des paiements effectués à la société MODLING et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à compter du 15 décembre 2000 ;
AUX MOTIFS QUE « la SMABTP, Mme X... et la MAF opposent à la société ACE sa propre responsabilité dans la mauvaise appréhension du sinistre.
Selon elles la société ACE n'aurait pas accompli sa mission qui était de mettre fin au désordre, puis d'exercer des recours, enfin de n'avoir préconisé que des réparations ponctuelles ne permettant pas de supprimer l'importance du phénomène de condensation.
Elles s'estiment en conséquence bien fondées à faire consacrer la responsabilité de la société ACE sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil.
Toutefois, il est de jurisprudence constante que le responsable d'un dommage (ou son assureur) qui n'est ni le souscripteur ni le bénéficiaire d'un contrat d'assurance de chose, est sans qualité à critiquer la prise en charge du sinistre par l'assureur de la chose.
L'assureur responsabilité de l'entrepreneur, sur qui pèse la charge finale de la réparation des désordres relevant de l'article 1792 du code civil, ne peut se prévaloir des fautes éventuelles de l'assureur dommages-ouvrage qui auraient pu concourir à l'aggravation des désordres, dès lors qu'il incombe au premier de ces assureurs de prendre toute mesure utile pour éviter cette aggravation.
La SMABTP et la MAF, qui ne sont ni le souscripteur ni le bénéficiaire du contrat dommages-ouvrage, sont en conséquence irrecevables à critiquer la prise en charge du sinistre par la société ACE, alors même qu'il leur incombait de prendre toutes mesures utiles pour éviter l'aggravation du sinistre et ce alors même que la SMABTP et la MAF étaient présentes aux opérations d'expertise diligentées dès octobre 1993 par l'assureur dommages-ouvrage ainsi que cela résulte du compte rendu d'expertise de Monsieur Z... en date du 22/10/1993.
Le moyen tiré du prétendu dépassement par l'assureur dommages-ouvrage des délais pour gérer la réclamation de son assuré, ne saurait pas davantage exclure le recours de l'assureur dommages-ouvrage contre les responsables des désordres.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté que, subrogée dans les droits et actions de son assurée, la société ACE peut bénéficier de tous les moyens tant en procédure qu'au fond et de tous les avantages attachés au paiement de l'indemnité à laquelle celle-ci aurait pu prétendre et débouté la SMABTP, Mme X... et la MAF de leur demande tendant à voir déclarer ACE responsable même partiellement des dommages » ;
ALORS QUE le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que l'assureur dommages-ouvrage est responsable envers le tiers, notamment les constructeurs et leurs assureurs, en cas de méconnaissance de ses obligations légales ayant aggravé les désordres ; qu'en l'espèce, il a été soutenu que la compagnie ACE, assureur dommages-ouvrage, avait effectué une proposition d'indemnisation insuffisante, ce qui avait entraîné une aggravation des désordres ; que pour rejeter leur recours contre cet assureur, la cour d'appel s'est bornée à retenir que le responsable d'un dommage et son assureur sont sans qualité pour critiquer la prise en charge du sinistre par l'assureur de la chose, et que l'assureur responsabilité de l'entrepreneur doit prendre toute mesure utile pour éviter l'aggravation des désordres ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 242-1 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-15555
Date de la décision : 09/04/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE RESPONSABILITE - Assurance obligatoire - Travaux de bâtiment - Garantie - Obligation - Exonération - Faute éventuelle de l'assureur - Dommages-ouvrage (non)

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Assurance - Assurance responsabilité - Caractère obligatoire - Etendue - Détermination

Les assureurs en responsabilité de l'architecte et de l'entrepreneur, auxquels incombe la charge finale de la réparation des désordres relevant de l'article 1792 du code civil, doivent prendre toutes les mesures utiles pour éviter l'aggravation du sinistre et ne peuvent pas se prévaloir des fautes de l'assureur dommages-ouvrage, ayant pu concourir à l'aggravation des désordres


Références :

article 1382 du code civil

article L. 242-1 du code des assurances

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 05 février 2013

Sur l'exclusion de la possibilité pour l'assureur en responsabilité de l'entrepreneur de se prévaloir des fautes de l'assureur dommages-ouvrage ayant pu concourir à l'aggravation des désordres, à rapprocher :3e Civ., 1er mars 2006, pourvoi n° 04-20. 551, Bull. 2006, III, n° 49 (arrêt n° 1) (rejet) ;3e Civ., 1er mars 2006, pourvoi n° 04-20. 399, Bull. 2006, III, n° 49 (arrêt n° 1) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 avr. 2014, pourvoi n°13-15555, Bull. civ.Bull. 2014, III, n° 47
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, III, n° 47

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: M. Nivôse
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Odent et Poulet, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15555
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