LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 novembre 2011), que M. X... a été engagé par la société Roxane Nord en qualité de responsable de production le 26 janvier 1994 ; qu'à la suite d'un accident du travail survenu le 4 février 2008, son employeur lui a signifié par lettre du 19 février 2008 qu'il n'était pas maintenu dans ses fonctions de responsable de production et qu'il avait décidé de lui confier une mission sur la sécurité dans le groupe ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 23 avril 2010 de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail, en réparation d'un préjudice consécutif à un harcèlement moral et en paiement de rappels de primes ; qu'ayant fait valoir ses droits à la retraite le 25 février 2012, il a requalifié devant la cour d'appel ses demandes au titre de la résiliation judiciaire en demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des griefs invoqués envers l'employeur ;
Sur les premier et troisième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations, une somme en rappel de prime multisites et une somme au titre d'un rappel de prime de résultat alors, selon le moyen, qu'en vertu du principe de réparation intégrale, qui veut que l'indemnisation se fasse sans perte ni profit pour la victime, la réparation du dommage ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir retenu que l'employeur ne pouvait cesser de verser la prime multisites au regard de l'absence d'acceptation par le salarié d'une modification de sa situation en février 2008, et que la prime de résultats était dû par l'employeur en l'absence de modification de la structure de la rémunération après le changement de ses fonctions en 2008, l'a condamné à verser au salarié des montants correspondant aux deux primes en cause ; qu'en statuant ainsi, tout en condamnant dans le même temps l'employeur à verser au salarié une somme de 50 000 euros en raison du préjudice subi par le salarié du fait de la modification de sa situation sans acceptation de sa part en février 2008, la cour d'appel, qui a procédé à une double indemnisation du même préjudice en condamnant l'employeur à verser au salarié à la fois les primes qu'il aurait dû percevoir si sa situation n'avait pas été modifiée, et une somme à titre dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la faute commise par l'employeur pour avoir modifié la situation du salarié sans son acceptation, a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'employeur s'étant borné dans ses conclusions d'appel à solliciter le rejet des demandes du salarié, sans soutenir que l'indemnisation de la perte de primes serait déjà incluse dans les dommages et intérêts réclamés en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations, le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Roxane Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Roxane Nord.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Roxane Nord à payer à M. X... la somme 50 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations ;
AUX MOTIFS QUE la société Roxane Nord n'ayant pas contesté la désignation de Gérard X... le 20 septembre 1994 comme délégué syndical par le syndicat CFTC, celle-ci a été purgée de tout vice ; en 2002 Gérard X... figure d'ailleurs sur une note adressée aux délégués syndicaux en janvier 2004 il a été élu délégué du personnel ; le 15 novembre 2011 la CFTC lui indique qu'elle n'a pas révoqué son mandat mais qu'en application de la loi du 20 août 2008, il n'est plus délégué syndical depuis les dernières élections de 2009, du fait qu'il n'a pas été candidat ; les pièces produites par la société Roxane Nord ne sont pas de nature à contredire ces éléments dans la mesure où les délégués syndicaux désignés en 2000 et 2002 par la CFTC l'ont été pour d'autres établissements que celui dans lequel Gérard X... travaillait ; il en ressort que Gérard X... bénéficiait encore du statut de salarié protégé 2008 ; toute modification, même de ses conditions de travail, nécessitait son accord exprès l'accord du salarié qui ne pouvait résulter de la seule poursuite du travail ; or, il est constant que Gérard X... n'a pas accepté le retrait de ses fonctions de responsable de production au profit de la mission de responsable de sécurité des sites, qu'il qualifie de sanction disciplinaire, ainsi qu'il la clairement dit dans un courrier du 7 mars 2008 ; aucun avenant n'a d'ailleurs été signé par le salarié ; l'absence de respect de la procédure disciplinaire ainsi que le fait d'imposer à Gérard X... cette modification lui a causé une préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 50 000 euros (arrêt p.4, alinéas 1 et 2) ;
ALORS QUE en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, le mandat du délégué syndical ou du délégué syndical central ne subsiste qu'à la condition que l'entreprise qui fait l'objet de la modification conserve son autonomie, et qu'il en est de même en cas de transfert d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail ; qu'en se bornant à relever que M. X... avait été désignée délégué syndical CFTC le 20 septembre 1994 sans que cette désignation soit alors contestée, pur en inférer qu'il bénéficiait encore du statut de salarié protégé en février 2008 dès lors qu'il figurait sur une note adressé aux délégués syndicaux en 2002 et que la CFTC lui avait indiqué qu'elle n'avait pas révoqué son mandat, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le mandat de délégué syndical de M. X... n'avait pas pris fin à la suite des opérations de fusion entre les sociétés Roxane Nord, Saine Fontaine et Cfbg, devenue Roxane Nord, en 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-10 du code du travail.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Roxane Nord à payer à M. X... la somme 50 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations, la somme de 8 500 euros en rappel de prime multisites et la somme de 49 736 euros au titre d'un rappel de primes de résultat ;
AUX MOTIFS QUE toute modification, même de ses conditions de travail, nécessitait son accord exprès l'accord du salarié qui ne pouvait résulter de la seule poursuite du travail ; or, il est constant que Gérard X... n'a pas accepté le retrait de ses fonctions de responsable de production au profit de la mission de responsable de sécurité des sites, qu'il qualifie de sanction disciplinaire, ainsi qu'il la clairement dit dans un courrier du 7 mars 2008 ; aucun avenant n'a d'ailleurs été signé par le salarié ; l'absence de respect de la procédure disciplinaire ainsi que le fait d'imposer à Gérard X... cette modification lui a causé une préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 50 000 euros (arrêt p.4, alinéas 1 et 2) ;
QUE s'agissant des années 2010 et 2011, il convient de constater qu'en l'absence de modification de la structure de sa rémunération après le changement de ses fonctions en 2008, les primes sont devenues détachées de son activité, Gérard X... n'étant plus responsable de production ; ces primes sont donc dues même en l'absence de travail, il sera alloué au salarié conformément à sa demande, la somme de 49 736 euros (arrêt p.6, alinéas 4 et 5) ;
ET QUE s'agissant de la prime multisites proprement dite, au regard de l'absence d'acceptation par le salarié d'une modification de sa situation en février 2008, l'employeur ne pouvait cesser de verser la prime ; le salarié est donc en droit d'obtenir 500 X 17 mois (de février à mai 2008 et de janvier 2010 à janvier 2011) soit 8 500 euros (arrêt p.7, dernier alinéa) ;
ALORS QU' en vertu du principe de réparation intégrale, qui veut que l'indemnisation se fasse sans perte ni profit pour la victime, la réparation du dommage ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir retenu que l'employeur ne pouvait cesser de verser la prime multisites au regard de l'absence d'acceptation par le salarié d'une modification de sa situation en février 2008, et que la prime de résultats était dû par l'employeur en l'absence de modification de la structure de la rémunération après le changement de ses fonctions en 2008, l'a condamné à verser au salarié des montants correspondant aux deux primes en cause ;qu'en statuant ainsi, tout en condamnant dans le même temps l'employeur à verser au salarié une somme de 50 000 euros en raison du préjudice subi par le salarié du fait de la modification de sa situation sans acceptation de sa part en février 2008, la cour d'appel, qui a procédé à une double indemnisation du même préjudice en condamnant l'employeur à verser au salarié à la fois les primes qu'il aurait dû percevoir si sa situation n'avait pas été modifiée, et une somme à titre dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la faute commise par l'employeur pour avoir modifié la situation du salarié sans son acceptation, a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 1147 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Roxane Nord à payer à M. X... la somme de 6 398 euros de dommages intérêts pour privation d'une partie des 12 jours de congés payés cadre ;
AUX MOTIFS QUE il est constant que les 12 jours de congés payés cadres ne sont pas mentionnés sur les bulletins de salaire de Gérard X... ; toutefois, en avril 2012, il a reçu paiement d'indemnités compensatrices de congés payés pour les 17 jours restants dus et pour les 2 jours de congé ancienneté, ainsi que 37 jours intitulés « indemnité compensatrice de congés payés cadre » ; en conséquence, au titre des congés cadre, il reste dû 23 jours (60 ¿ 37) ; Gérard X... est bien fondé à solliciter des dommages-intérêts correspondants au salaire auquel il aurait pu prétendre pour ces jours, dès lors que l'indemnité de congés payés, qui tient lieu de salaire, ne peut se cumuler avec le salaire ;
ALORS QU'un salarié ne peut obtenir de dommages-intérêts pour des congés payés non pris que s'il établit que c'est par la faute de son employeur qu'ils n'ont pu être pris ; qu'en retenant que M. X... était bien fondé à solliciter des dommages intérêts correspondants au salaire auquel il aurait pu prétendre pour les congés cadres non pris, sans constater que c'était par la faute de son employeur qu'ils n'avaient pu être pris, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-22 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil.