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09/04/2014 | FRANCE | N°12-23870

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 avril 2014, 12-23870


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Hardytortuaux le 4 janvier 1988, en qualité de représentant commercial, puis en qualité de chef d'agence au service de la société SAPA RC system, devenue la société SAPA building system, qui a repris son contrat ; qu'il a été licencié pour fautes graves le 30 juillet 2008 ;
Attendu que pour dire le licenciement du sal

arié dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient d'une part que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Hardytortuaux le 4 janvier 1988, en qualité de représentant commercial, puis en qualité de chef d'agence au service de la société SAPA RC system, devenue la société SAPA building system, qui a repris son contrat ; qu'il a été licencié pour fautes graves le 30 juillet 2008 ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient d'une part que l'employeur n'évoquait dans la lettre de licenciement que des faits anciens, remontant à plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement et pour lesquels il avait épuisé son pouvoir disciplinaire et d'autre part, un motif par lequel il se limitait à produire les attestations par lesquelles les subordonnées du salarié s'étaient plaintes de comportements fautifs déjà sanctionnés par la mise en garde du 29 avril 2008, l'attestation de Marielle Y... ne rapportant rien des agissements du salarié le 27 juin 2008 ; qu'en statuant ainsi alors que les attestations produites par l'employeur faisaient état de la poursuite de faits postérieurement au 29 avril 2008, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société SAPA building system
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence condamné la société SAPA BUILDING SYSTEM à verser à Monsieur X... des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à rembourser le Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois
AUX MOTIFS QUE « Dès lors que l'employeur, pour donner un effet immédiat à sa décision de rompre le contrat de travail sans observer le délai-congé ni verser d' indemnité de licenciement, a invoqué des fautes graves du salarié, il lui incombe de rapporter la preuve dans les termes qu'il a notifiés dans la lettre de licenciement et qui fixent les limites du litige, En l'espèce, la société supporte la charge de la preuve, Il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa prétention, qu'elle présente à titre subsidiaire, en vue d'une mesure d'enquête destinée à pallier ses insuffisances dans l'administration des éléments de preuve. Cependant, il résulte de l'article L.1331-4 du code du travail, que les faits prescrits au terme du délai de deux mois, il compter de la connaissance qu'en a eue l'employeur, ne peuvent plus être poursuivis et justifier à eux seuls un licenciement.Dès lors que les faits ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois précédents. Il résulte également du principe de non-cumul des sanctions que lorsque l'employeur a été informé de l'ensemble des faits reprochés à son salarié et qu'il choisit de notifier une sanction pour certains d'entre eux seulement il épuise son pouvoir disciplinaire et il ne peut plus ensuite prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la première sanction (Cass. Soc 16 mars 2010). Or d'une part, dans la lettre de licenciement du 30 juillet 2008 et à l'exception du premier motif, la société Sapa Rc System n'a évoqué que des faits anciens, remontant à plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement par l'envoi de la lettre de convocation du 18 juillet 2008. Faute pour la société intimée d'établir n'en avoir eu connaissance que dans les deux mois qui ont précédé l'engagement de la procédure de licenciement, tous ces faits sont prescrits et ils ne peuvent servir à justifier la rupture de la relation de travail. D'autre part et surtout, antérieurement au licenciement, la société intimée a reproché à Mr Denis X... une série de faits dans la lettre recommandée du avril 2008 par laquelle elle lui a expressément adressé une "ultime mise en garde" en le menaçant d'un licenciement en cas de persistance de son comportement fautif. En application de l'article L.1331-1 du code du travail, cette mise en garde constitue line sanction disciplinaire en ce qu'elle est une mesure, autre qu'une observation verbale, prise par l'employeur à la suite d'agissements du salarié qui étaient considérés comme fautifs et en ce qu'elle était de nature à ultérieurement affecter la présence du salarié dans l'entreprise. La sanction notifiée par lettre recommandée du 29 avril 2008 a donc épuisé le pouvoir disciplinaire de la société intimée pour tous les faits dont elle avait antérieurement connaissance, qu' elle les ait visés ou non, y compris le harcèlement que les premiers juges ont cru devoir retenir. Dans la lettre de licenciement du 30 juillet 2008 seuls les faits énoncés dans le premier motif échappent à cet épuisement du pouvoir disciplinaire, du moins en ce qu'ils sont postérieurs au 29 avril 2008. La société intimée a ainsi reproché à M. Denis X... l'incident du juin 2008 qu'elle a qualifié comme un "départ du personnel en bloc de l'agence ", reprochant en substance au salarié d'avoir sollicité sa hiérarchie sans lui-même trouver de solution, d'avoir contraint sa collaboratrice Marielle Y... à d'inutiles recherches sur la présence d'une commande, d'avoir usé d'un "jeu subtil du chat et de la souris en masquant des informations utiles aux collaborateurs ", et de n'avoir pas su "ressouder l'équipe plutôt que tenter de maintenir une telle pression sous des formes différentes ». Mais, devant la Cour, la société intimée se limite à produire les attestations par lesquelles les subordonnées de M. Denis X... se sont plaintes de harcèlement moral et autres comportements fautifs déjà sanctionnés par la mise en garde du 29 avril 2008. L'assistante Marielle Y... n'a elle-même rien rapporté des agissements de M. Denis X... le 27 juin 2008. Rien n'est produit ni sur une dissimulation d'information aux collaborateurs, ni sur un manquement de M. Denis X... à son devoir de veiller à la cohésion de son équipe depuis le 29 avril 2008. Quant à la circonstance, qu'à la suite de la sortie concertée du personnel le 27 Juin 2008, M. Denis X... a alerté sa hiérarchie, elle ne révèle aucun comportement fautif. II s'ensuit que, faute pour la société intimée de satisfaire à son obligation probatoire pour les seuls faits énoncés qui n'étaient pas couverts par la prescription et pour lesquels elle n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire par la sanction notifiée le 29 avril 2008, non seulement aucune faute grave n'est établie, mais le licenciement prononcé s'avère dépourvu de cause réelle et sérieuse. En conséquence, le salarié appelant est fondé à recevoir line indemnité compensatrice du préavis dont son employeur ne pouvait le priver, une indemnité compensatrice des congés payés y afférents, une indemnité de licenciement, et des dommages et intérêts, mais non pour les montants qu'il réclame. L'indemnité compensatrice de préavis, lequel est fixé à trois mois par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, doit être exactement calculée sur la base de la moyenne des douze derniers mois de salaire tels qu'ils apparaissent sur l'attestation à l'intention de l'Assedic, y compris la prime de treizième mois, comme suit: (177 532,96 : 12) x 3 = 44 3X3.24 ¿ bruts.L'indemnité compensatrice des congés payés y afférents doit être fixée au dixième de ce montant soit: 4438,32 E bruts.L'indemnité de licenciement doit être fixée, en application de ladite convention collective et au regard des 20 ans d'ancienneté du salarié, comme suit:- pour les sept premières années d'ancienneté: (177 532.96 : 12) : :) x 7 = 20 712.18- pour les treize années suivantes: (177532.96: 12):5\3x 13:= 115396.42Soit un total de 136108.60 euros.En application de l'article L.1235-3 du code du travail, les dommages et intérêts ne peuvent être inférieurs aux six derniers mois de salaire, soit 83 692.42 ¿. Au vu des éléments lacunaires que produit M. Denis X... sur l'étendue du préjudice consécutif à la perte de son emploi, une exacte évaluation conduit la Cour à fixer à 90000 E le montant des dommages et intérêts qui doivent lui revenir.En outre, par application de l'article L.1235-4 du code du travail, il s'impose de mettre à la charge de l'employeur le remboursement des indemnités de chômage servies au salarié abusivement licencié, et ce dans la limite de six mois d'indemnité.En application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.En application de l'article 696 du même code, il échet de mettre les entiers dépens il la charge de l'employeur qui succombe »
1/ ALORS QU' interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; que dans son attestation, Marielle Y... attestait « l'exactitude des faits mentionnés dans son mail du 27 juin 2008 », confirmant ainsi, par voie de témoignage, les agissements de Monsieur X... à son encontre le 27 juin 2008 qu'elle avait dénoncés à sa direction dans un mail du même jour; qu'en affirmant que dans son attestation, Marielle Y... n'avait elle-même rien rapporté des agissements de M. Denis X... le 27 juin 2008, la Cour d'appel a dénaturé l'attestation précitée, en violation du principe susvisé ;
2/ ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; que dans leurs attestations, Madame A... confirmait « que le départ en masse du 27 juin 2008 a été un signe de solidarité vis-à-vis de ma collègue Marielle Y..., qui, par pression morale, a craqué. Nous avons tous décidé de quitter l'agence afin que la direction prenne enfin conscience des agissements de Monsieur X... et de notre ras le bol général », Madame B... concluait que « c'est pourquoi, poussés à bout, et par solidarité, nous avons tous quittés nos postes le 27 juin 2008 », Madame C... confirmait également que Monsieur X... poussant à bout ses collègues moralement, « c'est pour cela que le 27 juin 2008 par solidarité avec Madame Y..., nous sommes tous partis » ; que dès lors, en affirmant que la société se limitait à produire les attestations par lesquelles les subordonnées de M. Denis X... se sont plaintes de harcèlement moral et autres comportements fautifs déjà sanctionnés par la mise en garde du 29 avril 2008, lorsque ces témoignages relataient les faits du 27 juin 2008, la Cour d'appel a dénaturé lesdites attestations en violation du principe susvisé ;
3/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions; que pour démontrer la réalité d'un comportement managérial déplorable de Monsieur X... à l'origine de la désertion du personnel de son agence le 27 juin 2008, la société versait aux débats, outre les attestations précitées, le mail adressé par Madame Y... à sa direction le 27 juin 2008, dans lequel elle expliquait en détail les raisons de son départ précipité de l'agence le matin même à 11 heures, imputables au comportement de Monsieur X... à l'égard d'elle-même et du personnel de l'agence au cours de la semaine écoulée, le mail adressé le 29 mai 2008 par Madame Y... à sa direction dans lequel elle dénonçait le forçage de son armoire le 19 mai 2008, le mail adressé le 31 mai 2008 par Madame A... à la direction, dans lequel elle dénonçait les agissements de Monsieur X... à son égard en date des 29 et 30 mai 2008 ; qu'en affirmant que la société intimée ne produisait aucune pièce établissant les faits énoncés dans la lettre de licenciement non couverts par la prescription et pour lesquels elle n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire par la sanction notifiée le 29 avril 2008, sans aucunement examiner ni même viser les pièces précitées desquelles il ressortait que de nombreuses salariées de l'agence dirigée par Monsieur X... s'étaient plaintes du comportement que ce dernier avait eu envers elles postérieurement au 29 avril 2008 et qui les avait conduites à quitter leur poste de travail le 27 juin suivant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4/ ALORS QU' interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; que la lettre de licenciement faisait état d'un troisième grief reprochant à Monsieur X... d'avoir, en méconnaissance de l'engagement pris par la société envers la société ACTIVEST de ne plus livrer de profilés objet d'une saisie contrefaçon, livré des profilés contrefaits de « décembre 2007 jusqu'à fin juin 2008 » ; qu'en retenant que la lettre de licenciement du 30 juillet 2008 n'évoquait, à l'exception du premier motif, que des faits anciens, remontant à plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement le 18 juillet 2008 et pour lesquels l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire en ne les sanctionnant pas à l'occasion de l'avertissement du 29 avril 2008, lorsque le troisième grief reprochait au salarié des faits datant du mois de juin 2008, la Cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, en violation du principe susvisé ;
5/ ALORS QUE si l'employeur ne peut sanctionner des faits prescrits, ni sanctionner deux fois les mêmes faits, il peut invoquer des faits prescrits ou déjà sanctionnés à l'appui d'une nouvelle sanction dès lors qu'ont été par la suite commis ou portés à sa connaissance de nouveaux faits fautifs ; qu'en refusant dès lors de tenir compte des témoignages des salariées dénonçant le harcèlement moral dont elles avaient fait l'objet avant le 29 avril 2008 au prétexte que ces faits avaient été sanctionnés le 29 avril 2008, et en refusant d'examiner certains faits mentionnés dans la lettre de licenciement après avoir relevé qu'ils étaient anciens, lorsque la poursuite par Monsieur X... de son comportement fautif après le 29 avril 2008, autorisait la société à invoquer ces faits prescrits et/ou déjà sanctionnés, au soutien de son licenciement, la Cour d'appel a violé la règle non bis in idem et l'article L1332-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-23870
Date de la décision : 09/04/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 12 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 avr. 2014, pourvoi n°12-23870


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.23870
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