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08/04/2014 | FRANCE | N°12-35349

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 avril 2014, 12-35349


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 octobre 2012) que le syndicat CGT du personnel de la société de l'Autoroute Estérel-Côte d'Azur (le syndicat) a demandé que la société des Autoroutes Estérel-Côte d'Azur-Provence-Alpes (Escota) soit condamnée sous astreinte à cesser toute entrave à l'exercice du droit de grève et au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour avoir imposé, lors des conflits collectifs survenus les 28 avril 2009, 5 février et 23 ma

rs 2010, un « service minimum » et procédé à la réquisition personnelle de ce...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 octobre 2012) que le syndicat CGT du personnel de la société de l'Autoroute Estérel-Côte d'Azur (le syndicat) a demandé que la société des Autoroutes Estérel-Côte d'Azur-Provence-Alpes (Escota) soit condamnée sous astreinte à cesser toute entrave à l'exercice du droit de grève et au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour avoir imposé, lors des conflits collectifs survenus les 28 avril 2009, 5 février et 23 mars 2010, un « service minimum » et procédé à la réquisition personnelle de certains de ses salariés ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que, dans ses conclusions d'appel du 3 mai 2012, le syndicat faisait valoir que la directive du 26 septembre 1980 émanant du ministère des transports, relative au service minimum à assurer en cas de grève sur les autoroutes concédées, était illégale ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur la légalité d'un acte administratif lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit implicitement considérée comme incompétente pour statuer sur la légalité de la directive litigieuse, faute d'avoir recherché si les moyens d'illégalité soulevés par le syndicat ne devaient pas, au regard d'une jurisprudence établie, être manifestement accueillis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor en III ;
3°/ que, dans ses conclusions du 3 mai 2012, le syndicat avait fait valoir que la directive du 26 septembre 1980 imposait aux sociétés concessionnaires d'ouvrages autoroutiers d'arrêter des dispositions générales, dans le délai d'un mois après l'entrée en vigueur de la directive, définissant avec précision, en fonction de leur propre organisation, les tâches devant être assurées ainsi que la liste des agents astreints au service minimum en cas de grève et que, faute d'avoir adopté de telles dispositions et de les avoir soumises au ministre, Escota ne pouvait valablement imposer un service minimum ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que, subsidiairement, la directive du 26 septembre 1980 imposait aux sociétés concessionnaires d'ouvrages autoroutiers d'arrêter des dispositions générales, dans le délai d'un mois après l'entrée en vigueur de la directive, définissant avec précision, en fonction de leur propre organisation, les tâches devant être assurées ainsi que la liste des agents astreints au service minimum en cas de grève ; que faute d'avoir arrêté des dispositions générales définissant précisément les tâches et la liste des agents astreints au service minimum en cas de grève, Escota ne pouvait valablement imposer un service minimum par voie de réquisition ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé la directive du 26 septembre 1980, ensemble l'article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
5°/ que, également subsidiairement , pour les mêmes raisons, en jugeant qu'Escota pouvait imposer un service minimum sans avoir préalablement soumis au ministre les dispositions générales que la directive lui imposait d'arrêter, la cour d'appel a violé la directive précitée, ensemble l'article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a retenu que le syndicat, qui n'avait pas saisi la juridiction administrative d'un recours sur la légalité de la directive du 26 septembre 1980 de la direction générale des transports intérieurs du ministère des transports relative au service minimum à assurer en cas de grève sur les autoroutes concédées, était irrecevable à solliciter un sursis à statuer pour lui permettre de la saisir faute d'avoir soulevé cette exception de procédure avant toute défense au fond et n'était pas fondé à contester devant le juge judiciaire la validité de cette directive ; que, n'étant pas tenue de répondre aux conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, elle a relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'Escota s'était conformée aux exigences tant de la directive 26 septembre 1980 que du cahier des charges de la concession modifié par le décret du 11 septembre 1980 en définissant, en fonction de son organisation, les tâches relevant des fonctions essentielles et indispensables à la sécurité des personnes et des biens définies par la directive ainsi que la liste des agents astreints au service minimum ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat CGT du personnel de la société de l'Autoroute Estérel-Côte d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatorze, et signé par M. Bailly, conseiller doyen qui en a délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en raison de l'empêchement du conseiller rapporteur.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour le syndicat CGT du personnel de la société de l'Autoroute Estérel-Côte d'Azur
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la société Escota était bien fondée à organiser un service minimum en cas de grève, d'AVOIR débouté le syndicat CGT de sa demande tendant à condamner sous astreinte la société Escota à mettre un terme à toute entrave au droit de grève consistant, pour la société Escota, à organiser un service minimum ou à réquisitionner des salariés, et de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le syndicat CGT du personnel de la société de l'autoroute Esterel Côte d'Azur sollicite la condamnation de la société Escota à mettre un terme à toute entrave au fonctionnement du syndicat et plus exactement à toute entrave au droit de grève consistant, pour l'intimée, à organiser un « service minimum » ou à « réquisitionner des salariés » et ce, sous astreinte de la somme de 100.000 euros par entrave constatée par acte d'huissier, pour toute journée de grève nouvellement appelée, ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 90.000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice qui lui a été causé lors des journées de grève des 28 avril 2009, 5 février 2010 et 23 mars 2010 ; qu'il est constant que la société Escota, société anonyme de droit privé à laquelle l'Etat a concédé la construction, l'entretien et l'exploitation d'autoroutes, est délégataire de service public, et qu'il doit lui être appliquée la réglementation du droit de grève du service public ; que le Conseil Constitutionnel considère « qu'en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public, qui tout comme le droit de grève, a valeur constitutionnelle ; ces limitations peuvent aller jusqu'à l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays » ; que le Conseil d'Etat précise dans un avis du mois de juin 1978 que lorsque le service est concédé, comme c'est le cas pour les autoroutes, à une personne privée, le pouvoir de réglementer l'organisation du service en vue d'assurer le fonctionnement régulier appartient, sauf texte particulier, à l'autorité concédante ; que par décret en Conseil d'Etat du 11 septembre 1980, approuvant la modification apportée aux cahiers des charges annexés aux conventions de concession passées entre l'Etat et certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes, il a été décidé d'ajouter l'alinéa suivant à l'article 14 du cahier des charges des sociétés concessionnaires d'autoroutes, dont la société Escota : « Le Ministre chargé de la voirie nationale arrêtera les dispositions du service minimum à assurer pour maintenir la permanence de la circulation dans de bonnes conditions de sécurité en cas de grève des agents de la société concessionnaire » ; que le décret du 11 septembre 1980 ayant mis à la charge du ministre des transports la responsabilité de définir les modalités d'organisation d'un service minimum, une directive du 26 septembre 1980 émanant du ministère des transports, relative au service minimum à assurer en cas de grève sur les autoroutes concédées, a précisé les quatre fonctions essentielles et indispensables à la sécurité des personnes et des biens devant être maintenues en période de grève, à savoir la circulation de l'information (informations météorologiques et relatives à la sécurité), les interventions de sécurité (notamment la surveillance des chaussées, la signalisation des obstacles ou véhicules, les interventions préventives et curatives en matière de service hivernal), la surveillance de certains ouvrages (barrière de péages, tunnels¿) et la permanence des moyens d'intervention ; que cette directive était opposable à la société Escota qui devait en respecter les termes ; que le syndicat n'a pas saisi la juridiction administrative d'un recours sur la légalité de cette directive, et qu'il est irrecevable à solliciter un sursis à statuer pour lui permettre de la saisir, les demandes de sursis à statuer étant soumises, ainsi que l'a souligné le premier juge, au régime des exceptions de procédure, de sorte qu'elles doivent être soulevées avant toute défense au fond, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque ce moyen est présenté à titre subsidiaire, et qu'au surplus elles relèvent de la compétence du juge de la mise en état ; que le syndicat n'est dans ces conditions pas fondé à contester la validité de la directive du 26 septembre 1980 ; que conformément à cette directive, la société Escota a défini en fonction de son organisation les tâches relevant de chaque catégorie visée par la directive et la liste des agents astreints au service minimum, et qu'elle s'est ainsi conformée aux exigences tant de cette directive que du cahier des charges de la concession modifié par le décret du 11 septembre 1980 ; que c'est dans ces conditions à bon droit, et par des motifs pertinents que la cour adopte par ailleurs, que le tribunal a estimé que la société Escota s'était substituée à l'Etat pour fixer la mise en place d'un service minimum et qu'elle était en droit de mettre en place unilatéralement ce service minimum dans le cadre de la réglementation applicable, après avoir relevé qu'aucun texte n'imposait la conclusion d'un accord d'entreprise pour la mise en place d'un tel service ; que le jugement entrepris, qui a débouté le syndicat de ses prétentions, doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions ;
AUX MOTIFS ADOPTES qu'aucun texte n'impose la conclusion d'un accord d'entreprise pour la mise en place d'un service minimum ; que, par conséquent, la société Escota était en droit de mettre en place ce service minimum unilatéralement dans le cadre règlementaire susvisé ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel du 3 mai 2012 (p. 9), le syndicat CGT faisait valoir que la directive du 26 septembre 1980 émanant du ministère des transports, relative au service minimum à assurer en cas de grève sur les autoroutes concédées, était illégale ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur la légalité d'un acte administratif lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit implicitement considérée comme incompétente pour statuer sur la légalité de la directive litigieuse, faute d'avoir recherché si les moyens d'illégalité soulevés par le syndicat CGT ne devaient pas, au regard d'une jurisprudence établie, être manifestement accueillis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor en III.
3°) ALORS QUE dans ses conclusions du 3 mai 2012 (p. 10), le syndicat CGT avait fait valoir que la directive du 26 septembre 1980 imposait aux sociétés concessionnaires d'ouvrages autoroutiers d'arrêter des dispositions générales, dans le délai d'un mois après l'entrée en vigueur de la directive, définissant avec précision, en fonction de leur propre organisation, les tâches devant être assurées ainsi que la liste des agents astreints au service minimum en cas de grève et que, faute d'avoir adopté de telles dispositions et de les avoir soumises au ministre, la société Escota ne pouvait valablement imposer un service minimum ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE, subsidiairement , la directive du 26 septembre 1980 imposait aux sociétés concessionnaires d'ouvrages autoroutiers d'arrêter des dispositions générales, dans le délai d'un mois après l'entrée en vigueur de la directive, définissant avec précision, en fonction de leur propre organisation, les tâches devant être assurées ainsi que la liste des agents astreints au service minimum en cas de grève ; que faute d'avoir arrêté des dispositions générales définissant précisément les tâches et la liste des agents astreints au service minimum en cas de grève, la société Escota ne pouvait valablement imposer un service minimum par voie de réquisition ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé la directive du 26 septembre 1980, ensemble l'article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
5°) ALORS QUE, également subsidiairement , pour les mêmes raisons, en jugeant que la société Escota pouvait imposer un service minimum sans avoir préalablement soumis au ministre les dispositions générales que la directive lui imposait d'arrêter, la cour d'appel a violé la directive précitée, ensemble l'article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-35349
Date de la décision : 08/04/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 avr. 2014, pourvoi n°12-35349


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.35349
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