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03/04/2014 | FRANCE | N°13-16228

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 avril 2014, 13-16228


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 162-22-18, R. 162-42-10 et R. 166-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les établissements de santé peuvent faire l'objet, pour l'application des règles de tarification et de facturation des soins, d'un contrôle sur pièces et sur place effectué par les médecins-inspecteurs de santé publiqu

e, les inspecteurs de l'agence régionale d'hospitalisation ayant la qualité...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 162-22-18, R. 162-42-10 et R. 166-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les établissements de santé peuvent faire l'objet, pour l'application des règles de tarification et de facturation des soins, d'un contrôle sur pièces et sur place effectué par les médecins-inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l'agence régionale d'hospitalisation ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie en application du programme de contrôle régional défini par l'agence ; que selon le deuxième, l'établissement de santé est tenu de fournir ou de tenir à la disposition des praticiens chargés du contrôle l'ensemble des documents qu'ils demandent ; que, selon le troisième auquel renvoie le deuxième, tous renseignements et tous documents administratifs d'ordre individuel ou général utiles à leur mission sont tenus à la disposition des praticiens chargés du contrôle par le directeur de l'établissement dans le respect du secret professionnel, et tous renseignements et tous documents d'ordre médical, individuel ou général, sont tenus à leur disposition par les praticiens de l'établissement dans le respect des règles du secret professionnel et de la déontologie médicale ; qu'il résulte de ces dispositions qui, seules, régissent le contrôle des établissements de santé, que les praticiens chargés du contrôle peuvent prendre copie, sans avoir à demander au préalable l'accord du directeur ou des praticiens de l'établissement, des documents administratifs et médicaux dont ils demandent la communication ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que l'activité de la Clinique générale de Marignane (la clinique) a fait l'objet, à l'initiative de l'agence régionale d'hospitalisation de Provence-Alpes-Côte d'Azur, d'un contrôle portant sur l'année 2005 ; que ce dernier ayant révélé diverses anomalies dans l'application des règles de tarification et de facturation des soins, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence (la caisse) a notifié un indu à la clinique, puis l'a mise en demeure de régler celui-ci ; que la clinique a saisi d'un recours une juridiction de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour accueillir ce dernier, le jugement retient que les médecins contrôleurs ont réalisé des photocopies des dossiers médicaux contrôlés sans recueillir au préalable l'accord des médecins en charge de ces dossiers, et qu'ils n'ont pas davantage informé l'établissement de la réalisation de ces photocopies ; que selon le chapitre VI 3.3.3 du guide du contrôle externe régional, version 1.1, versé aux débats par la clinique, la photocopie d'éléments issus du dossier médical doit être réalisée en accord avec le médecin responsable du patient ; que cet accord ne peut être qu'exprès ou à tout le moins revêtir une formalisation, s'agissant du respect de la vie privée, et ce eu égard au respect des règles de déontologie médicale ; que cette absence d'accord formalisé fait nécessairement grief au regard des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, compte tenu de l'enquête diligentée sur le site de la requérante en charge de patients ; qu'il y a lieu de constater que la procédure de contrôle sur site est irrégulière et qu'elle n'a pas respecté la législation applicable à la réalisation de photocopies des dossiers médicaux contrôlés ;
Qu'en statuant ainsi, sur le fondement d'un document dépourvu de caractère réglementaire, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé l'indu de 3 149,52 euros réclamé par celle-ci, le jugement rendu le 8 février 2013, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nice ;
Condamne la société Clinique générale de Marignane aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Clinique générale de Marignane à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence la somme de 2 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence.
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que la procédure de contrôle sur le site était irrégulière et d'avoir annulé la décision de la Commission de recours amiable de la CPAM des ALPES de HAUTE-PROVENCE et l'indu litigieux, d'un montant de 3.149,52 euros ;
AUX MOTIFS QUE la Clinique Générale de MARIGNANE soulevait l'irrégularité de la procédure de contrôle externe en ce qui concernait le recueil de données sans autorisation, faisant état du fait que si aux termes des dispositions des articles R 162 42-10 et R 166-1 du Code de la sécurité sociale, les établissements de santé étaient tenus de mettre à la disposition des médecins contrôleurs l'ensemble des documents médicaux et administratifs qu'ils demandaient, aucun texte légal ou réglementaire n'autorisait les médecins contrôleurs à réaliser des photocopies des dossiers médicaux sans l'accord exprès du ou des praticiens en charge des dossiers contrôlés ; qu'en l'espèce les médecins contrôleurs avaient réalisé des photocopies des dossiers médicaux contrôlés sans recueillir au préalable l'accord des médecins en charge de ces dossiers médicaux ; que les actions en recouvrement d'indu reposaient sur des informations recueillies de manière irrégulière et devaient être annulées ; que les deux Caisses s'opposaient à cette argumentation sans qu'il soit contesté que des photocopies avaient eu lieu ; que la CPAM des ALPES de HAUTE-PROVENCE estimait au visa de l'article R 162-42-10 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale que les médecins de la Clinique, une fois avertis par courrier qu'un contrôle allait être diligenté, devaient mettre à la disposition des contrôleurs tous les documents demandés "peu important que ceux-ci en fassent des copies ou non" ; que de plus aucun texte ne prévoyait la nullité de la procédure dans le cas où les médecins contrôleurs faisaient des copies des documents auxquels ils devaient avoir accès ; que la CPCAM des BOUCHES-DU-RHONE exposait, quant à elle, au visa de l'article R 166 du Code de la sécurité sociale que les responsables administratifs, "le président de la CME et le médecin DIM" avaient été informés par courrier du 15 septembre 2006 (pièce 15 adverse) de la possibilité de réalisation de photocopies de pièces du dossier médical par les praticiens contrôleurs et qu'il convenait "conformément au chapitre VI.3.3.3 du guide du contrôle externe version 1.1, d'en informer les médecins responsables des patients" ; qu'en conséquence, les médecins cliniciens, responsables des patients dont les séjours étaient contrôlés, étaient informés par le directeur ou le président de CME de l'établissement, de la réalisation du contrôle et de la possibilité de photocopies de pièces du dossier médical par les praticiens contrôleurs ; que le guide de contrôle externe ne prévoyait aucune disposition obligeant notamment à la formalisation d'un contradictoire des documents emportés ; mais que le courrier précité adressé à la Clinique Générale de MARIGNANE dans le cadre du contrôle (pièce 15) et qui faisait effectivement état du fait "que la réalisation de photocopies de pièces du dossier pourra vous être demandée¿ et qu'il convient d'en informer les médecins responsables des patients", se référait expressément au chapitre VI 3.3.3 du guide du contrôle externe version 1.1 ; que force était de constater que la Clinique Générale de MARIGNANE versait aux débats une copie du guide du contrôle externe version 1.1 dont la lecture faisait apparaître dans le chapitre VI.3.3.3 : "La photocopie d'éléments issus du dossier médical doit être réalisée en accord avec le médecin responsable du patient" ; que la législation abondamment citée par la requérante insistait particulièrement sur le respect des règles de déontologie médicale ; que c'était à juste titre que la Clinique Générale de MARIGNANE soutenait que des photocopies de dossiers médicaux ne pouvaient être remises dans le cadre du contrôle sans avoir obtenu l'accord de chaque médecin responsable de chaque patient dont le dossier était photocopié ; que cet accord ne pouvait être qu'exprès ou au moins revêtir une formalisation, s'agissant du respect de la vie privée et eu égard au respect logique des règles de déontologie médicale ; que cette absence d'accord formalisé faisait nécessairement grief au regard des dispositions de l'article 114 du Code de procédure civile, compte tenu de l'enquête diligentée sur le site de la requérante en charge des patients ; qu'il en ressortait que la procédure de contrôle le sur site était irrégulière en ce qu'elle n'avait pas respecté la législation applicable à la réalisation de photocopies des dossiers médicaux contrôlés ; qu'en conséquence, il y avait lieu d'annuler les décisions de la Commission de recours amiable de la CPCAM des BOUCHES-DU-RHONE du 30 juin 2009 et de la Commission de recours amiable de la CPAM des ALPES de HAUTE-PROVENCE du 30 juin 2009, les indus litigieux sur les sommes de 18.850,92 euros et de 3.149,52 euros étant également annulés par voie de conséquence ; que toutes les demandes reconventionnelles seraient donc rejetées ;
ALORS D'UNE PART QUE selon les dispositions de l'article R 162-42-10 du Code de la sécurité sociale, l'établissement de soins faisant l'objet du contrôle de la tarification à l'activité prévu par l'article L 162-22-18 est tenu de fournir ou de tenir à disposition des personnes chargées du contrôle l'ensemble des documents qu'elles demandent, aucun texte n'interdisant que des photocopies de ces documents soient faites ; qu'en considérant que le fait pour les praticiens conseils d'avoir fait des photocopies de dossiers médicaux pour les besoins du contrôle diligenté entachait la procédure de contrôle d'irrégularité, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a violé les articles L 162-22-18, R 162-42-10 et R 166-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les dispositions de l'article 114 du Code de procédure civile ne sont pas applicables à la procédure administrative de contrôle externe de la tarification à l'activité des établissements de soins prévue par les articles L 162-22-18 et R 162-42-8 et suivants du Code de la sécurité sociale ; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 114 du Code de procédure civile pour annuler la procédure de contrôle, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a violé ce texte ainsi que les articles L 162-22-18 et R 162-42-8 à R 162-42-14 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS ENCORE QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'ayant prononcé la jonction des recours formés par la Clinique Générale de MARIGNANE à l'encontre des décisions d'indu notifiées par la CPCAM des BOUCHES-DU-RHONE et par la CPAM des ALPES de HAUTE-PROVENCE, le Tribunal qui a fondé sa décision sur le guide du contrôle externe régional dont il ne résulte pas du bordereau de communication annexé aux conclusions de la Clinique Générale de MARIGNANE que celle-ci l'aurait produit à l'appui du recours l'opposant à la CPAM des ALPES de HAUTE-PROVENCE, a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QUE le guide du contrôle externe régional dans sa version 1.1 précise que les "médecins cliniciens responsables des patients dont les séjours sont contrôlés, sont informés par le directeur et/ou le Président de CME de l'établissement, de la réalisation du contrôle et de la possibilité de photocopie de pièces du dossier" et que "les patients étant informés que des données les concernant peuvent être transmises aux caisses d'assurance maladie, leur accord est réputé acquis" ; qu'ayant constaté que le président de la CME (commission médicale d'établissement) et le médecin DIM (département de l'information médicale) de la Clinique Générale de MARIGNANE avaient été informés que des photocopies pourraient être réalisées et qu'il convenait d'en informer les médecins responsables des patients, le Tribunal qui s'est fondé sur le guide du contrôle externe régional pour énoncer que l'accord de chaque médecin responsable de chaque patient devait être exprès ou à tout le moins revêtir une formalisation, en a dénaturé les termes et a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-16228
Date de la décision : 03/04/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Etablissement hospitalier - Contrôle de la facturation - Procédure - Régularité - Conditions - Documents administratifs et médicaux - Copie - Accord préalable - Nécessité (non)

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Etablissement hospitalier - Contrôle de la facturation - Procédure - Régularité - Conditions - Détermination - Portée

Selon l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004), les établissements de santé peuvent faire l'objet, pour l'application des règles de tarification et de facturation des soins, d'un contrôle sur pièces et sur place effectué par les médecins-inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l'agence régionale d'hospitalisation ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie en application du programme de contrôle régional défini par l'agence ; selon l'article R. 162-42-10 du même code (dans sa rédaction antérieure au décret n° 2010-344 du 31 mars 2010), l'établissement de santé est tenu de fournir ou de tenir à la disposition des praticiens chargés du contrôle l'ensemble des documents qu'ils demandent ; selon l'article R. 166-1 du même code (dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2006-307 du 16 mars 2006), auquel renvoie le texte précédent, tous ces renseignements et tous documents administratifs d'ordre individuel ou général utiles à leur mission sont tenus à la disposition des praticiens chargés du contrôle par le directeur de l'établissement dans le respect du secret professionnel, et tous ces renseignements et tous documents d'ordre médical, individuel ou général, sont tenus à leur disposition par les praticiens de l'établissement dans le respect des règles du secret professionnel et de la déontologie médicale. Il résulte de ces dispositions qui, seules, régissent le contrôle des établissements de santé que les praticiens chargés du contrôle peuvent prendre copie, sans avoir à demander au préalable l'accord du directeur ou des praticiens de l'établissement, des documents administratifs et médicaux dont ils demandent la communication


Références :

article L. 162-22-18, R. 162-42-10 et R. 166-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à l'espèce article 12 du code de procédure civile

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhone, 08 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 avr. 2014, pourvoi n°13-16228, Bull. civ.Bull. 2014, II, n° 90
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, II, n° 90

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Rapporteur ?: M. Prétot
Avocat(s) : SCP Boutet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.16228
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