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03/04/2014 | FRANCE | N°13-14904;13-15003

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 avril 2014, 13-14904 et suivant


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° U 13-14. 904 et n° B 13-15. 003 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Dominique X..., journaliste sportif, employé par la société France télévisions (l'employeur), a été envoyé en Allemagne à l'occasion de la Coupe du monde de football 2006 ; que le 29 juin 2006, victime d'un malaise à la fin d'une journée de travail alors qu'il venait d'arriver à son hôtel à Francfort, il a été hospitalisé dans cette ville avant son rapatriement en France ; qu'il a été placé en arrÃ

ªt de travail à compter du 30 juin 2006 et jusqu'à son décès intervenu le 12 jui...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° U 13-14. 904 et n° B 13-15. 003 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Dominique X..., journaliste sportif, employé par la société France télévisions (l'employeur), a été envoyé en Allemagne à l'occasion de la Coupe du monde de football 2006 ; que le 29 juin 2006, victime d'un malaise à la fin d'une journée de travail alors qu'il venait d'arriver à son hôtel à Francfort, il a été hospitalisé dans cette ville avant son rapatriement en France ; qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 30 juin 2006 et jusqu'à son décès intervenu le 12 juin 2007 après avoir bénéficié d'une transplantation pulmonaire bilatérale ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a pris en charge la maladie et le décès de Dominique X... au titre de la législation sur les risques professionnels ; que l'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une contestation du caractère professionnel de ces deux événements ; que les ayants droit de la victime ont saisi cette même juridiction d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° B 13-15. 003, tel que reproduit en annexe :
Attendu que les ayants droit font grief à l'arrêt d'écarter la faute inexcusable de l'employeur ;
Mais attendu que l'arrêt retient, que si les explications fournies par celui-ci et les attestations produites par les ayants droit de la victime mettent en évidence le rythme de travail très soutenu auquel ont été soumis les journalistes bénéficiaires des accréditations, présence dans les stades pendant tous les matches et lors des entraînements des joueurs, confection et montage des reportages des matches, retransmission constante sur les chaînes de télévision de tous les matches..., et les journalistes comme Dominique X... qui ne bénéficiaient pas d'accréditation, absence des stades mais obligation de se poster à proximité des écrans géants ou des points particuliers pour visionner les matches, obligation de se rendre aux points presse dans les stades pour obtenir les cassettes enregistrées pendant les matches par les journalistes accrédités, confection de très courts reportages pour les diffusions en direct aux journaux télévisés, pour autant, rien ne vient corroborer le caractère exorbitant des contraintes imposées à l'intéressé pendant les huit jours de présence en Allemagne pour couvrir une partie seulement de la Coupe du monde de football ;
Que de ces seuls motifs, relevant de son appréciation souveraine des preuves produites, la cour d'appel a pu déduire que les ayants droit, sur lesquels pesait la charge de la preuve d'une faute inexcusable, n'ont pas établi que l'employeur avait conscience que la victime était exposée à un danger particulier, de sorte qu'elle a à bon droit rejeté leur demande de reconnaissance d'une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° U 13-14. 904, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour dire que le décès de Dominique X... devait être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, l'arrêt retient que postérieurement à son malaise, celui-ci avait été placé en arrêt de travail jusqu'à son décès, étant dans l'incapacité totale de reprendre une quelconque activité professionnelle dès lors qu'il devait se soumettre à une oxygénothérapie constante de jour et de nuit ; qu'il ressort de la retranscription par l'expert des certificats médicaux que malgré le repos et l'oxygénothérapie, il n'a été constaté en juillet et août 2006 aucune amélioration et aucune récupération de l'état antérieur ; que le 23 août puis le 28 septembre 2006, l'intéressé a été hospitalisé pour différents examens préalables à une transplantation pulmonaire bilatérale ; qu'en février 2007, il a été constaté une aggravation de son état qui a permis d'envisager l'inscription de Dominique X... sur la liste de transplantations malgré les risques déjà évalués du fait d'antécédents médicaux ; que si le décès est consécutif aux complications apparues postérieurement à la transplantation réalisée le 24 mai 2007, pour autant cet événement est survenu postérieurement à la transplantation pulmonaire nécessitée par l'absence d'amélioration de la situation de l'intéressé depuis son malaise ; que les traitements et les soins ininterrompus mis en place n'ont jamais permis de stopper la détérioration constante et régulière de l'insuffisance respiratoire après le malaise aigu survenu plusieurs mois auparavant, l'existence d'une aggravation des symptômes et d'une continuité de soins entre le malaise et le décès étant ainsi établie ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, si l'aggravation de l'insuffisance respiratoire chronique de Dominique X... ayant conduit à la transplantation n'était pas antérieure au malaise pris en charge au titre de la législation professionnelle et si ce malaise avait entraîné une aggravation de l'insuffisance respiratoire préexistante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi n° B 13-15. 003 :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le décès de Dominique X... survenu le 12 juin 2007 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle, l'arrêt rendu le 31 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi n° U 13-14. 904 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le décès de Monsieur X... survenu le 12 juin 2007 devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « postérieurement au malaise survenu en Allemagne le 29 juin 2006, Dominique X... a été placé en arrêt de travail continu à compter du 30 juin 2006 jusqu'à son décès le 12 juin 2007 étant dans l'incapacité totale de reprendre une quelconque activité professionnelle dès lors qu'il était contraint de se soumettre à une oxygénothérapie de manière régulière et constante jour et nuit ; qu'il résulte de la retranscription par le docteur Y...
..., désigné en qualité d'expert, des certificats médicaux établis principalement par le docteur Z...et les membres de l'équipe de pneumologie de l'hôpital Foch qui ont suivi l'évolution de l'état de santé de Dominique X... à son retour en France :- que malgré le repos et l'observance de l'oxygénothérapie, il n'a été constaté en juillet et en août 2006 aucune amélioration et aucune récupération de l'état antérieur (la dyspnée étant évaluée en août 2006, soit deux mois après le malaise, à quelques mètres avec une asthénie importante), que le 23 août 2006 puis à nouveau le 28 septembre 2006, Dominique X... a été hospitalisé en vue des examens préalables à une transplantation pulmonaire bilatérale avec prise en charge d'une kinésithérapie respiratoire pour faciliter le maintien à domicile,- qu'en février 2007 il a été noté une bronchorrhée plus épaisse et une dyspnée d'effort se majorant pour survenir au repos en décubitus (sous oxygène) et en particulier le matin, cette situation permettant d'envisager l'inscription de Dominique X... sur la liste de transplantation malgré les risques déjà évalués du fait des antécédents (irradiation après maladie de Hodgkin) et du fait d'un déficit immunitaire ; que si le décès est consécutif aux complications apparues postérieurement à la transplantation réalisée le 24 mai 2007 (complications hémorragiques puis infectieuses, insuffisance rénale aiguë, fistule bronchique et pneumo médiastin), pour autant ce décès doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle dès lors qu'il est survenu postérieurement à la transplantation pulmonaire nécessitée par l'absence de toute amélioration de la situation de Dominique X... depuis son malaise survenu le 29 juin 2006 ; qu'il résulte à l'évidence des certificats médicaux des pneumologues ayant suivi Dominique X... depuis son retour d'hospitalisation en Allemagne que les traitements et les soins ininterrompus mis en place n'ont jamais permis de stopper la détérioration constante et régulière de l'insuffisance respiratoire après le malaise aigu survenu plusieurs mois auparavant, l'existence d'une aggravation des symptômes et d'une continuité de soins entre le malaise et le décès étant ainsi établie ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement rendu le 28 décembre 2011 en ce qu'il a dit qu'il n'existe aucun lien de causalité, même partiel, entre le malaise et le décès ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines doit supporter la charge des frais liés à la mise en oeuvre de l'expertise médicale » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'un décès postérieur à un accident du travail ne peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle lorsqu'il n'est pas imputable à cet accident mais à un état pathologique préexistant ; que si la juridiction de sécurité sociale n'est pas lié par les conclusions d'un médecin expert sur le lien entre un accident du travail et le décès de la victime survenu postérieurement, il ne peut écarter ces conclusions qu'après avoir examiné les motifs qui ont conduit l'expert à écarter tout lien de causalité entre un malaise et le décès ; qu'au cas présent, il résulte du rapport du médecin-expert que Monsieur X... souffrait, antérieurement à son malaise du 29 juin 2006, de plusieurs pathologies ayant une implication respiratoire, que ces pathologies avaient entraîné une insuffisance respiratoire chronique obstructive avec déclin respiratoire depuis 2002 et que cette situation avait conduit à envisager une transplantation pulmonaire pour la première fois en mai 2005 (Rapport p. 2-3) ; que le médecin-expert relevait, ensuite, que l'évolution de l'insuffisance respiratoire chronique était « prévisible depuis 2002 » et que cette insuffisance s'était aggravée à partir du mois d'avril 2006, soit deux mois avant le malaise, et que cette aggravation qui ne laissait espérer qu'un pronostic de survie de deux ans sans transplantation pulmonaire était due à l'intrication de deux pathologies chroniques (Rapport p. 16) ; que le médecin expert relevait également que la poussée d'insuffisance respiratoire aigüe dont avait été victime Monsieur X... le 29 juin 2006 n'avait pas laissé de séquelles fonctionnelles en septembre 2006 et que les bilans effectués à partir du mois d'août 2006 en vue de la réalisation d'une transplantation ne font aucun lien entre l'aggravation de l'insuffisance respiratoire de Monsieur X... et le malaise dont il a été victime le 29 juin 2006 (Rapport p. 17) ; que le médecin expert relevait enfin que le malaise du 29 juin 2006 n'avait pas occasionné une aggravation de l'insuffisance respiratoire préexistante (Rapport p. 18-19) ; qu'il résultait des constatations de l'expert que l'opération de transplantation, dont les complications ont entraîné le décès de Monsieur X... le 12 juin 2007, avait pour but exclusif de soigner une insuffisance respiratoire préexistante qui s'était aggravée à partir du mois d'avril 2006, soit antérieurement au malaise dont a été victime Monsieur X... le 29 juin 2006 ; qu'en se contentant de relever que le décès devait être pris en charge dans la mesure où il était consécutif « à la transplantation nécessitée par l'absence d'amélioration de la situation de Dominique X... depuis son malaise survenu le 29 juin 2006 » (arrêt p. 7 dernier alinéa), sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'aggravation de l'insuffisance respiratoire chronique de Monsieur X... ayant conduit à la transplantation n'était pas antérieure au malaise de ce dernier et si le malaise n'avait donné lieu à aucune aggravation de l'insuffisance respiratoire préexistante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il est interdit au juge du fond de dénaturer les documents produits aux débats ; qu'en se limitant à faire ressortir du rapport d'expertise l'absence d'amélioration de l'état de santé de Monsieur X... en juillet et en août 2006, l'hospitalisation en vue d'une transplantation au mois d'août et septembre 2006 et le décès de Monsieur X... survenu à la suite de complications liées à cette transplantation, sans faire état des constatations déterminantes de l'expert qui faisaient clairement ressortir l'existence de pathologies préexistantes dont souffrait Monsieur X..., l'aggravation de l'insuffisance respiratoire survenue en avril 2006, ayant conduit à envisager la transplantation plus de deux mois avant le malaise de Monsieur X..., et l'existence d'un état clinique de Monsieur X... en septembre 2006 identique à celui constaté au mois d'avril, ce dont il résultait que le malaise du 29 juin 2006 n'avait occasionné aucune séquelle, la cour d'appel a dénaturé par omission le rapport d'expertise, en violation du principe susvisé. Moyen produit au pourvoi n° B 13-15. 003 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société France Télévisions et dit n'y avoir lieu à indemnisation complémentaire au sens de l'article L. 452-3 alinéa 2 du code de la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens des dispositions de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ; qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; qu'enfin la faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable, seule une faute inexcusable de la victime pouvant permettre de réduire la majoration de la rente ; que c'est au salarié ou à ses ayants droit qui s'estiment créanciers de l'obligation de démontrer que le résultat n'a pas été atteint ; qu'ainsi ils doivent caractériser la conscience du danger de l'employeur et l'absence de mesures de protection ; que les consorts X... soutiennent que la société France Télévisions, en envoyant M. X... couvrir les évènements de la coupe du monde de football en Allemagne, avec précipitation et sans le faire bénéficier d'une accréditation, l'a contraint à réaliser sa mission dans des conditions particulièrement éprouvantes et stressantes à l'origine du malaise suivi du décès ; que la société France Télévisions n'a jamais dissimulé qu'elle n'avait pas sollicité d'accréditation pour M. X... en raison d'une part de son absence d'acquisition des droits de retransmissions en France de la coupe du monde de football (ces droits n'ayant été acquis que par TF1 et M6) et d'autre part, en raison de la décision tardive d'envoyer des journalistes sur place (décision prise seulement après la qualification de la France au premier tour) ; qu'il convient de relever que M. X... était parfaitement informé de cette situation lorsqu'il a accepté de partir en Allemagne plus de dix jours après le début de la manifestation sportive ; qu'il convient également de relever que M. X... qui connaissait bien évidemment les difficultés qu'il rencontrait pour l'exercice de son activité professionnelle du fait de la pathologie dont il souffrait depuis plusieurs années, avait obtenu du docteur A...de l'hôpital Foch la prescription d'un traitement particulier pour palier à toute majoration de la dyspnée et avait été informé à cette occasion du risque d'une absence d'utilisation de son oxygénothérapie ; que sans même préalablement aborder les difficultés spécifiques d'exécution de la mission de M. X... en Allemagne en l'absence d'accréditation, il était évident que tous les journalistes qui acceptaient de participer aux retransmissions totales ou partielles des matchs pendant la coupe du monde de football connaissaient les contraintes imposées par les déplacements journaliers entre les stades où se déroulaient les rencontres entre les équipes de chaque pays et les hôtels préalablement réservés ainsi que la longueur des journées de travail passées aux stades ou aux abords de ceux-ci puis lors des opérations de montage et de diffusion en direct, plusieurs fois par jour, des reportages ou des documentaires auprès des télévisions françaises ; qu'à cet égard M. X..., journaliste expérimenté et spécialisé dans le sport et qui avait plusieurs fois participé à la retransmission de rencontres internationales, connaissait l'existence de ces contraintes mais n'avait pas, pour autant, refusé la mission confiée ni décidé d'emporter lors de voyage son matériel d'oxygénothérapie pour la nuit ; que si les explications fournies par la société France Télévisions et les attestations produites aux débats par les consorts X... mettent effectivement en évidence le rythme de travail très soutenu auquel ont été soumis les journalistes bénéficiaires des accréditations (présence dans les stades pour tous les matchs et lors des entraînements des joueurs ¿ confection et montage des reportages des matchs ¿ retransmissions constantes sur les chaînes de télévision de tous les matchs ¿) et les journalistes, tel M. X..., qui ne bénéficiaient pas d'accréditation (absence des stades mais obligation de se poster à proximité des écrans géants ou dans des points particuliers pour visionner les matchs ¿ obligation de se rendre aux points presse dans les stades pour obtenir les cassettes enregistrées pendant les matchs par les journalistes présents lors des rencontres ¿ confection de très courts reportages pour les diffusions en direct aux journaux télévisés de France 3 ¿), pour autant aucun élément ne vient corroborer le caractère exorbitant des contraintes imposées à M. X... pendant les huit jours de présence en Allemagne pour couvrir une partie seulement de la coupe du monde de football ; que par voie de conséquence, il ne peut être reproché à la société France Télévisions de n'avoir pas pris de mesures particulières pour protéger M. X... des risques inhérents et intrinsèques à toute participation active d'un journaliste à un événement sportif de cette importance ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de débouter les consorts X... de leur demande tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable de la société France Télévisions, l'infirmation emportant remboursement des sommes versées en exécution de la décision de première instance ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les ayants droit de M. X... faisaient valoir que l'employeur avait commis une faute inexcusable en envoyant dans la plus grande précipitation le journaliste couvrir une coupe du monde de football sans accréditation, ce qui avait considérablement accru la pénibilité de ses conditions de travail par rapport à celles des journalistes accrédités, et ce qui avait conduit à son malaise du 29 juin 2006 ; qu'ils arguaient que M. X... avait ainsi dû assurer trois directs par jour sans avoir accès aux stades, aux conférences de presse quotidiennes, aux entraînements, aux matchs de l'épreuve et aux zones d'après-match, ce qui s'était traduit par une course contre la montre permanente pour obtenir des journalistes accrédités les informations et les images nécessaires, qu'il n'avait pas bénéficié des moyens de transport mis en place pour les autres journalistes pour se rendre dans les différentes villes allemandes où se passaient les matchs, et qu'il avait été logé dans des hôtels réservés à la dernière seconde situés très loin des stades ce qui avait encore accru la difficulté de sa mission ; que pour cependant écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a retenu que tous les journalistes qui acceptaient de participer aux retransmissions totales ou partielles des matchs pendant la coupe du monde de football connaissaient les contraintes imposées par les déplacements journaliers entre les stades où se déroulaient les rencontres entre les équipes de chaque pays et les hôtels préalablement réservés ainsi que la longueur des journées de travail passées aux stades ou aux abords de ceux-ci puis lors des opérations de montage et de diffusion en direct, plusieurs fois par jour, des reportages ou des documentaires auprès des télévisions françaises, et qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur de n'avoir pas pris de mesures particulières pour protéger M. X... des risques inhérents et intrinsèques à toute participation active d'un journaliste à un événement sportif de cette importance ; qu'en statuant ainsi, quand il n'était pas reproché à l'employeur d'avoir demandé à M. X... de couvrir la coupe du monde de football avec les risques inhérents à cette mission, mais bien de l'y avoir envoyé sans accréditation, ce qui avait considérablement accru la pénibilité de ses conditions de travail par rapport à celles des journalistes accrédités, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les ayants-droit de M. X... faisaient valoir que l'employeur avait commis une faute inexcusable en envoyant dans la plus grande précipitation le journaliste couvrir une coupe du monde de football sans accréditation, ce qui avait considérablement accru la pénibilité de ses conditions de travail par rapport à celles des journalistes accrédités, et ce qui avait conduit à son malaise du 29 juin 2006 ; qu'ils arguaient que M. X... avait ainsi dû assurer trois directs par jour sans avoir accès aux stades, aux conférences de presse quotidiennes, aux entraînements, aux matchs de l'épreuve et aux zones d'après-match, ce qui s'était traduit par une course contre la montre permanente pour obtenir des journalistes accrédités les informations et les images nécessaires, qu'il n'avait pas bénéficié des moyens de transport mis en place pour les autres journalistes pour se rendre dans les différentes villes allemandes où se passaient les matchs, et qu'il avait été logé dans des hôtels réservés à la dernière seconde situés très loin des stades ce qui avait encore accru la difficulté de sa mission ; que pour cependant écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a retenu que tous les journalistes qui acceptaient de participer aux retransmissions totales ou partielles des matchs pendant la coupe du monde de football connaissaient les contraintes imposées par les déplacements journaliers entre les stades où se déroulaient les rencontres entre les équipes de chaque pays et les hôtels préalablement réservés ainsi que la longueur des journées de travail passées aux stades ou aux abords de ceux-ci puis lors des opérations de montage et de diffusion en direct, plusieurs fois par jour, des reportages ou des documentaires auprès des télévisions françaises, et qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur de n'avoir pas pris de mesures particulières pour protéger M. X... des risques inhérents et intrinsèques à toute participation active d'un journaliste à un événement sportif de cette importance ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants relatifs aux contraintes inhérentes à la couverture d'un événement sportif de l'importance d'une coupe du monde, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conséquences concrètes et précises de l'absence d'accréditation ne créaient pas un danger dont l'employeur aurait dû avoir conscience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QU'un employeur ne peut ignorer ou s'affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences pour les salariés qui en sont victimes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les explications fournies par la société France Télévisions et les attestations produites aux débats par les consorts X... mettaient effectivement en évidence le rythme de travail très soutenu auquel avaient été soumis les journalistes accrédités et ceux non accrédités, mais que pour autant aucun élément ne venait corroborer le caractère exorbitant des contraintes imposées à M. X... pendant ses huit jours de présence en Allemagne pour couvrir une partie seulement de la coupe du monde de football ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il s'évinçait que les journalistes accrédités étaient déjà soumis à un rythme de travail très soutenu de sorte qu'en envoyant M. X... couvrir l'événement sans accréditation, ce qui ne pouvait rendre que plus éprouvantes et stressantes encore ses conditions de travail, l'employeur avait manqué à son obligation de prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde de la santé de son salarié, a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
4°) ALORS QUE le principe d'égalité des armes commande que chaque partie puisse présenter sa thèse, et ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse ; qu'en l'espèce, les consorts X... produisaient de nombreuses attestations, notamment des journalistes qui avaient travaillé aux côtés de M. X... en Allemagne les jours précédant son malaise et qui témoignaient à quel point les conditions de travail du journaliste avaient été rendues pénibles du fait de son absence d'accréditation ; que le TASS de Versailles avait d'ailleurs retenu la faute inexcusable de l'employeur après avoir relevé qu'il résultait des nombreux témoignages versés aux débats par les consorts X... que l'employeur l'avait exposé à un danger particulier sur le plan de sa santé en lui imposant des conditions de travail inhabituelles, anormalement éprouvantes et stressantes à la fois sur le plan physique et moral et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié de ce danger, à savoir lui obtenir ou lui accorder une accréditation pour lui permettre de préparer dans des conditions raisonnables ses interventions télévisées quotidiennes en direct ; que la cour d'appel a pourtant affirmé péremptoirement qu'aucun élément ne venait corroborer le caractère exorbitant des contraintes imposées à M. X... pendant les huit jours de présence en Allemagne ; qu'en n'accordant aussi péremptoirement aucun crédit aux nombreuses attestations produites par les consorts X..., la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes, composante du droit au procès équitable, et partant violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°) ALORS QUE la faute du salarié n'est pas de nature à exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour juger que la société France Télévisions n'avait pas commis de faute inexcusable, a retenu que M. X... qui connaissait les difficultés qu'il rencontrait pour l'exercice de son activité professionnelle du fait de la pathologie dont il souffrait depuis plusieurs années, avait obtenu du docteur A...de l'hôpital Foch la prescription d'un traitement particulier pour palier toute majoration de la dyspnée, avait été informé à cette occasion du risque d'une absence d'utilisation de son oxygénothérapie, et qu'il n'avait pourtant pas emporté lors de sa mission en Allemagne son matériel d'oxygénothérapie pour la nuit ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser de la part de M. X... une faute inexcusable, quand l'imprudence du salarié, à supposer même qu'elle fût avérée, ne pouvait exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourait en raison de sa faute inexcusable, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 453-1 du code de la sécurité sociale ;
6°) ALORS QUE l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour préserver l'état de santé du salarié, peu important que le salarié ait accepté la mission qui lui a été confiée en en connaissant les risques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour juger que la société France Télévisions n'avait pas commis de faute inexcusable, a retenu que M. X... était parfaitement informé qu'il allait devoir travailler sans accréditation lorsqu'il avait accepté de partir en Allemagne plus de dix jours après le début de la manifestation sportive et que M. X..., journaliste expérimenté et spécialisé dans le sport et qui avait plusieurs fois participé à la retransmission de rencontres internationales, n'avait pas, pour autant, refusé la mission confiée ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de les articles L. 452-1 et L. 453-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-14904;13-15003
Date de la décision : 03/04/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 31 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 avr. 2014, pourvoi n°13-14904;13-15003


Composition du Tribunal
Président : M. Héderer (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14904
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