LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Gilles Z...,- Mme Nicole X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 2 novembre 2012, qui les a condamnés, le premier, pour établissement d'un certificat inexact, à 10 000 euros d'amende, la seconde, pour établissement d'un certificat inexact et usage, escroquerie, à 15 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 février 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle RICHARD, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général VALDÈS BOULOUQUE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires, en demande, en défense, et en réplique produits ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Richard pour M. Z... pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 441-7, alinéa 1, 1° du code pénal, 33, 460, 486 et 512 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le docteur Z... coupable de faux et l'a condamné à la peine de 10 000 euros d'amende, ainsi qu'à payer à M. Y...la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que le procureur général a requis l'infirmation du jugement entrepris, estimant que la culpabilité des prévenus était établie ;
" alors que si aucune disposition légale ne prescrit que le jugement mentionne le sens des réquisitions du ministère public, une telle mention, lorsqu'elle est erronée, porte nécessairement atteinte aux intérêts de toutes les parties au procès pénal ; qu'en déclarant que le Procureur général avait requis l'infirmation du jugement entrepris, bien qu'il résulte des pièces de la procédure qu'il avait requis la confirmation du jugement du 24 novembre 2011, qui avait relaxé le docteur Z... des fins de la poursuite, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation " ;
Attendu que les notes d'audience ne peuvent être invoquées pour contester, à propos du sens des réquisitions prises par le procureur général, les mentions de l'arrêt, qui valent jusqu'à inscription de faux ;
Que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Spinosi pour Mme X..., pris de la violation des articles 485, 512, 591, 592 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi et défaut de motifs ;
" en ce que la cour d'appel a « déclar é Mme X..., épouse Y...coupable des délits qui lui étaient reprochés dans les termes de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Versailles en date du 31 août 2011 » et est entrée en voie de condamnation ;
" aux motifs que « lors de ses appels téléphoniques, Mme X...- A..., qui n'avait pourtant constaté aucune crise d'épilepsie dont son mari aurait été victime, a présenté au docteur Z... l'état de M. Y...comme dangereux pour lui-même ; que, cependant, ses relations avec son mari étaient déjà dégradées et Mme X...- A...pouvait redouter de sa part une décision de divorcer ; que cette présentation mensongère de l'état de M. Y..., à l'occasion de nombreux appels téléphoniques et même de l'envoi d'une télécopie, a manifestement joué un rôle pour déterminer le praticien, dont elle était de longue date la patiente, à établir un certificat médical sans vérifier si une affection mentale affligeait réellement celui-ci ; que ce faisant Mme X...- A...a participé à l'élaboration du faux certificat médical litigieux et doit être considérée comme coauteur du délit retenu à l'encontre de M. Z... ; que, par ailleurs, Mme X...- A...a elle-même adressé à l'autorité judiciaire le certificat médical litigieux, faisant ainsi usage d'un acte dont elle connaissait la fausseté et qui avait pour but d'empêcher, au préjudice de M. Y..., une vente immobilière, voire une procédure de divorce ; que, dans ces conditions le délit d'usage de faux est ainsi également caractérisé ;
" 1°) alors que, et à titre principal, le dispositif énonce les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables ou responsables, ainsi que la peine, les textes de loi appliqués, et les condamnations civiles ; qu'en l'espèce, en s'étant bornée à énoncer au dispositif de sa décision qu'elle « déclar ait Mme X..., épouse Y...coupable des délits qui lui étaient reprochés dans les termes de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Versailles en date du 31 août 2011 » quand ses motifs ne retenaient que deux chefs d'infraction contre elle et que l'ordonnance de renvoi en visait trois, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de déterminer de quels délits Mme X... était reconnue coupable ;
" 2°) alors que, et à titre subsidiaire, les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ; qu'en l'espèce, à estimer que le dispositif de l'arrêt attaqué ait implicitement reconnu Mme X... coupable, non seulement des délits de faux et d'usage de faux, mais également d'escroquerie, infraction visée à l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel, qui n'a aucunement motivé sa décision au regard de cette infraction spécifique, a méconnu les exigences imposées par les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Richard pour M. Z... pris de la violation des articles 441-7, alinéa 1, 1° du code pénal, 1134 du code civil et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le docteur Z... coupable de faux certificat et l'a condamné à la peine de 10 000 euros d'amende, ainsi qu'à payer à M. Y...la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que M. Z..., médecin homéopathe reconnaît lui-même qu'il n'était pas le médecin traitant de M. Y..., qui le consultait cependant à trois ou quatre reprises dans l'année ; qu'il admet également qu'il n'avait pas une compétence en matière neurologique ; que le docteur Z... indique en outre qu'il n'avait pas vu M. Y...depuis avril 2002, lorsque sur les appels alarmants de Mme X...- A..., il avait établi le certificat dans lequel il mentionnait que M. Y...aurait présenté « les troubles du comportement mettant en jeu sa vie (non-respect entre autres de son traitement neurologique, cause de crise épileptique », nécessitant notamment « son hospitalisation en milieu psychiatrique et la mise en place d'une sauvegarde de justice) » ; que les termes employés ne permettent aucun doute, sur la nécessité de prononcer une mesure de protection judiciaire à l'encontre de M. Y..., mesure qui a d'ailleurs été mise en oeuvre à la suite de la production de ce certificat par Mme X...- A...au Juge des tutelles du tribunal d'instance de Rambouillet ; qu'il apparaît que la motivation de cet acte aux conséquences gravissimes est laconique, voire absente ; qu'aucune grave crise d'épilepsie récente n'y est même évoquée ; que le docteur B..., médecin expert désigné, par le juge des tutelles, a formellement exclu une altération de l'état mental de M. Y...devant conduire au prononcé d'une mesure conduisant à réduire sa capacité juridique ; que la lettre en date du 5 juillet 2002, présentée comme explicative par M. Z..., mais qui est en réalité une rétractation pure et simple, démontre pleinement que son auteur craignait de voir sa responsabilité engagée alors qu'il avait préconisé une mesure tendant à voir déclarer M. Y...incapable majeur sans même avoir réalisé un examen clinique auparavant et ainsi constaté personnellement les troubles du comportement allégués ; que cette absence d'examen et de constatations sérieuses de l'état réel de M. Y...doit conduire à considérer que M. Z... a effectivement réalisé un faux certificat médical ; que le délit est, dès lors, caractérisé à son encontre ;
" 1°) alors que le docteur B...concluait dans son rapport d'expertise que « des observations écrites par M. Y...et par sa femme font penser qu'il existait des troubles du comportement chez M. Y...» ; qu'en déclarant néanmoins que le docteur B...avait formellement exclu une altération de l'état mental de M. Y..., la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
" 2°) alors que le délit d'établissement d'une attestation faisant état de faits matériellement inexacts est un délit intentionnel ; qu'en retenant la culpabilité du docteur Z..., motif pris qu'il avait établi sans examen préalable un certificat médical indiquant que M. Y...devait faire l'objet d'une mesure de protection judiciaire en raison de ses troubles du comportement, sans rechercher si le docteur Z..., dès lors qu'il était le médecin de M. Y...depuis de nombreuses années, qu'il lui prescrivait la prise de médicaments contre des troubles notamment épileptiques et qu'il communiquait le plus souvent avec ce dernier par téléphone, avait pu de bonne foi mentionner dans le certificat médical litigieux que M. Y...présentait des troubles du comportement justifiant de le faire bénéficier d'une mesure de protection, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par Me Spinosi pour Mme X..., pris de la violation des articles 441-1, 441-10 et 441-11 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, insuffisance de motifs et défaut de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a reconnu Mme X... coupable des délits de faux et usage de faux et l'a condamnée au paiement de 15 000, 00 euros d'amende et de 7 000, 00 euros de dommages-intérêts ;
" aux motifs que M. Z..., médecin homéopathe, reconnaît lui-même qu'il n'était pas le médecin traitant de M. Y...qui le consultait cependant à trois ou quatre reprises dans l'année ; qu'il admet également qu'il n'avait pas une compétence en matière neurologique ; que le docteur M. Z... indique en outre qu'il n'avait pas vu M. Y...depuis avril 2002, lorsque sur les appels alarmants de Mme X...- A..., il avait établi le certificat dans lequel il mentionnait que M. Y...aurait présenté « les troubles du comportement mettant en jeu sa vie (non-respect entre autre de son traitement neurologique, cause de crise d'épilepsie » nécessitant notamment « son hospitalisation en milieu psychiatrique et la mise en place d'une sauvegarde de justice ») ; que les termes employés ne permettent aucun doute sur la nécessité de prononcer une mesure de protection judiciaire à l'encontre de M. Y..., mesure qui a d'ailleurs été mise en oeuvre à la suite de la production de ce certificat par Mme X...- A...au juge des tutelles du tribunal d'instance de Rambouillet ; qu'il apparaît que la motivation de cet acte aux conséquences gravissimes est laconique, voire absente ; qu'aucune grave crise d'épilepsie récente n'y est même évoquée ; que le docteur B..., médecin expert désigné par le juge des tutelles a formellement exclu une altération de l'état mental de M. Y...devant conduire au prononcé d'une mesure conduisant à réduire sa capacité juridique ; que la lettre en date du 5 juillet 2002, présentée comme explicative par M. Z..., mais qui est en réalité une rétractation pure et simple, démontre pleinement que son auteur craignait de voir sa responsabilité engagée alors qu'il avait préconisé une mesure tendant à voir déclarer M. Y...incapable majeur sans même avoir réalisé un examen clinique auparavant et ainsi constaté personnellement les troubles du comportement allégués ; que cette absence d'examen et de constatations sérieuses de l'état réel de M. Y...doit conduire à considérer que M. Z... a effectivement réalisé un faux certificat médical ; que le délit est dès lors caractérisé à son encontre ; que, lors de ses appels téléphoniques, Mme X...- A..., qui n'avait pourtant constaté aucune crise d'épilepsie dont son mari aurait été victime, a présenté au Z...l'état de M. Y...comme dangereux pour lui-même ; que, cependant, ses relations avec son mari étaient déjà dégradées et Mme X...- A...pouvait redouter de sa part une décision de divorcer ; que cette présentation mensongère de l'état de M. Y..., à l'occasion de nombreux appels téléphoniques et même de l'envoi d'une télécopie, a manifestement joué un rôle pour déterminer le praticien, dont elle était de longue date la patiente, à établir un certificat médical sans vérifier si une affection mentale affligeait réellement celui-ci ; que ce faisant, Mme X...- A...a participé à l'élaboration du faux certificat médical litigieux et doit être considérée comme coauteur du délit retenu à l'encontre de M. Z... ; que, par ailleurs, Mme X...- A...a elle-même adressé à l'autorité judiciaire le certificat médical litigieux, faisant ainsi usage d'un acte dont elle connaissait la fausseté et qui avait pour but d'empêcher, au préjudice de M. Y..., une vente immobilière, voire une procédure de divorce ; que, dans ces conditions le délit d'usage de faux est ainsi également caractérisé ;
" 1°) alors que les délits de faux et d'usage de faux impliquent une altération frauduleuse de la vérité ; qu'en l'espèce, en retenant que Mme X... s'était rendue coupable de ces délits sans relever l'existence d'une altération frauduleuse de la vérité, la cour d'appel n'a pas caractérisé les éléments constitutifs des infractions ;
" 2°) alors que l'expression d'une simple opinion erronée ou de doutes infondés ne saurait constituer une altération frauduleuse de la vérité ; qu'en l'espèce, il est constant que M. Y...souffrait de crises d'épilepsie depuis l'âge de quatorze ans et qu'il était suivi par M. le docteur Z... qu'il consultait trois ou quatre fois dans l'année ; que la cour d'appel a retenu que son épouse, Mme X..., s'était rendue coupable des délits de faux et d'usage de faux pour avoir poussé ce praticien à établir un certificat médical concernant l'état de santé de son mari sans procéder, auparavant, à un examen et à des constatations sérieuses de son état réel et pour avoir, ensuite, fait usage de ce certificat en justice ; qu'en statuant ainsi, sans relever que les mentions portées au certificat médical et les informations sur la base desquelles il avait été établi constituaient une altération frauduleuse de la vérité et ne se limitaient pas, au contraire, à l'expression d'une opinion erronée ou de doutes infondés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors qu'enfin, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur les circonstances, inopérantes, tirées de ce que Mme X... n'avait constaté aucune crise d'épilepsie dont son mari aurait été victime et que leurs relations s'étaient dégradées et qu'elle pouvait redouter de sa part une décision de divorcer pour en conclure que la présentation de son état de santé au docteur Z... avait été mensongère " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Éric Y...a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs d'escroquerie, faux et usage, en exposant que son épouse, Mme X..., qui souhaitait faire échec à la vente immobilière qu'il projetait, a obtenu du juge des tutelles son placement injustifié sous sauvegarde de justice en produisant un certificat médical inexact, établi par le docteur Gilles Z... à l'initiative et sur les indications de cette dernière ; qu'à l'issue de l'information, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, d'une part, M. Z... et Mme X... du chef d'établissement d'un certificat inexact, d'autre part, la seconde des chefs d'usage de faux, ainsi que d'escroquerie pour avoir, " en produisant un certificat médical concernant l'état de santé mentale de son époux qu'elle savait inexact, trompé le juge des tutelles afin de le déterminer " à rendre la décision précitée ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus " coupables des délits qui leur sont reprochés dans les termes de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ", la cour d'appel prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu que, tel qu'il est rédigé, le dispositif ci-dessus énoncé exclut toute incertitude sur les infractions retenues à l'encontre des prévenus ; que, si l'arrêt ne comporte pas de motifs spécifiques sur l'escroquerie dont il déclare Mme X... coupable, il n'encourt pas pour autant la censure dès lors que, d'une part, il caractérise en tous leurs éléments, sans insuffisance ni contradiction, l'infraction d'établissement d'un certificat médical inexact, ainsi que celle d'usage de ce document également retenue à l'encontre de la prévenue, d'autre part, il se réfère aux termes de la prévention, ce dont il résulte que la culpabilité de cette dernière pour le délit d'escroquerie ayant consisté à produire en connaissance de cause un certificat médical inexact pour obtenir du juge une décision injustifiée découle nécessairement de la commission, par elle, des deux autres délits ;
D'où il suit que les moyens seront écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
FIXE à 1 500 euros la somme que M. Z... et Mme X... devront payer chacun à M. Y...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux avril deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;