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26/03/2014 | FRANCE | N°12-27051

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mars 2014, 12-27051


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 septembre 2012) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 15 décembre 2010 n° 09-43075), que M. X... a été engagé par la société Passo pour exercer les fonctions de directeur du site de Teteghem et de directeur des programmes de formations de l'ensemble des établissements du groupe à compter du 1er mai 2005 avec une mission d'accompagnement du président d'une durée minimale de deux ans ; que du 4 au 18 juin 2007, les établissements d'Hellesmes et de Teteghem ont fait

l'objet d'un mouvement de grève ; que M. X... a été licencié pour fa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 septembre 2012) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 15 décembre 2010 n° 09-43075), que M. X... a été engagé par la société Passo pour exercer les fonctions de directeur du site de Teteghem et de directeur des programmes de formations de l'ensemble des établissements du groupe à compter du 1er mai 2005 avec une mission d'accompagnement du président d'une durée minimale de deux ans ; que du 4 au 18 juin 2007, les établissements d'Hellesmes et de Teteghem ont fait l'objet d'un mouvement de grève ; que M. X... a été licencié pour faute lourde le 18 juillet 2007 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Acde et Passo font grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de les condamner in solidum à payer au salarié diverses sommes au titre de la rupture alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 2511-1 du code du travail interdit seulement à l'employeur de licencier le salarié pour un motif tiré de l'exercice de son droit de grève ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié, « d'avoir volontairement et sciemment déstabilisé l'entreprise et le groupe Agroform dans le cadre de sa mission » en étant notamment « directement ou indirectement à l'origine du mouvement de grève non pour des raisons professionnelles mais pour des raisons personnelles » ; qu'il était ainsi reproché au salarié, non pas d'avoir participé à un mouvement de grève, ni d'avoir commis des faits au cours d'une grève, mais d'avoir instigué une grève à des fins personnelles dans le but de racheter la société Passo ; que le salarié soutenait d'ailleurs lui-même n'avoir joué aucun rôle au cours de cette grève, laquelle ne concernait au demeurant pas l'employeur mais les seules sociétés Agroform et Actiform ; qu'en jugeant néanmoins que la lettre de licenciement reprochait au salarié un grief tenant à l'exercice de son droit de grève, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 2511-1 du code du travail ;
2°/ que constitue une faute lourde le comportement déloyal d'un cadre dirigeant au sein d'un groupe de sociétés consistant à instiguer un mouvement de grève du personnel de l'une des sociétés du groupe dans le seul but de faire pression sur son employeur pour satisfaire un intérêt purement personnel tenant à la détention par lui-même du capital de cette société; qu'il était en l'espèce reproché au salarié d'avoir instigué le mouvement de grève du personnel de la société Agriform dans le seule but d'obtenir de la direction de celle-ci qu'elle accepte son offre de rachat de ses parts; qu'en affirmant péremptoirement qu'aucune faute lourde imputable au salarié n'était caractérisée en ce qui concerne l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2511-1 du code du travail ;
Mais attendu que, sans sortir des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a pu retenir que le seul fait d'encourager un mouvement de grève, fusse pour des raisons personnelles, ne suffisait pas à caractériser une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les sociétés Acde et Passo font grief à l'arrêt de rejeter la demande de mise hors de cause de la société Passo et de les condamner in solidum à payer au salarié des sommes au titre de la rupture du contrat de travail alors selon le moyen, que la qualité de co-employeur ne peut être reconnue à une société juridiquement distincte de la société employeur, que s'il existe entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; qu'en se bornant à déduire du contrôle opéré par la société Acde sur la société Passo, que ces deux sociétés étaient co-employeurs de M. X..., sans cependant caractériser qu'il existait entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Passo avait signé le 15 avril 2005 avec le salarié un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Acde et Passo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les sociétés Acde et Passo.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement est nul et condamné in solidum les sociétés ACDE et PASSO à verser à Monsieur X... des rappels de salaires et congés payés afférents, une indemnité compensatrice de congés payés, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
AUX MOTIFS QUE « L'arrêt de la Cour de cassation limite la portée de la cassation qu'elle prononce au chef du dispositif de l'arrêt attaqué qui retient une faute lourde à la charge du salarié et déboute en conséquence celui-ci des demandes présentées au titre de la rupture du contrat de travail. La cour de renvoi, ainsi tenue de limiter sa saisine à l'examen de la contestation du licenciement et des conséquences de la rupture du contrat de travail, doit déclarer irrecevable l'appel incident qui tend à remettre en cause la demande formée par le salarié au titre d'un remboursement des frais d'achat d'un véhicule Renault, sur laquelle est intervenue une condamnation au paiement de la somme de 8141,31 €, confirmée par l' arrêt de la cour d'appel de Douai, contre lequel les sociétés Passo et Acde ne se sont pas pourvues en cassation.Sur la contestation du bien fondé du licenciement:Selon l'article L 521-1 devenu L 2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.Tout licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit.L'employeur qui énonce dans la lettre de licenciement « vous êtes donc directement ou indirectement à l'origine du mouvement de grève non pour des raisons professionnelles mais bien personnelles » reproche ainsi au salarié d'avoir joué un rôle dans la grève, ce qui correspond à un grief autonome, relatif à l'exercice du droit de grève.L'arrêt cassé ayant retenu que le salarié avait commis une faute lourde à l'occasion de l'exercice du droit de grève, le moyen de défense tiré de l'illicéité du grief, en l'absence de caractérisation d'une faute lourde, est révélé par le pourvoi de sorte que le salarié est en droit de le reprendre devant la cour de renvoi, sans se heurter à la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel, qui ne concerne pas les défenses au fond.Aucune faute lourde imputable au salarié n'étant caractérisée en ce qui concerne l'exercice du droit de grève, le motif du licenciement tiré de son rôle dans la grève emporte à lui seul la nullité de la mesure, peu important que l'employeur invoque également d'autres motifs indépendants de la grève pour appuyer sa décision.Le licenciement étant nul, le salarié est fondé à obtenir le paiement du salaire perdu pendant la mise à pied, les indemnités de rupture outre les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.Les condamnations pécuniaires à intervenir seront prononcées à l'encontre des deux sociétés, devenues conjointement employeurs, tenues in solidum, et non pas solidairement en l'absence d'indication du fondement en droit d'une telle demande.En revanche il est constaté que le salarié ne dirige sa demande de remise de documents qu'à l'encontre de la société Acde.Il sera fait droit à cette demande sans prévoir de mesure d'astreinte dont la nécessité n'est pas démontrée à ce stade de l'affaire.Il a été exposé que dans le dernier état des relations contractuelles l'employeur versait au salarié une rémunération mensuelle de 7988,08 €, et il est constaté que le salarié présente ses réclamations financières sur cette base sans contestation de la part de l'employeur.Il résulte des indications de l'attestation Assédic produite aux débats qu'en juin 2007 l'employeur a versé au salarié une rémunération incomplète sur la base de 88, 66 heures, situation qui ne peut être justifiée par la dispense d'activité sans incidence sur l'obligation de continuer à verser l'entier salaire.Par ailleurs le salarié dont le licenciement est nul est en droit de prétendre au paiement du salaire perdu pendant sa mise à pied, devenue injustifiée.Dans ses conclusions, le salarié présente le compte du salaire manquant qui couvre la période du 15 juin au 18 juillet 2008, et donne pour résultat 8826,49 €. Son calcul n'est pas argué d'erreur.La demande en paiement de ce chef sera accueillie, avec les congés payés y afférents.En revanche c'est à la date de congédiement que s'apprécie l'ancienneté du salarié, ce qui exclut la durée du préavis, que le salarié ne devait pas prendre en compte pour présenter ses demandes au titre des congés payés acquis et de l'indemnité de licenciement.A la date du licenciement, le 18 juillet 2007, l'ancienneté acquise par le salarié est de 2 ans et 1 mois, ce qui conduit à réduire ses demandes inexactement présentées sur la base de 12 mois pour la première et de 2,5 mois pour la seconde.Il peut ainsi prétendre :-au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés acquis à la somme de 6295 ,04 €, correspondant au calcul suivant:7788,08X l/10 X 8,083 -au titre de l'indemnité de licenciement à la somme de 3244,51 ¿ correspondant au calcul suivant:7888 ,06 X 1/5 X 2,083 Selon les indications de l'attestation Assédic, l'effectif de l'entreprise Acde était de 7 salariés et aucun élément n'est présenté en ce qui concerne l'effectif de l'entreprise Passo.Le salarié peut également prétendre à l'indemnisation de l'illicéité de son licenciement sur le fondement de L 1235-5 du code du travail.En considération de sa situation particulière, il lui sera attribué la somme indiquée dans la décision qui suit »
1/ ALORS QUE l'article L 2511-1 du code du travail interdit seulement à l'employeur de licencier le salarié pour un motif tiré de l'exercice de son droit de grève ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié, « d'avoir volontairement et sciemment déstabilisé l'entreprise et le groupe AGROFORM dans le cadre de sa mission » en étant notamment « directement ou indirectement à l'origine du mouvement de grève non pour des raisons professionnelles mais pour des raisons personnelles » ; qu'il était ainsi reproché au salarié, non pas d'avoir participé à un mouvement de grève, ni d'avoir commis des faits au cours d'une grève, mais d'avoir instigué une grève à des fins personnelles dans le but de racheter la société PASSO ; que Monsieur X... soutenait d'ailleurs lui-même n'avoir joué aucun rôle au cours de cette grève (ses conclusions d'appel p 13), laquelle ne concernait au demeurant pas l'employeur mais les seules sociétés AGROFORM et ACTIFORM (v. conclusions des exposantes p. 4 § 1, p. 5 § 1 et p. 15 in fine) ; qu'en jugeant néanmoins que la lettre de licenciement reprochait au salarié un grief tenant à l'exercice de son droit de grève, la Cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du Code du travail, ensemble l'article L 2511-1 du Code du travail ;
2/ ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE constitue une faute lourde le comportement déloyal d'un cadre dirigeant au sein d'un groupe de sociétés consistant à instiguer un mouvement de grève du personnel de l'une des sociétés du groupe dans le seul but de faire pression sur son employeur pour satisfaire un intérêt purement personnel tenant à la détention par lui-même du capital de cette société ; qu'il était en l'espèce reproché à Monsieur X... d'avoir instigué le mouvement de grève du personnel de la société AGRIFORM dans le seule but d'obtenir de la direction de celle-ci qu'elle accepte son offre de rachat de ses parts; qu'en affirmant péremptoirement qu'aucune faute lourde imputable au salarié n'était caractérisée en ce qui concerne l'exercice du droit de grève, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 2511-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société PASSO de sa demande de mise hors de cause et d'avoir condamné in solidum les sociétés ACDE et PASSO au paiement à Monsieur X... des sommes résultant de la nullité de son licenciement
AUX MOTIFS QUE « l'immixtion de la société ACDE dans la relation de travail instaurée entre M. X... et la société PASSO ne suffit pas pour faire perdre à cette dernière sa qualité d'employeur mais opère une confusion entre les deux sociétés, liée au fait que l'une contrôle l'autre »
ET QUE « Les condamnations pécuniaires à intervenir seront prononcées à l'encontre des deux sociétés, devenues conjointement employeurs, tenues in solidum, et non pas solidairement en l'absence d'indication du fondement en droit d'une telle demande »
ALORS QUE la qualité de co-employeur ne peut être reconnue à une société juridiquement distincte de la société employeur, que s'il existe entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; qu'en se bornant à déduire du contrôle opéré par la société ACDE sur la société PASSO, que ces deux sociétés étaient co-employeurs de Monsieur X..., sans cependant caractériser qu'il existait entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1222-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27051
Date de la décision : 26/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 12 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mar. 2014, pourvoi n°12-27051


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.27051
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