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26/03/2014 | FRANCE | N°12-25236

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mars 2014, 12-25236


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 3 juillet 2012), que M. X..., engagé le 20 novembre 1999 par la société Wurth France en qualité de commercial pour occuper en dernier lieu les fonctions de chef des ventes, a présenté une demande de congés à laquelle son employeur n'a pas fait droit ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 12 novembre 2009 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de

le condamner à payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de trava...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 3 juillet 2012), que M. X..., engagé le 20 novembre 1999 par la société Wurth France en qualité de commercial pour occuper en dernier lieu les fonctions de chef des ventes, a présenté une demande de congés à laquelle son employeur n'a pas fait droit ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 12 novembre 2009 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits sur lesquels il fonde sa décision ; que pour retenir l'existence d'un doute devant profiter au salarié et juger, en conséquence, que le licenciement de ce dernier était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à citer les différentes pièces versées aux débats par chacune des parties et à affirmer que les « deux thèses étaient parfaitement justifiées » ; qu'en s'abstenant ainsi de tout examen, même sommaire, des documents qui lui étaient soumis, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la société avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, sur le bulletin de paie du salarié d'octobre 2009 qu' «il est bien entendu normal que le bulletin de paie du salarié pour le mois d'octobre 2009 ne mentionne pas les congés qu'il a pris durant ce mois, sans quoi cette prise de congés, irrégulière, aurait été validée par la société, sur l'attestation Assedic, « qu'établie postérieurement au licenciement, la société a valablement considéré que la semaine du 12 au 16 octobre 2009 constituait une période d'absence injustifiée, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à déduction de cette période à droit à congés payés de l'intimé et sur les bons de commandes produits par le salarié, qu'ils « ne témoignent pas davantage d'une activité de sa part durant sa période de congés, mais au contraire d'une savante manipulation. Ainsi, la pièce n° 37, à savoir la commande PFSD du 13 octobre 2009 correspond rigoureusement à la pièce n° 39, à savoir la commande du même jour pour le client PFP. Or à la fin du mois, le salarié a établi un avoir pour PFP et refacturé le matériel à PFP ; quant à la pièce n° 38 correspondant à une commande du 12 octobre, elle a pu faire suite à un fax ou à un appel du client ; que s'agissant des pièces 40 à 42 correspondant au client Bativaloire, la commande a été passée par le client le 6 octobre, mais transmise par le salarié seulement le 14 octobre pour faire accroire une activité à cette date » ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que le salarié n'avait pas travaillé de manière effective durant sa période de congés payés, prise malgré le refus de la direction, et qu'ainsi son licenciement pour faute grave était justifié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par référence à des causes étrangères aux parties ; que pour affirmer qu'« un doute incontestable existe qui doit profiter au salarié » et juger, en conséquence, que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé qu'elle se trouvait en présence de deux thèses parfaitement justifiées qu'elle n'était pas en mesure de trancher, alors que le même scénario s'est, une première fois, produit à une année de distance pour un salarié de la société ; qu'en se fondant ainsi sur une circonstance étrangère au litige opposant la société au salarié pour juger que le licenciement de ce dernier était injustifié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'abord que la cour d'appel n'a pas fondé sa décision exclusivement sur une circonstance étrangère au litige ;
Et attendu ensuite que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, non tenue de s'expliquer spécialement sur chacune des pièces produites ni d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties et répondant aux conclusions prétendument délaissées, a retenu, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le doute devant profiter au salarié dès lors qu'elle ne pouvait trancher entre les thèses des deux parties, le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le rejet à intervenir du premier moyen rend sans portée le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Wurth France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Wurth France et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Wurth France.
Premier moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société WURTH FRANCE à verser au salarié les sommes de 10 953,99 € et de 1 095,40 € à titre d'indemnités de préavis et de congés payés y afférents, de 4 155 € à titre d'indemnité conventionnelle de rupture, de 10 502,97 € à titre d'indemnité spéciale contractuelle et de 22 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;
Aux motifs que Monsieur X... affirme que la pratique courante de l'entreprise était de mettre en place un licenciement pour faute suivi d'une transaction; que la Cour est en présence de deux catégories de pièces: celles qui abondent dans le sens de la prise effective de congés payés: il s'agit des rapports hebdomadaires et mensuels d'activité, de la saisie journalière, des feuilles de frais du 12 au 15 octobre 2009 et de l'absence de carburant pris pendant cette période, tous documents établis par le salarié lui-même; celles qui témoignent de la réalité du travail pendant ce laps de temps: cinq clients reçus à titre professionnel les 12, 13, 14, 15 et 16 octobre 2009 et divers bons de commande sont produits émanant de sa part pendant cette période, Anthony Y... atteste avoir collaboré avec son responsable, Monsieur X..., le 16 octobre 2009 et Jérôme Z... affirme avoir été reçu par lui pour ses pré-tests, les 12 et 13 octobre 2009, même s'il a dû revenir en novembre 2009 pour d'autres essais; qu'en outre, son bulletin de salaire pour le mois d'octobre concerné ne comporte pas d'absences injustifiées et sur l'attestation de Pôle Emploi figurent 21 jours de congés payés non pris dont ceux du 12 au 16/10/2009 ; que rien ne permet de dire que les attestations fournies au débat s'avèrent frelatées ou fausses; que par ailleurs, un ancien employé, Monsieur Marc A..., expose qu'il a subi un cas analogue, dans la mesure où son directeur de division lui a demandé de formuler une demande de congés payés et de prendre ses congés dès que la hiérarchie lui aurait formulé son refus de les lui accorder; mais qu'il était convenu qu'il s'agissait d'un accord amiable, justifiant d'un motif sérieux réel pour mettre fin à son contrat à l'initiative de l'employeur; que cependant, il était implicitement convenu que le motif apprécié par la direction des relations humaines serait clément pour préserver ses droits à indemnités acquises; que cet accord reposait sur le fait de sa volonté de conclure son contrat de travail sans baisse d'activités jusqu'à son terme; que l'article L 1235-1 du Code du travail dispose que si un doute subsiste, il profite au salarié; qu'en présence de deux thèses parfaitement justifiées, la Cour n'est pas en mesure de trancher, alors que le même scénario s'est, une première fois, produit à une année de distance pour un salarié de la société; qu'il s'ensuit qu'un doute incontestable existe qui doit profiter à Monsieur X..., le licenciement n'étant pas revêtu d'une cause réelle et sérieuse, étant rappelé que la Cour n'a pas à discuter des griefs autres que celui, unique, relevé dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits sur lesquels il fonde sa décision ;que pour retenir l'existence d'un doute devant profiter à Monsieur X... et juger, en conséquence, que le licenciement de ce dernier était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est bornée à citer les différentes pièces versées aux débats par chacune des parties et à affirmer que les « deux thèses étaient parfaitement justifiées » ; qu'en s'abstenant ainsi de tout examen, même sommaire, des documents qui lui étaient soumis, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la société WURTH FRANCE avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, sur le bulletin de paie du salarié d'octobre 2009 qu'"il est bien entendu normal que le bulletin de paie de Monsieur X... pour le mois d'octobre 2009 ne mentionne pas les congés qu'il a pris durant ce mois, sans quoi cette prise de congés, irrégulière, aurait été validée par la société WURTH" (conclusions d'appel page 16), sur l'attestation Assédic, "qu'établie postérieurement au licenciement, la société WURTH a valablement considéré que la semaine du 12 au 16 octobre 2009 constituait une période d'absence injustifiée, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à déduction de cette période à droit à congés payés de l'intimé"(page 17) et sur les bons de commandes produits par Monsieur X..., qu'ils "ne témoignent pas davantage d'une activité de sa part durant sa période de congés, mais au contraire d'une savante manipulation. Ainsi, la pièce n°37, à savoir la commande PFSD du 13 octobre 2009 correspond rigoureusement à la pièce n°39, à savoir la commande du même jour pour le client PFP. Or à la fin du mois, Monsieur X... a établi un avoir pour PFP et refacturé le matériel à PFP. Quant à la pièce n°38 correspondant à une commande du 12 octobre, elle a pu faire suite à un fax ou à un appel du client. S'agissant des pièces 40 à 42 correspondant au client Bativaloire, la commande a été passée par le client le 6 octobre, mais transmise par Monsieur X... seulement le 14 octobre pour faire accroire une activité à cette date" (page 21) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que Monsieur X... n'avait pas travaillé de manière effective durant sa période de congés payés, prise malgré le refus de la direction, et qu'ainsi son licenciement pour faute grave était justifié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par référence à des causes étrangères aux parties ; que pour affirmer qu'« un doute incontestable existe qui doit profiter à Monsieur X... » et juger, en conséquence, que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a affirmé qu'elle se trouvait « en présence de deux thèses parfaitement justifiées qu'elle n'est pas en mesure de trancher, alors que le même scénario s'est, une première fois, produit à une année de distance pour un salarié de la société » ; qu'en se fondant ainsi sur une circonstance étrangère au litige opposant la société WURTH FRANCE à Monsieur X... pour juger que le licenciement de ce dernier était injustifié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
Second moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société WURTH FRANCE en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Aux motifs que la demande de la société pour la procédure abusive sera rejetée comme mal fondée puisqu'elle succombe dans son argumentation ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-25236
Date de la décision : 26/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 03 juillet 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mar. 2014, pourvoi n°12-25236


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.25236
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