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20/03/2014 | FRANCE | N°13-15085

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2014, 13-15085


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2013), que le divorce des époux X... a été prononcé, sur leur demande conjointe, par un jugement du 16 février 2006, homologuant la convention définitive portant règlement des effets du divorce et l'acte liquidatif de la communauté dressé en la forme authentique le 30 janvier 2006 par M. C..., notaire associé ; que reprochant à ce dernier d'avoir sous-évalué un immeuble dépendant de la communauté, M. X... a recherc

hé sa responsabilité professionnelle ;
Attendu que M. X... fait grief à...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2013), que le divorce des époux X... a été prononcé, sur leur demande conjointe, par un jugement du 16 février 2006, homologuant la convention définitive portant règlement des effets du divorce et l'acte liquidatif de la communauté dressé en la forme authentique le 30 janvier 2006 par M. C..., notaire associé ; que reprochant à ce dernier d'avoir sous-évalué un immeuble dépendant de la communauté, M. X... a recherché sa responsabilité professionnelle ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :
1°/ que le notaire, qui est tenu d'éclairer ses clients sur la portée de leurs actes ou de leurs engagements, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en estimant que M. C...n'avait commis aucune faute en dressant l'état liquidatif de la communauté sans prendre en considération la valeur réelle des biens qui y figuraient, aux motifs que « la valeur du bien immobilier de Saint-Firmin correspond à une valeur retenue d'un commun accord par les deux parties, analogue à un accord entre un vendeur et un acquéreur sur un prix », que le notaire « n'avait d'autre obligation que celle de s'assurer de ce que cette valeur correspondait à l'accord des parties » et qu'il « ne lui appartenait pas d'en proposer une autre », la cour d'appel, qui a méconnu que le notaire ne peut prétendre se soustraire à son obligation de conseil au motif que son rôle se serait borné à entériner un acte établi par les parties, a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le notaire doit exercer son devoir de conseil de manière à éclairer ses clients sur la portée de leurs actes ou de leurs engagements ; qu'en estimant que M. C...n'avait commis en l'espèce aucun manquement à son devoir de conseil, dans la mesure où l'évaluation du bien immobilier de Saint-Firmin n'apparaissait « pas dérisoire » et que « rien ne permettait au notaire d'imaginer qu'une difficulté devrait survenir à ce propos », la cour d'appel, qui a méconnu que le notaire devait exercer son devoir de conseil en toute hypothèse, sans pouvoir s'y soustraire au motif qu'il n'envisageait pas de difficulté sur le point considéré, a violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ qu'en constatant que les estimations figurant dans l'état liquidatif dressé par M. C...« comprennent des paramètres autres que les réelles valeurs vénales selon le marché immobilier (¿) », puis en relevant que le notaire s'était borné à entériner sur ce point l'accord des parties sans prodiguer à cet égard aucun conseil, dans la mesure où il ne pouvait imaginer qu'une difficulté surviendrait relativement à ces évaluations, d'où il résultait nécessairement que M. C...avait délibérément manqué à son devoir de conseil sans justification sérieuse, la cour d'appel, qui a toutefois exonéré le notaire de tout manquement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le caractère sérieux de l'évaluation donnée à un immeuble ne se confond pas avec sa valeur vénale ; qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble litigieux, évalué à 250 000 euros, avait été acquis en 1997 au prix de 96 043 euros et que l'avis de valeur fourni par M. X..., émis en janvier 2007 sans visite de l'immeuble et après réalisation d'importants travaux de rénovation, était dépourvu de force probante et ne pouvait sérieusement contredire le prix convenu entre les parties, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'évaluation du bien litigieux ne présentait pas un caractère dérisoire ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, elle a pu décider que le notaire, qui n'avait pas été chargé de procéder à une vérification approfondie de la valeur de l'immeuble, n'avait pas failli à son obligation de conseil lors de l'établissement de l'état liquidatif de la communauté ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à M. C...et à la SCP C...-D... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes formées à l'égard de Maître Jacques C...et de la SCP Jacques C...et Jean D... ;
AUX MOTIFS QUE la convention réglant les effets du divorce précise que l'actif de communauté comprenait le bien immobilier de Saint-Firmin et quatre marques déposées à l'Institut national de la propriété intellectuelle, soit Maca'Incas, Dynasil, Mieux Vivre la Vie et Maca'Cola ; que le bien immobilier est évalué à 250. 000 euros dans la convention et les quatre marques sont évaluées à 2. 000 euros ; que la convention décrit le bien immobilier comme étant un domaine agricole à Saint-Firmin (Hautes-Alpes) comprenant 15 parcelles cadastrales pour une superficie totale de 11 ha 98 a et 50 ca ; qu'il est précisé que les époux X...-A...l'avaient acquis le 28 janvier 1997 au prix de 630. 000 francs, soit 96. 043 euros ; que les époux X...-A..., sur cette base, ont évalué l'actif de communauté à 252. 000 euros ; qu'ils ont évalué le passif de la communauté à 152. 204 euros ; qu'il en est résulté un actif net de 99. 796 euros, soit un actif pour chacun de 49. 898 euros ; qu'ils ont convenu de ce que le bien immobilier de Saint-Firmin et les marques étaient attribuées à Madame A... moyennant paiement par celle-ci d'une soulte de 49. 898 euros ; que dans cette convention, Monsieur X... a convenu que sa maison, bien propre, de Sainte-Anne-du-Castellet, avait été rénovée grâce aux fonds propres de Madame A... et que celle-ci avait sur lui une créance y correspondant ; que Monsieur X... a admis que la créance de Madame A... à ce titre représentait un montant de 49. 898 euros ; que la convention est un tout, pour parvenir à un accord, les époux X...-A...se sont arrangés dans leurs estimations pour que la soulte due par Madame A... corresponde au centime près à la somme que lui devait Monsieur X... au titre de la rénovation de sa maison de Sainte-Anne-du-Castellet, de sorte que, par compensation entre ces deux sommes, personne ne doive rien à l'autre ; qu'il est clair que les estimations dans une telle convention comprennent des paramètres autres que les réelles valeurs vénales selon le marché immobilier, mais correspondent à des valeurs convenues conventionnellement pour parvenir à un accord ; que c'est la raison pour laquelle Madame A... ne présente ses demandes reconventionnelles qu'à titre subsidiaire, car la modification de la valeur du bien immobilier de Saint-Firmin remettait en cause l'équilibre économique de la convention ; que la valeur du bien immobilier de Saint-Firmin correspond à une valeur retenue d'un commun accord par les deux parties, analogue à un accord entre un vendeur et un acquéreur sur un prix ; que c'est une valeur équivalente à un prix et sur laquelle les deux parties se sont entendues ; qu'il appartenait alors à Monsieur X..., s'il contestait cette valeur, d'en proposer une autre ou de ne pas signer cette convention ; que Maître Jacques C...n'avait d'autre obligation que celle de s'assurer de ce que cette valeur correspondait à l'accord des parties ; qu'il ne lui appartenait pas d'en proposer une autre, et ce d'autant qu'une modification de cette valeur pouvait remettre en cause tous les autres paramètres de l'accord, notamment sur la question de la créance de Madame A... sur Monsieur X... au titre de la rénovation de la maison de Sainte-Anne-du-Castellet ; que Monsieur X... n'a jamais prétendu que cette valeur retenue dans la convention ne correspondait pas à son accord ; que la valeur de ce bien ne paraissait pas dérisoire, et rien ne permettait au notaire d'imaginer qu'une difficulté devrait survenir à ce propos ; que Maître C...n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil à ce propos (arrêt attaqué pp. 5-6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'immeuble litigieux a été évalué par les parties à la somme de 250. 000 euros dans le cadre d'un règlement global de leurs intérêts patrimoniaux ; que le notaire, tenu de respecter la volonté de ses clients dès lors qu'elle est licite, n'avait pas à contrôler les données de fait susceptibles de se répercuter sur l'acte qu'il recevait et spécialement l'état de l'immeuble litigieux acquis en 1997 au prix de 96. 043 euros, qui devait faire l'objet de travaux de rénovation ; que l'avis de valeur de Madame B...produit par Monsieur André X... a été rendu en janvier 2007 sur présentation d'un dossier comprenant un extrait de plan cadastral concernant la propriété, un relevé de propriété, des photos de l'immeuble et des croquis des lieux, sans visite de l'immeuble ; que cet avis n'est en outre pas contradictoire, qu'il a été émis au début de l'année 2007 après réalisation d'importants travaux de rénovation du bien ; que la preuve d'une sous-évaluation fautive du bien imputable au notaire n'est donc pas démontrée, de sorte que Monsieur André X... sera débouté de son action en responsabilité à l'encontre de Maître Jacques C...et la SCP Jacques C...et Jean D... (jugement p. 5) ;
ALORS, d'une part, QUE le notaire, qui est tenu d'éclairer ses clients sur la portée de leurs actes ou de leurs engagements, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en estimant que Maître C...n'avait commis aucune faute en dressant l'état liquidatif de la communauté sans prendre en considération la valeur réelle des biens qui y figuraient, aux motifs que " la valeur du bien immobilier de Saint-Firmin correspond à une valeur retenue d'un commun accord par les deux parties, analogue à un accord entre un vendeur et un acquéreur sur un prix ", que le notaire " n'avait d'autre obligation que celle de s'assurer de ce que cette valeur correspondait à l'accord des parties " et qu'il " ne lui appartenait pas d'en proposer une autre ", la cour d'appel, qui a méconnu que le notaire ne peut prétendre se soustraire à son obligation de conseil au motif que son rôle se serait borné à entériner un acte établi par les parties, a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE le notaire doit exercer son devoir de conseil de manière à éclairer ses clients sur la portée de leurs actes ou de leurs engagements ; qu'en estimant que Maître C...n'avait commis en l'espèce aucun manquement à son devoir de conseil, dans la mesure où l'évaluation du bien immobilier de Saint-Firmin n'apparaissait " pas dérisoire " et que " rien ne permettait au notaire d'imaginer qu'une difficulté devrait survenir à ce propos ", la cour d'appel, qui a méconnu que le notaire devait exercer son devoir de conseil en toute hypothèse, sans pouvoir s'y soustraire au motif qu'il n'envisageait pas de difficulté sur le point considéré, a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, enfin, QU'en constatant que les estimations figurant dans l'état liquidatif dressé par Maître C..." comprennent des paramètres autres que les réelles valeurs vénales selon le marché immobilier (¿) ", puis en relevant que le notaire s'était borné à entériner sur ce point l'accord des parties sans prodiguer à cet égard aucun conseil, dans la mesure où il ne pouvait imaginer qu'une difficulté surviendrait relativement à ces évaluations, d'où il résultait nécessairement que Maître C...avait délibérément manqué à son devoir de conseil sans justification sérieuse, la cour d'appel, qui a toutefois exonéré le notaire de tout manquement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-15085
Date de la décision : 20/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2014, pourvoi n°13-15085


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15085
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