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19/03/2014 | FRANCE | N°12-29251

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2014, 12-29251


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1226-2 et L. 4624-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 8 avril 2000 par la société Lidl en qualité de caissière-employée de libre-service, Mme X... a, postérieurement à une période d'arrêt maladie et des avis du médecin du travail, été licenciée le 19 janvier 2011 pour inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à cette rupture du contr

at de travail ;
Attendu que pour décider que le licenciement était fondé et déb...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1226-2 et L. 4624-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 8 avril 2000 par la société Lidl en qualité de caissière-employée de libre-service, Mme X... a, postérieurement à une période d'arrêt maladie et des avis du médecin du travail, été licenciée le 19 janvier 2011 pour inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à cette rupture du contrat de travail ;
Attendu que pour décider que le licenciement était fondé et débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir relevé que celle-ci avait reconnu le 16 novembre 2010 que la médecine du travail avait constaté son inaptitude, retient, d'une part que le médecin du travail ayant, le 19 août 2010, indiqué à l'employeur que toute manutention répétée de charges "durant" le poste de travail était contre-indiquée à cette salariée et que tout poste de travail respectant cette restriction, y compris un poste administratif, pourrait être compatible avec l'état de santé de celle-ci, cet employeur, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, a justement considéré que Mme X..., recrutée en qualité de caissière libre-service, ne pouvait plus, sauf à procéder à un recrutement d'un salarié ou à mettre en danger la santé d'autres salariés, continuer à exercer cette fonction comprenant la mise en rayon de la marchandise et impliquant une nécessaire manutention de charges, d'autre part que l'employeur, qui démontre par ailleurs avoir reclassé d'autres salariés sur des postes administratifs, a respecté loyalement son obligation de reclassement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'invocation de l'obligation de sécurité est sans incidence sur la réalité du motif du licenciement tiré de l'inaptitude du salarié, la cour d'appel, dont il résultait de son énonciation des termes des avis du médecin du travail en date des 3 juin et 6 août 2010, que la salariée avait d'abord été déclarée apte à la reprise sur un poste sans manutention, avec des horaires réguliers, ensuite, avec confirmation de la nécessité d'aménager le poste de travail et de tels horaires, inapte à la mise en rayon, mais apte au poste de caissière, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et, peu important les termes de la lettre du 19 août 2010 ou de celle de la salariée qui ne pouvaient modifier la nature des avis successifs d'aptitude, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare fondé le licenciement et déboute Mme X... de sa demande à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 11 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef relatif au bien fondé du licenciement ;
Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Renvoie, sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Lidl aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Lidl et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme Malika X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Malika X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, et de l'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes afférentes ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue de période de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition devant prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, l'emploi proposé devant être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment exercé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que Madame X... exerçait la fonction de "caissière employée libre service" qui consistait, selon son contrat de travail, "à accomplir dans le magasin où elle était affectée, toutes les tâches relatives à la vente, au travail en caisse, au réapprovisionnement du magasin, ainsi qu'à l'entretien du point de vente et de ses annexes", le descriptif du poste qu'elle a signé le 28 octobre 1999 indiquant notamment que la caissière doit : poser elle-même le premier article dans le caddie du client, déballer la marchandise, alimenter les rayons, participer au déroulement de l'inventaire, entretenir le magasin, l'espace caisse, les bureaux, la réserve, la salle de repos et le parking (y inclus le garage caddies), reconditionner la marchandise dégradée mais revendable ; qu'or, lors d'un examen périodique pratiqué dans le cadre de la surveillance médicale renforcée et à l'issue d'une période d'arrêt maladie, le médecin du travail qui examinait Madame X... émettait notamment les avis suivants : le 25 mai 2010 :"envisager un aménagement de poste : contre indication à la manutention, prévoir poste avec horaire régulier", le 3 juin 2010 : "apte reprise sur un poste sans manutention - avec des horaires réguliers chaque jour", le 6 août 2010 : "confirmation de la nécessité d'aménager le poste de travail : apte au poste de caissière, inapte à la mise en rayon, horaires réguliers à respecter" ; que par courriers des 4 juin, 16 juin et 17 août 2010, la société LIDL réagissait à la réception de chacun de ces avis médicaux en rappelant au médecin du travail "que le poste de caissière chez LIDL est un poste dit de caissière ELS (employé libre service) se traduisant par une nécessaire polyvalence qui implique l'exécution de tâches, et de mise en rayon, et de caisse, cette polyvalence étant indispensable au bon fonctionnement des magasins et à la préservation de la santé de nos salariés" et "que la manutention est également présente en caisse puisque selon les procédures en vigueur dans la société, la personne en caisse doit s'assurer que le client a bien déposé toute la marchandise sur le tapis de caisse", que "les recommandations CRAM concernant les articles supérieurs à 8 kg sont appliquées à l'encaissement" et que "les caissières s'engagent contractuellement à déposer le premier article dans le caddie du client, afin de s'assurer que celui-ci n'y a pas dissimulé de la marchandise, cette action impliquant une nouvelle fois de la manutention en caisse" ; qu'en réponse à ces courriers, le médecin du travail écrivait le 19 août 2010 à la société Lidl que "toute manutention répétée de charges durant le poste de travail lui est contre-indiquée ; tout poste de travail respectant cette restriction pourrait être compatible avec son état de santé, y compris un poste administratif" ; que c'est donc à juste titre qu'à réception de ce courrier l'employeur, débiteur envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat, a considéré que Madame X..., recrutée en qualité de caissière libre service, ne pouvait plus continuer d'exercer cette fonction comprenant la mise en rayon de la marchandise et impliquant une nécessaire manutention de charges y compris lors de la tenue de la caisse du magasin, sauf à procéder, ce qui ne saurait lui être imposé dans le cadre d'une recherche de reclassement, au recrutement d'un salarié pour effectuer les tâches que Madame X... ne pouvait plus effectuer, ou à exiger de ses collègues de travail, au risque de mettre en danger leur santé et leur sécurité, qu'ils effectuent eux-mêmes, en sus de leur propre travail, la partie la plus pénible du poste de caissière employée libre service que ne pouvait plus accomplir l'intéressée, l'une et l'autre solution conduisant en outre à créer une disparité entre les employés du magasin ; que la société LIDL a donc recherché à reclasser sa salariée sur un poste administratif en interrogeant l'ensemble de ses directions régionales et elle l'a reçue le 7 octobre 2010 pour lui proposer un certain nombre de postes en contrat à durée indéterminée qui étaient disponibles, propositions détaillées (statut, horaires, lieu, salaire horaire) qu'elle a maintenues par courrier du 29 octobre 2010 dans lequel elle lui demandait de se positionner avant le 10 novembre 2010 afin notamment d'"estimer si une formation serait suffisante pour les occuper" :postes proposés sur Strasbourg : assistante service trésorerie, assistant service organisation bilingue allemand, assistant service publicité, employée administratif service achats investissement, employée administratif service management des coûts et audit, employée administratif achats bilingue allemand, employée administratif achats pôle traduction français-allemand ; postes proposés sur Cadaujac, Vars ou Cambrai : employée administrative service achats ; poste proposé sur Meaux : employée administrative service technique ; qu'or, Madame X..., qui devait reconnaître dans une lettre du 16 novembre 2010 que "suite à une poussée de la maladie survenue le 10/03/09 la Médecine du travail a, après quatre examens médicaux, constaté son inaptitude aux fonctions de caissière ELS" et qui rappelait à l'employeur que "la décision d'inaptitude de la Médecine du travail met à sa charge une obligation de reclassement", devait laisser sans réponse les propositions susvisées de la société LIDL contraignant ainsi son employeur à procéder à son licenciement ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société LIDL, qui démontre par ailleurs avoir reclassé sur des postes administratifs d'autres salariées dans la même situation que Madame X..., après leur avoir fait dispenser une formation adéquate, a respecté loyalement son obligation reclassement de cette dernière salariée laquelle n'a pas souhaité donner suite aux propositions précises et écrites qui lui ont été faites ; que la décision déférée sera donc infirmée du chef du licenciement ».
ALORS, de première part, QU'à défaut d'avoir exercé le recours prévu à l'article L. 4624-1, dernier alinéa, du Code du travail, l'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose à l'employeur qui ne peut procéder au licenciement de ce salarié pour inaptitude ; qu'en jugeant le licenciement pour inaptitude de Madame X... justifié par une cause réelle et sérieuse quand il résultait de ses propres constatations que la salariée avait été déclarée par le médecin du travail, lors de la visite médicale de reprise, apte avec réserve à son emploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait qu'un tel licenciement était nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle a ainsi violé l'article L. 4624-1 du code du travail.
ALORS, de deuxième part, QU'en l'absence d'exercice du recours prévu à l'article L. 4624-1, dernier alinéa, du Code du travail, l'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose aux parties et il n'appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a jugé que l'avis du médecin du travail, lequel avait conclu à l'aptitude de Madame X... à reprendre son emploi, devait être interprété comme un avis d'inaptitude en raison des réserves dont il était assorti a substitué son appréciation à celle du médecin du travail en violation de l'article L. 4624-1 du Code du travail.
ALORS, de troisième part, QUE l'employeur qui entend licencier un salarié qui, au terme des périodes de suspension pour maladie ou accident d'origine non professionnelle, a été déclaré apte par le médecin du travail à son poste de travail, est tenu de justifier de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de lui proposer son poste, si nécessaire aménagé, ou un emploi similaire, en tenant compte des préconisations du médecin du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a jugé qu'il ne saurait être reproché à la société LIDL, tenue d'une obligation de sécurité de résultat, d'avoir proposé des postes de reclassement de type assistante et employée administrative, sans avoir caractérisé l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de lui proposer son poste de caissière, aménagé conformément aux préconisations du médecin du travail, a violé l'article L. 4624-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-29251
Date de la décision : 19/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mar. 2014, pourvoi n°12-29251


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.29251
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