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11/03/2014 | FRANCE | N°13-13578

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mars 2014, 13-13578


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2013), que la société JVC France, distributeur des produits de la marque JVC, a ouvert le 31 décembre 1999 un compte client à la société Trading French international (la société TF Inter), grossiste revendeur de produits électroniques ; que, le 29 avril 2008, la société JVC France a ouvert un compte à la société C Discount, revendeur de produits électroniques sur internet, alors cliente de la société TF Inter ; que, s'estimant victime d'une rupture

de relations commerciales établies et d'actes de concurrence déloyale imp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2013), que la société JVC France, distributeur des produits de la marque JVC, a ouvert le 31 décembre 1999 un compte client à la société Trading French international (la société TF Inter), grossiste revendeur de produits électroniques ; que, le 29 avril 2008, la société JVC France a ouvert un compte à la société C Discount, revendeur de produits électroniques sur internet, alors cliente de la société TF Inter ; que, s'estimant victime d'une rupture de relations commerciales établies et d'actes de concurrence déloyale imputables à la société JVC France, la société TF Inter l'a assignée en responsabilité ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société TF Inter fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la société JVC France à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par elle du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies alors, selon le moyen :
1°/ que celui qui, sans respecter un préavis suffisant, rompt, même partiellement, une relation commerciale établie engage sa responsabilité ; qu'après avoir constaté que la société JVC France traite désormais directement avec la société C Discount, là où les commandes de celles-ci transitaient auparavant par la société TF Inter, qui jouait le rôle d'intermédiaire, ce dont il résultait que la relation commerciale établie entre la société TF Inter et la société JVC France avait été rompue par cette dernière, au moins partiellement, quant aux commandes passées par la société C Discount, la cour d'appel ne pouvait écarter la responsabilité de la société JVC France sans violer l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;
2°/ qu'en retenant que la société JVC France n'a pas résilié le compte ouvert au nom de la société TF Inter, ni oeuvré pour la rupture de leurs relations, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée si en traitant désormais directement avec la société C Discount, là où les commandes de celles-ci transitaient auparavant par la société TF Inter avec laquelle elle s'entendait pour déterminer le volume de commandes à passer au regard de l'évolution du site Internet de la société C Discount, la société JVC n'avait pas, au moins partiellement, rompu brutalement les relations commerciales qui l'unissaient à la société TF Inter, faute pour cette dernière de produits à écouler auprès de celui qui fut son principal client, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article L. 442-6, I , 5°, du code de commerce ne vise que la situation de rupture d'une relation commerciale et ne saurait être invoqué pour reprocher à un partenaire le contrat signé avec un tiers qui ne saurait traduire une volonté cachée de rupture, l'arrêt relève que la société JVC France, non seulement n'a jamais résilié le compte ouvert dans ses livres par la société TF Inter, mais n'a pas davantage oeuvré dans le sens d'une rupture des relations, justifiant lui avoir consenti en 2008 et 2009, des conditions analogues aux précédentes, que la société TF Inter a acceptées ; qu'ayant par ces énonciations et constatations fait ressortir que les dispositions du texte précité n'étaient pas applicables, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société TF Inter fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la société JVC France à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par elle du fait de la perturbation de son réseau de distribution, alors, selon le moyen :
1°/ que le détournement de la clientèle d'un partenaire commercial privilégié est un acte de concurrence déloyale ; qu'en écartant tout acte de concurrence déloyale commis par la société JVC France, après avoir pourtant constaté que la société JVC France avait choisi de procéder à une revente directe de ses produits à la société C Discount, ce dont il résultait que la société JVC France avait détourné le principal client de la société TF Inter -avec qui elle est, par ailleurs, en relation d'affaires- dans le seul but d'évincer cette dernière du circuit de distribution et avait ainsi fait preuve de déloyauté à son égard, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société TF Inter faisant valoir que la société JVC France avait commis une faute délictuelle en approvisionnant directement la société C Discount, tout en sachant qu'il était le principal client de la société TF Inter, et participant ainsi à la perturbation de son réseau de distribution et à l'annulation de commandes passées par C Discount, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'à supposer même que la société JVC France ait démarché la société C Discount, il ne pourrait en être déduit l'existence d'un acte de concurrence déloyale, la liberté du commerce et de l'industrie permettant à tout commerçant d'attirer une nouvelle clientèle et qu'un tel grief ne pourrait être caractérisé que par des agissements déloyaux, qui ne sont ni établis ni même allégués par la société TF Inter, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Trading French international aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société JVC France la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Trading French international
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société TF INTER de sa demande tendant à voir condamner la société JVC France à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts au titre des préjudices subis par elle en raison de la rupture brutale des relations commerciales établies qui les unissaient,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« La société TF INTER ne justifie d'aucun document manifestant la volonté de la société JVC France de cesser ses relations contractuelles ; Au contraire, ce fournisseur démontre lui avoir adressé, par courriels des 2 et 17 juin 2008, sa tarification comportant des conditions analogues aux précédentes, que la société TF INTER ne lui a pas retournée signée ; L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne vise qu'une situation de rupture d'une relation commerciale et ne saurait être invoquée pour reprocher à un partenaire le contrat signé avec un tiers, qui ne saurait traduire une volonté cachée de rupture ; Et la société JVC France non seulement n'a jamais résilié le compte ouvert dans ses livres au nom de la société TF INTER mais qu'elle n'a pas davantage oeuvré dans le sens d'une rupture des relations, justifiant lui avoir consenti, en 2008 et 2009, des conditions analogues aux précédentes, que cette dernière avait acceptées ; L'intimée établir par ailleurs avoir conclu avec l'appelante un contrat « de gré à gré » sur un engagement quantitatif couvrant la période d'octobre 2007 à mars 2008 et l'avoir créditée des remises mensuelles convenues » ;
Et AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE
« Un déjeuner a bien eu lieu le 7 novembre 2007, qu'il a réuni les deux parties demanderesse et défenderesse et qu'il a bien été question de la société C DISCOUNT et de la volonté de JVC France de traiter avec cette dernière ; qu'il n'est pas justifié par TF INTER d'une rupture de contrat par JVC et que bien au contraire c'est TF INTER qui a cessé d'acheter des produits à JVC, ce qui ressort d'un document de la demanderesse qui explique les raisons pour lesquelles elle ne peut plus passer des commandes à JVC et ne pouvait pas signer ses conditions générales de vente pour 2008 ; que le motif invoqué par TF INTER repose sur le fait que la perte de C DISCOUNT ne lui permettait plus d'atteindre les seuils quantitatifs permettant de bénéficier de la remise sur le CA annuel et de la remise quantitative de gré à gré ; Cependant l'obtention ou la non obtention de ces remises dépend exclusivement de celui qui y a droit en fonction des quantités qu'il achète ; L'action de la société TF INTER sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce formée à l'encontre de la société JVC est inopérante et TF INTER est seule responsable de la rupture de ses relations commerciales avec la société JVC » ;
ALORS QUE celui qui, sans respecter un préavis suffisant, rompt, même partiellement, une relation commerciale établie engage sa responsabilité ; qu'après avoir constaté que la société JVC France traite désormais directement avec la société C DISCOUNT, là où les commandes de celles-ci transitaient auparavant par la société TF INTER, qui jouait le rôle d'intermédiaire, ce dont il résultait que la relation commerciale établie entre la société TF INTER et la société JVC France avait été rompue par cette dernière, au moins partiellement, quant aux commandes passées par la société C DISCOUNT, la Cour d'appel ne pouvait écarter la responsabilité de la société JVC France sans violer l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
ALORS, en toute hypothèse, QU'en retenant que la société JVC France n'a pas résilié le compte ouvert au nom de la société TF INTER, ni oeuvré pour la rupture de leurs relations, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (Conclusions, p. 11), si en traitant désormais directement avec la société C DISCOUNT, là où les commandes de celles-ci transitaient auparavant par la société TF INTER avec laquelle elle s'entendait pour déterminer le volume de commandes à passer au regard de l'évolution du site Internet de la société C DISCOUNT, la société JVC n'avait pas, au moins partiellement, rompu brutalement les relations commerciales qui l'unissaient à la société TF INTER, faute pour cette dernière de produits à écouler auprès de celui qui fut son principal client, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société TF INTER de sa demande tendant à voir condamner la société JVC France à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts au titre des préjudices subis par elle du fait de la perturbation de son réseau de distribution ;
AUX MOTIFS QUE
« La société JVC France se défend d'avoir démarché la société C Discount et soutient que cette dernière a pris l'initiative de la rencontre pour exiger l'ouverture ; qu'il est manifeste que le poids économique de ce client ne lui permettait pas de refuser cette proposition qui aurait été nécessairement sanctionnée par une diffusion de produits concurrents ; Mais à supposer même qu'elle l'ait démarchée, il ne pourrait en être déduit l'existence d'un acte de concurrence déloyale, la liberté du commerce et de l'industrie permettant à tout commerçant d'attirer une nouvelle clientèle ; Et seuls des agissements déloyaux sont susceptibles de caractériser un tel grief, et que de tels agissements ne sont ni établis ni même allégués par la société TF INTER et qui n'ont pas de raison d'être dans le cas d'espèce, les prix consentis à la société C Discount ne pouvant être supérieurs à ceux obtenus par l'appelante, la société JVC France prenant au contraire le risque, ce partenaire étant décrit comme exigeant par la société TF INTER, de devoir lui accorder des conditions toujours plus favorables » ;
ALORS, d'une part, QUE le détournement de la clientèle d'un partenaire commercial privilégié est un acte de concurrence déloyale ; qu'en écartant tout acte de concurrence déloyale commis par la société JVC France, après avoir pourtant constaté que la société JVC France avait choisi de procéder à une revente directe de ses produits à la société C DISCOUNT, ce dont il résultait que la société JVC France avait détourné le principal client de la société TF INTER - avec qui elle est, par ailleurs, en relation d'affaires - dans le seul but d'évincer cette dernière du circuit de distribution et avait ainsi fait preuve de déloyauté à son égard, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QU'en ne répondant pas aux conclusions de la société TF INTER faisant valoir que la société JVC France avait commis une faute délictuelle en approvisionnant directement la société C DISCOUNT, tout en sachant qu'il était le principal client de la société TF INTER, et participant ainsi à la perturbation de son réseau de distribution et à l'annulation de commandes passées par C DISCOUNT (Conclusions, p. 14), la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-13578
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 mar. 2014, pourvoi n°13-13578


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13578
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