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11/03/2014 | FRANCE | N°13-12565

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 mars 2014, 13-12565


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 décembre 2012), qu'en 1999, la société Gérance générale foncière (société GGF) a acquis sept terrains et a entrepris la construction de sept villas ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. X..., assuré auprès de la société Allianz ; que la société entreprise Fernandes Castro, assurée auprès de la société MAAF, est intervenue en qualité d'entreprise générale ; que la réception des villas a eu lieu le 28 août 2000 ;

que, des glissements de terrains étant survenus en 2005, la société GGF a, après expe...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 décembre 2012), qu'en 1999, la société Gérance générale foncière (société GGF) a acquis sept terrains et a entrepris la construction de sept villas ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. X..., assuré auprès de la société Allianz ; que la société entreprise Fernandes Castro, assurée auprès de la société MAAF, est intervenue en qualité d'entreprise générale ; que la réception des villas a eu lieu le 28 août 2000 ; que, des glissements de terrains étant survenus en 2005, la société GGF a, après expertise, assigné M. X..., la société Fernandes Castro et leurs assureurs en réparation des préjudices subis ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu que pour débouter la société GGF de ses demandes dirigées contre la société Fernandes Castro et la société MAAF au titre de la responsabilité décennale, l'arrêt retient que les jardins des villas 33 et 34 sont impropres à leur destination mais que, toutefois, un jardin ne peut être considéré comme un ouvrage ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les désordres ne compromettaient pas la sécurité des occupants des villas de sorte qu'il rendaient celles-ci impropres à leur destination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour débouter la société GGF de ses demandes dirigées contre la société Fernandes Castro et la société MAAF au titre de la responsabilité contractuelle, l'arrêt retient qu'il résulte du rapport d'expertise que les désordres sont la conjonction de deux absences d'ouvrage à savoir, d'une part, l'absence de dispositifs de recueillement et de collecte des eaux en provenance de la toiture des villas, d'autre part, l'absence de dispositifs de maintien des terres de remblais compte-tenu de la forte pente des talus en tête desquels les remblais ont été réalisés, que l'expert indique que les documents en sa possession ne font pas apparaître que des ouvrages susceptibles tant de collecter les eaux pluviales que de retenir les terres en tête des talus, étaient dus par les entreprises appelées en la cause et notamment par l'entreprise Fernandes Castro, que ces documents ne font pas, par ailleurs état d'une quelconque directive qui aurait été donnée à ce propos par M. X..., architecte chargé de la mise en oeuvre des villas concernées et qu'il en résulte que la survenance des désordres n'est pas imputable à l'entreprise Fernandes Castro ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'entrepreneur, chargé du terrassement des terrains, n'avait pas, nonobstant la présence de l'architecte, manqué à son obligation de conseil à défaut de s'être enquis des contraintes liées au sol et en ne recommandant pas à la société GGF l'exécution de travaux confortatifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter la société GGF de ses demandes dirigées contre M. X... et la société Allianz sur le fondement de la responsabilité contractuelle, l'arrêt retient que le spécialiste des sols Gehygeo n'a pas fait mention d'une instabilité des remblais en tête de talus, non plus d'ailleurs que d'une quelconque préconisation de confortement desdits remblais, que son rapport est extrêmement clair et univoque à ce sujet puisqu'il préconise d'apporter un soin particulier au drainage de surface de l'abord du bâtiment et de ne pas utiliser les eaux recueillies vers le talus, que les concepteurs et réalisateurs des ouvrages ont pleinement répondu à ces préconisations en réalisant le drainage au niveau des fondations des maisons sans rejeter les eaux dans le talus, que ledit rapport ne mentionne aucunement l'existence d'instabilité des remblais en tête de talus et n'en préconise pas le confortement et qu'il s'ensuit qu'aucune responsabilité pour faute ou pour non respect de l'obligation de conseil ne saurait être retenue à l'égard de M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société GGF soutenant que l'architecte avait commis une erreur de conception, engageant sa responsabilité contractuelle, en ne prévoyant pas la mise en place de dispositif de collecte des eaux de pluie en provenance de la toiture des villas, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Fernandes Castro et la SCP Taddei et Funel, ès qualités, la société MAAF assurances, M. X... et la société Allianz aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fernandes Castro et la SCP Taddei et Funel, ès qualités, la société MAAF assurances, M. X... et la société Allianz à payer à la société Gérance générale foncière la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Gérance générale foncière.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société GGF de l'ensemble de ses demandes dirigées tant à l'encontre de M. X... et de la société Allianz que de la société Entreprises Fernandes Castro et de la société Maaf assurances ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage des dommages, mêmes résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses équipements, le rendent impropre à sa destination ; qu'il résulte du rapport d'expertise qu'en ce qui concerne les villas 31, 33, 34, 35 et 39, les ouvrages ne sont pas rendus impropres à leur destination et que leur solidité n'est pas compromise ; que seuls les jardins des villas 33 et 34 sont impropres à leur destination de jardins ; que toutefois, un jardin ne peut être considéré comme un ouvrage ; qu'en conséquence, il résulte de ce qui précède que les désordres ne sont pas de nature décennale et ne peuvent en conséquence entraîner sur ce fondement juridique la responsabilité de la société Fernandes Castro ;
ALORS QUE tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que relèvent donc de la garantie décennale des constructeurs, les désordres qui, bien que n'affectant qu'un des éléments d'équipement d'une villa, compromettent la sécurité de ses occupants en la rendant impropre à sa destination ; qu'en se bornant à relever, pour dire que les désordres affectant les jardins attenants aux villas n'étaient pas de nature décennale, qu'un jardin ne peut être considéré comme un ouvrage, sans rechercher, comme elle y avait été pourtant invitée, si les désordres en cause, constatés par l'expert judiciaire puis par le cabinet Bardot qui avait constaté une aggravation des désordres, ne compromettaient pas la sécurité des occupants des villas de sorte qu'ils rendaient celles-ci impropres à leur destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société GGF de ses demandes formées à l'encontre de la société Entreprises Fernandes Castro et de la société Maaf assurances ;
AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité de la société Fernandes Castro, il résulte du rapport d'expertise que les désordres sont la conjonction de deux absences d'ouvrages à savoir : d'une part, l'absence de dispositifs de recueillement et de collecte des eaux en provenance de la toiture des villas, d'autre part, l'absence de dispositifs de maintien des terres de remblais compte tenu de la forte pente des talus en tête desquels les remblais ont été réalisés, notamment en ce qui concerne les villas 33 et 34 ; que l'expert indique que les documents en sa possession ne font pas apparaître que des ouvrages susceptibles tant de collecter les eaux pluviales que de retenir les terres en tête des talus, étaient dus par les entreprises appelées en la cause et notamment par l'entreprise Fernandes Castro ; que ces documents ne font pas, par ailleurs, état d'une quelconque directive qui aurait été donnée à ce propos par M. X..., architecte chargé de la mise en oeuvre des villas concernées ; qu'il résulte de ce qui précède que la survenance des désordres ne sont en aucune manière imputables à l'entreprise Fernandes Castro, qu'il convient de réformer le jugement sur ce point et de mettre hors de cause cette dernière ;
ALORS QUE l'entrepreneur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'une obligation d'information et de conseil dont il ne peut s'exonérer en présence d'un architecte ; qu'en considérant, pour écarter la responsabilité de droit commun de l'entreprise Fernandes Castro, que cette entreprise n'avait pas été chargée par l'architecte de travaux confortatifs des remblais, sans avoir recherché, comme elle y avait été pourtant invitée et comme cela avait été relevé par l'expert judiciaire, si l'entrepreneur, chargé du terrassement des terrains n'avait pas, nonobstant la présence de l'architecte, manqué à son obligation de conseil à défaut de s'être enquis des contraintes liés au sol et en ne recommandant pas à la société GGF l'exécution des travaux confortatifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société GGF de ses demandes dirigées à l'encontre de M. X... et de la société Allianz ;
AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité de M. X... et la garantie de son assureur, il est constant que les remblais en cause ont été réalisés par l'entreprise de terrassement du chantier de construction, la société Euro Promotion, nullement en la cause, qui a fait réaliser les remblais en tête de talus lors de l'aménagement des parcelles ; qu'en page 8 de son rapport, l'expert observe qu'il convient d'affirmer que l'absence de dispositif de stabilisation des remblais ne concerne pas directement la construction des villas proprement dites, en ce qu'il se situe hors des prescriptions contractuelles ; qu'il est établi au dossier que le spécialiste des sols Gehygeo n'a nullement fait mention d'une instabilité des remblais en tête de talus, non plus d'ailleurs que d'une quelconque préconisation de confortement desdits remblais ; que ce rapport établi par Gehygeo le 28 février 2000 est extrêmement claire et univoque à ce sujet puisqu'il préconise d'apporter un soin particulier au drainage de surface de l'abord du bâtiment et de ne pas utiliser les eaux recueillies vers le talus ; que les concepteurs et réalisateurs des ouvrages ont pleinement répondu à ces préconisations en réalisant le drainage au niveau des fondations des maisons sans rejeter les eaux dans le talus ; que ledit rapport ne mentionne aucunement l'existence d'une instabilité des remblais en tête de talus et n'en préconise pas le confortement ; qu'il s'ensuit de ce qui précède, qu'aucune responsabilité pour faute ou pour non respect de l'obligation de conseil, s'agissant des dommages affectant les jardins ne saurait être retenue à l'égard de M. X... ; que ce dernier ainsi que son assureur Allianz seront mis hors de cause ;
ALORS, 1°), QUE l'arrêt qui se borne, au titre de sa motivation, à reproduire les conclusions d'appel de la partie aux prétentions de laquelle il fait droit, ne statue que par une apparence de motivation faisant peser un doute sur l'impartialité de la juridiction ; qu'en se bornant, pour rejeter la responsabilité de M. X..., à reproduire les conclusions d'appel de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 455 et 458 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE l'architecte chargé d'une mission complète de maitrise d'oeuvre, s'étendant à la conception de l'ouvrage, est tenu de conseiller le maître de l'ouvrage sur les contraintes liées à la nature du terrain sur lequel la construction doit être édifiée, sans qu'il puisse s'exonérer de son obligation par l'existence d'études faites pas des tiers ou par la réalisation de travaux antérieurement à son intervention ; qu'en écartant la responsabilité de M. X... au prétexte, d'une part, que les remblais avait été réalisés par une autre entreprise avant son intervention et, d'autre part, que l'architecte s'était conformé au rapport de la société Gehygeo, chargée d'une étude du sol, laquelle n'avait préconisé aucuns travaux confortatifs des remblais, lorsqu'aucune de ces deux circonstances n'étaient de nature à dispenser l'architecte de son obligation de conseiller utilement la société GGF sur les contraintes liées à la consistance du sol, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, 3°), QU'il résulte des conclusions d'appel de la société GGF que la responsabilité de l'architecte n'était pas seulement recherchée à raison de ce que ce dernier n'avait pas prévu de travaux confortatifs des remblais mais qu'il était également reproché à l'architecte de ne pas avoir prévu la mise en place de dispositifs de recueillement et de collecte des eaux en provenance de la toiture des villas, l'expert ayant conclu que cette absence d'ouvrage constituait un vice de conception et ce alors même que l'étude géotechnique de la société Gehygeo avait conclu « qu'il était capital d'apporter un soin particulier au drainage de surface aux abord du bâtiment » ; qu'en ne répondant pas à ce moyen et en ne recherchant donc pas si, indépendamment de l'absence de travaux confortatifs des remblais, l'architecte n'avait pas commis une erreur de conception, engageant sa responsabilité contractuelle de droit commun, en ne prévoyant pas la mise en place de dispositif de collecte des eaux de pluie en provenance de la toiture des villas, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-12565
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 mar. 2014, pourvoi n°13-12565


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Haas, Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.12565
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