LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant convention du 15 juillet 1992, la société Défi mode a constitué comme mandataire la société Saint Flour diffusion mode (la société Saint Flour) pour l'exploitation d'un fonds de commerce pour une durée déterminée d'un an ; que les relations des parties s'étant poursuivies, la société Défi mode a notifié à la société Saint Flour, par lettre recommandée du 18 août 2005, la rupture de leurs relations avec effet au 31 août 2006 et, par lettre du 19 août 2005, a proposé un contrat de travail au gérant de la société, M. X... qui l'a refusé par lettre du 24 février 2006 ; que, soutenant que la convention litigieuse constituait un mandat d'intérêt commun, la société Saint Flour et M. X... ont assigné la société Défi mode en réparation des préjudices résultant de la rupture ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Défi mode à payer à la société Saint Flour et à M. X... diverses sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que si la cause légitime de révocation du mandat d'intérêt commun invoquée par la société Défi mode, soit la nécessité vis-à-vis de l'URSSAF d'adopter le système régi par les dispositions du code du travail, apparaît crédible comme cause possible de révocation, la circonstance que les conditions de remplacement offertes par la société Défi mode étaient moins avantageuses donne à la rupture un caractère abusif, quoi qu'il en soit du caractère illégitime de la révocation, la circonstance que la société Défi mode ait offert un préavis de 12 à 13 mois n'affectant pas le caractère abusif de la résiliation du mandat résultant d'autres causes ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur le caractère illégitime de la cause de résiliation alléguée, cependant qu'elle constatait que le préavis était suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que les conditions de remplacement offertes par la société Défi mode, pour maintenir une collaboration, étaient moins avantageuses pour le commerçant partenaire, de sorte que la rupture présente un caractère abusif ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la convention litigieuse avait été résiliée ce dont il résultait que la société Défi mode n'était plus liée par ses stipulations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom autrement composée ;
Condamne la société Saint Flour diffusion mode et M. X..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Défi mode
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS DEFI MODE à payer à la SARL FLOUR DIFFUSION la somme de 93.852 € à titre de dommages-intérêts et celle de 10.000 € à Monsieur X... en réparation du préjudice moral subi ;
AUX MOTIFS QU' « il apparaît dans la présente espèce qu'à l'occasion d'une réorganisation qui pouvait en soi être justifiée, la société DEFI MODE a proposé à son partenaire des conditions nouvelles moins avantageuses ; Que le mandat d'intérêt commun résulte de l'intérêt égal que les parties tirent du développement de la clientèle et ce indépendamment de la propriété de la clientèle ; qu'en l'espèce, si la clientèle appartient au mandant, elle a bien été localement développée et fidélisée par le mandataire ; que le résultat a ainsi bénéficié aux deux parties, et ce durablement, puisque la collaboration a duré une douzaine d'années ; qu'en effet, le mandataire a participé au développement du chiffre d'affaires du mandant, lequel chiffre d'affaires a fortement progressé durant ces années ; que l'intervention du mandataire dans ce développement apparaît nécessairement, l'exploitation étant locale, au vu de ces chiffres d'affaires, et des documents mêmes de la société DEFI MODE énonçant par exemple que « le rôle¿ du gérant est primordial dans la conquête et la fidélisation de la clientèle » (pièce n° 10 du mandataire) ; que par ailleurs un pourcentage du chiffre d'affaires était reversé à la société DEFI MODE, donc proportionnel à ce développement, et était en l'espèce de 11 % HT du chiffre d'affaires réalisé par le magasin ; que les campagnes de publicité financées par le mandant étaient peu élevées de sorte qu'elles ne constituent pas la cause déterminante du développement constaté du chiffre d'affaires et de la fidélisation de la clientèle ; qu'à l'inverse le mandataire soutient que sa propre part dans cette action de développement de la clientèle est primordiale ; que les éléments produits ne sont pas démentis en ce qui concerne les actions de publicité et de marketing qu'il a menées ; que par ailleurs le contrat prévoyait l'existence d'une clause de non concurrence, ce qui confirme l'existence d'une clientèle commune ; qu'ainsi, en l'espèce, la qualification du mandat en mandat d'intérêt commun doit-elle être retenue ; Que la convention initiale échue après une année, a été renouvelée de facto par une poursuite de la collaboration sur les mêmes bases et s'est ainsi muée en convention à durée indéterminée ; que pour être révocable, il convient que l'une des parties justifie ¿sauf accord mutuel- d'une cause légitime ; que le contrat initial ne prévoyait pas une cause spécifique puisque celle prévue ne peut s'appliquer au nouveau contrat à durée indéterminée qui lui a succédé ; qu'en effet la société DEFI MODE elle-même n'a pas prétendu appliquer cette résiliation avec préavis de 8 jours sans indemnité, elle-même ayant en l'espèce offert en 2005-2006 un préavis de plus de 12 mois et des offres de maintien d'activité ; que la cause légitime de révocation du mandat, quant à elle, développée par la société DEFI MODE et consistant à énoncer une nécessité, notamment vis-à-vis de l'URSSAF, d'adopter le système régi par les dispositions du code du travail, si elle apparaît crédible comme cause possible de révocation, doit être établie comme cause légitime, c'est-à-dire utilisée sans abus, sinon comme prétexte ; que cependant, la société mandataire soutient même que cette cause alléguée est inexacte et donc que la nécessité même de la réorganisation est inexistante en tant que cause de révocation des mandats ; que pour ce faire, elle énonce que plusieurs mandataires dont la société SAINT FLOUR DIFFUSION MODE, se sont vus proposer de régulariser un nouveau contrat de gérance mandataire, et ceci dans des conditions moins avantageuses ; qu'elle en conclut que la cause de la révocation n'est pas contenue dans la nécessité impérieuse ¿au vu des incidences financières vis-à-vis de l'URSSAF- d'une réorganisation ; Que quoi qu'il en soit du caractère illégitime de la révocation, il apparaît, avec mêmes conséquences, que la circonstance que les conditions de remplacement offertes pour maintenir une collaboration, étaient moins avantageuses pour le commerçant partenaire ; que de sorte que la rupture présente un caractère abusif ; qu'en effet, à l'occasion d'une réorganisation, la société DEFI MODE apparaît avoir résilié le contrat de mandat la liant depuis plus de 12 ans avec son mandataire afin de régulariser ensuite avec lui un nouveau contrat à des conditions moins avantageuses pour ce dernier, tant en ce qui concerne le taux de sa rémunération que les charges nouvelles lui incombant ; que ces points ne sont pas autrement discutés et sont établis ; que la circonstance que la société DEFI MODE ait offert un préavis de 12 à 13 mois n'affecte pas le caractère abusif de la résiliation du mandat résultant d'autres causes ; que par ailleurs, le partenaire initial ne peut se voir reproché d'avoir refusé une nouvelle collaboration moins favorable pour lui ; que le caractère abusif de la résiliation du contrat est établi ; Qu'il en est dû réparation ; que cette réparation doit être fixée, à l'instar de celle prévue classiquement pour des ruptures de mandat accordées à des collaborateurs professionnels et selon la demande subsidiaire de la société SAINT FLOUR à hauteur de 6 mois de commissions brutes soit, selon les justifications produites, la somme de 93.852 € correspondant à la moitié des commissions de l'année 2005 ; Par ailleurs qu'il sera alloué au gérant lui-même M. X... la somme de 10.000 € à titre de dommagesintérêts pour le préjudice personnellement subi du fait du comportement à son égard de la société DEFI MODE » ;
1°/ ALORS QUE la résiliation unilatérale du contrat de mandat d'intérêt commun, dès lors qu'elle s'accompagne d'un délai de préavis raisonnable et qu'elle est notifiée pour une cause légitime, ne saurait revêtir le caractère d'une rupture abusive ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté d'une part, que la société DEFI MODE avait notifié à la société SAINT FLOUR DIFFUSION la résiliation du mandat en respectant un délai de préavis de plus de 12 mois, dont le caractère raisonnable n'était pas contesté et, d'autre part, que cette résiliation résultait de la nécessité « notamment vis-à-vis de l'URSSAF, d'adopter le système régi par les dispositions du Code du travail», cause qu'elle a jugé « crédible comme cause possible de révocation » ; qu'en jugeant néanmoins abusive la rupture du mandat, la Cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE le caractère abusif de la rupture du mandat d'intérêt commun ne peut être examiné qu'au jour de cette rupture et non au regard de circonstances postérieures à celle-ci ; que ne commet ainsi aucun abus de son droit de rompre le mandant qui, après avoir notifié la résiliation du contrat, soit à une date à laquelle celle-ci est d'ores et déjà acquise, propose à son ancien partenaire de poursuivre, s'il le souhaite, une nouvelle collaboration sur une base contractuelle et financière éventuellement différente ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a jugé abusive la rupture du mandat d'intérêt commun notifiée par l'exposante au seul motif que la société DEFI MODE avait, après la résiliation du contrat, soit à une date à laquelle elle ne pouvait en aucun cas imposer sa volonté à son ancien cocontractant ou exercer sur lui quelque pression, proposé à la société SAINT FLOUR DIFFUSION de poursuivre leur collaboration à des conditions prétendument moins avantageuses que le contrat initial ; qu'en se déterminant au vu de cette seule circonstance postérieure à la rupture du contrat, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
3°/ ET ALORS QUE le mandataire, même lié au mandant par un contrat de mandat d'intérêt commun, ne saurait prétendre à un droit au maintien perpétuel des conditions financières de son contrat ; qu'en jugeant que la société DEFI MODE, même en respectant un délai de préavis suffisant et pour une cause légitime, ne pouvait légitimement résilier le contrat de mandat qu'en offrant à son ancien partenaire de poursuivre leur collaboration dans des conditions au moins aussi avantageuses pour lui, la Cour d'appel a de plus fort violé l'article 1134 du Code civil, ensemble le principe de prohibition des engagements perpétuels.