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05/03/2014 | FRANCE | N°12-27851

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 2014, 12-27851


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 23 mai 2006 par M. Y... en qualité d'assistante coiffeuse, a été licenciée pour faute grave le 19 mars 2007 ; qu'il lui était reproché d'avoir détourné des fonds remis par la clientèle du salon de coiffure ; que par arrêt du 19 novembre 2009 la cour d'appel de Pau l'a relaxée des faits requalifiés en abus de confiance pour lesquels elle était poursuivie ; que le 17 avril 2007, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ; qu'après échec de la

tentative de conciliation, la juridiction, à la demande des parties, a re...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 23 mai 2006 par M. Y... en qualité d'assistante coiffeuse, a été licenciée pour faute grave le 19 mars 2007 ; qu'il lui était reproché d'avoir détourné des fonds remis par la clientèle du salon de coiffure ; que par arrêt du 19 novembre 2009 la cour d'appel de Pau l'a relaxée des faits requalifiés en abus de confiance pour lesquels elle était poursuivie ; que le 17 avril 2007, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ; qu'après échec de la tentative de conciliation, la juridiction, à la demande des parties, a renvoyé l'affaire à plusieurs reprises dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ; qu'à l'audience du 8 avril 2009, la salariée ne s'étant pas présentée, la citation a été jugée caduque ; que l'affaire a été réinscrite le 23 mars 2010 à la demande de la salariée ;
Sur le pourvoi incident de l'employeur qui est préalable, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de péremption d'instance, alors, selon le moyen :
1°/ que le délai de péremption est interrompu par la suspension de l'instance, lorsque celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; que l'instance n'est pas suspendue par un report d'audience ; qu'en retenant que les reports successifs d'audience avaient suspendu l'instance et, partant, que le délai de péremption avait été interrompu, la cour d'appel a violé les articles 377 et 392 du code de procédure civile ;
2°/ qu'est dépourvue d'effet interruptif de péremption la demande, même conjointe des parties, de report d'audience ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en matière prud'homale, en application de l'article R. 1452-8 du code du travail, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans prévu à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction ;
Et attendu qu'il ressort des constatations de la cour d'appel qu'aucune diligence n'avait été expressément mise à la charge des parties par la juridiction, en sorte que le délai de péremption n'avait pu commencer à courir ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;
Mais sur le pourvoi principal de la salariée :
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail et le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal ;
Attendu que pour dire le licenciement de Mme X... fondé sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la décision de relaxe n'empêche pas la juridiction civile d'examiner le bien-fondé du licenciement, en sorte que si la juridiction pénale a estimé que l'employeur ne rapportait pas la preuve des détournements à l'encontre de la salariée à raison de l'absence de caisse enregistreuse permettant de connaître les sommes encaissées de la part des clients et de les comparer avec les recettes réelles existantes en caisse lors des relevés, il n'en demeure pas moins que des détournements ont été opérés, qu'ils ont été comptablement avérés et avoués par le salarié coinculpé définitivement condamné et que l'absence de caisse enregistreuse n'est donc pas un élément déterminant de la preuve des détournements ;
Attendu, cependant, que la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les faits allégués par l'employeur à l'appui du licenciement étaient identiques à ceux portés à la connaissance du juge pénal et pour lesquels la salariée a été relaxée du chef d'abus de confiance, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et débouté Mme X... de toutes ses demandes, l'arrêt rendu le 13 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était fondé sur une faute grave et d'avoir, en conséquence, rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires de la salarié ;
aux motifs que « la lettre de licenciement du 19 mars 2007 pour faute grave vise des détournements de fonds en numéraire remis par la clientèle du salon ; qu'après avoir été condamnée par le tribunal correctionnel par jugement du 18 novembre 2003 à 3 mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve avec une obligation de soins au vu des éléments recueillis dans l'enquête, sur appel, Madame Sandra X... a été relaxée des fins de la poursuite après que les faits aient été requalifiés en abus de confiance ; la décision de relaxe n'empêche pas la juridiction civile d'examiner le bien fondé du licenciement ; que si la chambre des appels correctionnels comme le conseil de prud'hommes ont estimé que M. Y... ne rapportait pas la preuve des détournements à l'encontre de Mme X... à raison de l'absence de caisse enregistreuse permettant de connaître les sommes encaissées de la part des clients et de les comparer avec les recettes réelles existantes en caisse lors des relevés, il n'en demeure pas moins que des détournements ont été opérés, qu'ils ont été comptablement avérés et avoués par M. Z..., co-inculpé dans cette affaire qui a été condamné de façon définitive par le tribunal correctionnel de Pau ; que l'absence de caisse enregistreuse n'est donc pas un élément déterminant de la preuve des détournements ; qu'il ressort de la procédure pénale et des attestations des autres intervenants au salon, remplaçants, stagiaires que Mme X... et M. Z... étaient les seuls à faire la caisse en fin de journée et à déposer les fonds, chèques ou numéraire deux ou trois fois par semaine à la banque ; que des disparitions de numéraire ont été constatées alors que Mlle X... se trouvait seule à faire la caisse en l'absence de M. Z... qui a précisé que les feuilles de caisse étaient refaites le soir par lui-même ou par Mlle X..., après prélèvement de sa part de liquidité, ce qu'il n'avait pas constaté personnellement mais qui se déduisait de la différence entre ce qu'il avait pris et les disparitions constatées ; qu'il ressort également de la procédure que M. Z... s'est présenté spontanément à la brigade pour indiquer qu'il avait fait l'objet de pressions de la part de sa collègue et qu'ils s'étaient concertés avant leur audition afin de préserver l'instance prud'homale en cours et qu'ils avaient décidé d'inventer la présence d'une enveloppe de numéraire à remettre à leur employeur qui échappait ainsi à toute déclaration fiscale ; qu'il résulte enfin des pièces produites aux débats et de la procédure pénale, une perte journalière de 300 ¿ environ sur la période allant du 16 février au 7 mars constatée par comparaison entre les noms barrés qui ont donc été traités et les prestations consignées sur le carnet de rendez-vous et la fiche de caisse, à titre d'exemple, le carnet de rendez-vous du 16 février 2007 fait mention de coupes hommes, 2 hair tatto, 8 coupes brush, 3 couleurs et 2 mèches soit un montant théorique de prestation de 671 ¿ alors que la fiche de caisse ne mentionne que 434 ¿ de recettes différences constatées derechef sur les journées du samedi 17 et du mardi 20 février 2007, différences sur lesquelles Mme X... n'a jamais eu d'explication ; que M. Z... a été en vacances du 14 au 24 février, les fiches de caisse du 14 au 23 février ont été complétées par Mlle X... ; que Mélanie Paul A... remplaçante au salon le 24 février 2007 avec une autre collègue attestent qu'elles ont rédigé en fin de journée une fiche de caisse qui a disparu de telle sorte qu'il y a lieu de dire que le licenciement est fondé sur une faute grave et d'infirmer le jugement sur le licenciement et ses conséquences et de débouter Mlle X... de toutes ses demandes » ;
alors que les décisions de la juridiction pénale ont, au civil, l'autorité absolue de la chose jugée ; qu'il est interdit au juge civil de méconnaître ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que la faute grave reprochée à la salariée sous une qualification pénale ayant donné lieu à une relaxe irrévocable, le juge civil ne pouvait retenir comme constitutifs d'une faute grave prétendue les faits mêmes objets de ladite relaxe ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a violé l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351 du code civil.
Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi incident éventuel
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR confirmé le jugement sur le rejet de l'exception de péremption de l'instance ;
AUX MOTIFS QU'à l'audience de conciliation, l'affaire a été renvoyée à l'audience de jugement du 5 décembre 2007, date à laquelle il est porté sur le plumitif d'audience qu'une instance pénale est en cours et que les parties sollicitent conjointement soit le report de l'affaire, soit un sursis à statuer ; qu'après délibéré, le conseil de prud'hommes a décidé de reporter l'affaire au 11 juin 2008 ; qu'à cette date, le plumitif mentionne que le défendeur indique que l'affaire pénale est fixée au 4 août 2008 et que le demandeur s'associe à la demande de renvoi ; qu'elle est reportée au 8 avril 2009, date à laquelle Mme Sandra X... ne s'est pas présentée et par jugement du 8 avril 2009, le conseil de prud'hommes a déclaré la citation caduque ; que Mme X... a fait réinscrire l'affaire le 23 mars 2010 ; que Mme X... fait valoir que la demande de report d'audience du 11 juin 2008 au motif de l'affaire pénale en cours et de sa fixation du 4 août 2008 s'assimile à une demande de sursis à statuer qui a interrompu la péremption ; que l'article 386 du code de procédure civile précise que « l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans » ; que toutefois, le délai de péremption peut être interrompu par un acte faisant partie de l'instance ou la continuant ; que si l'existence d'une instance pénale en cours et l'attente d'une décision pénale à date fixée en fait pas obstacle à l'accomplissement des diligences dans l'instance civile et ne suspend pas l'instance, dans la présente affaire, à l'audience de jugement du 5 décembre 2007, les parties ont sollicité conjointement soit le report de l'affaire, soit un sursis à statuer ainsi qu'il est noté au plumitif de l'audience ; qu'après délibéré, le conseil de prud'hommes a décidé de reporter l'affaire au 11 juin 2008, ce qui s'assimile à un sursis à statuer demeurant la volonté conjointe des parties d'attendre l'issue de la procédure pénale qui s'assimile à une suspension conventionnelle, volonté renouvelée lors des renvois successifs ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 385 du code de procédure civile édicte que l'instance s'éteint principalement, notamment, par l'effet de la péremption ; que l'article 386 dudit code ajoute que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant un délai de deux ans ; que toutefois le délai de péremption peut être interrompu par un acte faisant partie de l'instance ou la continuant ; qu'en l'espèce la demanderesse a saisi le conseil de prud'hommes le 17 avril 2007 ; que le 5 décembre 2007, suite à une plainte pour vol déposée par l'employeur, le conseil de prud'hommes était informé de ce qu'une instance pénale était en cours et, ainsi qu'il est acté au dossier, le conseil de Mme X... sollicitait soit le report de l'affaire, soit le sursis à statuer ; que le conseil décidait de renvoyer contradictoirement l'affaire au 11 juin 2008 ; que selon télécopie du 11 juin 2008, le conseil de la demanderesse sollicitait à nouveau le report de l'affaire ; que l'affaire était renvoyée au 8 avril 2009 ; que le 8 avril 2009, les parties ne s'étant ni présentées, ni faites représentées, le conseil de prud'hommes rendait un jugement de caducité de la citation et d'extinction de l'instance ; que selon conclusions déposées le 23 mars 2010 au guichet unique de greffe, Mme X... sollicitait la réinscription de son affaire ; qu'il apparaît que le dernier acte de la demanderesse faisant partie de l'instance a été, le 11 juin 2008, de demander un report d'audience qui s'assimile à une demande de sursis à statuer ; que le délai de péremption expirait donc le 11 juin 2010 ; que la demande de réinscription étant intervenue le 23 mars 2010, soit avant le 11 juin 2010, l'action de Mme X... n'est pas prescrite ;
1/ ALORS, d'une part, QUE le délai de péremption est interrompu par la suspension de l'instance, lorsque celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; que l'instance n'est pas suspendue par un report d'audience ; qu'en retenant que les reports successifs d'audience avaient suspendu l'instance et, partant, que le délai de péremption avait été interrompu, la cour d'appel a violé les articles 377 et 392 du code de procédure civile ;
2/ ALORS, d'autre part, QU'est dépourvue d'effet interruptif de péremption la demande, même conjointe des parties, de report d'audience ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27851
Date de la décision : 05/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 13 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mar. 2014, pourvoi n°12-27851


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.27851
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