LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 octobre 2012) que M. X... a notamment pris à bail rural de M. Y... une parcelle ZY 91 ; qu'estimant que M. X... n'exploitait pas personnellement cette parcelle et l'avait donnée en sous location, M. Y... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande de résiliation et a fait délivrer à M. X..., qui l'a contesté, un congé pour refus de renouvellement ;
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir, en le déboutant de ses demandes, prononcé la nullité du procès verbal établi le 26 août 2008 par les huissiers de justice désignés par le tribunal, en ce qu'il contenait l'audition de M. Z..., alors, selon le moyen, que les huissiers de justice peuvent, commis par la justice ou à la requête des particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de faite ou de droit qui peuvent en résulter ; sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire ; que s'ils ne peuvent procéder à des auditions de témoins, qui relèvent de la procédure d'enquête, en revanche ils peuvent recueillir des témoignages aux fins d'éclairer leurs constatations matérielles ; qu'en l'espèce en se rendant non pas au siège social de l'exploitation A... mais dans la cour de ferme de cette exploitation pour recueillir le témoignage de M. Z... sur les conditions de mise en valeur de la parcelle ZY 91 donnée à bail à M. X..., les huissiers de justice commis par l'ordonnance du président du tribunal de grande instance se sont bornés à recueillir des renseignements en vue d'éclairer leurs constatations matérielles ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, 145 et 249 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que les huissiers de justice pouvaient être, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945, commis en justice pour effectuer des constatations matérielles, et qu'ils ne devaient en conséquence procéder à des auditions de témoins qu'aux seules fins d'éclairer leurs constatations matérielles, et retenu que, nonobstant les termes très généraux de l'ordonnance fixant la mission des huissiers commis, ceux-ci avaient excédé leurs pouvoirs en se déplaçant à l'exploitation A... pour y procéder à l'audition d'un salarié dont les propos rapportés avaient été tenus en réponse à leurs interpellations, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit qu'il convenait d'annuler partiellement le procès verbal de constat établi le 26 août 2008, en ce qu'il contenait l'audition de M. Z..., et d'écarter des débats la pièce remise par celui-ci lors de son audition ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci après annexé, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu qu'ayant relevé qu'il ne pouvait être tiré aucune conclusion de la déclaration de M. B... quant aux relations exactes existant entre l'EARL A... et M. X... et que les attestations de MM. C..., F... et D... affirmaient que M. X..., qui produisait des factures non arguées de faux en ce sens, effectuait les labours sur la parcelle en cause, et y cultivait lui même les pommes de terre, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement les éléments de preuve produits au débat, et en a déduit que la preuve d'une violation par M. X... des dispositions de l'article L. 411-35 du code rural n'était pas rapportée, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la troisième branche du second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du procès-verbal établi le 26 août 2008 par Maître G... et Maître H..., huissiers de justice associés à ARRAS, en ce qu'il contient une audition de Joël Z..., salarié de l'EARL A..., et, en conséquence, écarté des débats la pièce remise par celui-ci lors de son audition ;
AUX MOTIFS QUE par une ordonnance du 10 juillet 2008 rectifiée le 19 août 2008 le président du tribunal d'instance d'Arras a commis Maître G..., huissier de justice à Arras, avec mission de se rendre commune de CROISILLES sur la parcelle cadastrée ZY 91 de 11 ha 53 ares et 70 centiares, de constater, décrire l'état cultural de cette parcelle, procéder à toutes investigations utiles en interrogeant les actuels occupants de ladite parcelle et collationnant les contrats de culture ou autre, procéder à toute interpellation, constatation en rapport avec la présente mission et dresser procès-verbal ; qu'il résulte de l'examen du constat que Maître G... et Maître H... se sont présentés le 26 août 2008 sur les lieux et ont constaté la présence d'une machine occupée à l'arrachage de pommes de terre, qu'ils ont relevé les caractéristiques de la machine et ont entendu Louis B..., employé de L'EARL A... qui procédait à l'arrachage et dont les déclarations ont été reproduites comme suit : " Il nous précise avoir démarré les opérations d'arrachage des pommes de terre sur la parcelle où nous nous trouvons ce lundi 25 août dans l'après-midi. Il nous précise encore que c'est Monsieur A... qui s'occupe des plants. Il nous précise attendre une remorque dans laquelle il déversera les plants de pommes de terre destinés à être amenés sur l'exploitation A... à MORY. Il nous indique encore qu'à MORY nous pourrons rencontrer Monsieur Z... » ; que les huissiers se sont ensuite rendus à MORY où ils ont rencontré Monsieur Z... et ont retranscrit ses déclarations comme suit : " Il nous indique que cette parcelle est louée à Monsieur X... régulièrement par A..., depuis de nombreuses années et spécifiquement pour les plants de pommes. de terre, Il précise que cette année :- Monsieur X... a donné à L'EARL A... la parcelle en état de labour y avoir récolté le blé,- la société A... a pris les terre en cet état de labour courant avril 2008 pour y mettre les plants de pommes de terre courant mai,- c'est la société A... qui assure les opérations de traitement et d'arrachage pour son propre compte, soit I'EARL A.... Il indique encore qu'à l'issue de arrachage le terre est restituée telle quelle à Monsieur X... » ; que par ailleurs Joël Z... s remis aux huissiers un document intitulé " déclaration de plantation " au nom de L'EARL A... destinée au syndicat de plants de pommes de terre ARTOISBAPAUME qui fait état de 72 hectares 65 ares comprenant notamment une parcelle appartenant à Paul X... à CROISILLES plantée le 24 avril 2008 ; que pour obtenir l'annulation de ce procès-verbal Paul X... soutient que les huissiers ont excédé les limites de leur mission en se déplaçant à Mory, siège de l'exploitation de l'EARL A..., pour entendre les salariés de l'EARL A..., et notamment Joël Z... pour recueillir les documents afférents à la culture de la parcelle ZY 91 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que les huissiers de justice peuvent être commis en justice pour effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; qu'il s'ensuit qu'étant exclusivement habilités à effectuer des constatations matérielles ils ne peuvent être commis pour procéder à des auditions de témoins et ne peuvent recueillir des témoignages qu'aux seules fins d'éclairer leurs constatations matérielles ; qu'en l'espèce et nonobstant les termes généraux de l'ordonnance rendue sur requête fixant leur mission, les huissiers ont excédé leurs pouvoirs en se déplaçant au siège de l'exploitation de I'EARL A... pour y procéder à l'audition d'un salarié en la personne de Joël Z... dont il convient d'observer que les propos rapportés ont été tenus en réponses aux interpellations de l'huissier, étant ajouté que le lendemain et toujours en exécution de l'ordonnance rendue sur requête la commettant la SCP d'huissiers G...- H...- I... a fait délivrer par Maître J..., huissier de justice à Albert, une sommation interpellative à Pascal A..., menant ainsi une véritable enquête sur les conditions d'exploitation de la parcelle.
ALORS QUE les huissiers de justice peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire que s'ils ne peuvent procéder à des auditions de témoins qui relèvent de la procédure d'enquête, en revanche ils peuvent recueillir des témoignages aux fins d'éclairer leurs constatations matérielles ; qu'en l'espèce en se rendant non pas au siège social de l'exploitation A... mais dans la cour de ferme de cette exploitation pour recueillir le témoignage de Monsieur Z... sur les conditions de mise en valeur de la parcelle ZY 91 donnée à bail à M. X..., les huissiers de justice commis par l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance, se sont bornés à recueillir des renseignements en vue d'éclairer leurs constatations matérielles ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1 de l'ordonnance n° 452592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, 145 et 249 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Claude Y... de sa demande de résiliation du bail à long terme en date du 13 août 1993 et de sa demande de validation du congé délivré à Paul X... ;
AUX MOTIFS QU'il est établi par le constat d'huissier que c'est L'EARL A... qui a procédé à l'arrachage à la fin du mois d'août 2008 des pommes de terre plantées sur la parcelle ZY 91 située. sur la commune de CROISILLES donnée à bail par Claude Y... à Paul X... ; qu'en effet Louis B..., qui se trouvait sur la parcelle occupé à arracher les pommes de terre, a indiqué être un employé de I'EARL A... et précisé, en réponse aux questions posées par les huissiers, que « c'est Monsieur A... qui s'occupe des plants » ; qu'il ne peut cependant être tiré aucune conclusion de la déclaration de Louis B... quant aux relations exactes existant entre I'EARL A... et Paul X... et aux modalités de le culture des pommes de terre sur le parcelle ; qu'il ne peut davantage être tiré de conclusion de attestation de Didier E..., ami de Claude Y... qui atteste avoir constaté que les divers travaux de culture de pommes de terre ont été effectués par des engins agricoles et le personnel de l'entreprise A... alors que l'auteur de l'attestation ne précise pas dans quelles conditions il a pu opérer ce constat à toutes les étapes de la culture et comment il a pu identifier les personnes présentes sur la parcelle, alors au surplus que cette attestation unique est contredite par les attestations produites aux débats par Paul X..., notamment les attestations de François C..., qui indique que Paul X... a toujours effectué et participé aux travaux sur ses parcelles dont la parcelle au lieudit l'épinette, de Monsieur Jean-Claude F..., qui exploite une parcelle proche de celle donnée à bail à Paul X... et qui certifie que tous les labours sont effectués par celui-ci depuis au moins 1995 et qu'il a « toujours conservé la maîtrise de cette parcelle effectuant les travaux de culture », ou encore de Vincent D..., animateur du SETA de Bapaume, qui indique conseiller régulièrement Paul X... sur ses différentes productions et notamment de pommes de terre, précisant enregistrer les intervention réalisées sur ces cultures et être en mesure d'assurer que Paul X... cultive lui-même ses pommes de terre ; qu'il y a lieu d'ajouter que Paul X... a produit aux débats les factures établis au terme de ses échanges avec 1'EARL A..., notamment les factures relatives à l'achat des plants à l'EARL A... et aux travaux d'arrachage et la facture correspondant à la vente des pommes de terre et que ces factures ne sont pas arguées de faux ;
ALORS, D'UNE PART, QUE constitue une sous-location prohibée le contrat de culture consenti par le preneur à un tiers, le premier mettant les terres à la disposition du second et n'effectuant aucune façon culturale ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces versées aux débats, et en particulier du constat d'huissier établi le 26 août 2008, dont la première partie n'avait pas été annulée, que le preneur, M. Paul X..., avait confié à la société A... la mise en valeur de la parcelle ZY 91 donnée à bail, en vue de produire des pommes de terre, en contrepartie d'avantages financiers ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le preneur est tenu d'exploiter personnellement et suivant les usages de la région les parcelles données à bail ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que M. Paul X... avait confié à l'EARL A... la disposition de la parcelle ZY 91sur la commune de CROISILLES en vue d'y cultiver des pommes de terre, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411- 31et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse, en se déterminant au vu d'attestations produites par M. X..., dont aucune ne permettait d'établir les conditions de mise en valeur de la parcelle incriminée, la Cour d'appel n'a pas, de ce chef également, légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-31 et L. 411-35 du même code.