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19/02/2014 | FRANCE | N°12-27611

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 février 2014, 12-27611


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 1er mars 1989 par la société Saint-François ambulances en qualité de secrétaire, puis promue responsable administrative et financière par avenant du 20 octobre 2006, Mme X... a été licenciée pour faute lourde par lettre du 27 février 2009 ; que contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes y compri

s celle formulée au titre du rappel de salaires, alors, selon le moyen, que le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 1er mars 1989 par la société Saint-François ambulances en qualité de secrétaire, puis promue responsable administrative et financière par avenant du 20 octobre 2006, Mme X... a été licenciée pour faute lourde par lettre du 27 février 2009 ; que contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes y compris celle formulée au titre du rappel de salaires, alors, selon le moyen, que le jugement doit être motivé à peine de nullité, si bien qu'en ne donnant aucun motif à sa décision de rejet du chef de demande tendant à obtenir un rappel de salaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui « déboute Mme X... de toutes ses demandes », n'a pas statué sur le chef de demande relatif au rappel de salaire, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3141-26 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute lourde, l'arrêt retient que par lettre adressée le 22 janvier 2009 à son employeur, qui lui demandait de lui communiquer le mot de passe qu'elle avait installé sur l'ordinateur de la société, la salariée a refusé de donner ce mot de passe en précisant qu'elle ne pouvait le délivrer que de manière sécurisée après avoir clôturé et sauvegardé les saisies effectuées ; que le fait pour l'intéressée de chercher à se réfugier derrière le prétexte de la sécurité des données saisies ne peut être retenu puisque d'une part elle devait répondre aux instructions de son employeur, d'autre part, plutôt que de tenter de justifier maladroitement un refus, elle pouvait indiquer à son employeur qu'elle lui adresserait une lettre recommandée personnelle avec ledit mot de passe, ou le lui faire transmettre par une personne de confiance; que le comportement de la salariée révèle une volonté de bloquer le fonctionnement de l'entreprise, qu'elle connaît parfaitement vu son ancienneté; que comme relevé par l'employeur, ce refus a engendré des désordres de fonctionnement, comptables et financiers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le seul refus de la salariée de donner le mot de passe informatique, sauf de manière sécurisée, s'il constituait une faute, ne caractérisait pas d'intention de nuire à l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme X... fondé sur une faute lourde, l'arrêt rendu le 17 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne la société Saint-François ambulances aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société Saint-François ambulances et condamne celle-ci à payer à la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Mme Y... avait commis une faute lourde la privant de toute indemnité et de l'avoir déboutée de toutes ses demandes,
AUX MOTIFS QU':
"II convient de rappeler les principes en matière de faute lourde :
- le caractère réel : le motif réel est à la fois un motif existant, un motif exact et un motif objectif ;
- le caractère sérieux : le motif sur lequel se fonde le licenciement doit en outre avoir un caractère sérieux, c'est à dire une cause revêtant une certaine gravité qui rend impossible, sans dommage pour l'entreprise, la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement ;
- le caractère objectif : la cause doit être objective, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des faits, des griefs matériellement vérifiables, le caractère matériellement vérifiable : la cause du licenciement doit être établie c'est à dire que le motif allégué par l'employeur doit avoir une réalité concrète et vérifiable ; cela implique, en principe, le rejet de tout motif inconsistant (allégation vague), des faux motifs ou des motifs contradictoires ;
que de plus, la faute lourde est celle commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; elle entraîne pour le salarié la perte du droit aux indemnités, y compris l'indemnité conventionnelle ;
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Elle mentionne :
« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement d'une particulière gravité, constitutif d'une faute lourde ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien en date du 11 février 2009.
En effet, vous êtes chargée notamment au sein de notre entreprise de l'enregistrement des transports sanitaires sur le logiciel ISIS et du transfert « NOEMI » vers la Sécurité Sociale qui honore par la suite nos différents paiements ; ces paiements représentent l'essentiel du Chiffre d'Affaires.
Vous étiez la seule à travailler sur l'ordinateur de la société.
Vous avez contre toute attente et contre toute demande, installé un mot de passe sur l'ordinateur de la société. Avant votre départ en congés vous n'avez pas pris soin de nous le transmettre afin que nous soyons en mesure d'utiliser les données informatiques, capitales comme vous le savez au bon fonctionnement de l'entreprise.
Vous avez refusé par ailleurs de divulguer ce mot de passe malgré nos demandes.
C'est ainsi que par courrier recommandé en date du 19Janvier2009 nous vous avons mis en demeure d'avoir à nous transmettre ledit code.
Pour toute réponse, vous nous avez adressé un courrier en date du 22 Janvier 2009, par lequel vous nous indiquez :
« (...) Toutefois consciente de l'importance pour le bon fonctionnement de l'entreprise, de la saisie des prestations et de la gestion de la facturation, je vous informe ne pouvoir vous délivrer ce mot de passe (...).»
Vous ne donnez aucune explication à ce refus de transmettre l'information, alors même que vous vous dites consciente de son importance !
En effet, vous n'êtes pas sans savoir qu'une telle attitude et ainsi l'impossibilité d'accéder aux données informatiques entraînent inéluctablement :
- Des désordres de fonctionnement :- incapacité d'avoir accès à notre seul logiciel de travail ISIS,
- incapacité d'enregistrer les prestations de transports.
- Des désordres comptables :
- incapacité de transmettre les données au cabinet d'expert comptable pour le calcul de nos différentes charges et la préparation des livrets comptable pour l'année d'exercice 2008.
- Des désordres financiers :
- incapacité de transmettre les factures NOEMI vers la sécurité sociale pour le paiement des prestations. Ces factures représentent la grande majorité du Chiffres d'Affaires de la Société.
Cette conduite ainsi que les termes sans ambiguïté de votre courrier mettent en cause la bonne marche du service et, bien pire, révèlent une intention de nuire à notre entreprise en raison des graves conséquences de votre comportement ;
Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du 11 Février 2009 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute lourde.
Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Nous vous confirmons, pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous avez fait l'objet ce 30 Janvier 2009.
Le licenciement prend donc effet immédiatement, dès réception de cette lettre, et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement, ni de congés payés.
Vous pourrez vous présenter le même jour au service du personnel de l'entreprise pour retirer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC qui sont à votre disposition.
Nous vous informons qu'en raison de la gravité de la faute qui vous est reprochée, vous perdez vos droits acquis au titre de votre droit individuel à la formation. »
A la demande de communication du mot de passe pour informatique, dans sa réponse du 22 Janvier 2009, Mme X... écrit précisément :
« (...) Toutefois consciente de l'importance pour le bon fonctionnement de l'entreprise, de la saisie des prestations et de la gestion de la facturation, je vous informe ne pouvoir vous délivrer ce mot de passe, qui reste confidentiel pour la protection de ces données, que de manière sécurisée; Et ceci, qu'après avoir clôturé et sauvegardé les saisies que j'ai effectué à ce jour ».
Mme X... refuse clairement de donner le mot de passe à son employeur; le fait qu'elle cherche à se réfugier derrière le prétexte de la sécurité des données saisies ne peut être retenu puisque :
- d'une part, elle se doit de répondre aux instructions de son employeur,
- d'autre part, plutôt que de tenter de justifier maladroitement un refus, elle pouvait tout à fait indiquer à son employeur qu'elle lui adressait une lettre recommandée personnelle avec ledit mot de passe, ou le lui faire transmettre par une personne de confiance.
Il y a dans le comportement de Mme X... une volonté de bloquer le fonctionnement de l'entreprise, qu'elle connaît parfaitement, vue son ancienneté. Et comme relevé par l'employeur, ce refus a engendré des dommages importants :
- Des désordres de fonctionnement :
- incapacité d'avoir accès à notre seul logiciel de travail ISIS ;
- incapacité d'enregistrer les prestations de transports.
- Des désordres comptables :
- incapacité de transmettre les données au cabinet d'expert comptable pour le calcul de nos différentes charges et la préparation des livrets comptable pour l'année d'exercice 2008.
- Des désordres financiers :
- incapacité de transmettre les factures NOEMI vers la sécurité sociale pour le paiement des prestations. Ces factures représentent la grande majorité du Chiffres d'Affaires de la Société.
La Cour considère qu'il y a eu faute lourde de la part de la salariée et que c'est à juste titre que l'employeur conteste le paiement des indemnités allouées par les premiers juges, étant rappelé que la faute lourde est celle commise par le salarié avec l'intention de nuire et entraîne pour le salarié la perte du droit aux indemnités, y compris l'indemnité conventionnelle ;
Le jugement dont appel sera donc infirmé"
ALORS QUE la faute lourde, privative des indemnités de rupture et de congés payés, est celle d'une particulière gravité caractérisant l'intention du salarié de nuire à l'entreprise ou à l'employeur ; qu'en jugeant, pour débouter Madame Y... de ses demandes, qu'elle avait commis une faute lourde aux motifs qu'elle avait refusé de communiquer le mot de passe de son ordinateur, que l'employeur n'avait pu accéder aux logiciels et applications enregistrant les prestations de transport, permettant la facturation et le paiement des prestations de sécurité sociale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire de la salariée et partant a violé les articles L.1234-1, L.1234-5, L.1235-1 et L.3141-26 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Y... de toutes ses demandes y compris celle formulée au titre du rappel de salaire,
ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité, si bien qu'en ne donnant aucun motif à sa décision de rejet du chef de demande tendant à obtenir un rappel de salaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27611
Date de la décision : 19/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 17 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 fév. 2014, pourvoi n°12-27611


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.27611
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