LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Boucherie des deux frères le 1er février 2006, en qualité d'ouvrier boucher, suivant un contrat dit « nouvelle embauche » à temps partiel ; que le 12 septembre 2006, l'employeur a mis fin au contrat ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale notamment pour demander des rappels d'heures complémentaires et supplémentaires ainsi que de congés payés et repos compensateur afférents sur la base d'un temps plein ;
Attendu que pour le débouter de ses demandes, l'arrêt retient que le salarié avait produit un relevé dactylographié établi sur une seule feuille, sous forme de tableau de toute la période de travail sur la base systématique de 56,5 heures hebdomadaires, sauf du 18 juillet au 22 août 2006, avec le calcul par colonne, puis la totalisation de toutes les sommes restant dues selon lui, y compris le repos compensateur et la majoration des dimanches, tout en précisant dans une lettre du 20 décembre 2006 qu'il travaillait environ 66 heures par semaine ; que ces éléments ne correspondaient pas à un système probatoire propre à déterminer le travail effectivement accompli (agenda, notes au jour le jour, témoignages, etc ...), mais à la formalisation d'une réclamation de salaire constituant une simple prétention non étayée, contraire aux exigences des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes au titre des heures complémentaires et supplémentaires ainsi que des repos compensateurs et des congés afférents, l'arrêt rendu le 8 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Boucherie des deux frères aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Boucherie des deux frères à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes au titre de la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail à temps plein et de ses demandes d'heures complémentaires, supplémentaires et de repos compensateurs, outre les congés-payés afférents
AUX MOTIFS QUE « en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant des éléments de la détermination de l'horaire de travail dont le texte applicable lui demande de justifier ; qu'ici la Société BOUCHERIE DES DEUX FRERES maintient la référence contractuelle de 20 heures hebdomadaires et rejette la totalité du relevé dactylographié produit par le salarié, sur une seule feuille, sous forme de tableau de toute la période de travail sur la base systématique de 56, 5 heures hebdomadaires, sauf du 18 juillet au 22 août 2006, avec le calcul par colonne puis totalisé de toutes les sommes restant dues selon lui, y compris le repos compensateur et la majoration des dimanches ; Khemais X... affirme avoir réclamé ces sommes à son employeur alors que force est de constater que les seules lettres qui lui ont été adressées, après la rupture, les 8 novembre 2006 et 20 décembre 2006, réclament le paiement de salaire pour janvier, juillet, septembre et octobre ; seule la dernière lettre citée, évoque une réclamation d'heures supplémentaires en mentionne, entre parenthèses : « je travaillais environ 66 heures par semaine » ; qu'à ce stade, il convient de relever que l'employeur a répondu à ces lettres le 29 novembre 2006 (seuls éléments vérifiables à l'appui de la demande en l'absence des attestations retenues par les premier juge, en indiquant que l'intimé a été régulièrement rémunéré et qu'il rejette sa demande de salaire dont la tardivité le surprenait alors qu'il avait bénéficié d'un préavis payé non travaillé ; que la Cour considère que les éléments sur lesquels Khemais X... fonde sa demande d'heures complémentaires et supplémentaires, soit à travers un tableau fixant des horaires immuables pour chaque mois de travail avec un calcul manifestement consécutif à l'usage d'un logiciel adapté, correspondent non pas à un système probatoire propre à déterminer le travail effectivement accompli (agenda, notes au jour le jour, témoignages, etc ...) mais à la formalisation d'une réclamation de salaire constituant une simple prétention non étayée, contraire aux exigences des dispositions de l'article L. 3171-4 du Code du travail ; que c'est donc à tort que le premier juge, en se fondant notamment sinon exclusivement sur deux témoignages retirés des débats en cause d'appel, a fait droit aux demandes du salarié pour des heures complémentaires, supplémentaires et des congés payés afférents pour toute la durée du contrat de travail, le jugement étant réformé sur ce point et Khemais X... débouté de sa réclamation à ce titre » (arrêt attaqué p.4)
ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombant spécialement à aucune des parties, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué (p. 4) que M. X... avait produit « un relevé dactylographié produit sur une seule feuille, sous forme de tableau de toute la période de travail sur la base systématique de 56, 5 heures hebdomadaires, sauf du 18 juillet au 22 août 2006, avec le calcul par colonne puis totalisé de toutes les sommes restant dues selon lui, y compris le repos compensateur et la majoration des dimanches », tout en précisant dans une lettre du 20 décembre 2006 qu'il travaillait « environ 66 heures par semaine » ; que ces éléments étaient de nature à étayer sa demande et permettre à l'employeur d'y répondre en produisant les siens propres ; qu'en déclarant que lesdits éléments produits par le salarié ne correspondaient pas à « un système probatoire propre à déterminer le travail effectivement accompli (agenda, notes au jour le jour, témoignages, etc ...) mais à la formalisation d'une réclamation de salaire constituant une simple prétention non étayée, contraire aux exigences des dispositions de l'article L. 3171-4 du Code du travail », la Cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve de sa demande et a violé les articles 1315 du Code civil et L. 3171-4 du Code du travail.