La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2014 | FRANCE | N°12-23191

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 février 2014, 12-23191


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2012), que M. X... a été engagé le 16 septembre 2008 par la société Damaline en qualité de directeur d'hôtel, avec reprise de son ancienneté auprès du groupe Accor à compter du 1er décembre 1996 ; qu'il a été placé en arrêt de travail pour maladie du 12 novembre 2009 au 3 janvier 2010 ; que par lettre du 12 février 2010, il a été licencié pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer

des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un cer...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2012), que M. X... a été engagé le 16 septembre 2008 par la société Damaline en qualité de directeur d'hôtel, avec reprise de son ancienneté auprès du groupe Accor à compter du 1er décembre 1996 ; qu'il a été placé en arrêt de travail pour maladie du 12 novembre 2009 au 3 janvier 2010 ; que par lettre du 12 février 2010, il a été licencié pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un certificat médical reprenant les déclarations du salarié sur l'origine professionnelle de son affection ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en se fondant sur l'arrêt maladie du 12 novembre 2009 et les deux prolongations mentionnant « existence d'un état dépressif secondaire dû à burn out + harcèlement professionnel », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par l'employeur et comme l'avaient retenu les premiers juges, si les certificats ne se bornaient pas à reprendre les dires du salarié sur des faits dont le médecin n'avait pas été le témoin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ qu'en se fondant sur - des échanges de courriels des 22 et 23 juin avec le gérant de l'hôtel où le salarié indiquait en réponse à ses remarques « n'avoir pas l'habitude de se plaindre mais qu'il trouve ses mails très durs alors qu'il est en permanence au « PJD, service salle, cuisinier, plongeur, réceptionniste et essaie de faire au mieux pour gérer l'établissement sans que le gérant soit apparemment satisfait » ; - des courriels des 10 au 16 décembre 2009 dont le premier a pour objet « appel téléphonique » dans lequel le salarié se réfère à un entretien téléphonique du même jour annonçant au gérant sa prolongation d'arrêt maladie et la réponse de ce dernier en ces termes « restez malade le plus longtemps possible et ne revenez pas » l'amenant à ne plus souhaiter continuer sa collaboration - la déclaration effectuée par le salarié le 13 janvier 2010 aux services de police, qui ne faisaient que reprendre les propres déclarations du salarié et n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ qu'en énonçant que Mme Y... « relate une pression permanente subie par le salarié », la cour d'appel a dénaturé l'attestation mentionnant « j'ai¿senti¿la pression permanente, les reproches et surtout la rétrogradation subie par le salarié », qui faisait donc part d'un sentiment purement subjectif, méconnaissant ainsi l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
Mais attendu qu'ayant relevé l'existence de courriels dans lesquels le salarié se plaint des remarques de l'employeur à son égard alors qu'il est en permanence dans de nombreux services de l'hôtel pour gérer au mieux l'établissement, d'arrêts maladie portant les mentions d'un état dépressif secondaire dû à un « burn out » professionnel, d'un entretien téléphonique au cours duquel l'employeur lui a répondu : « restez en maladie le plus longtemps possible et ne revenez pas », d'une attestation d'une employée réceptionniste faisant état de la pression permanente qui pesait sur le salarié, des reproches injustifiés et d'une rétrogradation dans ses fonctions, la cour d'appel a pu en déduire l'existence d'éléments, qu'elle a appréciés dans leur ensemble, laissant supposer un harcèlement moral ; qu'ayant estimé que l'employeur ne démontrait pas que ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, elle a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen s'étendra par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile au chef de dispositif ayant jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
2°/ que commet une faute grave le salarié qui ne reprend pas son travail à l'issue d'un arrêt de travail malgré une lettre de l'employeur comportant une demande d'explications sur son absence et une mise en demeure de reprendre le travail ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la société n'ignorait pas que le salarié n'avait pas l'intention de continuer sa collaboration avec elle, que manifestement elle n'entendait pas le conserver à son service, avait utilisé l'opportunité offerte par le refus d'homologation de la direction départementale du travail pour des raisons de forme pour le licencier, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que l'arrêt de travail du salarié ayant expiré le 3 janvier 2010, le 7 janvier 2010, la société avait en vain demandé au salarié de justifier son absence ou de reprendre son poste puis par lettre du 14 janvier 2010, l'avait en vain mis en demeure de reprendre son poste, ne caractérisait pas un manquement du salarié à ses obligations contractuelles constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu d'abord , que le rejet à intervenir du premier moyen rend sans objet la première branche du second moyen ;
Et attendu ensuite, qu'ayant recherché la véritable cause du licenciement et constaté que les motifs de la rupture ne procédaient pas d'une faute du salarié mais de l'absence d'intention de l'employeur de conserver le salarié à son service, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Damaline aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Damaline et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Damaline
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Damaline à payer à M. X... des dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
Aux motifs que M. X... invoque une dégradation de ses conditions de travail à compter de juin 2009, une multiplication des reproches de son employeur l'ayant conduit à un état dépressif, avec deux avertissements injustifiés en deux semaines afin de le dissuader de revenir dans l'entreprise ; que pour étayer ses affirmations il produit notamment - des échanges de courriels des 22 et 23 juin avec le gérant de l'hôtel où il indique en réponse à ses remarques n'avoir pas l'habitude de se plaindre mais qu'il trouve ses mails très durs alors qu'il est en permanence au « PJD, service salle, cuisinier, plongeur, réceptionniste et essaie de faire au mieux pour gérer l'établissement sans que M. Z... soit apparemment satisfait » ; - un arrêt maladie du 12 novembre 2009 avec deux arrêts de prolongation jusqu'au 3 janvier 2010 mentionnant « existence d'un état dépressif secondaire dû à burn out + harcèlement professionnel » ; des courriels des 10 au 16 décembre 2009 sur une proposition de rupture conventionnelle par le salarié dont le premier a pour objet « appel téléphonique » dans lequel M. X... se réfère à un entretien téléphonique du même jour annonçant à M. Z... sa prolongation d'arrêt maladie et la réponse de ce dernier en ces termes « restez malade le plus longtemps possible et ne revenez pas » l'amenant à ne plus souhaiter continuer sa collaboration ; une attestation de Mme Y... du 2 novembre 2009 ; - les deux avertissements précités ; - la déclaration effectuée le 13 janvier aux services de police ;
Alors que 1°) un certificat médical reprenant les déclarations du salarié sur l'origine professionnelle de son affection ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en se fondant sur l'arrêt maladie du 12 novembre 2009 et les deux prolongations mentionnant « existence d'un état dépressif secondaire dû à burn out + harcèlement professionnel », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par l'employeur et comme l'avaient retenu les premiers juges, si les certificats ne se bornaient pas à reprendre les dires du salarié sur des faits dont le médecin n'avait pas été le témoin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Alors que 2°) en se fondant sur - des échanges de courriels des 22 et 23 juin avec le gérant de l'hôtel où le salarié indiquait en réponse à ses remarques « n'avoir pas l'habitude de se plaindre mais qu'il trouve ses mails très durs alors qu'il est en permanence au « PJD, service salle, cuisinier, plongeur, réceptionniste et essaie de faire au mieux pour gérer l'établissement sans que M. Z... soit apparemment satisfait » ; - des courriels des 10 au 16 décembre 2009 dont le premier a pour objet « appel téléphonique » dans lequel M. X... se réfère à un entretien téléphonique du même jour annonçant à M. Z... sa prolongation d'arrêt maladie et la réponse de ce dernier en ces termes « restez malade le plus longtemps possible et ne revenez pas » l'amenant à ne plus souhaiter continuer sa collaboration ¿ la déclaration effectuée par M. X... le 13 janvier 2010 aux services de police, qui ne faisaient que reprendre les propres déclarations du salarié et n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Alors que 3°) en énonçant que Mme Y... « relate une pression permanente subie par M. X... », la cour d'appel a dénaturé l'attestation mentionnant « j'ai¿senti¿la pression permanente, les reproches et surtout la rétrogradation subie par M. X... », qui faisait donc part d'un sentiment purement subjectif, méconnaissant ainsi l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une faute grave ;
Aux motifs que le harcèlement moral est constitué ; que la proposition de rupture conventionnelle est intervenue dans ce contexte comme le licenciement ; que les parties étaient convenues d'une rupture du contrat de travail au 8 janvier 2012 et que ses effets personnels avaient été remis précédemment au salarié par la direction et qu'un nouveau directeur prenait ses fonctions le 2 février avant l'entretien préalable ; que l'employeur qui n'ignorait pas que M. X... n'avait pas l'intention de continuer sa collaboration avec la Sarl Damaline et qui manifestement n'entendait pas le conserver à son service, n'a fait qu'utiliser l'opportunité offerte par le refus d'homologation de la direction départementale du travail pour des raisons de forme pour le licencier et ne peut se prévaloir d'une faute grave ni d'une cause réelle et sérieuse ;
Alors que 1°) la cassation à intervenir sur le premier moyen s'étendra par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile au chef de dispositif ayant jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Alors que 2°) commet une faute grave le salarié qui ne reprend pas son travail à l'issue d'un arrêt de travail malgré une lettre de l'employeur comportant une demande d'explications sur son absence et une mise en demeure de reprendre le travail ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la société Damaline n'ignorait pas que M. X... n'avait pas l'intention de continuer sa collaboration avec elle, que manifestement elle n'entendait pas le conserver à son service, avait utilisé l'opportunité offerte par le refus d'homologation de la direction départementale du travail pour des raisons de forme pour le licencier, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que l'arrêt de travail du salarié ayant expiré le 3 janvier 2010, le 7 janvier 2010, la société Damaline avait en vain demandé à M. X... de justifier son absence ou de reprendre son poste puis par lettre du 14 janvier 2010, l'avait en vain mis en demeure de reprendre son poste, ne caractérisait pas un manquement du salarié à ses obligations contractuelles constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-23191
Date de la décision : 19/02/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 fév. 2014, pourvoi n°12-23191


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.23191
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award