Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Patrick X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2013, qui, pour blessures involontaires aggravées, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, dont 1 000 avec sursis, à quatre mois de suspension de permis de conduire, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 janvier 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Roth, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ROTH, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 460, 513, 802, 591 et 592 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
" en ce que l'arrêt attaqué n'a pas expressément constaté que le prévenu ou son avocat a eu la parole en dernier ;
" alors que, lors de l'audience correctionnelle devant la cour d'appel, le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier à peine de nullité ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué qu'« ont été entendus : Madame Regnier, Conseiller en son rapport, X...Patrick en son interrogatoire et ses moyens de défense, Le Ministère Public en ses réquisitions, Maître d'ORSO Yves, avocat du prévenu en sa plaidoirie » ; qu'en ne constatant pas expressément que le prévenu ou son avocat avait eu la parole en dernier, la cour a méconnu le principe et les textes susvisés " ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 222-19, 222-20-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur et violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité et l'a condamné, en répression, à une peine d'amende de 3 000 euros dont 1 000 euros avec sursis ainsi qu'à la peine de suspension de son permis de conduire pour une durée de quatre mois ;
" aux motifs propres que, le 6 août 2011, les services de la gendarmerie intervenaient sur le CD 109 à la suite d'un accident de la circulation survenu au préjudice d'un véhicule de marque Renault Clio appartenant à Mme Aurélia Y...et conduit par sa soeur Mme Anaïs Y...dans le sens Bourg Saint Maurice-les-Arcs ; que cette dernière déclarait avoir percuté un véhicule de marque Skoda qui la précédait et qui avait brusquement ralenti pour s'arrêter sur la chaussée afin d'éviter une voiture de type 4 x 4 de marque Mercedes qui doublait dans un virage en sens inverse ; qu'elle communiquait le numéro d'immatriculation de ce dernier véhicule, relevé par un témoin ; qu'un médecin fixait à six jours l'ITT de Mme Anaïs Y..., victime de contusions au rachis dorsal et à la paroi thoracique ; que M. Z..., témoin des faits, ayant fourni le numéro d'immatriculation de la Mercedes, confirmait que ce véhicule, qui circulait dans le même sens que lui, l'avait serré de très près par l'arrière avant de le dépasser de « façon limite » puis, peu de temps après, d'effectuer un nouveau dépassement de quatre véhicules dans un virage et alors même que des véhicules arrivaient en sens inverse ; qu'entendu le 17 août, M. X..., conducteur du véhicule Mercedes en cause, reconnaissait avoir circulé sur l'axe routier concerné et avoir doublé des voitures qui le précédaient, au jour et à l'heure de l'accident, mais n'avoir en aucun cas procédé à un dépassement dangereux qui aurait pu contraindre les usagers venant en sens contraire à s'arrêter ; que les déclarations précises de la victime sont confirmées par celles parfaitement concordantes de M. Z... qui a directement assisté à l'accident ; qu'à ce titre, les photographies et plans fournis à la cour par le prévenu ne sont pas de nature à remettre en cause la relation circonstanciée de l'accident effectuée par le témoin devant les services de gendarmerie ; qu'il est ainsi établi que M. X...a effectué un dépassement dangereux dans un virage alors que la circulation était dense et que des véhicules arrivaient en sens inverse ; que ce faisant, il a commis une violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité et été directement à l'origine de l'accident dont a été victime Mme Anaïs Y...; que les faits visés à la prévention sont dès lors constitués et le jugement déféré sera confirmé sur la culpabilité ;
" et aux motifs éventuellement adoptés qu'il ne peut exister d'erreur sur la personne de M. X...qui reconnaît sa présence sur les lieux et qui admet avoir dépassé, bien qu'il affirme l'avoir fait dans des conditions de parfaite sécurité ; que, dès lors qu'en dépit de ses dénégations, il y a lieu de considérer que les déclarations de la victime, confortées par celle du témoin sont des éléments suffisants pour établir la culpabilité de M. X...dans les faits qui lui sont reprochés " ;
" 1) alors que l'obligation pour les juges du fond de motiver leur décision suppose que ceux-ci apportent une réponse spécifique et explicite à une question essentielle à la résolution du litige ; que le demandeur a fait valoir dans ses conclusions devant la cour que les déclarations du principal témoin à charge, M. de A..., étaient dépourvues de toute crédibilité dès lors que celui-ci ne pouvait matériellement avoir vu la fin du dépassement opéré par le demandeur ni avoir constaté la présence des véhicules de M. A...et de Mme Y...circulant en sens inverse ; qu'il a soutenu que cette impossibilité était démontrée, d'une part, par les déclarations de ces derniers qui localisaient la fin de la manoeuvre de dépassement en entrée de virage à gauche soit, pour le demandeur, en sortie de virage à droite, d'autre part, par la distance de 100 à 120 mètres séparant nécessairement le véhicule de M. de A... de celui situé en tête de la file que le demandeur aurait doublée et enfin, par les clichés photographiques pris par les gendarmes sur place établissant que la sortie du virage était dissimulée par le flanc de montagne et ne pouvait être vue qu'à une vingtaine de mètres, lieu où ne pouvait se situer le témoin lors de la fin du dépassement puisqu'il circulait encore dans la ligne droite précédant le virage ; qu'en se bornant à constater que les photographies et plans fournis à la cour par le prévenu n'étaient pas de nature à remettre en cause la relation circonstanciée de l'accident effectuée par le témoin devant la gendarmerie sans examiner les arguments invoqués par la défense au soutien de l'absence de crédibilité des déclarations du principal témoin à charge, lesquels procédaient essentiellement non des éléments versés aux débats par le demandeur mais des pièces du dossier de procédure, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
" 2) alors que la présomption d'innocence fait obstacle à ce que la preuve d'une infraction puisse être rapportée par les seuls dires de la victime sans être corroborés par un élément matériel extérieur et objectif ; que le demandeur a démontré dans ses conclusions d'appel que les dires de M. de A... étaient dépourvus de toute crédibilité, celui-ci n'ayant pas pu matériellement être témoin de l'accident ; qu'en l'absence de toute force probante des déclarations de ce témoin, la cour d'appel a fondé la condamnation du demandeur sur les seules déclarations de la partie civile non corroborées par un élément matériel extérieur et partant a violé le principe et les textes susvisés ;
" 3) alors que le respect des droits de la défense impose que tout prévenu ait le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge ; qu'un prévenu ne saurait être condamné sur la seule base des déclarations faites avant le procès par des victimes qui n'ont jamais par la suite témoigné à la barre ; qu'en condamnant le demandeur sur le seul fondement des dires de la victime et d'un témoin qu'il n'a jamais interrogé ou fait interroger pas plus que la cour d'appel, cette dernière a méconnu les textes et principes susvisés ;
" 4) alors que la faute délibérée suppose notamment la violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité et l'édiction de celle-ci par une loi ou un règlement ; que les juges du fond doivent préciser, au soutien de leur condamnation, la source et la nature de l'obligation qui aurait été violée à peine de cassation ; qu'en se bornant à affirmer que le demandeur avait commis une violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité sans préciser le contenu de cette obligation, sa nature particulière ainsi que sa source, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
" 5) alors, enfin, que la faute délibérée suppose en outre que soit établie la volonté du prévenu de violer l'obligation particulière de prudence ou de sécurité concernée ; qu'en se bornant à affirmer que le prévenu avait commis une violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité sans caractériser les circonstances de fait démontrant que le demandeur avait eu la volonté de violer une telle obligation, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer M. X...coupable de blessures involontaires par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur avec la circonstance aggravante de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, les juges retiennent que celui-ci s'est livré à un dépassement dangereux ayant entraîné la collision de deux autres véhicules, dont l'un était conduit par la partie civile ;
Attendu qu'en prononçant par ces motifs, d'où il ressort que le prévenu a manqué aux obligations particulières de sécurité ou de prudence imposées aux conducteurs par les articles R. 414-4 et suivants du code de la route, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit février deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;