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18/02/2014 | FRANCE | N°13-10876

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 février 2014, 13-10876


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société De Bois-Herbaut, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Europe management, de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2012), que M. X... a été engagé le 6 février 1997 par la société Europe devenue Europe management en qualité de formateur ; qu'il a été licencié le 13 décembre 2011 pour faute grave ; que le salarié et le syndicat SNPEFP-CGT ont saisi la formation de référé de la juridiction pr

ud'homale en invoquant, sur le fondement des articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du cod...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société De Bois-Herbaut, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Europe management, de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2012), que M. X... a été engagé le 6 février 1997 par la société Europe devenue Europe management en qualité de formateur ; qu'il a été licencié le 13 décembre 2011 pour faute grave ; que le salarié et le syndicat SNPEFP-CGT ont saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale en invoquant, sur le fondement des articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail, l'existence d'un trouble manifestement illicite ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié constituait un trouble manifestement illicite, d'ordonner sa réintégration sous astreinte et de condamner l'employeur à verser au salarié une provision sur salaires alors, selon le moyen :
1°/ qu'il incombe au demandeur en référé d'établir l'existence du trouble manifestement illicite ; qu'il incombait donc à M. X..., qui soutenait que son licenciement constituait un tel trouble dès lors qu'il trouvait sa cause dans l'exercice normal de sa liberté d'expression, notamment lors d'une altercation du 17 novembre 2011, de démontrer l'absence d'abus à cette occasion ; que la cour d'appel ne pouvait donc comme elle l'a fait considérer que le trouble était établi dès lors que l'employeur ne démontrait pas cet abus ; qu'elle a ainsi violé les articles R. 1455-6 du code du travail et 1315 du code civil ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Europe management faisait état de ce que le licenciement avait également pour fondement des faits d'insubordination en date des 19 et 20 octobre 2011, M. X... ayant refusé de répondre à des clients de l'employeur, et de se rendre à une formation ; qu'en omettant de s'expliquer sur ces fautes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait, pour considérer que M. X... n'avait pas abusé de sa liberté d'expression, se borner à énoncer que « les courriels échangés les 19 7 et 20 octobre qui tournent autour des questions de remboursement de frais, ne contiennent pas de termes qui peuvent être considérés comme agressifs et discourtois », sans préciser quels termes étaient employés ni s'expliquer en particulier sur la mise en cause qui y était faite, des compétences de l'employeur ; que la cour d'appel a ainsi derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu que le licenciement avait pour seule cause la réclamation du salarié, qui n'était pas abusive, et fait ressortir qu'elle était présentée sans faire usage de termes excessifs ou diffamatoires, le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société De Bois-Herbaut en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Europe management aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société De Bois Herbaut ès qualités à payer à M. Olivier X... et au syndicat SNPEFP-CGT la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Europe management, M. Y..., ès qualités et la société De Bois Herbault, ès qualités.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... constituait une trouble manifestement illicite et d'avoir ordonné sa réintégration sous astreinte, et condamné la société Europe Mangement à lui verser la somme de 20 000 ¿ à titre de provision sur les salaires qu'il aurait dû percevoir depuis son licenciement ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions des articles R. 1455-5 et suivants du code du travail, le juge des référés peut en cas d'urgence ordonner toutes mesures qui ne se heurtent pas à une contestation sérieuse ; QU'il peut accorder une provision au créancier, lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; QU'en outre, même en présence d'une contestation sérieuse, il peut ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent afin de faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent ; QUE pour faire droit à la demande de M. X..., il faut considérer que le licenciement dont il a fait l'objet est fondé sur une cause manifestement illicite, qui serait selon lui fondée sur une violation de la liberté d'expression ; QUE M. X... rappelle que la seule limite à la liberté d'expression est l'abus de cette liberté, c'est-à-dire la tenue de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; QUE M. X... soutient que son licenciement est en lien direct avec l'usage normal qu'il a fait de sa liberté d'expression, son employeur faisant valoir que son licenciement est justifié par des comportements fautifs caractérisés ; QU'il ressort des éléments soumis à la cour que M. X... avait été engagé en 1994 en qualité de formateur par la société Europe devenue Europe Management et qu'il n'avait fait l'objet d'aucune critique jusqu'à l'engagement de la procédure de licenciement au mois de novembre 2011 ; QUE le 19 octobre 2011, M. X... ainsi que quatre autres personnes qui font la preuve de leur qualité de salariés de l'entreprise Europe Management, ont adressé au dirigeant de l'entreprise, M. Z... un courrier collectif dans lequel Ils dénonçaient les retards dans le remboursement des frais de déplacement et des frais professionnels et demandaient une simplification des procédures internes ; QUE cette lettre écrite en des termes courtois, rappelait que cette difficulté n'était pas nouvelle dans l'entreprise et M. X... produit un courrier semblable signé par lui même et trois salarîés.au mois de mai 2011 ; QUE ce courrier ne donnait lieu à aucune réponse ; QUE dans leurs conclusions respectives, les parties sont d'accord pour estimer que c'est une rencontre du 17 novembre 2011 entre M, Z... et M. X... qui a été l'élément déterminant de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ; QUE cette rencontre est présentée par l'employeur comme une agression verbale de M. X... devant des tiers alors que M. X... estime avoir été menacé par M. Z... ; QUE la société Europe Management ne rapporte aucun élément de preuve sur ce grief et les deux parties expliquent que c'est bien la réclamation faite par M. X... et quatre autres salariés et le défaut de réponse de M. Z... qui est à l'origine de la difficulté ; QUE les seuls motifs de la lettre de licenciement qui ont pu valablement être pris en compte sont ceux datés d'octobre et novembre 2011, les autres motifs étant prescrits et n'ayant donné lieu en leur temps à aucune sanction ; QU'il ressort des éléments produits que le courriel adressé le 24 octobre 2011 qui est visé dans la lettre de licenciement ne contient aucune mention pouvant être qualifiée d'irrespectueuse ; QUE le seul fait qu'un courriel ait été adressé par M. X... sur l'adresse privée de M. Z... ne peut être considéré comme fautif a priori, aucun élément ne permettant d'établir que M. X... avait usé de subterfuge pour obtenir cette adresse ; enfin, QUE le contenu de ce courriel qui tend à expliquer à M, Z... que d'autres entreprises de formation proposent un meilleur remboursement des frais de déplacement ne contient aucun élément qui pourrait être envisagé comme fautif ; QU'il a été rappelé que la réalité de l''agression verbale" du 20 novembre 2011 alléguée par M. Z... n'est pas démontrée par l'employeur ; QUE de même, les courriels échangés les 19 et 20 octobre qui tournent autour des questions de remboursement de frais, ne contiennent pas de termes qui peuvent être considérés comme agressifs et discourtois ;QUE, quant aux reproches faits à M. X..., sur les communications faites à ses collègues après la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, ils ne peuvent être considérés comme fautifs, ayant été adressés seulement à des salariés de la société et en tout état de cause après la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ; QU'il ressort de l'ensemble de ces observations que manifestement, la procédure de licenciement a été mise en oeuvre contre un salarié ayant 17 ans d'ancienneté après l'envoi d'un courrier collectif où il se bornait à réclamer avec d'autres collègues une amélioration du remboursement des frais professionnels ; QUE ce salarié a fait un usage normal de sa liberté d'expression en qualité de salarié ; QUE les motifs du licenciement dérivent en réalité tous de l'envoi de ce courrier, son envoi étant d'ailleurs directement évoqué comme motif du licenciement ; QU'il s'en déduit que manifestement, M. X... a été licencié dans le cadre d'un usage normal de sa liberté de parole et l'exercice de cette liberté fondamentale a été la cause déterminante du licenciement qui ne peut qu'être considéré comme nul ; QUE la décision du premier juge sera réformée, ce licenciement étant créateur d'un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en ordonnant la reprise du contrat de travail et la réintégration du salarié dans les fonctions antérieurement exercées, qui devra intervenir dans les deux mois suivant le prononcé de la présente décision ; QUE cette obligation sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour, qui prendra effet à partir de l'expiration du deuxième mois suivant le prononcé de la décision ; QUE de même, il y a lieu d'ordonner à titre de provision, le versement des salaires que M. X... aurait dû percevoir si son contrat de travail avait normalement perduré ;
1- ALORS QU'il incombe au demandeur en référé d'établir l'existence du trouble manifestement illicite ; qu'il incombait donc à M. X..., qui soutenait que son licenciement constituait un tel trouble dès lors qu'il trouvait sa cause dans l'exercice normal de sa liberté d'expression, notamment lors d'une altercation du 17 novembre 2011, de démontrer l'absence d'abus à cette occasion ; que la cour d'appel ne pouvait donc comme elle l'a fait considérer que le trouble était établi dès lors que l'employeur ne démontrait pas cet abus ; qu'elle a ainsi violé les articles R. 1455-6 du code du travail et 1315 du code civil ;
2 - ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Europe Management faisait état de ce que le licenciement avait également pour fondement des faits d'insubordination en date des 19 et 20 octobre 2011, M. X... ayant refusé de répondre à des clients de l'employeur, et de se rendre à une formation (conclusions p. 4, D et F) ; qu'en omettant de s'expliquer sur ces fautes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail ;
3- ALORS QU'enfin, la cour d'appel ne pouvait, pour considérer que M. X... n'avait pas abusé de sa liberté d'expression, se borner à énoncer que « les courriels échangés les 19 7 et 20 octobre qui tournent autour des questions de remboursement de frais, ne contiennent pas de termes qui peuvent être considérés comme agressifs et discourtois », sans préciser quels termes étaient employés ni s'expliquer en particulier sur la mise en cause qui y était faite, des compétences de l'employeur ; que la cour d'appel a ainsi derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10876
Date de la décision : 18/02/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 fév. 2014, pourvoi n°13-10876


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10876
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