LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a effectué un rachat de cotisations d'assurance vieillesse pour une activité de salariée agricole du 1er juillet au 31 août 1966 et du 1er au 31 juillet 1967 lui ayant permis de valider quatre trimestres ; qu'elle a fait valoir ses droits à la retraite le 1er octobre 2008 ; qu'à la suite d'un contrôle a posteriori du dossier courant août 2010, la Mutualité sociale agricole Ardèche-Drôme-Loire (la MSA) lui a notifié l'annulation du rachat de cotisations en raison de son caractère frauduleux ; que l'intéressée a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la MSA fait grief à l'arrêt de lui ordonner de reprendre les versements des prestations de retraite et payer les arriérés de pension, alors, selon le moyen :
1°/ que le jugement de première instance avait retenu et la caisse de mutualité sociale agricole faisait valoir que la MSA a régulièrement notifié le 4 février 2011 la décision d'annulation du rachat de cotisations arriérées et que cette décision, distincte de la décision de contrôle était donc opposable à l'assurée qui pouvait la contester devant la Commission de recours amiable, ce qu'elle a d'ailleurs fait ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 725-5 et R. 725-6 du code rural et de la pêche maritime et par fausse application, l'article D. 724-9 du même code, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'aucun texte ne prévoit la nullité de la procédure de recouvrement pour inobservation des dispositions de l'article D. 724-9 susvisé ; que la cour d'appel a donc violé les textes susvisés ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article D. 724-9 du code rural et de la pêche maritime, retient que la lettre d'observations prévue par ce texte constitue une formalité substantielle en ce qu'elle est destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense ; que le non respect de cette formalité entraîne la nullité du contrôle et de la procédure subséquente ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que la procédure suivie à l'égard de Mme X... étaitirrégulière ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu que le deuxième moyen du pourvoi n'est pas de nature à en permettre l'admission ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1382 du code civil et 559 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la MSA à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué retient que la MSA a mis en demeure le 9 août 2012 Mme X... de rembourser des prestations qu'elle avait déjà perçues, qu'elle lui a fait savoir par lettre du 5 septembre 2012 qu'elle envisageait d'appliquer une pénalité de 24 248 euros au regard de la gravité des faits reprochés alors qu'elle ne pouvait ignorer les dispositions de l'article D. 724-9 du code rural rendant la décision d'annulation nulle et que le jugement déféré faisait droit au fond aux contestations de l'intéressée ; que Mme X... a dû contester en justice les décisions de la MSA et a été privée pendant plusieurs mois des revenus qu'elle aurait dû percevoir ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'exercer une voie de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la Mutualité sociale agricole Ardèche-Drôme-Loire à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 6 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la Mutualité sociale agricole Ardèche-Drôme-Loire.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué déclare inopposable à Christiane Y... épouse X... le contrôle effectué entre le 28 juillet 2010 et le 3 août 2010 de la Mutualité Sociale Agricole Ardèche Drôme Loire en date du 4 août 2011 ; déclare valable le rachat de quatre trimestres de cotisations arriérées, effectué le 3 octobre 2007 par Christiane Y... épouse X... pour la période allant du 1er juillet 1966 au 31 août 1966 et du 1er juillet 1967 au 31 juillet 1967 ; ordonne à la MSA de reprendre les versements des prestations de retraite et de payer les arriérés au bénéfice de Mme X... ; condamne la MSA de l'Ardèche Drôme et Loire à payer à Mme « DESMET » (sic) la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux motifs que L'article D 724-9 du code rural dispose qu'à l'issue du contrôle, la Caisse de Mutualité Sociale Agricole adresse au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception aux personnes contrôlées un document rappelant l'objet du contrôle, et mentionnant les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, et s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature et du mode de calcul des redressements d'assiette et de taux envisagés, ou du montant des prestations à reverser, tels que connus à cette date. La personne contrôlée dispose d'un délai de trente jours pour faire part de sa réponse à ces observations. Le recouvrement des prestations indues, des cotisations, des pénalités et des majorations de retard ne peut intervenir qu'au terme du délai prévu de trente jours. Cette disposition fait obligation aux agents de contrôle des caisses de mutualité sociale agricole de communiquer leurs observations à la personne contrôlée en l'invitant à y répondre dans un délai déterminé. La lettre d'observations constitue une formalité substantielle en ce qu'elle est destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense, le non-respect de cette formalité entraînant non seulement l'inopposabilité du contrôle mais aussi la nullité de ce contrôle et de la procédure subséquente ; La MSA n'ayant pas respecté les formalités prévues par l'article D 724-9 du code rural, elle ne peut dès lors procéder au recouvrement des prestations indues puisque toute décision prise sur la base d'un contrôle non régulier est nulle. Il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré opposable à Mme X... la décision d'annulation de rachat, et de le confirmer en ce qui concerne la déclaration de validité des rachats de cotisations arriérées relatives aux périodes du 1e* juillet au 31 juillet 1966, du 1er août au 31 août 1966 et du 1er juillet 1967 au 31 juillet 1967, ce qui rétablit Mme X... dans ses droits acquis antérieurement à la décision annulée du 2 février 2011 et oblige la MSA à reprendre les versements des prestations de retraites et à payer à Mme X... le paiement des arriérés.
Alors, d'une part, que le jugement de première instance avait retenu et la Caisse de Mutualité Sociale Agricole faisait valoir que la MSA a régulièrement notifié le 4 février 2011 la décision d'annulation du rachat de cotisations arriérées et que cette décision, distincte de la décision de contrôle était donc opposable à l'assurée qui pouvait la contester devant le Commission de recours amiable, ce qu'elle a d'ailleurs fait ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles R.725-5 et R.725-6 du code rural et de la pêche maritime et par fausse application, l'article D.724-9 du même code, ensemble l'article 16 du code de procédure civile.
Alors, d'autre part, qu'aucun texte ne prévoit la nullité de la procédure de recouvrement pour inobservation des dispositions de l'article D.724-9 susvisé ; que la Cour d'appel a donc violé les textes susvisés.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué confirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions déclare inopposable à Christiane Y... épouse X... le contrôle effectué entre le 28 juillet 2010 et le 3 août 2010 de la Mutualité Sociale Agricole Ardèche Drôme Loire en date du 4 août 2011 ; déclare valable le rachat de quatre trimestres de cotisations arriérées, effectué le 3 octobre 2007 par Christiane Y... épouse X... pour la période allant du 1er juillet 1966 au 31 août 1966 et du 1er juillet 1967 au 31 juillet 1967 ; ordonne à la MSA de reprendre les versements des prestations de retraite et de payer les arriérés au bénéfice de Mme X... ; condamne la MSA de l'Ardèche Drôme et Loire à payer à Mme « DESMET » (sic) la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux motifs réputés adoptés sur l'annulation des rachats de cotisations qu'en application de l'article L 351-14 du CSS, sont prises en compte par le régime générai de Sécurité Sociale, pour l'assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations et dans la limite totale de douze trimestres d'assurance, les années civiles ayant donné lieu à l'affiliation à l'assurance vieillesse du régime général à quelque titre que ce soit, au titre desquelles il est retenu un nombre de trimestres inférieur à quatre ; Qu'en application de l'article L 351-2 du CSS, en cas de force majeure ou d'impossibilité manifeste pour l'assuré d'apporter la preuve du versement de cotisations, celle-ci peut l'être à l'aide de documents probants ou de présomptions concordantes ; Qu'il en résulte que l'appréciation du caractère probant ou concordant appartient souverainement au juge du fond sans que soit exigé la présence de deux témoignages ni que les témoins aient vu travailler le requérant dans le cadre de son emploi concerné par le rachat d'arriéré ; Qu'en application de l'article R 351-10 du CSS, la pension ou la rente liquidée dans les conditions prévues aux articles R 351-1 et R 351-9 n'est pas susceptible d'être révisée pour tenir compte des versements afférents à une période postérieure à la date à laquelle a été arrêté le compte de l'assuré pour l'ouverture de ses droits à l'assurance vieillesse dans les conditions définies à l'article R 351-1 ; Qu'il en résulte qu'une retraite même après sa liquidation, peut faire l'objet d'une révision à l'issue du contrôle de la MSA, si une erreur ou une fraude est constatée concernant des versements afférents à une période antérieure à fa date à laquelle le compte de l'assuré a été arrêté ; qu'en l'espèce que Mme X... a procédé le 3 octobre 2007, au rachat de cotisations arriérées pour les périodes allant du 1or juillet 1966 au 31 août 1966 et du 1"' juillet 1967 au 31 juillet 1967, correspondant à une activité saisonnière de ramassage de fruits dans l'exploitation de Gaston Z..., sur la base d'une attestation sur l'honneur datée du 3 septembre 2007, se référant aux témoignages en date du 31 août 2007, de Françoise A... épouse B..., attestant avoir vu Mme X... travailler sur l'exploitation au cours des périodes déclarées et de Corinne C... épouse D..., indiquant avoir exercé une activité salariée agricole avec Mme X... chez Gaston Z... durant les périodes concernées ; Que cependant il ressort du questionnaire rempli par Mme B... le 28 juillet 2010 que cette dernière n'avait connaissance du travail effectué par Mme X... que par l'intermédiaire de son mari ; Que s'agissant d'un témoignage indirect, il est insuffisant à établir la réalité du travail effectué par Mme X... ; Que Mme X... produit en outre une lettre non datée de Béatrice E..., dans laquelle celle-ci indique se souvenir avoir fait le chemin avec Mme X... pour aller à leur travail, Mme X... se rendant chez Gaston Z... ; Que cependant ce témoignage n'est pas suffisant dans la mesure où il ne précise pas la période à laquelle ces faits remontent. Que pour autant Mme D... produit un témoignage clair et précis tant le 31 août 2007 que le 2 août 2010 lorsqu'elle remplit le questionnaire de la MSA, à l'occasion du contrôle de rachat d'arriéré de Mme X... ; Que le seul fait que Mme D... ait des liens d'amitié avec Mme X... ou d'autres personnes ayant parallèlement effectué un rachat de cotisations, ne suffit pas à établir le caractère frauduleux de son témoignage.
Alors, d'une part, que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à l'absence de motifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel déclare qu'elle « confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions » après avoir retenu dans ses motifs que : « il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré opposable à Mme X... la décision d'annulation de rachat » ; que par suite, la censure est encourue en application de l'article 455 du code de procédure civile.
Alors, d'autre part, que la Mutualité Sociale Agricole faisait valoir dans ses conclusions d'appel que « les premiers juges se sont déterminés sur ce seul témoignage pour valider le rachat des quatre trimestres effectué par Mme Christiane X..., nonobstant les réserves émises par la MSA quant à la suspicion d'une collusion frauduleuse entre les nombreux assurés ayant effectué un rachat de cotisations arriérées pour les mêmes périodes de juillet-août 1966 et 1967 ; Qu'en effet le contrôle réalisé a permis à la MSA de constater que dans son propre dossier de demande de rachat de cotisations arriérées pour l'année 1963 , Mme Françoise B... avait eu recours à l'usage d'un faux en écriture. Qu'elle avait ainsi produit le témoignage en sa faveur établi en août 2005 par un certain Gislain F..., dont la trace n'a pas pu être retrouvée dans le cadre du contrôle et des vérifications réalisées par la ; Qu'au regard de ces éléments pour le moins troublants, la MSA a transmis le dossier de Mme Christiane X... à la Caisse Centrale pour avoir l'avis de la cellule nationale de reprise CCMSA. Que celle-ci s'est prononcée le 18 novembre 2010 pour une annulation de la régularisation de cotisations arriérées de Mme X..., considérant que la présomption de fraude lors du rachat effectué par Mme X... en 2007 était confirmée par le témoignage de Mme B... ; Qu'en outre que les investigations complémentaires de la Caisse ont permis de mettre en évidence, en recoupant plusieurs dossiers similaires de rachat de cotisations, l'existence d'un réseau de personnes ayant des liens familiaux, amicaux ou professionnels qui ont procédé à des rachats de cotisations en témoignant chacune à leur tour les unes en faveur des autres tout en faisant également appel à des témoins extérieurs n'ayant pas fait de rachat ; Que ces constatations sont venues conforter l'opinion de la MSA sur le fait que le dossier constitué par Mme X... reposait sur des éléments frauduleux, les témoins sollicités n'hésitant pas à signer des témoignages de complaisance pour rendre service, à charge de réciprocité... Que la cellule nationale de reprise CCMSA a manifesté le même point de vue. Que la décision d'annulation de régularisation de cotisations arriérées de Mme Christiane X... en raison de son caractère frauduleux était donc parfaitement justifiée. Que les premiers juges ont en revanche considéré que le fait que Mme D... ait des liens d'amitié avec Mme X... ou d'autres personnes ayant effectué un rachat de cotisations ne suffisait pas à établir le caractère frauduleux de son témoignage. Qu'ils n'ont même pas cherché à vérifier s'il ne s'agissait pas d'un témoignage de complaisance » ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la Cour d'appel en confirmant le jugement en toutes ses dispositions, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué condamne la MSA à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et celle de 1500 euros au titre de l'article 700 du CPC.
Aux motifs que La MSA a mis en demeure le 9 août 2012 Mme X... de rembourser des prestations qu'elle avait déjà perçues, et lui a fait savoir par lettre du 5 septembre 2012 qu'elle envisageait d'appliquer une pénalité de 24 248 6 au regard de la gravité des faits reprochés alors qu'elle ne pouvait ignorer les dispositions de l'article D 724-9 du code rural rendant la décision d'annulation nulle et que le jugement déféré faisait droit au fond aux contestations de l'intéressée. Mme X... a dû contester en justice les décisions de la MSA et s'est vu priver pendant plusieurs mois des revenus qu'elle-aurait dû percevoir. Une telle attitude de la MSA est fautive et justifie l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 ¿.
Alors que en admettant qu'une telle condamnation soit prononcée au profit de Mme X..., la cassation a intervenir sur le fondement des premier et deuxième moyens de cassation ou de l'un d'eux seulement entraînera par voie de conséquence la cassation de ce chef de condamnation, par application de l'article 624 du code de procédure civile.
Alors, d'autre part, que la Cour d'appel ayant retenu de l'article D.724-9 du code rural et de la pêche maritime une interprétation différente de celle du jugement qui lui était déféré, ne pouvait retenir à faute à l'encontre de la MSA d'« ignorer les dispositions de l'article D.724-9 » ; qu'en outre la MSA faisait valoir qu'elle avait agi conformément à l'avis de la cellule nationale de reprise de la Caisse Centrale de Mutualité Sociale Agricole qui avait considéré à l'examen de ce dossier et d'autres dossiers faisant apparaître les mêmes connivences entre les mêmes personnes et présentant la même question à juger qu'il y avait une « présomption » évidente de fraude ; que par suite, agissant dans le cadre de la mission de service public dont elle est investie, la Caisse de Mutualité Sociale Agricole faisant application d'un texte qui prête à des interprétations divergentes, ainsi que l'illustre la présente espèce, et usant de son droit d'appel, n'avait pas une « attitude fautive » qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 559 du code de procédure civile.