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11/02/2014 | FRANCE | N°13-10067

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 février 2014, 13-10067


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., agissant en qualité de trésorier de l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés des Vosges (l'association), a ouvert un compte-titres dans les livres de la société Caisse d'épargne des Pays lorrains (la caisse) afin d'y placer les fonds de cette association ; que le cours des titres s

ouscrits ayant baissé, l'association a recherché la responsabilité de M...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., agissant en qualité de trésorier de l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés des Vosges (l'association), a ouvert un compte-titres dans les livres de la société Caisse d'épargne des Pays lorrains (la caisse) afin d'y placer les fonds de cette association ; que le cours des titres souscrits ayant baissé, l'association a recherché la responsabilité de M. X... qui, par une décision devenue définitive, a été condamné à réparer son préjudice ; que M. X... a assigné la Caisse en garantie de cette condamnation ;
Attendu que pour condamner la caisse à garantir M. X... de sa condamnation à payer à l'association la somme de 109 912,14 euros en réparation de son préjudice financier, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il appartient à une banque, lors de l'ouverture du compte d'une personne morale, de vérifier la conformité des pouvoirs de ses représentants à la loi et aux statuts de cette personne morale puis relevé que ceux de l'association ne donnaient pas au trésorier le pouvoir d'ouvrir un compte et ne lui confiaient pas davantage un mandat général de gestion de ses finances, retient que la Caisse s'est abstenue de vérifier que M. X... avait été dûment habilité pour effectuer les opérations de placement litigieuses et que ce manquement de la caisse à son devoir de vigilance a eu pour effet de permettre à M. X..., sans habilitation pour ce faire, d'engager la trésorerie de l'association sur des placements qui se sont avérés malheureux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle retenait que M. X... avait outrepassé ses pouvoirs en souscrivant les placements litigieux, ce dont il résultait qu'il avait contribué à la réalisation du préjudice financier subi par l'association et ne pouvait, en conséquence, être relevé par la caisse de l'intégralité de sa condamnation à réparer ce préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Lorraine Champagne-Ardenne
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Caisse d'Epargne à garantir Monsieur Guy X... de sa condamnation à payer à l'ADAPEI des Vosges la somme de 109.912,14 euros, en réparation de son préjudice financier ;
AUX MOTIFS QU'il appartient à la banque, lors de l'ouverture du compte bancaire d'une personne morale, de vérifier la conformité des pouvoirs de ses représentants à la loi et aux statuts de cette personne morale ; qu'en l'espèce, Monsieur Guy X... a, le 15 février 2000, en sa qualité de trésorier de l'ADAPEI, ouvert dans les livres de la Caisse d'Epargne un compte-titre et a signé le même jour les ordres de souscription de divers OPCVM ; que suivant les statuts de l'ADAPEI alors en vigueur, « le trésorier assure la vérification des listes d'adhérents et le recouvrement des cotisations ; qu'il exécute les dépenses, procède à l'encaissement des recettes, dirige la comptabilité de l'association » ; que les statuts ainsi rédigés ne donnaient pas au trésorier le pouvoir d'ouvrir un compte au nom de l'association et ne lui confiaient pas davantage un mandat général de gestion des finances de l'association, le seul pouvoir d'exécuter les dépenses et de procéder à l'encaissement des recettes n'emportant pas le pouvoir de définir et de mettre en oeuvre une stratégie d'investissement des avoirs disponibles ; que dès lors, il appartenait à la banque, sans que cela constitue une immixtion dans les affaires de sa cliente, de s'assurer que Monsieur Guy X... avait reçu de l'organe associatif compétent le pouvoir d'ouvrir un compte titre et d'y placer la trésorerie de l'association en OPCVM ; qu'il n'est pas contesté que la Caisse d'Epargne s'est abstenue de vérifier que Monsieur Guy X... avait été dûment habilité pour effectuer les opérations de placement litigieuses ; que le devoir de vigilance de la banque quant aux pouvoirs de Monsieur Guy X... devait être exercé avec d'autant plus de sérieux et d'exigence que celui-ci engageait les finances d'une institution à but non lucratif pour des montants importants et, pour l'essentiel, sur des produits financiers risqués ; que le manquement de la Caisse d'Epargne à son devoir de vigilance a eu pour effet que Monsieur Guy X... a pu, sans habilitation pour ce faire, engager la trésorerie de l'association sur des placements qui se sont avérés malheureux, puisque non seulement les fonds placés n'ont même pas produit le rendement attendu d'un placement de bon père de famille, mais le capital lui-même a été sévèrement diminué ; que la faute de la banque ainsi caractérisée justifie qu'elle garantisse Monsieur Guy X... de la condamnation prononcée contre lui à hauteur du montant de l'indemnité de 109.912,14 euros correspondant au préjudice financier subi par l'ADAPEI ; qu'en revanche, Monsieur Guy X... doit être débouté de sa demande de garantie en ce qu'elle porte sur l'indemnité de 1.000 euros pour préjudice moral, cette indemnité venant compenser le préjudice non matériel qu'il a causé à l'ADAPEI par sa faute personnelle ; qu'il doit être également débouté de sa demande de garantie portant sur l'indemnité de 2.000 euros à laquelle il a été condamné sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, car la procédure diligentée contre lui par l'ADAPEI n'était pas due exclusivement au fait de la Caisse d'Epargne ;
ALORS QUE, D'UNE PART, si l'établissement financier qui contracte avec une personne morale ou juridique est tenu de vérifier, notamment au regard des statuts de cette personne morale, l'étendue des pouvoirs dont disposent ses représentants et si elle est dès lors susceptible d'engager sa responsabilité, pour défaut de vérification, à l'égard de son client ou des tiers auxquels cette négligence aurait causé préjudice, le mandataire lui-même, qui a outrepassé les pouvoirs qui lui étaient conférés, est en revanche mal fondé, sauf circonstances très particulières non caractérisées en l'espèce, à se prévaloir à l'égard de la banque de sa propre faute pour prétendre à sa condamnation à le relever des condamnations qui ont pu être prononcées contre lui au profit de la personne morale ; qu'en statuant comme elle le fait, la Cour viole l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1989 du même Code ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, la banque ne pouvait être condamnée à garantir Monsieur X... des condamnations mises à sa charge au profit de l'ADAPEI des Vosges que si pouvait être établi un lien de causalité direct et certain entre le défaut de vérification imputée à la Caisse d'Epargne et cette condamnation ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas des motifs mêmes de l'arrêt précédemment rendu par la Cour d'appel de Nancy au profit de l'ADAPEI le 31 mai 2011, que les juges avaient alors considéré qu'il ne pouvait être reproché à Monsieur X... d'avoir excédé ses pouvoirs (cf. les dernières conclusions de la Caisse d'Epargne, p.5), ce dont il s'évinçait que la condamnation prononcée contre lui ne puisait pas sa cause dans un dépassement de pouvoirs et qu'aucun lien de causalité ne pouvait dès lors être retenu entre le défaut de vérification imputé à la banque et la condamnation à réparer le préjudice financier de l'Association qui avait été prononcée contre Monsieur X..., la Cour prive son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ce faisant violé ;
ET ALORS QUE, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, lorsqu'un même dommage ou ensemble de dommages procède d'une pluralité de fautes, la répartition entre chacun des co-responsables de la charge définitive de la réparation s'opère en considération de la gravité de leurs fautes respectives, et non point chef de préjudice par chef de préjudice ; qu'il s'infère des constatations mêmes de l'arrêt que Monsieur Guy X... qui, selon la Cour, aurait outrepassé les pouvoirs statutaires qui étaient les siens en souscrivant les placements litigieux et en exposant l'Association ADAPEI, en raison du choix de ses placements, à un risque spéculatif, avait nécessairement contribué, pour une part essentielle, à la réalisation du préjudice financier subi par l'ADAPEI dont la réparation a été mise à sa charge par l'arrêt du 31 mai 2011 ; qu'il s'ensuit qu'il ne pouvait prétendre être relevé de l'intégralité de cette condamnation par la banque ; qu'en décidant le contraire, pour ne laisser à la charge de Monsieur X... que les condamnations accessoires prononcées contre lui au titre de la réparation du préjudice moral de l'Association ainsi qu'au titre des frais irrépétibles, la Cour viole l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 1213 et 1251 du même Code.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-10067
Date de la décision : 11/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 11 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 fév. 2014, pourvoi n°13-10067


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10067
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