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04/02/2014 | FRANCE | N°13-11241

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 février 2014, 13-11241


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 mars 2010, n° 09-13. 151), que le 15 avril 1993, Mme X...a conclu une convention de courtage commercial, plaçant son activité de négoce de meubles sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux ; que le 20 janvier 1995, l'administration fiscale lui a notifié un redressement remettant en cause

ce régime d'imposition au profit, compte tenu de la nature de l'activit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 mars 2010, n° 09-13. 151), que le 15 avril 1993, Mme X...a conclu une convention de courtage commercial, plaçant son activité de négoce de meubles sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux ; que le 20 janvier 1995, l'administration fiscale lui a notifié un redressement remettant en cause ce régime d'imposition au profit, compte tenu de la nature de l'activité exercée, de celui des bénéfices non commerciaux ; que les juridictions administratives, saisies par Mme X..., ont rejeté son recours contestant le redressement ; que le 31 janvier 2006, elle a assigné M. Y..., expert-comptable, chargé de l'établissement de ses déclarations fiscales, en réparation de son préjudice, lui reprochant un manquement à son obligation de conseil ;
Attendu que, pour condamner M. Y...à payer à Mme X...la somme de 17 628, 91 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elle ne démontre pas qu'elle aurait pu obtenir l'accord de la société Relaxo pour travailler avec elle en tant que courtier, de façon à relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux et à pouvoir bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts et en déduit que ce n'est donc pas en raison du manquement de M. Y...à son obligation de conseil, qu'elle a été privée d'une chance de bénéficier d'une telle exonération ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le manquement de M. Y...à son obligation de conseil avait privé Mme X...d'une chance d'obtenir de la société Relaxo l'accord qui lui aurait permis de bénéficier de l'exonération litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X...la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 17. 628, 91 ¿ le montant des dommages et intérêts dus à Mme Françoise X...par M. Marc Y...;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas discuté entre les parties que Marc Y...n'est intervenu ni dans la préparation de la convention de courtage du 15 avril 1993 ni dans sa rédaction ; que Françoise X...n'établit pas avoir expressément consulté Marc Y...pour l'adoption de ce type de contrat avec pour finalité de bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexes du code général des impôts ni qu'il l'ait conseillée à ce sujet, ne procédant sur ce point que par voie d'allégations ; que Françoise X...n'établit pas davantage que le choix du régime fiscal a été fait par Marc Y...alors que non seulement ce denier le conteste mais qu'également les conclusions de l'intimée comportent des contradictions sur ce point : que si, en page 4 de ses conclusions, elle indique que le choix du régime fiscal a été opéré par Marc Y..., en pages 11 et 12 elle indique qu'elle entendait bénéficier du régime des bénéfices industriels et commerciaux, prévoyant une exonération fiscale pour création d'entreprise et que le « choix de ce régime fiscal était délibéré de sa part » ; que la mission de Marc Y...a donc consisté à établir les déclarations fiscales de Françoise X..., mission dans le cadre de laquelle Françoise X...lui reproche un manquement à son devoir de conseil et d'information ; qu'il appartient dès lors à Marc Y...de démontrer qu'il s'est acquitté de cette obligation ; que Marc Y...a déclaré les revenus de Françoise X...au titre des bénéfices industriels et commerciaux, régime qu'elle avait choisi, sans attirer l'attention de sa cliente sur l'inadéquation de l'option fiscale au regard de son statut réel d'agent commercial ¿ compte tenu des clauses de la convention du 15 avril 1993 ¿ et sans la mettre en garde sur le risque fiscal en découlant ; qu'en effet, Marc Y...a effectivement consulté le 22 février 1994 un cabinet d'avocats, l'objet de la consultation écrite étant intitulé « contrat Relaxo » ; que la consultation de Marc Y...avait pour objet de parvenir à transformer le contrat d'agent commercial de Françoise X...en contrat de courtage ; que l'avocat consulté, Maître Z..., qualifiait de périlleux la transformation de ce contrat et insistait sur la nécessité de bien informer Mme X...des conséquences de son choix sur le plan juridique ; que toutefois, Marc Y...n'établit pas qu'à réception de ce courrier, il l'a porté à la connaissance de Françoise X...alors que celle-ci indique en avoir eu connaissance dans le cadre du seul contentieux fiscal ; que le manquement de Marc Y...à son obligation de conseil est donc établi ; que Françoise X...réclame en premier lieu la condamnation de Marc Y...à lui payer la somme de 18. 245, 86 ¿ correspondant aux impositions supplémentaires pour les années 1993 et 1994 résultant de la suppression des abattements « centres ou associations agréés », non repris selon elle compte-tenu du redressement fiscal opéré et aux pénalités de retard pour les années 1993, 1996, 1997 et 1998 ; qu'en raison de la faute de l'expert-comptable, Françoise X...a perdu la chance d'adhérer à un centre ou association agréés au titre des années 1993 et 1994, de nature à lui procurer une économie d'impôts pour les années en cause de 4. 355, 47 ¿ et de 7. 983, 60 ¿, au vu des avis d'imposition qu'elle produit ; qu'au vu des éléments dont la cour dispose ¿ la volonté de Françoise X...étant d'obtenir des exonérations fiscales ¿ la perte de chance subie, très importante, doit être évaluée à 95 %, soit la somme de 11. 722, 12 ¿ (4. 335, 47 ¿ + 7. 983, 60 ¿) x 95 %) ; que le préjudice subi par Françoise X...correspond en outre au montant des pénalités au titre des années 1993, 1996, 1997 et 1998, qu'elle n'aurait pas réglées en l'absence de faute de Marc Y..., soit la somme de 5. 906, 79 ¿ ; que Françoise X...réclame ensuite la condamnation de Marc Y...à lui payer la somme de 101. 287 ¿ correspondant aux impositions supplémentaires résultant de la suppression de l'exonération « entreprise nouvelle » ; que pour rejeter la demande de décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 ainsi que des pénalités y afférentes, la cour administrative d'appel de Douai a considéré qu'aux termes de la convention du 15 avril 1993, Françoise X...devait se conformer aux instructions préalablement à la conclusion des marchés par la société Relaxo et que les factures des ventes apportées par Françoise X...étaient rédigées au nom de la société Relaxo qui pouvait lui imposer ses principales options commerciales, que dans ces conditions Françoise X...n'exerçait pas une activité de commissionnaire traitant en son nom personnel, que n'exerçant pas une activité de courtier mais d'agent commercial, elle n'exerçait pas une activité commerciale et ne pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ; que Françoise X...soutient devant la cour que si elle avait été mieux informée, elle aurait adopté le statut de courtier et non celui d'agent commercial et qu'elle aurait en conséquence bénéficié de l'exonération fiscale ; que Marc Y...fait observer à juste titre que Françoise X...se contente d'indiquer qu'elle aurait procédé différemment sans préciser les autres choix qui s'offraient à elle ; que Françoise X...ne démontre donc pas dans ces conditions que mieux informée, elle aurait pu obtenir l'accord de la société Relaxo pour travailler avec elle en tant que courtier, de façon à relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux et à pouvoir bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ; que ce n'est donc pas en raison du manquement de Marc Y...à son obligation de conseil, que Françoise X...a été privée d'une chance de bénéficier d'une telle exonération et qu'elle ne peut dans ces conditions prétendre au paiement de la somme de 101. 287 ¿ ; que Françoise X...demande enfin la condamnation de l'expert-comptable à lui payer la somme de 6. 959, 40 ¿ correspondant aux frais d'avocat qu'elle a exposés au titre de la contestation des redressements fiscaux ; que c'est à juste titre que le tribunal a écarté cette demande ; qu'en effet, Françoise X...a fait choix de contester devant le tribunal administratif puis devant la cour administrative d'appel les redressements effectués par l'administration fiscale, contestations qui n'ont pas abouti ; qu'elle ne saurait dès lors faire supporter à Marc Y...les conséquences de ses contestations infondées ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond doivent rechercher, en cas de manquement du professionnel à son obligation de conseil, si une solution alternative était envisageable et si, dûment informé, le client aurait opté pour cette soluton plus favorable à ses intérêts ; qu'en affirmant que « Marc Y...fait observer à juste titre que Françoise X...se contente d'indiquer qu'elle aurait procédé différemment sans préciser les autres choix qui s'offraient à elle » (arrêt attaqué, p. 6 § 4), tout en constatant que « Françoise X...soutient devant la cour que, si elle avait été mieux informée, elle aurait adopté le statut de courtier et non celui d'agent commercial et qu'elle aurait en conséquence bénéficié de l'exonération fiscale » (arrêt attaqué, p. 6 § 3), ce dont il s'évinçait que Mme X...précisait l'autre choix qui s'offrait à elle, qui aurait consisté à adopter le statut de courtier si elle avait été mieux informée par M. Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1147 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses écritures d'appel (conclusions signifiées le 8 avril 2011, p. 11 à 13), Mme X...faisait clairement valoir que, dûment informée, elle aurait fait le choix d'une « vraie convention de courtage » pour bénéficier du régime des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'en affirmant dès lors que M. Y...soutenait « à juste titre » que Mme X...ne précisait pas les autres choix qui s'offraient à elle (arrêt attaqué, p. 6 § 4), cependant que ce choix était clairement exposé dans les écritures de l'intéressée, la cour d'appel a dénaturé ces écritures, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE lorsque, nonobstant le manquement avéré du professionnel à son obligation de conseil, il n'est pas certain que le client aurait mis en oeuvre la solution alternative dont il n'a pas été informé, la réparation intervient sur le fondement de la perte de chance ; qu'en estimant que Mme X...ne démontrait pas « qu'elle aurait pu obtenir l'accord de la société Relaxo pour travailler avec elle en tant que courtier, de façon à relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux et à pouvoir bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts » (arrêt attaqué, p. 6 § 5), ce dont elle a déduit que « ce n'est donc pas en raison du manquement de Marc Y...à son obligation de conseil, que Françoise X...a été privée d'une chance de bénéficier d'une telle exonération » (arrêt attaqué, p. 6 § 6), cependant que c'était précisément parce que demeurait incertaine la réponse qu'aurait faite la société Relaxo à la demande de Mme X...tendant au bénéfice du statut de courtier, qu'il y avait place pour une indemnisation de la victime sur le fondement de la perte de chance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-11241
Date de la décision : 04/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 12 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 fév. 2014, pourvoi n°13-11241


Composition du Tribunal
Président : M. Petit (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11241
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