LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point (la Sebdo), reprochant à M. X... d'avoir, depuis 2006, repris intensivement plusieurs de ses articles sur son site internet, a fait assigner celui-ci ainsi que l'éditeur de son site, la société The Web Family, en contrefaçon de droits d'auteur et de marques, et concurrence déloyale ;
Attendu que pour condamner la société The Web Family au paiement de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour des faits de concurrence déloyale et parasitaire, l'arrêt, après avoir admis que les remarques critiques accompagnant les reprises d'informations litigieuses correspondent à une liberté de ton en usage sur internet excluant qu'elles aient pour objet de jeter le discrédit sur un concurrent, relève que l'indication de la source de ces reprises d'informations ne suffit pas à autoriser le pillage quasi systématique des informations du journal Le Point, lesquelles sont nécessairement le fruit d'un investissement humain et financier considérable et retient l'existence d'un comportement parasitaire lui ayant permis de tirer profit des efforts de ce journal et de son site internet, en imitant son produit avec suffisamment de différences pour éviter le plagiat, notamment en modifiant les titres des brèves et articles repris, en vue de s'approprier illégitimement une notoriété préexistante sans développer d'efforts intellectuels de recherches et d'études et sans les engagements financiers qui lui sont normalement liés ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté de la société The Web Family de s'inscrire dans le sillage de la société Sebdo, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de sattuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société The Web Famiy a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point et l'a condamnée à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 9 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société The Web Family la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société The Web Family
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, dit que la société The Web Family a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la Société d'Exploitation de l'Hebdomadaire Le Point (SEBDO) et de l'avoir condamnée à lui payer une somme de 50. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts,
AUX MOTIFS QUE les reprises d'informations émanant du journal Le Point et de son site internet www. lepoint. fr telle qu'elles résultent des nombreux extraits versés aux débats par la société Sebdo offrent au site www.jeanmarc
X.... com une matière non négligeable sans laquelle les digressions personnelles de l'auteur des textes ne pourraient aussi bien prospérer ; que d'autre part, il ne suffit pas d'ouvrir une brève par la mention « selon le journal Le Point ¿ » pour s'autoriser le pillage quasi systématique des informations de cet organe de presse sur les médias, lesquelles sont nécessairement le fruit d'un investissement humain et financier considérable ; qu ¿ en se permettant cette facilité sur le site qu'elle publie, la société The Web Family s'épargne la charge de cet investissement et en tire un profit réel puisqu'elle bénéficie de nombreux encarts publicitaires dont il est permis d'affirmer que les informations puisées notamment auprès du journal Le Point et de son site www. lepoint. fr sont pour partie à l'origine des recettes induites ; que la société The Web Family adopte ainsi un comportement parasitaire lui permettant de tirer profit des efforts du journal Le Point et de son site Internet, en imitant son produit avec suffisamment de différences pour éviter le plagiat, notamment en modifiant les titres des brèves et articles repris, tendant ainsi à s'approprier illégitimement une notoriété préexistante sans développer d'efforts intellectuels de recherches et d'études et sans les engagements financiers qui lui sont normalement liés ; qu ¿ en détournant ainsi délibérément des recettes auxquelles la société Sebdo aurait pu légitimement prétendre, la société The Web Family a commis une faute génératrice pour cette société d'un préjudice économique certain ; que les faits de concurrence déloyale sont donc établis ; que les faits de concurrence déloyale préjudiciables à l'image du Point étant établis, les observations aigre-douce qui ont été échangés entre l'hebdomadaire et le site www. jeanmarcmorandini. com traduisent l'exaspération de l'hebdomadaire à cet égard, révélatrice de l'étendue de son préjudice ; que ces éléments permettent à la cour de disposer d'éléments lui permettant de fixer à la somme de 50. 000 ¿ les réparations qui seront mises à la charge de la société The Web Family ;
1° ALORS QUE le fait pour un organe de presse d'évoquer sans plagiat des informations publiées par d'autres organes de presse, en prenant soin de préciser l'identité de ses sources, ne constitue pas un comportement parasitaire ; que la cour d'appel a constaté que la société The Web Family avait repris les informations émanant du journal « Le Point » et du site internet www. lepoint. fr en précisant la source de ces informations et en les présentant dans des articles comportant « suffisamment de différences pour éviter le plagiat » ; que ces circonstances étaient exclusives de toute volonté de la société The Web Family de s'inscrire dans le sillage de la société SEBDO, donc de parasitisme ; qu'en jugeant que, nonobstant ces circonstances, la société The Web Family avait commis des actes de parasitisme, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2° ALORS QUE la société The Web Family faisait valoir que les informations reprises du Point ne constituaient qu'une infime partie de celles qu'elle diffusait sur son site, cependant que la reprise d'articles de confrères correspondait à son travail de revue de presse ; qu'en se bornant à constater que la société The Web Family avait repris de « nombreux extraits » d'articles émanant du journal Le Point ou de son site internet pour en déduire qu'elle avait procédé à un « pillage quasi systématique » des informations de ces organes de presse, la cour d'appel, qui a procédé par voie de simple affirmation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3° ALORS QUE la société The Web Family faisait valoir que la reprise partielle d'informations contenues dans les articles du journal « Le Point » et du site internet www. lepoint. fr ne pouvait être considérée comme un procédé déloyal dès lors que cette reprise avait été autorisée et favorisée par la société SEBDO qui lui adressait, par l'intermédiaire de son agence de communication, par voie de courriers électroniques, des informations relatives aux articles publiés, parfois même avant la parution du journal ou leur publication sur le site, dans le but d'inciter la société The Web Family à faire état de ces articles sur son site internet (conclusions, page 47, § 5 à 8) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.