LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 315-2-1 du code de l'urbanisme, applicable à la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juillet 2012), que M. X..., propriétaire depuis le 15 décembre 2004, d'une maison individuelle située dans un lotissement dénommé " Les Hauts de Bandol ", créé par arrêté préfectoral du 16 mars 1977, a réalisé des travaux d'extension de sa maison après obtention d'un permis de construire ; que MM. Y... et Z..., critiquant la conformité de la construction au règlement du lotissement, ont, après expertise, assigné M. X... en démolition de la nouvelle construction sous astreinte et en indemnisation ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que le règlement du lotissement intégrait des normes restrictives spécifiques, d'où il résulte que ce règlement avait bien en partie au moins, une valeur contractuelle, et que les colotis avaient obtenu le maintien de dispositions de ce règlement ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la volonté des colotis de donner une valeur contractuelle aux dispositions du règlement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne MM. Y... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur X... avait violé, par l'extension réalisée de sa villa, les règles contractuelles opposables à l'ensemble des co-lotis, d'avoir ordonné sous astreinte la démolition de l'extension réalisée par lui, d'avoir condamné Monsieur X... à payer à titre de dommages et intérêts les sommes de 16. 000 euros au profit de Monsieur Antoine Y... et de 13. 000 euros au profit de Monsieur Jean-Jacques Z..., outre aux mêmes la somme totale de 7. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure, ainsi que les dépens ;
1°/ Aux motifs propres, sur la nature juridique du règlement de lotissement, que Monsieur Youri X... soutient en premier lieu que ce règlement qui constitue un document facultatif annexé à l'autorisation de lotir a une nature réglementaire contrairement au cahier des charges qui aurait seul une nature contractuelle ; qu'une telle conception est battue en brèche par cette considération issue de la Loi et d'ailleurs admise par Monsieur Youri X... qui s'en prévaut, qu'un tel règlement cesserait de recevoir application au terme d'un délai de dix ans à compter de l'autorisation, sauf volonté contraire des co-lotis ; qu'en l'espèce le règlement intégrait des normes restrictives spécifiques et notamment quant au caractère unique de la construction sur chaque lot, à l'obligation pour chaque construction de s'inscrire à l'intérieur des zones d'implantation figurant sur le plan et encore à l'obligation, dans le but de préserver l'harmonie architecturale, l'intégration au site et le parti de composition du projet, de faire viser par un architecte coordinateur désigné par le lotisseur ou à défaut choisi par l'association syndicale, chaque demande de permis de construire, d'où il résulte que ce règlement avait bien, en partie tout au moins, une nature contractuelle ; que cette partie contractuelle est confirmée par les actes de vente et notamment celui de Monsieur Youri X... qui rappelle les divers documents réglementant le lotissement « Les Hauts de Bandol » et stipule que l'acheteur reconnaît avoir pris connaissance de tous les documents (...) et sera tenu d'en exécuter toutes les stipulations charges et conditions en tant qu'elles s'appliquent au bien vendu, d'où il résulte que les clauses contractuelles du règlement du lotissement lui sont opposables ;
Alors, de première part, que les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement ont valeur réglementaires et cessent de s'appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir ; qu'en retenant la nature contractuelle du règlement de lotissement litigieux au constat inopérant que les dispositions litigieuses, contenues dans le règlement du lotissement « Les hauts de Bandol » approuvé par l'arrêté préfectoral en date du 16 mars 1977, imposeraient des dispositions d'urbanisme restrictives, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 442-9 du Code d'urbanisme ;
Alors, de deuxième part, que la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel ; qu'en retenant la nature contractuelle du règlement de lotissement litigieux au constat inopérant que les actes de vente et notamment celui de Monsieur Youri X... rappelaient les divers documents réglementant le lotissement « Les Hauts de Bandol » et stipulaient que l'acheteur reconnaissait avoir pris connaissance de tous les documents et serait tenu d'en exécuter toutes les stipulations charges et conditions, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 111-5 et L. 442-9 du Code d'urbanisme ;
2°/ Aux motifs propres, sur le maintien du règlement de lotissement, que monsieur Youri X... invoque l'article L. 442-9 du Code de l'urbanisme selon lequel les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir (...) sauf si les co-lotis ont sollicité leur maintien à certaines conditions de majorité, pour en déduire, tout d'abord, le lotissement ayant été autorisé le 16 mars 1977, que la délibération d'assemblée générale des co-lotis dont se prévalent les intimés, postérieure au 17 mars 1987, serait inopérante parce que tardive, en second lieu qu'elle ne révèle pas une volonté expresse et non équivoque, en troisième lieu qu'il ne serait précisé ni la date de consultation des co-lotis, ni l'arrêté municipal entérinant le dit maintien, seuls documents, selon lui, de nature à produire des effets juridiques quant au maintien des règles d'urbanisme à l'expiration du délai de dix ans ; que cependant il est justifié (ce qui avait déjà été fait devant l'expert et lui avait permis de conclure comme il l'a fait) de la décision (votée à l'unanimité moins une abstention) de maintien des règles du règlement initial par une assemblée générale des co lotis de l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement Les Hauts de Bandol réunie le 24 octobre 1987, étant observé que le texte instituant la caducité des règles du lotissement n'étant entré en vigueur que le 8 juillet 1988, le délai de dix ans qu'il impose à cette date ne pouvait rétroagir au 24 octobre 1987, date de la décision ; que, par ailleurs, l'article L. 442-9 prévoit que lorsque le maintien des règles du règlement a été demandé, elles ne cessent de s'appliquer qu'après décision expresse de l'autorité compétente prise après enquête publique, ce dont il n'est pas justifié en l'espèce où, cependant, il est justifié de ce que l'autorité administrative avait connaissance de ce maintien comme cela résulte notamment d'un arrêté du maire de Bandol pris au profit de Monsieur Youri X... autorisant la restructuration des lots 16 à 18 du lotissement Les Hauts de Bandol lequel précise que toutes les règles contenues ou induites par le règlement du lotissement approuvé sont et demeurent inchangées ;
Alors, de troisième part, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 315-2-1, devenu l'article L. 442-9, du Code de l'urbanisme, confirmés par les travaux préparatoires, que ses dispositions sont applicables notamment, dans les conditions qu'elles fixent, aux lotissements qui, à cette date, avaient fait l'objet d'une autorisation de lotir délivrée depuis plus de dix ans ; qu'en refusant de faire application de cette disposition au règlement du lotissement les « Hauts de Bandol » qui avait été approuvé en date du 17 mars 1977 et qui était donc devenu caduc en date du 18 mars 1987 sans qu'une assemblée générale des co-lotis en date ultérieure du 24 octobre 1987 puisse valablement décider de son maintien, la Cour d'appel a violé les articles 2 du Code civil, L. 315-2-1, devenu l'article L. 442-9, du Code de l'urbanisme et R. 315-44-1 de ce même Code, pris de sa rédaction issue du décret en date du 14 mars 1986 ;
Alors, de quatrième part, qu'en considérant que l'assemblée générale des co-lotis en date du 24 octobre 1987 caractérisait l'existence d'une décision expresse et non-équivoque de maintenir le règlement de lotissement litigieux en dépit de ce que le compte-rendu de cette assemblée générale se bornait à indiquer que les co-lotis avaient voté une simple « demande d'accord à la mairie » aux fins d'en obtenir le maintien, ce qui validait tout au plus une décision conditionnelle en ce sens et non une volonté expresse et non-équivoque découlant de l'article L. 442-9 du Code de l'urbanisme, la Cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ce document de la cause en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°/ Aux motifs, implicitement repris des premiers juges, sur les manquements au règlement de lotissement, qu'il résulte de l'expertise de Monsieur A... désigné au contradictoire des parties, que la restructuration des lots 88 et 89 va dans la sens d'une diminution de l'emprise et d'une diminution de la SHON telle qu'issues du règlement d'origine maintenu et du modificatif du 27 avril 2004, que la construction X... n'est donc pas conforme au règlement de lotissement ni au modificatif du 27 avril 2004 (alors qu'elle est bien conforme au permis et au POS en vigueur) : de par son implantation qui sort de la zone d'implantation du plan de masse du lotissement du 16 mars 1977, d'environ 1, 77 mètres, elle n'est pas permise par l'arrêté modificatif du 27 avril 2004 restructurant les lots 16, 17, 18 en deux lots 88 et 89, elle n'est pas permise par cet arrêté qui n'a pas réparti l'emprise des lots 16 et 18 entre les deux nouveaux lots créés 88 et 89 et qui ne laisserait à Monsieur X... qu'une possibilité d'extension de 16, 69m2 au lieu des 163, 32 m2 construits ; qu'en conclusion, le permis de construire délivré à Monsieur X... heurte les dispositions contractualisées du règlement de lotissement dans sa version modifiée ;
Alors, de cinquième, part qu'en se bornant à constater que l'arrêté de lotir modificatif en date du 27 avril 2004 n'avait pas expressément modifié la SHON et les polygones d'implantation des lots de Monsieur X..., sans rechercher, comme elle y était dûment invitée, si la réunion de trois lots contigus n'avait automatiquement conduit à la modification des polygones d'implantation et à l'augmentation de la surface SHON, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134, 1147 du Code civil et L. 442-9 et L. 480-13 du Code de l'urbanisme ;
4°/ Aux motifs propres, sur la démolition de la construction litigieuse, qu'il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge a ordonné la démolition qui s'impose en effet, cette circonstance que le permis de construire n'a pas été annulé étant indifférente dès lors que c'est sur le fondement d'une violation des règles contractuelles du règlement qu'elle est demandée, cette violation étant constituée, comme l'a justement relevé le premier juge, notamment par le non respect des zones d'implantation des constructions ;
Alors, de sixième part, que lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative ; qu'en ordonnant la démolition de la construction litigieuse de Monsieur X... après avoir constaté que celle-ci était non conforme aux dispositions du règlement de lotissement prétendument maintenu et qui ne disposait donc plus que d'une valeur contractuelle et non plus règlementaire, la Cour d'appel a méconnu la portée légale de ses propres constatations en violation de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme ;
Alors, de septième part, que lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative ; qu'en ordonnant la démolition de la construction litigieuse de Monsieur X... sans avoir préalablement constaté l'existence d'une décision administrative annulant le permis de construire litigieux, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme ;
5°/ Aux motifs propres, sur la réparation du préjudice de jouissance, que c'est également à juste titre que le premier juge, relevant pertinemment que l'extension critiquée était à l'origine d'une perte de vue sur la mer pour Monsieur Jean-Jacques Z... et était à l'origine d'une création de vue plongeante sur la villa de Monsieur Antoine Y..., a condamné Monsieur Youri X... à paiement de dommages et intérêts, étant toutefois observé qu'il ne s'agit pas là d'un préjudice moral, mais d'un préjudice de jouissance et que, compte tenu de son ampleur telle qu'elle se déduit du rapport d'expertise de Monsieur A..., des éléments de fait soumis aux débats ainsi que de la durée du trouble, il y a lieu de condamner Monsieur Youri X... à payer à Monsieur Antoine Y... la somme de 16. 000 euros et à Monsieur Jean-Jacques Z... celle de 13. 000 euros, étant précisé que ce trouble de jouissance s'entend de celui subi de la date d'édification de l'extension litigieuse à la date du présent arrêt ;
Alors, de huitième part, qu'en se bornant à indiquer que « les éléments de fait soumis aux débats » caractériseraient le préjudice de jouissance allégué par Messieurs Y... et Z..., sans préciser de quelles pièces soumises au débat contradictoire elle tenait les éléments retenus, la Cour d'appel a méconnu les exigences qui découlent de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, de neuvième part qu'en considérant que le préjudice de jouissance de « perte de vue sur la mer » de Monsieur Z... se déduisait du rapport d'expertise de Monsieur A... en dépit de ce qu'il avait expressément consigné dans son rapport que « la vue sur la mer n'est pas complètement supprimée mais réduite par l'extension litigieuse » (rapport de l'expert en date du 2 février 2010, p. 21, point 5. 8. 3), la Cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ce document de la cause en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
Alors, de dixième part qu'en considérant que le préjudice de jouissance lié à la vue plongeante de Monsieur X... sur la propriété de Monsieur Y... se déduisait du rapport d'expertise de Monsieur A... en dépit de ce qu'il avait expressément consigné dans son rapport que « les photographies montrent que la végétation existante peut être développée côté Y... pour assurer une bonne protection visuelle » (rapport de l'expert en date du 2 février 2010, p. 22, point 5. 8. 4), la Cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ce document de la cause en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;