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22/01/2014 | FRANCE | N°13-80009

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 janvier 2014, 13-80009


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Christian X...,- M. Pascal Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 30 octobre 2012, qui a condamné le premier, pour atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et le second, pour recel, à deux mois d'emprisonnement avec sursis chacun ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 décembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'articl

e 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Ract-Madoux, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Christian X...,- M. Pascal Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 30 octobre 2012, qui a condamné le premier, pour atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et le second, pour recel, à deux mois d'emprisonnement avec sursis chacun ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 décembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Ract-Madoux, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. X... auquel s'associe M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 121-3 et 432-14 du code pénal, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'atteinte à l'égalité dans les marchés publics et l'a condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs que l'affaire est venue à la suite de la dénonciation au parquet général de Montpellier, par un article de presse du journal La Semaine du Roussillon, d'une anomalie constatée dans le cadre de la passation d'un marché public de communication entre le conseil général des Pyrénées-Orientales et la société Synthèse ; qu'un marché à bons de commande avait été passé le 19 juillet 1999 et notifié à la société attributaire le 23 juillet 1999, un bon de commande n°1 avait été émis le juillet 1999, soit sept jours après la notification du marché, faisant état de soixante-neuf journées de travail ; qu'il ressort de l'information et des débats que, le 15 mars 1999, la commission permanente du conseil général a décidé d'autoriser le lancement d'une procédure d'appel d'offres au niveau européen en vue de la conclusion avec une société spécialisée en communication d'un marché à bons de commande qui permette de bénéficier de trois types de prestations :1- la définition des besoins du conseil général en matière de communication,2 - la mise en oeuvre des projets de communication et le choix de la stratégie la plus appropriée,3- la conception et l'exécution graphique des supports de communication ainsi que le suivi de leur fabrication ;que, le 5 juillet 1999, la commission d'appel d'offres a procédé à l'ouverture des plis et sur les onze entreprises soumissionnaires, en a retenu cinq ; que M. Z..., responsable du service "achats, marchés, domaine et assurance" du conseil général, a été chargé de rédiger un rapport dans lequel il lui était demandé de donner un avis motivé sur l'entreprise qui présentait, selon lui, les meilleurs critères pour se voir attribuer le marché ; que M. Z... a proposé la SARL Synthèse, entreprise la moins-disante, suivant le critère retenu à l'époque pour les marchés publics, et qui respectait l'un des critères du cahier des charges relatif à "la fourniture de références dans le secteur des collectivités locales et par rapport au département des Pyrénées- Orientales", l'entreprise choisie devant de fait justifier d'une expérience en matière de communication depuis au moins trois ans dans le département ; que le choix de la commission s'est donc naturellement porté sur la SARL Synthèse, et le marché a été officiellement signé le 19 juillet 1999 par le président du conseil général ; que le bon de commande n° 1 susvisé émis le 30 juillet 1999 et relatif à des prestations portant sur 69 journées de travail, a suscité deux types de questions :- alors qu'il avait été établi seulement sept jours après la notification du marché à laquelle il avait été procédé le 23 juillet 1999, la SARL Synthèse a émis la facture correspondante le 6 août 1999 et le certificat de paiement a été signé par l'ordonnateur, M. A..., dès le 10 août 1999, à une date à laquelle il était matériellement impossible pour la SARL Synthèse d'avoir effectué soixante-neuf journées de travail depuis la notification du marché dont elle n'avait eu connaissance que dix-huit jours auparavant ;- le relevé des factures émises par la SARL Synthèse depuis le début de l'année 1999 montre qu'au 31 mai 1999, le montant 300 000 francs, qui constituait, à l'époque, le seuil à partir duquel il était obligatoire de recourir à la procédure des marchés publics, était déjà pratiquement atteint puisque le montant cumulé des factures s'élevait à la somme de 299 088 francs ; qu'il ressort de ces éléments que le bon de commande n° 1 se rapportait, au moins pour partie, à des journées de travail et à des travaux effectués avant la conclusion du marché ; qu'ainsi, le marché public du 19 juillet 1999 n'apparaissait être qu'un marché de régularisation au profit de la SARL Synthèse, destiné à confirmer cette dernière en qualité d'unique interlocutrice du conseil général des Pyrénées-Orientales dans le domaine de la communication ; que, toutefois, le rapport d'expertise déposé en cours d'instruction par M. B... a confirmé que la procédure applicable aux marchés publics avait été respectée, et que l'appel d'offres était donc régulier d'un point de vue formel ; que, devant la cour, MM. X... et Y... contestent, comme ils l'avaient fait devant le tribunal, les infractions qui leur sont reprochées : sur le plan matériel, le rapport d'expertise a démontré que les règles applicables aux marchés publics avaient été suivies ; qu'il n'est pas établi que ce soit M. X... qui ait permis l'obtention du marché ; qu'aucun avantage illégitime n'a été accordé à Synthèse à partir du moment où les travaux ont été réalisés ; que, surtout, le seuil des marchés n'a pas été dépassé, au vu de la nomenclature des produits et travaux, ce qui signifie qu'il n'était pas nécessaire de recourir à un marché public ; qu'à partir du moment où il n'était pas nécessaire de recourir à la procédure des marchés publics pour l'obtention des prestations fournies par la SARL Synthèse au titre de la période incriminée, l'élément matériel de l'infraction fait défaut et il convient d'entrer en voie de relaxe tant en ce qui concerne l'infraction d'origine que le recel ; qu'en ce qui concerne la régularité de la passation du marché public, il n'est pas douteux que la procédure en vigueur a été respectée, puisqu'il est constant que le recours à une procédure d'appel d'offres au niveau européen a été autorisée par la commission permanente du conseil général, qu'un cahier des charges a été régulièrement établi, que la publicité nécessaire a été donnée, que la commission d'appel d'offres dûment réunie a rempli sa mission relative à l'ouverture des plis et que le service financier du conseil général a analysé les différentes candidatures présélectionnées ; qu'il apparaît pour autant que le recours à la procédure des marchés publics n'a pas été décidée ab initio mais après que des prestations pour un montant approchant le seuil des 300 000 francs en vigueur à l'époque ont été accomplies par la SARL Synthèse dont l'enquête et les débats ont démontré qu'elle était l'interlocutrice exclusive du conseil général dans le domaine de la communication, aucune des personnes auditionnées, y compris parmi le personnel du conseil général, n'ayant été en mesure de citer une autre entreprise intervenue dans ce domaine antérieurement ou concurremment avec la SARL Synthèse ; qu'ainsi, quand bien même la procédure inhérente aux marchés publics a été respectée en la forme, celui passé avec la SARL Synthèse, le 19 juillet 1999, n'apparaît être autre chose qu'un marché de régularisation destiné à permettre le règlement de factures dont la globalité excédait le seuil légal ; que MM. X... et Y... soutiennent qu'il convenait d'opérer une distinction entre les prestations de conseil en communication et les activités publicitaires dans la mesure où elles constituaient deux marchés distincts, et que le total des facturations propres à chacun de ces marchés n'excède pas le seuil de 300 000,00 francs, ce qui démontrerait que le recours à la procédure des marchés publics n'était pas nécessaire et que les poursuites contre les prévenus ne seraient pas fondées en l'absence de constitution de l'élément matériel de l'infraction ; qu'il apparaît, cependant, que la décision d'avoir recours à la concurrence a été décidée en toute connaissance de cause par le conseil général des Pyrénées-Orientales qui a vu en cette formalité le moyen d'obtenir une couverture légale lui permettant de régler a posteriori des factures de communication dont le montant dû à un prestataire unique excédait le seuil à partir duquel il était obligatoire, pour le donneur d'ordre, de recourir à la procédure des marchés publics, ce qui rend inopérantes les affirmations ultérieures des prévenus sur la prétendue inutilité du recours à ce procédé ; que l'élément matériel de l'infraction est par ailleurs établi en ce que, ainsi que l'a relevé le tribunal :- M. Y... a lui-même défini les besoins du marché de communication auprès de M. Z..., directeur du service achats et marchés, et de M. A..., directeur financier, et notamment le volume de prestations qui allait être l'essence de la délibération de la commission permanente du 15 mars 1999 appelée à décider de la procédure d'appel d'offres,- en procédant ainsi, il a été pratiqué à l'inverse de ce qui se fait habituellement, à savoir que les besoins en terme de communication n'ont pas été définis par le service utilisateur, mais par l'un des prestataires, celui, de surcroît, qui s'est vu in fine attribuer le marché,- le cahier des charges a inclus des critères discriminants non retenus par la délibération du 15 mars 1999, critères relatifs à la nécessité de justifier de trois ans d'ancienneté et d'une expérience dans les Pyrénées-Orientales, ce qui permettait de "fermer" le marché européen,- l'avantage illégitime est résulté de ce que le chiffre d'affaires de la société Synthèse avait progressé de 243 %, cette société devenant ensuite à 90 % partenaire du conseil général des Pyrénées-Orientales et de la région Languedoc-Roussillon ; qu'il convient d'ajouter que M. X... a expliqué être personnellement impliqué dans tout ce qui avait trait à la communication du conseil général ; qu'il a lui-même signé l'acte d'engagement de la SARL Synthèse, la demande de paiement de prestations antérieures et de nombreux bons de commande, alors qu'il soutenait avoir délégué ces tâches à son chef de cabinet, M. C... ; que, sur l'élément intentionnel, le tribunal a relevé, à juste titre, les relations d'amitié entretenues de longue date entre MM. X... et Y..., M. X... reconnaissant connaître M. Y... depuis 1994, époque ou M. Y... avait adhéré au parti socialiste dont il était lui-même le responsable départemental ; qu'il l'a connu en tant que militant, et reconnaît qu'ensuite leurs relations ont évolué vers de l'amitié ;
"et aux motifs adoptés que force est, néanmoins, de relever que si la procédure applicable aux marchés publics a officiellement été respectée, plusieurs distorsions sont constatées :- il est établi en amont par la fiche navette (scellé n° 19, D 266) que M. Y... a eu, le 4 mars 1999, un entretien avec M. Z..., puis avec M. A... permettant de définir un volume de prestations qui sera l'essence même de la délibération du 15 mars 1999, les déclarations de M. Z... (page 5, confrontation du 16 octobre 1999 (D 266)) fondant un cahier des charges « sur mesure » pour M. Y... (« puis il y avait de la prestation technique, sous-traitance ou pas selon ce que M. Y... était capable de faire »),- la délibération du 15 mars 1999 ne fait pas état de la nécessité d'avoir trois ans d'ancienneté et une expérience dans les Pyrénées-Orientales, critères discriminants permettant de fermer le marché européen nécessité par le montant de l'appel d'offres,- la procédure a été à l'inverse de ce qui se pratique habituellement, c'est-à-dire qu'au lieu d'interroger le service utilisateur du marché pour connaître ses besoins, il a été interrogé le futur bénéficiaire de celui-ci, afin qu'il définisse les besoins du service, - l'analyse des offres retenue à l'ouverture des plis du 5 juillet 1999, rédigée par M. Z..., a ensuite été modifiée par M. A..., dans un sens discriminant pour l'offre Amazone (mention pas de référence dans les Pyrénées-Orientales rajoutée), et valorisant pour Synthèse (la mention pas d'éléments fournis sur la valeur technique étant remplacée par celle « normale dans ce cadre »),que l'avantage illégitime est établi par la rupture de l'égalité nécessaire à tous marchés publics, et par le fait que le chiffre d'affaires de Synthèse a progressé de 243 %, cette société devenant ensuite à 90 % le partenaire des conseils généraux et régionaux des Pyrénées- Orientales ; que l'absence de dépassement de seuil ne peut non plus être invoquée, à partir du moment où, non seulement il a été fait le choix de soumettre cette prestation à marché public, mais aussi où, à lecture de la délibération du 15 mars 1999, on ne peut que noter l'absence de volonté de scinder les prestations par rapport à une nomenclature, mais, bien au contraire la volonté de globaliser le marché ; que l'audition de M. C..., directeur de cabinet de M. X..., alors président du conseil général a permis d'établir que M. Y... était un ami de longue date de celui-ci, et qu'il avait réalisé toutes ses campagnes électorales ; que M. Y... a lui même admis le connaître depuis 1994, date de son entrée au parti socialiste ; que MM. X... et Y... ont fait part à l'audience de leur «admiration réciproque » ; que M. X... est le parrain de la fille de M. Y..., et le fils de M. X... a effectué un stage rémunéré, déclaré à l'URSSAF au sein de Synthèse en 1999 ; que M. Y... avait déjà effectué diverses prestations en 1998 au bénéfice du conseil régional, et est identifié comme faisant partie de la "garde rapprochée" du prévenu, avec lequel il déjeune souvent au conseil général ; que M. X... a expliqué (D 192) être personnellement impliqué dans tout ce qui touchait à la communication, domaine réservé du cabinet, et a personnellement signé l'acte d'engagement de Synthèse, la demande de paiement des prestations antérieures et de nombreux bons de commande, alors qu'il soutient avoir délégué ces tâches à M. C... ; qu'au vu de ce qui précède, il est indéniable que M. X... a souhaité s'entourer par préférence de M. Y..., lui procurant ainsi un avantage certain, et que cette situation a entraîné la commission de l'infraction reprochée ; que le délit est justifié par liens personne publique-contractant, tant par les critères d'amitié, de localisme et de contreparties financières susdéveloppés, que par la participation du candidat à l'élaboration du besoin, ce qui lui a permis à la fois de cerner les contours du marché qu'il a permis d'établir afin d'être le moins disant que de bénéficier de délais supplémentaires pour préparer son dossier ;
"1) alors que le délit d'atteinte à l'égalité dans l'accès aux marchés publics résulte de l'octroi d'un avantage injustifié par la méconnaissance des dispositions légales ou réglementaires relatives à la passation desdits marchés ; que la cour d'appel a considéré que le marché public notifié le 23 juillet 1999 était un marché de régularisation qui avait été passé en vue de pouvoir payer des prestations antérieures en ce que le bon de commande n°1 portait sur des prestations antérieures à la passation dudit marché ; qu'en l'état de tels motifs, faute pour l'arrêt de constater que les prestations expressément prévues dans le marché avaient déjà été effectuées, en quoi ce marché avait été passé en méconnaissance des règles portant sur l'égalité dans l'accès aux marchés public et en quoi il l'avait été dans des conditions octroyant à l'attributaire un avantage injustifié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2) alors que le seul paiement, dans le cadre d'un marché public, de prestations effectuées antérieurement, mais non prévues par ce marché, étant sans lien avec les règles de passation d'un marché public, le délit de favoritisme ne pouvait résulter du seul fait du paiement allégué de ces prestations dans le cadre de ce marché ;
"3) alors que la cour d'appel considère que le marché public a été passé avec la société Synthèse pour pouvoir lui payer des prestations antérieures audit marché ; que la cour d'appel qui n'a ainsi pas constaté que, pour ces prestations antérieures au marché, le seuil de 300 000 francs prévu par l'article 321 du code des marchés publics alors applicables avait été dépassé, n'a mis en évidence aucune méconnaissance des dispositions légales ou réglementaires de passation des marchés publics ;
"4) alors que la cour d'appel qui n'a pas recherché si les prestations effectuées avant la passation du marché devaient être distinguées, à une époque où la collectivité ne pouvait être considérée comme liée par les critères posés dans ce marché, selon qu'étaient en cause des opérations de communication ou de publicité, comme cela lui était demandé dans les conclusions déposées pour le prévenu, n'a pu mettre en évidence que le recours à un marché public précédé d'une procédure d'appel d'offres, en vertu de l'article 321 du code des marchés publics alors applicable, s'imposait compte tenu du fait que ces prestations antérieures audit marché auraient dépasser le seuil de 300 000 francs ;
"5) alors que le seul fait de participer à la définition des besoins de la collectivité ne méconnaît aucune règle concernant la passation des marchés publics ; qu'il ne peut procurer un avantage pour celui qui intervient à ce stade de la procédure que si les autres candidats potentiels ne disposent pas d'un délai suffisant pour proposer une offre adéquate ; que, dès lors que la société Synthèse a été choisie en qualité de moins disante, la cour d'appel, qui n'a pas expliqué en quoi l'avis pris auprès de la société pour déterminer les besoins de la collectivité, lui avait procuré un avantage injustifié en méconnaissance des règles de passation des marchés publics, n'a pas caractérisé l'infraction ;
"6) alors que la cour d'appel a considéré que l'appel d'offre était aussi irrégulier en ce que le cahier des charges comportait des critères discriminants tirés de l'expérience et de la compétence locale ; que la cour d'appel n'a pas expliqué en quoi ces critères n'étaient pas pertinents au regard de l'objet du marché en cause et ainsi n'a pas caractérisé l'octroi d'un avantage injustifié ;
"7) alors que la cour d'appel a considéré que le favoritisme était établi dès lors que le cahier des charges avait introduit les deux critères précédents qui n'avaient pas été retenus par la commission permanente de l'assemblée du Conseil général ; qu'en cet état, alors qu'il appartient aux services en charge des achats publics de préciser les critères adéquats de passation du marché et notamment d'établir le cahier des charges, conformément à l'article 318 du code des marchés publics alors applicable, aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoyant que les critères de sélection des candidats sont déterminés par la seule commission permanente précitée, la cour d'appel n'a pas caractérisé la méconnaissance d'une disposition légale ou réglementaire relative à la passation des marchés publics ;
"8) alors que que, pour retenir le délit, le tribunal correctionnel a constaté que « l'analyse des offres retenue à l'ouverture des plis du 5 juillet 1999 rédigée par M. Z... a ensuite été modifiée par M. A..., dans un sens discriminant pour l'offre Amazone (mention pas de référence dans les Pyrénées-Orientales rajoutée), et valorisante pour Synthèse (la mention pas d'éléments fournis sur la valeur technique étant remplacée par celle « normale dans ce cadre» » ; qu'à supposer ces motifs adoptés par la cour d'appel, dès lors que les juges ne constatent pas que cette modification était infondée, elle n'a pas pu caractériser la méconnaissance d'une règles relatives à la passation des marchés publics ;
"9) alors que la responsabilité pénale est une responsabilité du fait personnel ; que la cour d'appel qui n'a pas précisé en quoi le prévenu était intervenu dans la détermination des critères de sélection des candidats, qui n'a pas constaté qu'il aurait donné des consignes en vue de faire attribuer le marché à la société que dirigeait de fait une personne qui aurait été un de ses amis personnels et, à tout le moins, qu'il serait intervenu dans l'établissement du bon de commande n°1 en vue de faire payer des prestations qui auraient déjà été effectuées ou pour imposer la société Synthèse comme seul interlocuteur en matière communication et de publicité du conseil général, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"10) alors que le délit d'atteinte à l'égalité dans l'accès aux marchés publics suppose l'intention d'octroyer un avantage injustifié ; que la cour d'appel qui constate seulement un lien d'amitié personnelle du prévenu avec le dirigeant de la société attributaire du marché, n'a pu, par ces seuls motifs, caractériser l'intention du prévenu d'accorder un avantage injustifié à ladite société" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 321-1, 432-14 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de recel du délit de favoritisme et en répression l'a condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs propres qu'en ce qui concerne la régularité de la passation du marché public, il n'est pas douteux que la procédure en vigueur a été respectée, puisqu'il est constant que le recours à une procédure d'appel d'offres au niveau européen a été autorisée par la commission permanente du conseil général, qu'un cahier des charges a été régulièrement établi, que la publicité nécessaire a été donnée, que la commission d'appel d'offres dûment réunie a rempli sa mission relative à l'ouverture des plis et que le service financier du conseil général a analysé les différentes candidatures présélectionnées ; qu'il apparaît pour autant que le recours à la procédure des marchés publics n'a pas été décidée ab initio, mais après que des prestations pour un montant approchant le seuil des 300 000 francs en vigueur à l'époque ont été accomplies par la SARL Synthèse dont l'enquête et les débats ont démontré qu'elle était l'interlocutrice exclusive du conseil général dans le domaine de la communication, aucune des personnes auditionnées, y compris parmi le personnel du conseil général, n'ayant été en mesure de citer une autre entreprise intervenue dans ce domaine antérieurement ou concurremment avec la société Synthèse ; qu'ainsi, quand bien même la procédure inhérente aux marchés publics a été respectée en la forme, celui passé avec la société Synthèse le 19 juillet 1999 n'apparaît être autre chose qu'un marché de régularisation destiné à permettre le règlement de factures dont la globalité excédait le seuil légal ; que l'élément matériel de l'infraction est par ailleurs établi en ce que, ainsi que l'a relevé le tribunal : - M. Y... a lui-même défini les besoins du marché de communication auprès de M. Z..., directeur du service achats et marchés, et de M. A..., directeur financier, et notamment le volume de prestations qui allait être l'essence de la délibération de la commission permanente du 15 mars 1999 appelée à décider de la procédure d'appel d'offres,- en procédant ainsi, il a été pratiqué à l'inverse de ce qui se fait habituellement, à savoir que les besoins en termes de communication n'ont pas été définis par le service utilisateur, mais par l'un des prestataires, celui, de surcroît, qui s'est vu in fine attribuer le marché, - le cahier des charges a inclus des critères discriminants non retenus par la délibération du 15 mars 1999, critères relatifs à la nécessité de justifier de trois ans d'ancienneté et d'une expérience dans les Pyrénées-Orientales, ce qui permettait de "fermer" le marché européen ; que l'avantage illégitime est résulté de ce que le chiffre d'affaires de la SARL Synthèse avait progressé de 243 %, cette société devenant ensuite à 90 % partenaire du conseil général des Pyrénées- Orientales et de la région Languedoc-Roussillon ;
"aux motifs adoptés que les faits concernent l'attribution du marché public n° 99087 ayant pour objet des « prestations de communication publique », appel d'offres européen ouvert à bons de commande d'une durée d'un an, avec possibilité de tacite reconduction à deux reprises ; que celui-ci a été initié par une délibération de la commission permanente du conseil général des Pyrénées-Orientales, en date du 15 mars 1999, en définissant les contours, attribué à la société Synthèse, société la moins disante, le 19 juillet 1999, et notifié à celle-ci le 21 juillet 1999 ; que, néanmoins, le 30 juillet 1999, soit neuf jours plus tard, le directeur des affaires juridiques du conseil général établissait un bon de commande n° 1 concernant un total de soixante-neuf journées de travail, Synthèse les facturant dès le 6 août 1999, soit sept jours plus tard, l'autorisation de paiement de celle-ci étant délivrée sans délai le 10 août 1999 ; que cette situation a entraîné l'ouverture d'une enquête judiciaire, permettant de relever les infractions soumises à l'appréciation de la juridiction de céans ; a) que, sur les faits reprochés à M. X... : (¿) force est de relever que si la procédure applicable aux marchés publics a officiellement été respectée, plusieurs distorsions sont constatées :- il est établi en amont par la fiche navette (scellé n°19, D266) que M. Y... a eu, le 4 mars 1999, un entretien avec M. Z..., puis avec M. A... permettant de définir un volume de prestations qui sera l'essence même de la délibération du 15 mars 1999, les déclarations de M. Z... (page 5, confrontation du 16 octobre 1999 (D266) fondant un cahier des charges « sur mesure » pour M. Y... (« plus il y avait de la prestation technique, sous-traitance ou pas selon ce que M. Y... était capable de faire ») ;- la délibération du 15 mars 1999 ne fait pas état de la nécessité d'avoir trois ans d'ancienneté et une expérience dans les Pyrénées-Orientales, critères discriminants permettant de « fermer » le marché européen nécessité par le montant de l'appel d'offres,- la procédure a été à l'inverse de ce qui se pratique habituellement, c'est-à-dire qu'au lieu d'interroger le service utilisateur du marché pour connaître ses besoins, il a été interrogé le futur bénéficiaire de celui-ci, afin qu'il définisse les besoins du service,- l'analyse des offres retenue à l'ouverture des plis du 5 juillet 1999, rédigée par M. Z..., a ensuite été modifiée par M. A..., dans un sens discriminant pour l'offre Amazone (mention pas de référence dans les Pyrénées-Orientales rajoutée), et valorisant pour Synthèse (la mention pas d'éléments fournis sur la valeur technique étant remplacée par celle « normale dans ce cadre ») ; que l'avantage illégitime est établi par la rupture de l'égalité nécessaire à tous marchés publics, et par le fait que le chiffre d'affaires de Synthèse a progressé de 243 %, cette société devenant ensuite à 90 % le partenaire des conseils généraux et régionaux des Pyrénées-Orientales ; (¿) ; que le délit est justifié par liens personne publique-contractant, tant par les critères d'amitié, de localisme et de contreparties financières susdéveloppés, que par la participation du candidat à l'élaboration du besoin, ce qui lui a permis à la fois de cerner les contours du marché qu'il a permis d'établir afin d'être le moins disant que de bénéficier de délais supplémentaires pour préparer son dossier ;
"1) alors que le délit de recel suppose l'existence d'une infraction principale ; que le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics n'est constitué que si son auteur a violé une disposition législative ou réglementaire ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ; que tel n'est pas le cas du lancement d'une procédure de marché public alors que les dépenses concernant ce marché n'avait pas dépassé le seuil applicable à l'époque des faits et qu'aucune violation d'une règle ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics n'a été caractérisée lors de la procédure de passation de ce marché ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;
"2) alors que la cour d'appel ne pouvait pas retenir l'élément matériel du délit de favoritisme, en relevant que M. Y... aurait lui-même défini les besoins du marché de communication ou encore que le cahier des charges aurait inclus des critères discriminants non retenus par la délibération du 15 mars 1999, sans s'expliquer sur les dispositions légales ou réglementaire qui auraient été violées par ces pratiques ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;
"3) alors que la circonstance qu'un des prestataires ait été consulté pour l'établissement d'un marché public ne caractérise pas l'élément matériel du délit de favoritisme dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'informations susceptibles de l'avantager par rapport aux autres candidats ; qu'en se bornant à relever, pour justifier l'existence d'un délit de favoritisme, que M. Y... aurait participé à une réunion permettant de définir les besoins du marché de communication du conseil général des Pyrénées-Orientales, mais sans constater qu'il aurait obtenu au cours de cette réunion d'informations privilégiées susceptibles de l'avantager par rapport aux autres candidats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"4) alors qu'en relevant que les critères de jugement des offres qui avaient été ajouté par l'exécutif auraient fermé le marché, bien que plusieurs autres candidats les eussent remplis et que la société Synthèse eût été choisie pour avoir proposé l'offre la moins-disante, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés ;
"5) alors que le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics n'est constitué que si son auteur a procuré ou tenté de procurer un avantage injustifié à autrui ; que le seul fait de bénéficier d'un marché public ne peut caractériser ledit avantage ; qu'en l'espèce, en retenant comme avantage illégitime l'obtention dudit marché, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'avantage injustifié et ainsi a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 321-1, 432-14 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de recel du délit de favoritisme et en répression l'a condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs propres que le délit de recel de favoritisme reproché à M. Y... résulte de l'obtention par ce dernier, en toute connaissance de cause, du marché de communication ; qu'unique interlocuteur du conseil général pour les prestations de communication, entretenant des relations privilégiées avec M. X..., M. Y... a dispensé ses conseils et participé à l'élaboration du cahier des charges et à la définition des besoins du conseil général en termes de communication ; que l'infraction de recel du délit originaire est ainsi suffisamment caractérisée à son encontre ;
"aux motifs adoptés qu'il est incontestable que M. Y... a obtenu un avantage injustifié pour le compte de Synthèse, en obtenant le marché public de communication du conseil général en date du 19 juillet 1999 ; qu'il ne pouvait qu'avoir conscience de ce favoritisme, ayant participé à l'élaboration des termes du marché, et ayant retiré un avantage incontestable de ce marché ; qu'il a aussi été totalement conscient de ce dont il allait bénéficier, mettant en place un système de sous-traitance et de partage de tâches avec Caractère, lui permettant d'être le mieux-disant ;
"alors que le délit de recel ne peut être retenu qu'à propos de chose susceptibles de détention ou du produit d'un crime ou d'un délit ; que le marché attribué illégalement à la suite d'un délit de favoritisme n'est ni une chose susceptible de détention ni le produit de ce délit, mais son objet ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. Y... du chef de recel de favoritisme, pour avoir obtenu en toute connaissance de cause le marché de communication du 19 juillet 1999, ce qui ne caractérise nullement l'élément constitutif du recel, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., président du conseil général des Pyrénées-Orientales, est poursuivi pour avoir, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1999, en transgressant les dispositions relatives au seuil des marchés publics, procuré un avantage injustifié à la société Synthèse dont M. Y... était le dirigeant de fait, en permettant à ce dernier d'obtenir un marché, ainsi que le paiement de factures présentées pour le compte de la société ; qu'il est reproché à M. Y... d'avoir bénéficié de cette infraction ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables, respectivement, des délits de favoritisme et de recel, les juges énoncent que, si la procédure d'appel d'offres a été formellement respectée, il n'y a été recouru qu'après que les prestations, pour un montant approchant le seuil de 300 000 francs alors en vigueur, ont été accomplies par la société Synthèse ; qu'ainsi, il s'est agi d'un marché de régularisation destiné à permettre le règlement de factures dont la globalité excédait le seuil légal ; que les juges précisent que M. Y... a lui-même défini les besoins du marché avec le directeur financier du conseil général et que le cahier des charges a inclus des critères discriminants permettant de " fermer" le marché européen ; qu'ils ajoutent que l'avantage illégitime est caractérisé par la progression de 243% du chiffre d'affaires de la société, devenue le partenaire quasi exclusif du conseil général et du conseil régional, et que l'élément intentionnel résulte des liens politiques et amicaux qui existent entre les prévenus et expliquent le souhait de M. X... de faire appel à M. Y... ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, fondées sur l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de l'ensemble des éléments de preuve qui leur étaient soumis et qui caractérisent, sans insuffisance, l'infraction dont chacun des prévenus a été reconnu coupable, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux janvier deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-80009
Date de la décision : 22/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 30 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jan. 2014, pourvoi n°13-80009


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.80009
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