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22/01/2014 | FRANCE | N°12-28984

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 janvier 2014, 12-28984


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2012), que M. X..., engagé en qualité de chef de bureau comptable en octobre1968 par la société Comptable et fiduciaire de l'Europe (SCFE), a été licencié le 6 avril 2000 pour fautes graves ; que l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts dirigée contre le salarié en réparation du préjudice subi par des agissements de celui-ci dans l'exercice de ses fonctions ;
Attendu que le salarié f

ait grief à l'arrêt de constater la commission de fautes lourdes de sa part ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2012), que M. X..., engagé en qualité de chef de bureau comptable en octobre1968 par la société Comptable et fiduciaire de l'Europe (SCFE), a été licencié le 6 avril 2000 pour fautes graves ; que l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts dirigée contre le salarié en réparation du préjudice subi par des agissements de celui-ci dans l'exercice de ses fonctions ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de constater la commission de fautes lourdes de sa part à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail et, avant dire droit sur les demandes d'indemnisation de la société, d'ordonner une expertise pour chiffrer le préjudice subi, alors selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du débat quant aux griefs articulés à l'encontre du salarié ; que l'employeur ne peut se prévaloir d'autres griefs à l'appui d'une demande de dommages-intérêts ; qu'en se fondant, pour dire que la responsabilité pécuniaire de M. X... envers l'employeur était engagée, sur des faits nouveaux non invoqués dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ que la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ; que la faute lourde est celle commise avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; que si le délit d'abus de confiance comporte un élément intentionnel, celui-ci n'implique pas, par lui-même, l'intention de nuire à l'employeur ; qu'en jugeant que la faute lourde résultait nécessairement de l'abus de confiance judiciairement constaté, sans caractériser l'intention de nuire du salarié, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
3°/ qu'au demeurant, l'arrêt constate qu'aucun préjudice ne résultait de l'infraction judiciairement constatée, les chèques détournés par M. X... correspondant à des frais et des salaires qui lui étaient dus par la société SCFE et que cette dernière ne lui versait plus, ce dont il ressort que le salarié avait agi pour compenser des sommes que l'employeur lui devait, et non pour nuire à ce dernier ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a de nouveau violé le principe susvisé ;
4°/ qu'en se bornant à relever que M. X... aurait fait établir par un client de la SCFE un chèque à son ordre, qu'il ne pouvait ignorer qu'en créant une confusion entre son activité salariée de chef de bureau et de conseil indépendant, il nuisait aux intérêts de la société, ou qu'il avait continué à faire des opérations personnelles sur le compte bancaire de la société après le décès de son épouse, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire du salarié, a encore violé le principe susvisé ;
5°/ que M. X... faisait valoir devant la cour d'appel qu'il avait fait établir à son ordre plusieurs chèques de clients de la société SCFE, dont celui de M. Y... d'un montant de 459,63 euros, en compensation de salaires et frais que lui devait l'employeur ; que son activité de conseil indépendant avait pour seul objet la délivrance de conseils fiscaux et de gestion patrimoniale à des amis, pour la plupart à la retraite, n'ayant jamais été clients de la société SCFE ou ne l'étant plus depuis qu'elles étaient à la retraite ; que l'achat d'un collier pour son chien avait été dûment débité de son compte courant, que l'achat de bouteilles de vins destinées aux clients, avait pour objet de les fidéliser et que le luminaire de bureau, dont l'achat lui était encore reproché, était à destination professionnelle ; qu'en jugeant que M. X... avait commis une faute lourde, sans répondre à ces moyens d'où il résultait que le salarié n'avait jamais cherché à détourner la clientèle de la société SCFE, ni, plus généralement, à nuire à l'entreprise ou à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que si la lettre de licenciement qui a invoqué des fautes graves pour justifier la rupture immédiate, fixe les limites du débat en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, la cour d'appel, saisie par l'employeur d'une demande de dommages-intérêts en réparation d'agissements du salarié pendant l'exécution du contrat, a justement décidé que ces agissements pouvaient engager la responsabilité pécuniaire de celui-ci à condition de constituer une faute lourde ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve, que le salarié avait été condamné pour des faits d'abus de confiance commis entre octobre 1999 et janvier 2000 au préjudice de l'employeur et qu'il avait, en outre, fait établir par un client un chèque à son ordre en février 2000 en règlement d'honoraires dus à la société, utilisé le titre de conseil fiscal sur un papier à en-tête à son nom comportant l'adresse de son domicile et celle du siège social de la société, créant volontairement une confusion entre son activité salariée de chef de bureau et de conseil indépendant et continué à faire des opérations personnelles sur le compte bancaire de la société, plusieurs années après le décès de son épouse qui en avait été la gérante, en profitant de la procuration donnée de son vivant, la cour d'appel, a pu en déduire que ces agissements procédaient d'une intention de nuire caractérisant une faute lourde ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que Monsieur X... a commis des fautes lourdes à l'occasion de l'exécution du contrat de travail le liant à la société SCFE et en conséquence, avant dire droit sur les demandes d'indemnisation, d'avoir désigné un expert avec mission d'entendre les parties et tout sachant, se faire communiquer et prendre connaissance de tout document utile à la solution du litige, fournir tous éléments permettant à la cour de chiffrer le préjudice causé à la SCFE par les fautes du salarié, proposer le compte entre les parties, plus généralement fournir toute précision utile à la solution du litige, du tout, dresser rapport;
AUX MOTIFS QUE la demande de réparation de la société SCFE ne se heurte pas au fait que le licenciement de Jean-Claude X... a été motivé le 6 avril 2000 par la faute grave dès lors que des faits nouveaux sont apparus à la charge du salarié postérieurement à son licenciement et que notamment sa culpabilité pour des faits qualifiés d'abus de confiance a été définitivement déclarée par le tribunal de grande instance de Paris, une telle culpabilité impliquant nécessairement l'intention de nuire à celui au préjudice duquel le délit a été commis ; qu'outre l'abus de confiance judiciairement constaté, il résulte des documents versés aux débats ¿que Jean-Claude X... a fait établir par Victor Y... client de la SCFE le 24 février 2000 un chèque à son ordre de 3.015 ¿ en règlement d'honoraires dus à la société ; - qu'il a utilisé le titre de conseil fiscal sur un papier à en-tête à son nom portant non seulement l'adresse de son domicile mais également l'adresse du siège social de la SCFE, qu'en créant volontairement une confusion entre son activité salariée de chef de bureau et de conseil indépendant, il ne pouvait ignorer qu'il nuisait aux intérêts de la société ; - qu'il a continué à faire des opérations personnelles sur le compte bancaire de la société ouvert à la BNP Paribas postérieurement au décès de son épouse, taisant ce décès et profitant de la procuration donnée de son vivant, qu'ainsi il a acheté un collier électrique pour son chien, d'un montant de 2.590 francs ; le 9 octobre 1998 ; que l'ensemble de ces agissements commis par le salarié à son profit, et sachant qu'il nuisait aux intérêts de son employeur, caractérise la faute lourde ;
1. ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du débat quant aux griefs articulés à l'encontre du salarié ; que l'employeur ne peut se prévaloir d'autres griefs à l'appui d'une demande de dommages intérêts ; qu'en se fondant, pour dire que la responsabilité pécuniaire de Monsieur X... envers l'employeur était engagée, sur des faits nouveaux non invoqués dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2. ALORS QUE la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ; que la faute lourde est celle commise avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; que si le délit d'abus de confiance comporte un élément intentionnel, celui-ci n'implique pas, par luimême, l'intention de nuire à l'employeur ; qu'en jugeant que la faute lourde résultait nécessairement de l'abus de confiance judiciairement constaté, sans caractériser l'intention de nuire du salarié, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
3. ALORS QU'au demeurant, l'arrêt constate qu'aucun préjudice ne résultait de l'infraction judiciairement constatée, les chèques détournés par Monsieur X... correspondant à des frais et des salaires qui lui étaient dus par la société SCFE et que cette dernière ne lui versait plus, ce dont il ressort que le salarié avait agi pour compenser des sommes que l'employeur lui devait, et non pour nuire à ce dernier ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a de nouveau violé le principe susvisé ;
4. ALORS QU'en se bornant à relever que Monsieur X... aurait fait établir par un client de la SCFE un chèque à son ordre, qu'il ne pouvait ignorer qu'en créant une confusion entre son activité salariée de chef de bureau et de conseil indépendant, il nuisait aux intérêts de la société, ou qu'il avait continué à faire des opérations personnelles sur le compte bancaire de la société après le décès de son épouse, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire du salarié, a encore violé le principe susvisé ;
5. ALORS QUE Monsieur X... faisait valoir devant la cour d'appel qu'il avait fait établir à son ordre plusieurs chèques de clients de la société SCFE, dont celui de Monsieur Y... d'un montant de 459,63 ¿, en compensation de salaires et frais que lui devait l'employeur (conclusions d'appel de l'exposant, p.4) ; que son activité de conseil indépendant avait pour seul objet la délivrance de conseils fiscaux et de gestion patrimoniale à des amis, pour la plupart à la retraite, n'ayant jamais été clients de la société SCFE ou ne l'étant plus depuis qu'elles étaient à la retraite (conclusions d'appel de l'exposant, p.18) ; que l'achat d'un collier pour son chien avait été dûment débité de son compte courant, que l'achat de bouteilles de vins destinées aux clients, avait pour objet de les fidéliser et que le luminaire de bureau, dont l'achat lui était encore reproché, était à destination professionnelle (conclusions d'appel de l'exposant, p.18) ; qu'en jugeant que Monsieur X... avait commis une faute lourde, sans répondre à ces moyens d'où il résultait que le salarié n'avait jamais cherché à détourner la clientèle de la société SCFE, ni, plus généralement, à nuire à l'entreprise ou à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-28984
Date de la décision : 22/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jan. 2014, pourvoi n°12-28984


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.28984
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