La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2014 | FRANCE | N°12-26527

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 janvier 2014, 12-26527


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er juin 1992 par la société Gantois, exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable des ressources humaines et du contentieux, élu conseiller prud'homme en 2000, a, par lettre du 13 octobre 2009, alors qu'il se trouvait en arrêt maladie, pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que la société a été placée en redressement judiciaire le 6 octobre 2010 puis en l

iquidation judiciaire le 31 mai 2011, M. Y... ayant été nommé mandataire ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er juin 1992 par la société Gantois, exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable des ressources humaines et du contentieux, élu conseiller prud'homme en 2000, a, par lettre du 13 octobre 2009, alors qu'il se trouvait en arrêt maladie, pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que la société a été placée en redressement judiciaire le 6 octobre 2010 puis en liquidation judiciaire le 31 mai 2011, M. Y... ayant été nommé mandataire liquidateur ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient, par motifs propres, après avoir écarté la gravité des manquements de l'employeur invoqués par le salarié tenant au manque de moyens pour exercer son activité et au retrait de certaines de ses attributions, que le changement de disposition des bureaux, qui tendait à intégrer le salarié dans l'équipe des ressources humaines et non, comme il le prétend, à le mettre à l'écart, ne peut s'analyser comme une action malveillante à son égard, que l'avertissement qui lui a été notifié et qu'il a contesté près d'un an et demi avant la rupture du contrat de travail avant le changement de directeur des ressources humaines, ne constitue pas davantage un acte de harcèlement moral et, par motifs adoptés, que si le salarié a rencontré des difficultés dans le cadre de sa mission, celles-ci étaient dues à la situation de la société Gantois qui avait connu trois PSE, que le salarié n'établit aucun fait démontrant avoir été mis à l'écart, et que, vu la longueur des messages qu'il lui adressait, il est facile de comprendre que sa supérieure hiérarchique ait préféré soit répondre laconiquement soit oralement, enfin, que les certificats médicaux sont irrecevables parce que le médecin met en cause les conditions de travail du salarié sur les simples allégations de celui-ci, ne respectant pas ainsi les prescriptions de l'article R. 4127-76 du code de santé publique ;
Qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, notamment la perte d'autonomie et d'autorité, l'absence de concertation dont il se plaignait, l'accumulation de congés non pris et que l'employeur refusait de lui payer, et sans examiner les certificats médicaux produits par le salarié qui pouvaient être de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation du chef de l'arrêt qui dit que la prise d'acte produit les effets d'une démission et déboute en conséquence le salarié de ses demandes au titre de la rupture ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. Y..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Gantois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités, et le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur X... au titre du préjudice résultant du harcèlement moral.
AUX MOTIFS QUE Madame Z... a demandé à Monsieur X... de changer de bureau pour travailler sur le même étage qu'elle même, directrice des ressources humaines; que ce changement de disposition des bureaux, qui tendait à intégrer Monsieur X... dans l'équipe des Ressources Humaines et non, comme il le prétend, à le mettre à l'écart, ne peut s'analyser comme une action malveillante à l'égard de Monsieur X...; que l'avertissement notifié à Monsieur X..., et contesté par ce dernier près d'un an et demi avant la rupture du contrat de travail et alors que Madame Z... n'était pas DRH, ne constitue pas davantage un acte de harcèlement moral; qu'ainsi la demande de Monsieur X... au titre du préjudice résultant d'un harcèlement moral n'est pas fondée sur un ensemble de faits de nature à laisser présumer des agissements de ce type de la part de l'employeur; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande;
ALORS, PREMIEREMENT, QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, s'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement; que la Cour d'appel, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;
ALORS, DEUXIEMEMENT, QU' en matière de harcèlement moral, le juge doit examiner l'ensemble des éléments dont fait état le salarié et qui peuvent laisser présumer un harcèlement, l'employeur devant prouver, quant à lui, que ceux-ci seraient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en refusant de prendre en considération l'ensemble des faits et éléments répétés établis par le salarié, portant atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé mentale et à son avenir professionnel, invoqués par l'exposant dans ses conclusions d'appel (p.7 à 21), pour dire que « la demande de Monsieur X... au titre du préjudice résultant d'un harcèlement moral n'est pas fondée sur un ensemble de faits de nature à laisser présumer des agissements de ce type de la part de l'employeur", la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L.1154-1 du Code du travail;
ALORS, TROISIEMEMENT ET ENFIN, QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement; que la Cour d'appel en retenant que "la demande de Monsieur X... au titre du préjudice résultant d'un harcèlement moral n'est pas fondée sur un ensemble de faits de nature à laisser présumer des agissements de ce type de la part de l'employeur" a dès lors inversé la charge de la preuve et violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d' AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de Monsieur X... s'analysait en une démission ;
AUX MOTIFS QU'à la dernière description de poste du 28 février 2008, Monsieur X... avait comme principales missions, en qualité de responsable ressources humaines et contentieux: la gestion de l'ensemble de la formation, l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail, la recherche et l'embauche des collaborateurs de l'entreprise, la relation enseignements et extérieurs, l'administration/ gestion du personnel, la gestion sociale, les contentieux commerciaux et sociaux, les assurances, la propriété industrielle (brevets, marques et modèles); attendu que cette description de poste prévoit, en outre, que Monsieur X... décide seul du cadre de son travail et de l'organisation subséquente mais agit sous le contrôle du DRH et du Directeur Général; qu'il est encore précisé que Monsieur X... décide, en collaboration avec les chefs de service, du recrutement, du contentieux, des actions de formation et de l'assistance opérationnelle; attendu que, selon la lettre du 12 octobre 2009, Monsieur X... reproche à son employeur: d'avoir réduit les moyens mis à sa disposition pour exécuter ses tâches, d'avoir "vidé" son poste de travail de son contenu, d'avoir exercé sur lui des actions malveillantes, des violences morales qui l'ont obligé à cesser d'urgence ses activités professionnelles; attendu que sur le premier grief, il y a lieu de constater que si Monsieur X... se plaint du manque de secrétaire ou d'assistante; attendu que le Conseil de Prud'Hommes a rappelé à juste titre que la Société Gantois avait connu trois PSE en 2003, 2004-2005 et 2007-2008; que la réduction de personnel consécutives à ses plans sociaux a affecté le service de Monsieur X... comme les autres services de l'entreprise; que les documents produits établissent que l'employeur a recherché le concours d'une ou deux secrétaires-assistantes et que Monsieur X... a obtenu gain de cause; attendu que Monsieur X... fait valoir que des attributions lui ont été retirées; attendu qu'en matière d'assurances, Monsieur X... verse aux débats un courriel de Monsieur A..., du service comptable, qui informe Monsieur X... qu'il reprend le dossier des assurances; que toutefois seule la partie comptabilité des contrats d'assurances était reprise par la direction comptable; que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve que ses attributions propres d'analyse et de négociation des contrats d'assurance aient été attribuées à un autre service; attendu que le secteur de la propriété industrielle n'a pas été remis à un autre service, la simple consultation d'un juriste spécialisé suggéré par le directeur marketing et communication étant insuffisante pour établir une modification des attributions de l'appelant dans ce domaine; attendu que s'agissant de la gestion des contentieux, il apparaît que Madame Z..., directrice des ressources humaines et supérieure hiérarchique de Monsieur X..., s'est effectivement occupée d'affaires prud'homales de la compétence de Monsieur X...; que cependant, le courrier de Madame Z..., adressé au mandataire judiciaire (23 octobre 2008) et les courriels de Monsieur X..., adressés à Madame Z... ou à Monsieur A..., sont insuffisants pour établir que ce secteur d'activité lui a été retiré alors que Monsieur X..., selon le descriptif de poste, "agit sous le contrôle du DRH"; Attendu que cette dernière observation reste valable dans les secteurs où Madame Z... est intervenue : gestion du personnel et gestion sociale, gestion de l'ensemble de la formation; que les seuls courriels, envoyés par Monsieur X... à Madame Z... pour se plaindre d'une perte d'autonomie, ne caractérisent pas un retrait de ses attributions; que la seule perte de "la coordination de la sécurité pour les établissements Gantois ne constitue qu'une infime partie de la compétence de Monsieur X... dès lors que tout le secteur "hygiène, sécurité et conditions de travail" représente seulement 5% de son temps de travail; attendu qu'ainsi les manquements graves de l'employeur à l'encontre de Monsieur X... n'étant pas établis par ce dernier, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a analysé la prise d'acte en une démission;
ALORS, PREMIEREMENT QUE l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit; qu'en se fondant uniquement sur les griefs invoqués par Monsieur X... dans sa lettre de prise de rupture pour retenir que les manquements graves de l'employeur n'étaient pas établis, alors que d'autres reproches, offres de preuves à l'appui, étaient invoqués par le salarié dans ses conclusions (page 20 à 22), la Cour d'appel a violé l'article L.1231-1 du Code du travail ;
ALORS, DEUXIEMEMENT, QU' aucun changement des conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé; qu'en constatant que Monsieur X... avait été élu conseiller prud'homal en 2000 et qu'une partie des ses attributions lui avait été retirée, la Cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul, n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations et a violé l'article L. 1231-1 du Code du travail ;
ALORS, TROISIEMEMENT, QUE lorsque la prise d'acte est motivée par des considérations de santé et de sécurité, il appartient à l'employeur de prouver que les griefs invoqués par le salarié sont injustifiés; qu'en retenant que les manquements graves de l'employeur à l'encontre de Monsieur X... n'étaient pas établis par ce dernier alors qu'il faisait justement valoir que des violences morales avaient été exercées sur lui, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L.4121-1 du Code du travail et 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-26527
Date de la décision : 22/01/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 25 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jan. 2014, pourvoi n°12-26527


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.26527
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award