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22/01/2014 | FRANCE | N°12-23045;12-23046

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 janvier 2014, 12-23045 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n° X 12-23. 045 et Y 12-23-046 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mmes X..., engagée le 1er septembre 2004 en qualité de rédacteur, promue cadre niveau 1 à compter du 1er janvier 2007, et Y..., engagée le 17 mars 2000 en qualité de clerc rédacteur statut cadre niveau 1 par la société civile professionnelle C...- D... devenue le 15 octobre 2007 C...- D...- B..., ont été licenciées pour motif économique par lettres du 22 avril 2009 ;
Sur le premier moyen : r>Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n° X 12-23. 045 et Y 12-23-046 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mmes X..., engagée le 1er septembre 2004 en qualité de rédacteur, promue cadre niveau 1 à compter du 1er janvier 2007, et Y..., engagée le 17 mars 2000 en qualité de clerc rédacteur statut cadre niveau 1 par la société civile professionnelle C...- D... devenue le 15 octobre 2007 C...- D...- B..., ont été licenciées pour motif économique par lettres du 22 avril 2009 ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les salariées de leurs demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse la cour d'appel retient une diminution du chiffre global de l'étude en 2007, 2008 et 2009 ainsi que du bénéfice imposable passé de 1 241 000 euros à 595 672 euros, une diminution des montants nets distribuables de presque 1 million d'euros en 2007 à 562 662 en 2008 et 275 715 euros en 2009 et une diminution des actes reçus à l'étude (2068 en 2008, 1 559 en 2009) ; que celle-ci a dû négocier une convention d'autorisation de découvert auprès de la caisse des dépôts et consignations pour un an à compter du 1er juillet 2009 tandis que ces éléments sont corroborés par l'analyse de l'expert comptable de l'étude ; que le redressement relatif constaté en 2009 est lié à l'effet financier des trois licenciements au printemps 2009 et à la réalisation à l'automne d'un honoraire exceptionnel à la suite d'une opération immobilière de grande ampleur non prévue à la date des licenciements litigieux de même que pour l'acquisition d'un local voisin en octobre 2008 par la société civile immobilière Les Alizées propriété des trois associés de la scp notariale, locaux loués par celle-ci auprès de celle-là ; que les charges locatives 178 676 euros en 2007, 190 360 euros en 2008 et 252 703 en 2009 ne constituent pas pour les notaires propriétaires de la SCI une source de revenus complémentaires dès lors que cette sci règle également des charges d'acquisition ; que l'intégration d'un nouvel associé n'est pas révélateur de la bonne santé de l'étude dès lors que jusqu'au 15 octobre 2007 cette personne occupait un poste de clerc et n'a pas été remplacée dans son poste tout comme les salariées ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs qui, s'ils révèlent une baisse de rentabilité de l'étude ne suffisent pas à caractériser l'existence de difficultés économiques ou d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise à la date du licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen :
Vu l'article L. 1233-5 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les salariées de leur demande indemnitaire relative à l'ordre des licenciements, l'arrêt retient que l'employeur soutient à juste titre que cette question des critères d'ordre est sans objet puisque les salariées appartiennent à la catégorie professionnelle des cadres niveau 1 dont tous les membres au nombre de deux ont été licenciés ;
Attendu cependant que les critères d'ordre des licenciements s'appliquent à l'ensemble des salariés relevant d'une même catégorie professionnelle ; qu'appartiennent à une même catégorie professionnelle les salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si l'office notarial ne comptait pas d'autres salariés occupant des emplois de clerc et si ceux-ci n'exerçaient pas quelle que soit leur qualification des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 31 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société notariale C...- D...- B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société notariale C...- D...- B... et condamne celle-ci à payer à Mmes X... et Y..., à chacune la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits aux pourvois par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mmes X... et Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de madame X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, datée du 22 avril 2009, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants : « Nous avons été contraints d'engager à votre encontre une procédure de licenciement pour les motifs économiques suivants : l'étude a constaté une forte diminution de son activité : le chiffre d'affaire pour 2008, par comparaison avec 2007, a subi une baisse de 453. 000 euros ; que les mois de Janvier et Février 2009 confirment la dégradation de la situation et constatent une perte de l'ordre de 60 000 euros pour chacune de ces périodes ; que nous devons réaliser des économies drastiques car la pérennité de l'étude est en danger ; que ces difficultés économiques générales, qui ont conduit à une forte baisse du chiffre d'affaire, ne nous permettent plus de financer une dualité de poste d'encadrement pour le service droit de la famille/ droit des successions ; que la collaboration instituée entre madame Christine Z... et vous-même, aussi utile et efficace qu'elle ait pu être, compte tenu notamment de votre compétence et de la qualité de votre travail, constitue aujourd'hui un mode de fonctionnement que l'étude ne peut plus supporter financièrement ; que votre domaine d'activité, du fait de sa moindre rentabilité structurelle, laquelle par le passé était compensé par la forte activité des services immobiliers ; que cette compensation est aujourd'hui fortement compromise par la baisse très sensible de l'activité immobilière en général ; que nous avons réfléchi à des solutions de reclassement au sein même de l'étude, qui en raison de sa structure trop étroite sont impossibles car il n'existe aucun poste disponible et la fluctuation du personnel y est très réduite ; que nous avons interrogé nos confrères les plus proches sur leur besoin éventuel d'intégrer dans leur équipe une personne de votre qualité, mais en vain, car la crise s'est généralisée à toute la profession ; que, dans le cadre de cette procédure, nous vous avons proposé le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé que vous avez accepté d'adhérer à la convention dans le délai de vingt et un jours qui vous était imparti ; que, de ce fait, conformément à l'article L. 1233-67 du code du travail, votre contrat est rompu d'un commun accord à compter du 23/ 04/ 2009 (...) » ; que c'est vainement que madame X... conteste le motif économique de son licenciement dès lors que son employeur démontre les éléments suivants au moyen des pièces notamment fiscales produites :- au cours des exercices 2007, 2008 et 2009, le chiffre d'affaires global de l'étude, composé du montant net des recettes, des produits financiers et des gains divers, a diminué de 3. 289. 128 euros à 2. 306. 405 euros, et le bénéfice imposable a diminué de 1. 241. 081 euros à 595. 672 euros ;- après paiement des charges professionnelles individuelles des associés, consistant dans les cotisations sociales, les intérêts et frais d'emprunt nécessaires à l'acquisition de leurs charges par les notaires associés et les frais de déplacement, les montants nets effectivement distribuables ont diminué de 909. 786 euros en 2007 à 592. 662 euros en 2008, puis à 275. 715 euros en 2009, de sorte que le bénéfice effectivement distribuable a diminué de 70 % sur la période concernée ;- s'agissant d'une société de personnes, et non d'une société de capitaux, la SCP ne pouvait constituer, en cas de résultats bénéficiaires en fin d'exercice, des réserves non imposables ni, en cas de pertes, les reporter à nouveau ;- les actes reçus en l'étude ont baissé de 2068 en 2008, à 1. 559 en 2009, en raison principalement de la crise immobilière ; que ces éléments sont par ailleurs corroborés par l'analyse de l'activité économique de la SCP effectuée par Monsieur A..., expert-comptable de la SCP, au cours des exercices 2007, 2008 et 2009 ainsi que par la convention d'autorisation de découvert négociée avec la Caisse des Dépôts pour faire face aux besoins de trésorerie pour un an à compter du 1er juillet 2009 ; qu'au regard de la date du licenciement, le redressement relatif du résultat, à la fin du second trimestre 2009 par rapport à son état à la fin du 1er semestre est inopérant, étant en outre observé que ce redressement est incontestablement lié d'une part à l'effet financier des trois licenciements prononcés, dont celui de madame X..., en avril 2009, et d'autre part à la réalisation à l'automne 2009 d'un honoraire exceptionnel à la suite d'une opération immobilière de très grande ampleur, s'agissant d'un programme de 430 logements et de 9 commerces par la société Icade Patrimoine, non prévu à la date du licenciement litigieux ; qu'il en est de même de l'acquisition faite le 16 octobre 2008 d'un local voisin du siège de l'étude, par la SCI Les Alisées, dont les trois associés de la SCP sont les propriétaires ; qu'il n'est pas contesté que la SCI loue à la SCP les locaux professionnels ; qu'en effet, cette vente, consentie par la commune de Tremblay-en-France était prévue de longue date, l'habilitation donnée au maire par le conseil municipal remontant au 15 novembre 2007, ainsi qu'il résulte des énonciations de l'acte de vente ; qu'il n'est en outre pas contesté qu'elle avait pour objectif de régler les difficultés récurrentes d'archivage auxquelles la SCP se trouvait confrontée, caractérisant ainsi un simple acte de gestion, conforté par la résiliation concomitante par la SCP d'un local annexe situé en face du siège de l'étude ; que c'est également vainement que madame X... soutient :- qu'en réalité les charges locatives assumées par l'employeur 178. 676 euros en 2007, 190. 360 euros en 2008 et 252. 703 euros en 2009 constitueraient pour les notaires associés, par l'intermédiaire de la SCI Les Alisées constituée entre eux, une source de revenus complémentaires, dès lors, notamment, que cette SCI règle également des charges d'acquisition ;- que l'intégration au sein de la SCP d'un nouvel associé, Sylviane B..., révélerait la bonne santé de l'étude à la date à laquelle le licenciement litigieux a été envisagé et réalisé, dès lors que, si celle-ci occupait un poste de clerc jusqu'à son intégration le 15 octobre 2007, elle n'a pas été remplacée dans son poste, de même que madame X... ; que, sur l'obligation de reclassement ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, seul un reclassement extérieur pouvait être envisagé ; que l'employeur démontre avoir vainement recommandé les salariées dont il envisageait le licenciement à diverses études du département de la Seine Saint Denis par courriers des 19, 23 et 24 mars 2009 ; qu'il en résulte que le reclassement de l'intéressée était impossible et que l'employeur a respecté son obligation à ce titre ;
1°) ALORS QUE ni la réalisation d'un chiffre d'affaire moindre, ni la baisse des bénéfices réalisés ne suffisent à établir la réalité de difficultés économiques ; qu'en jugeant fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement économique de madame X... notifié le 22 avril 2009, au seul motif qu'entre 2007 et 2009, l'étude notariale avait subi une diminution de son chiffre d'affaires, de 3. 289. 128 euros à 2. 306. 405 euros, et une baisse de ses bénéfices, de 1. 241. 081 euros à 595. 672 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE si les juges du fond doivent apprécier le bien-fondé du motif de licenciement à la date de son prononcé, ils peuvent toutefois prendre en compte des éléments postérieurs de nature à remettre en cause la réalité du motif économique invoqué ; qu'aux termes de ses conclusions d'appel, madame X... faisait valoir, outre le caractère passager des difficultés invoquées par son employeur, que celui-ci avait procédé à quatre nouvelles embauches entre juillet et octobre 2009, soit à peine quelques mois après le prononcé de son licenciement, intervenu le 22 avril 2009 (page 12, avant-dernier alinéa) ; qu'en se bornant à énoncer qu'au regard de la date du licenciement, le redressement relatif du résultat à la fin du second trimestre 2009 était inopérant, sans répondre aux conclusions de la salariée, qui invoquait les embauches effectuées par son employeur moins de trois mois après son licenciement, ce qui était de nature à remettre en cause la réalité du motif économique invoqué, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande de dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur soutient à juste titre que la question des critères d'ordre est sans objet puisque madame X... appartenait, contrairement à ce qu'elle affirme, à une catégorie professionnelle - celle de cadre de catégorie 1 - dont tous les membres, au nombre de deux, ont été licenciés, à savoir madame X... et madame Y... ;
ALORS QUE la catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements regroupe l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que madame X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la catégorie professionnelle dont elle relevait ne se réduisait pas aux seuls cadres de catégorie 1, mais regroupait l'ensemble des salariés exerçant des fonctions de clerc, qui impliquaient une formation de juriste en droit notarial ; qu'en estimant que la question du respect des critères d'ordre des licenciements était sans objet, au prétexte que les deux cadres de catégorie 1 que comptait l'office notarial avaient été licenciés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si d'autres salariés n'occupaient pas un emploi de clerc et n'exerçaient pas, quelle que soit leur classification, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-23045;12-23046
Date de la décision : 22/01/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jan. 2014, pourvoi n°12-23045;12-23046


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.23045
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