LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1167 du code civil, ensemble les articles 460 et 483 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 16 mars 1999, Mme X... a été condamnée à verser à M. Y... une certaine somme sur le fondement d'une reconnaissance de dette qu'elle avait souscrite en sa faveur ; que les consorts Z...-A...et la SCI Vag Z...-A...ont alors introduit contre Mme X... et M. Y... une action paulienne se prévalant d'une créance sur cette dernière ; qu'après cassation de l'arrêt les ayant déboutés de leurs demandes (1re Civ., 28 mars 2008, n° 07-11. 946), la cour d'appel de renvoi, par arrêt en date du 1er juin 2010 rendu par défaut, a déclaré inopposables aux consorts Z...-A...et à la SCI Vag Z...-A..., la reconnaissance de dette, l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par M. Y..., l'assignation du 3 juin 1998 introductive de l'instance ayant provoqué le jugement du 16 mars 1999 et le commandement aux fins de saisie immobilière du 6 janvier 2000 ;
Attendu que pour rejeter l'opposition formée par M. Y... contre l'arrêt du 1er juin 2010, et déclarer, sur le fondement de l'action paulienne, l'assignation du 3 juin 1998 ayant abouti au jugement du 16 mars 1999 en exécution duquel a été prise une hypothèque, inopposable aux consorts Z...-A...et à la SCI Vag Z...-A..., l'arrêt retient que ce jugement qui était de nature à affecter le patrimoine de Mme X..., n'avait pas acquis l'autorité de la chose jugée ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'un jugement ne peut être attaqué que par les voies de recours ouvertes par la loi au nombre desquelles n'entre pas l'action paulienne, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne les consorts Z...-A...et la SCI Vag Z...-A...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'opposition formée par Monsieur Y... contre l'arrêt rendu le 1er juin 2010 par la Cour d'appel de Bordeaux et, maintenant le dispositif de cet arrêt, d'avoir déclaré inopposable aux consorts Z...-A...et à la SCI Z...-A...la reconnaissance de dette du 6 mars 1997 consentie par Madame X... au profit de Monsieur Y..., l'inscription d'hypothèque provisoire du 5 mai 1998 et l'assignation du 3 juin 1998 introductive de l'instance ayant provoqué le jugement du 16 mars 1999 du Tribunal de grande instance de Bordeaux et le commandement du 6 janvier 2000 ;
AUX MOTIFS QUE « si M Y... se prévaut comme Mme X... l'a fait précédemment devant la cour, d'un prêt qu'il aurait consenti à cette dernière pour un montant de 120 000 francs suivant acte sous seing privé en date du 6 mars 1997 et au titre duquel il a, après avoir obtenu un jugement de condamnation à son profit en date du 16 mars 1999, inscrit en garantie de paiement une hypothèque provisoire sur l'immeuble d'Andernos ancien bien propre du mari dont la propriété a été transférée à Mme X... sans aucune contrepartie financière puis fait procéder à la mise en oeuvre d'une procédure de saisie immobilière sur ce dernier, il n'en demeure pas moins que cette décision qui est de nature à affecter le sort du patrimoine immobilier de cette dernière n'a pas acquis autorité de la chose jugée à l'égard des appelants ; qu'il apparaît que l'acte sous seing privé qui n'est d'ailleurs produit aux débats par M Y... que sous la forme d'une simple photocopie pour établir la réalité du prêt qu'il prétend avoir consenti à Mme X..., n'a pas date certaine qu'en outre, les photocopies des relevés bancaires qu'il verse aux débats tant au titre du compte bancaire de Mme X... que du sien, si elles démontrent un mouvement de retrait de fonds de 100 000 francs sur le sien et un virement de fonds d'un même montant sur celui de Mme X... ne peuvent permettre d'établir suffisamment un lien entre eux du fait qu'il n'est pas produit le chèque qui en aurait constitué le mode de transfert ; qu'il convient en outre de souligner que le montant invoqué au titre de ce transfert de fonds ne correspond pas au montant du prêt mentionné dans l'acte sous seing privé du 6 mars 1997 valant reconnaissance de dette de la part de celle-ci qui fait référence à une somme de 120 000 francs ; que par ailleurs les pièces produites aux débats par M Y..., si elle permettent de considérer que Mme X..., à une époque contemporaine du prêt, a procédé au remboursement de dettes personnelles pour un montant toutefois bien moindre que celui du dit prêt, n'établissent cependant pas que les règlements opérés soient intervenus au titre du remboursement des prêts immobiliers ayant permis l'acquisition du patrimoine immobilier précité puisqu'ils ne concernent que COFINOGA et la banque La HENIN et non pas la banque LES PREVOYANTS et BHE qui seules avaient consenti les prêts nécessaires à ces acquisitions ; L'ensemble de ces éléments établit donc un faisceau de preuves démontrant la volonté de Mme X... avec l'assistance active de M X... dont elle ne peut contester avoir partagé la vie dès lors qu'une attestation de la CAF DE LA GIRONDE du 28 mars 2001 établit qu'ils résidaient à la même adresse depuis juillet 1997, de s'appauvrir artificiellement afin de soustraire du gage des consorts Z...-A...et de la SCI VAG Z...-A...une part importante du patrimoine immobilier qu'elle détenait en rendant illusoire toute possibilité de règlement des créances dont ils sont fondés à se prévaloir à son encontre et qui étaient suffisamment établies en leur principe au moment où ces actes de nature frauduleuse ont été commis » ;
ALORS 1°) QU'un jugement ne peut être attaqué que par les voies de recours ouvertes par la loi au nombre desquelles n'entre pas l'action paulienne ; qu'en déclarant, sur le fondement de l'action paulienne, l'assignation du 3 juin 1998 sur laquelle sera rendu le jugement du 16 mars 1999 du Tribunal de grande instance de Bordeaux en exécution duquel sera inscrite une hypothèque, inopposables aux consorts Z...-A...et à la SCI Z...-A...la Cour d'appel a violé l'article 1167 du Code civil par fausse application et les articles 460 et 583, alinéa 2, du Code de procédure civile par refus d'application ;
ALORS 2°) QUE l'action paulienne suppose la démonstration d'un appauvrissement du débiteur ; qu'en retenant que Madame X... se serait appauvrie « artificiellement », après avoir constaté que des fonds, d'un montant de 100. 000 francs (15. 244 euros), avaient été effectivement remis à Madame X... par Monsieur Y... et que celle-ci les avait utilisés pour procédé au remboursement de dettes personnelles, ce dont il résultait l'absence d'appauvrissement et de fraude, la Cour d'appel, qui n'a nullement constaté la fictivité du prêt ainsi consenti, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 1167 du Code civil ;
ALORS 3°) QUE l'action paulienne n'est recevable, hors toute exigence d'insolvabilité, à propos d'initiatives prises par le débiteur relativement à droit préférentiel dont il avait investi le créancier sur un bien particulier, que s'il a réduit la valeur du second ou rendu impossible l'exercice du premier ; qu'en déclarant l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise sur l'immeuble Andernos par Monsieur Y..., le 5 juin 1998, inopposable à la SCI Z...-A..., elle-même titulaire d'une hypothèque sur le même immeuble, sans constater que la première avait eu pour effet de rendre impossible l'exercice du droit spécial né de la seconde, faute de valeur suffisante de l'immeuble grevé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du Code civil ;
ALORS 4°) QUE pour exercer l'action paulienne, le créancier, non titulaire d'un droit spécial affectant un bien du débiteur, doit démontrer que l'acte attaqué a provoqué ou aggravé l'insolvabilité du débiteur tant à la date de l'acte qu'à la date de la demande du créancier ; qu'en retenant, pour déclarer les actes litigieux inopposables aux consorts Z...-A..., lesquels n'étaient pas investis de droits particuliers sur certains biens du débiteur, que le règlement de leurs créances était « illusoire » sans autrement s'en expliquer, ni préciser en quoi les consorts Z...-A...aurait fait la preuve de l'insolvabilité au moins apparente de Madame X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1167 et 1315 du Code civil ;
ALORS 5°) QU'en toute hypothèse, en retenant tout à la fois qu'aucun lien n'existe entre le retrait de fonds de 100. 000 francs sur le compte de Monsieur Y... et le versement de fonds pour un montant identique sur le compte de Madame X... (Arrêt, p. 9, § 3), ce qui laisserait entendre l'absence de prêt entre les parties, et que, grâce au prêt consenti par Monsieur Y..., Madame X... a procédé au remboursement de dettes personnelles (arrêt, p. 9, § 4), ce qui démontrait, au contraire, l'existence dudit prêt, la Cour d'appel s'est contredite, privant ainsi sa décision de motifs en violation des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS 6°) QU'en tout état de cause, constitue un mode de preuve parfait la copie du titre original dont il est la copie fidèle et durable ; qu'en retenant, pour écarter l'existence du prêt, que l'acte du 6 mars 1997, qui n'est produit qu'en photocopie, n'a pas date certaine, quand il lui appartenait d'en demander la production en original et, à défaut, de rechercher si celui-ci était une reproduction fidèle et durable de l'original ou si celui-ci avait disparu par suite d'un cas fortuit ou de force majeure, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1348 du Code civil.