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15/01/2014 | FRANCE | N°12-24879

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2014, 12-24879


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 21 juillet 2003 par la société HCL en qualité d'ingénieur commercial et promu directeur commercial en décembre 2005 ; qu'il était par ailleurs associé minoritaire de la société ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 16 mai 2007 ; que contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale, demandant la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages

-intérêts pour harcèlement moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 21 juillet 2003 par la société HCL en qualité d'ingénieur commercial et promu directeur commercial en décembre 2005 ; qu'il était par ailleurs associé minoritaire de la société ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 16 mai 2007 ; que contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale, demandant la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'ayant rappelé que, dans sa lettre du 27 avril 2007, M. X... avait indiqué à la société HCL : « J'accuse réception de votre nouveau courrier recommandé AR dont les termes suscitent mon étonnement. Vous avez en effet déjà en votre possession toutes les coordonnées de nos clients actifs et passés puisque nous vous adressons systématiquement une copie de tous les ordres de missions sur lesquels sont spécifiés les coordonnées des responsables techniques, ainsi que les coordonnées des destinataires de nos factures (...) », la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme l'y avaient invité les conclusions d'appel de M. X..., si l'employeur n'avait pas déjà en sa possession cette liste des contacts de sorte que, dans l'affirmative, sa demande n'était pas de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-5 du code du travail, ensemble l'article L. 1332-4 du même code ;
2°/ qu'il appartient à l'employeur de démontrer les faits imputés à faute grave, de sorte que le salarié n'a rien à démontrer ; que M. X... avait fait observer, dans ses conclusions précitées, que la société HCL ne rapportait pas la preuve du refus du salarié de lui remettre la liste de contacts ; qu'il avait à toutes fins utiles produit aux débats la liste des clients et des contacts qu'avait établie la société HCL pour l'envoi à ces clients d'une plaquette d'information sur sa situation ; qu'en n'exigeant pas de la société HCL qu'elle rapporte la preuve qu'elle n'avait pas entre ses mains la liste des contacts de clientèle, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-5 du code du travail, ensemble l'article L. 1332-4 du même code ;
3°/ que les motifs de licenciement invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement doivent constituer la vraie cause de la rupture, à défaut de quoi le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ; que, dès lors qu'il y est invité par le salarié, le juge doit rechercher, au-delà des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, quelle est la vraie cause de la rupture ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, sur les six griefs invoqués à titre de faute lourde, cinq n'étaient pas réels ni sérieux ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait M. X... dans ses conclusions d'appel, si les griefs invoqués ne constituaient pas en réalité de fallacieux prétextes visant à masquer la vraie cause du licenciement, laquelle résidait dans le refus que le salarié avait opposé, en sa qualité d'associé, aux décisions prises en assemblée générale d'associés de la société HCL, et en se prononçant par des motifs inopérants selon lesquels l'argumentation du salarié relative à sa dénonciation des décisions de la société HCL procédait d'une confusion des rôles entre associé et salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que le juge doit respecter les termes du litige résultant des motifs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en relevant par motifs éventuellement adoptés que M. X... n'avait pas respecté son devoir de loyauté envers l'employeur et n'avait pas exercé de bonne foi son contrat de travail dès lors que ses agissements ne pouvaient incontestablement et volontairement mettre en difficulté l'entreprise quand l'exposant avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le conseil de prud'hommes s'était fondé, par ces motifs, sur le rejet par le tribunal de commerce de Nanterre de sa demande en dissolution judiciaire de la société HCL, laquelle était fondée sur le transfert frauduleux de bénéfices de cette société à la société mère, ce dont il résultait que le conseil de prud'hommes n'avait pas respecté les termes du litige résultant de la lettre de licenciement qui n'avait pas invoqué ce motif, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des faits et des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel a constaté que le salarié n'avait jamais déféré à l'injonction de son

employeur alors qu'aux termes de son contrat de travail, il s'était engagé à restituer, à la première demande, tous les documents et fichiers informatiques qui lui étaient confiés dans le cadre de ses fonctions ou qu'il avait lui-même créés ; qu'elle a pu retenir, écartant par là-même une autre cause de licenciement, que ce comportement rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen, qui dans sa quatrième branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral, l'arrêt retient que le salarié n'établit ni ne caractérise des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier si les éléments établis par le salarié, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 27 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société HCL aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant à ce que la société HCL (employeur) soit condamnée à lui verser les sommes de 3099, 66 euros au titre de la mise à pied conservatoire, 10940 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de cette mise à pied, 17410 euros à titre d'indemnité de préavis, 10940 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 8217, 75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et 262560 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l'AVOIR condamné aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la société HCL a été créée en 2002 ; que c'est une société regroupant des ingénieurs de bureau d'étude, spécialisés dans l'installation d'usines « clés en main », tuyauterie et instrumentation, dans le secteur des fluides et gaz ; qu'elle fait partie du groupe TVA, dont faisaient également partie les sociétés TVA CONSULTING, TVA ENGINEERING, TVA INVEST et ATV II ; que le capital de la société HCL était au départ composé de 525 parts appartenant à la société TVA ENGINEERING (appartenant à Monsieur Antoine Y...), de 112 parts appartenant à M. Jean-Michel X..., de 112 parts, appartenant à Monsieur Jean-Paul B..., et d'1 part appartenant à M. Antoine Y..., gérant de la société HCL ; que deux des associés, Messieurs X... et B... sont par ailleurs salariés de la société ; que M. Jean-Michel X... a été engagé par la SARL HCL en qualité d'ingénieur commercial par contrat à durée indéterminée en date du 21 juillet 2003 moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 3500 euros, outre un intéressement aux résultats et le remboursement de ses notes de frais sur justificatifs ; qu'il bénéficiait par ailleurs d'un véhicule de fonction ; que son lieu de travail était situé au PLESSIS TREVISE dans le Val de Marne ; que par avenant du 31 décembre 2004, la société HCL a porté la rémunération forfaitaire de Monsieur X... à 4 150 euros ; puis que par nouvel avenant du 30 décembre 2005, elle a promu le salarié au poste de directeur commercial avec une rémunération forfaitaire brute mensuelle de 4300 euros ; que le 8 mars 2007, la société HCL a notifié à Monsieur X... un changement de son lieu de travail à compter du 1er juin 2007, motivé par le regroupement des services administratifs et commerciaux en un seul lieu, au siège social d'ANTONY, dans les Hauts de Seine ; que par lettre du 29 mars 2007, Maître DANINO, avocat de Messieurs B... et X... a écrit au gérant de la société HCL pour dénoncer le harcèlement subi par ses clients depuis qu'ils avaient fait état de graves dysfonctionnements dans la gestion et l'administration de la société, harcèlement dont elle voyait notamment une illustration dans le rapatriement de HCL à ANTONY ; que le 3 avril 2007, le gérant de la société HCL a demandé à Monsieur X... de restituer le véhicule MERCEDES (immatriculé...) en raison de l'obligation de réduire les frais généraux, en lui annonçant qu'un nouveau véhicule lui serait attribué ; que le 20 avril 2007, le même gérant a donné instruction au salarié de lui remettre dans les 48 heures la liste de ses interlocuteurs chez les clients de la société ; que le 30 avril 2007 Monsieur X... s'est vu notifier une mise à pied conservatoire avec convocation à entretien préalable fixé au 14 mai 2007 en vue d'un licenciement ; puis qu'il a été licencié pour faute lourde par lettre du 16 mai 2007 pour avoir :- refusé de remettre au gérant la liste des contacts par clients de la société sous divers prétextes, et manquements par cette attitude à l'obligation de loyauté ;- occulté l'appartenance de la société HCL dans le groupe TVA, ce qui a fait obstacle à une synergie nécessaire et utile, attitude nuisant gravement à la société ;- refusé le déplacement géographique sur ANTONY, en dépit de son obligation de mobilité ;- suggéré la mise en place d'un plan de commissions illicites à verser à des clients potentiels ;- fait preuve d'une insuffisance professionnelle en matière de gestion du personnel en créant un risque grave pour la société ;- exposé des notes de frais dépassant les montants raisonnables d'un repas ; que, sur le grief tiré du refus par le salarié de remettre au gérant la liste des contacts par clients de la société, ce grief trouve son origine dans le courrier du gérant de la société HCL du 20 avril 2007 ayant donné instruction à Monsieur X... de lui remettre dans les 48 heures la liste de ses interlocuteurs chez les clients de la société ; que cette lettre est ainsi libellée : « Monsieur, je vous donne pour instruction de me remettre dans les 48 heures la liste des interlocuteurs chez nos clients avec lesquels nous prenons commande. Merci de me faire rencontrer dès à présent ces clients » ; qu'il ressort des pièces produites que face à cette demande, Monsieur X... a apporté à son employeur la réponse suivante par lettre du 27 avril 2007 : « J'accuse réception de votre nouveau courrier recommandé AR dont les termes suscitent mon étonnement. Vous avez en effet déjà en votre possession toutes les coordonnées de nos clients actifs et passés puisque nous vous adressons systématiquement une copie de tous les ordres de missions sur lesquels sont spécifiées les coordonnées des responsables techniques, ainsi que les coordonnées des destinataires de nos factures. Ma charge de travail actuelle ne me permet pas de consacrer du temps à lister des contacts que vous connaissez déjà, du moins ne permet-elle pas de déférer dans les 48 heures à votre requête. C'est à nouveau une manifestation notoire du harcèlement dont je fais l'objet. Je me permets de vous rappeler qu'à ce jour aucune réponse n'a été formulée à nos demandes initiales dans le courrier de notre avocat et datée du 1er mars 2007 » ; que cette lettre du 1er mars 2007, versée aux débats, contestait un procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire des associés du 2 janvier 2007 en relevant qu'aucune règle de forme n'avait été respectée en ce qui concernait les conventions passées entre la société et son gérant ou associé ; qu'il convenait de veiller scrupuleusement à toute convention conclue avec les sociétés TVA CONSULTING, TVA ENGINEERING, TVA INVEST et ATV II ; qu'elle rappelait que le gérant ou l'associé ne pouvait pas prendre part au vote ; que le gérant ne devait agir que dans l'intérêt exclusif de la société ; qu'il n'est pas contesté et il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur X... n'a jamais déféré à l'injonction de son employeur de lui remettre la liste des contacts demandés ; que, se disant débordé ou incapable de le faire dans les 48 heures, il n'offre pas à son employeur de le faire ultérieurement ou dès que possible ; que par ailleurs, la lettre du 1er mars 2007 concernant une réclamation des « associés » (X... ou B...) de la société HCL, Monsieur X... ne pouvait s'en prévaloir en tant que « salarié » pour dénoncer le harcèlement dont il s'estime victime, ni pour s'exonérer de ses obligations contractuelles à l'égard de son employeur ; qu'il y a une confusion des rôles qui ne peut être admise ; or, qu'il ressort des obligations contractuelles du salarié (article 8) que ce dernier s'est engagé à « restituer tous les documents et fichiers informatiques qui lui ont été confiés dans le cadre de ses fonctions, ou qu'il a créés, ainsi que toute copie en sa possession, à la première demande ou dès la cession de ses fonctions car ils restent propriété de la société » ; que la liste des contacts auprès des sociétés clientes faisait indiscutablement partie des documents dont l'employeur pouvait exiger la restitution, et le fait de ne pas obtempérer à l'injonction doit être considéré comme un manquement à l'obligation de loyauté ; que la société HCL pouvait d'autant plus exiger la restitution que le conflit entre associés commençait à prendre forme, conflit dans lequel, selon les pièces versées aux débats :- Messieurs X... et B... commençaient en leur qualité d'associés à contester certains choix de la société HCL comme l'attribution au gérant (Y...) d'une rémunération de 380 000 euros (dans laquelle ils voyaient un abus de biens social), des conventions d'assistance et de groupe ou de prestations de services entre HCL et TVA INVEST, ayant pour effet d'organiser le détournement des bénéfices de la société HCL dans l'intérêt exclusif du gérant, également gérant des autres sociétés du groupe ; que cela débouchera très rapidement sur plusieurs instances judiciaires dès le licenciement de M. X... ;- le gérant de la société commençait à avoir des doutes sur la loyauté des associés salariés en les soupçonnant de participer à des actes de concurrence déloyale, de débauchage des salariés de l'entreprise au profit d'une société OMATEC, concurrente de la société HCL, et de détournement de clientèle ; qu'il a fait diligenter après le licenciement plusieurs mesures de constats, dans le but d'établir le bien-fondé de ses soupçons ; que dans ce contexte, le refus par Monsieur X... de remettre au gérant la liste des contacts qu'il avait auprès des gérants de la société n'était pas contractuellement admissible et constituait une faute lourde, car l'intention de nuire n'est pas établie, mais certainement grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que les autres griefs tirés du refus de mentionner l'appartenance de la société HCL au groupe TVA, du refus de déplacement géographique sur ANTONY, de la mise en place de commissions illicites, de l'insuffisance professionnelle, et de notes de frais exorbitantes, ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le grief tiré du refus de communiquer la liste des contacts de la société constituant une faute grave, Monsieur X... sera débouté de l'intégralité de ses demandes au titre des indemnités de rupture et de salaire de mise à pied ; qu'en l'absence de faute lourde, le salarié est en droit de demandé le paiement de ses congés payés pour un montant de 10940 euros ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Monsieur X... n'a pas respecté son devoir de loyauté envers l'employeur et n'a pas exercé de bonne foi son contrat de travail dès lors que ses agissements pouvaient incontestablement et volontairement mettre en difficulté l'entreprise ; qu'il y a lieu de retenir la faute lourde ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'ayant rappelé que, dans sa lettre du 27 avril 2007, Monsieur X... avait indiqué à la société HCL : « J'accuse réception de votre nouveau courrier recommandé AR dont les termes suscitent mon étonnement. Vous avez en effet déjà en votre possession toutes les coordonnées de nos clients actifs et passés puisque nous vous adressons systématiquement une copie de tous les ordres de missions sur lesquels sont spécifiés les coordonnées des responsables techniques, ainsi que les coordonnées des destinataires de nos factures (¿) », la Cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme l'y avaient invité les conclusions d'appel de Monsieur X..., si l'employeur n'avait pas déjà en sa possession cette liste des contacts de sorte que, dans l'affirmative, sa demande n'était pas de bonne foi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-5 du Code du travail, ensemble l'article L 1332-4 du même Code ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'il appartient à l'employeur de démontrer les faits imputés à faute grave, de sorte que le salarié n'a rien à démontrer ; que Monsieur X... avait fait observer, dans ses conclusions précitées, que la société HCL ne rapportait pas la preuve du refus du salarié de lui remettre la liste de contacts ; qu'il avait à toutes fins utiles produit aux débats la liste des clients et des contacts qu'avait établie la société HCL pour l'envoi à ces clients d'une plaquette d'information sur sa situation ; qu'en n'exigeant pas de la société HCL qu'elle rapporte la preuve qu'elle n'avait pas entre ses mains la liste des contacts de clientèle, la Cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-5 du Code du travail, ensemble l'article L 1332-4 du même Code ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les motifs de licenciement invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement doivent constituer la vraie cause de la rupture, à défaut de quoi le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ; que, dès lors qu'il y est invité par le salarié, le juge doit rechercher, au-delà des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, quelle est la vraie cause de la rupture ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, sur les six griefs invoqués à titre de faute lourde, cinq n'étaient pas réels ni sérieux ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait Monsieur X... dans ses conclusions d'appel, si les griefs invoqués ne constituaient pas en réalité de fallacieux prétextes visant à masquer la vraie cause du licenciement, laquelle résidait dans le refus que le salarié avait opposé, en sa qualité d'associé, aux décisions prises en assemblée générale d'associés de la société HCL, et en se prononçant par des motifs inopérants selon lesquels l'argumentation du salarié relative à sa dénonciation des décisions de la société HCL procédait d'une confusion des rôles entre associé et salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du Code du travail ;
ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge doit respecter les termes du litige résultant des motifs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en relevant par motifs éventuellement adoptés que Monsieur X... n'avait pas respecté son devoir de loyauté envers l'employeur et n'avait pas exercé de bonne foi son contrat de travail dès lors que ses agissements ne pouvaient incontestablement et volontairement mettre en difficulté l'entreprise quand l'exposant avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le Conseil de prud'hommes s'était fondé, par ces motifs, sur le rejet par le Tribunal de commerce de NANTERRE de sa demande en dissolution judiciaire de la société HCL, laquelle était fondée sur le transfert frauduleux de bénéfices de cette société à la société mère, ce dont il résultait que le Conseil de prud'hommes n'avait pas respecté les termes du litige résultant de la lettre de licenciement qui n'avait pas invoqué ce motif, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article L. 1232-6 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant à ce que la société HCL (employeur) soit condamnée à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, et de l'AVOIR condamné aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la société HCL a été créée en 2002 ; que c'est une société regroupant des ingénieurs de bureau d'étude, spécialisés dans l'installation d'usines « clés en main », tuyauterie et instrumentation, dans le secteur des fluides et gaz ; qu'elle fait partie du groupe TVA, dont faisaient également partie les sociétés TVA CONSULTING, TVA ENGINEERING, TVA INVEST et ATV II ; que le capital de la société HCL était au départ composé de 525 parts appartenant à la société TVA ENGINEERING (appartenant à Monsieur Antoine Y...), de 112 parts appartenant à M. Jean-Michel X..., de 112 parts, appartenant à Monsieur Jean-Paul B..., et d'1 part appartenant à M. Antoine Y..., gérant de la société HCL ; que deux des associés, Messieurs X... et B... sont par ailleurs salariés de la société ; que M. Jean-Claude X... a été engagé par la SARL HCL en qualité d'ingénieur commercial par contrat à durée indéterminée en date du 21 juillet 2003 moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 3500 euros, outre un intéressement aux résultats et le remboursement de ses notes de frais sur justificatifs ; qu'il bénéficiait par ailleurs d'un véhicule de fonction ; que son lieu de travail était situé au PLESSIS TREVISE dans le Val de Marne ; que par avenant du 31 décembre 2004, la société HCL a porté la rémunération forfaitaire de Monsieur X... à 4 150 euros ; puis que par nouvel avenant du 30 décembre 2005, elle a promu le salarié au poste de directeur commercial avec une rémunération forfaitaire brute mensuelle de 4300 euros ; que le 8 mars 2007, la société HCL a notifié à Monsieur X... un changement de son lieu de travail à compter du 1er juin 2007, motivé par le regroupement des services administratifs et commerciaux en un seul lieu, au siège social d'ANTONY, dans les Hauts de Seine ; que par lettre du 29 mars 2007, Maître DANINO, avocat de Messieurs B... et X... a écrit au gérant de la société HCL pour dénoncer le harcèlement subi par ses clients depuis qu'ils avaient fait état de graves dysfonctionnements dans la gestion et l'administration de la société, harcèlement dont elle voyait notamment une illustration dans le rapatriement de HCL à ANTONY ; que le 3 avril 2007, le gérant de la société HCL a demandé à Monsieur X... de restituer le véhicule MERCEDES (immatriculé...) en raison de l'obligation de réduire les frais généraux, en lui annonçant qu'un nouveau véhicule lui serait attribué ; que le 20 avril 2007, le même gérant a donné instruction au salarié de lui remettre dans les 48 heures la liste de ses interlocuteurs chez les clients de la société ; que le 30 avril 2007 Monsieur X... s'est vu notifier une mise à pied conservatoire avec convocation à entretien préalable fixé au 14 mai 2007 en vue d'un licenciement ; puis qu'il a été licencié pour faute lourde par lettre du 16 mai 2007 pour avoir :- refusé de remettre au gérant la liste des contacts par clients de la société sous divers prétextes, et manquements par cette attitude à l'obligation de loyauté ;- occulté l'appartenance de la société HCL dans le groupe TVA, ce qui a fait obstacle à une synergie nécessaire et utile, attitude nuisant gravement à la société ;- refusé le déplacement géographique sur ANTONY, en dépit de son obligation de mobilité ;- suggéré la mise en place d'un plan de commissions illicites à verser à des clients potentiels ;- fait preuve d'une insuffisance professionnelle en matière de gestion du personnel en créant un risque grave pour la société ;- exposé des notes de frais dépassant les montants raisonnables d'un repas ; que, sur le grief tiré du refus par le salarié de remettre au gérant la liste des contacts par clients de la société, ce grief trouve son origine dans le courrier du gérant de la société HCL du 20 avril 2007 ayant donné instruction à Monsieur X... de lui remettre dans les 48 heures la liste de ses interlocuteurs chez les clients de la société ; que cette lettre est ainsi libellée : « Monsieur, je vous donne pour instruction de me remettre dans les 48 heures la liste des interlocuteurs chez nos clients avec lesquels nous prenons commande. Merci de me faire rencontrer dès à présent ces clients » ; qu'il ressort des pièces produites que face à cette demande, Monsieur X... a apporté à son employeur la réponse suivante par lettre du 27 avril 2007 : « J'accuse réception de votre nouveau courrier recommandé AR dont les termes suscitent mon étonnement. Vous avez en effet déjà en votre possession toutes les coordonnées de nos clients actifs et passés puisque nous vous adressons systématiquement une copie de tous les ordres de missions sur lesquels sont spécifiées les coordonnées des responsables techniques, ainsi que les coordonnées des destinataires de nos factures. Ma charge de travail actuelle ne me permet pas de consacrer du temps à lister des contacts que vous connaissez déjà, du moins ne permet-elle pas de déférer dans les 48 heures à votre requête. C'est à nouveau une manifestation notoire du harcèlement dont je fais l'objet. Je me permets de vous rappeler qu'à ce jour aucune réponse n'a été formulée à nos demandes initiales dans le courrier de notre avocat et datée du 1er mars 2007 » ; que cette lettre du 1er mars 2007, versée aux débats, contestait un procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire des associés du 2 janvier 2007 en relevant qu'aucune règle de forme n'avait été respectée en ce qui concernait les conventions passées entre la société et son gérant ou associé ; qu'il convenait de veiller scrupuleusement à toute convention conclue avec les sociétés TVA CONSULTING, TVA ENGINEERING, TVA INVEST et ATV II ; qu'elle rappelait que le gérant ou l'associé ne pouvait pas prendre part au vote ; que le gérant ne devait agir que dans l'intérêt exclusif de la société ; qu'il n'est pas contesté et il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur X... n'a jamais déféré à l'injonction de son employeur de lui remettre la liste des contacts demandés ; que, se disant débordé ou incapable de le faire dans les 48 heures, il n'offre pas à son employeur de le faire ultérieurement ou dès que possible ; que par ailleurs, la lettre du 1er mars 2007 concernant une réclamation des « associés » (X... ou B...) de la société HCL, Monsieur X... ne pouvait s'en prévaloir en tant que « salarié » pour dénoncer le harcèlement dont il s'estime victime, ni pour s'exonérer de ses obligations contractuelles à l'égard de son employeur ; qu'il y a une confusion des rôles qui ne peut être admise ; or, qu'il ressort des obligations contractuelles du salarié (article 8) que ce dernier s'est engagé à « restituer tous les documents et fichiers informatiques qui lui ont été confiés dans le cadre de ses fonctions, ou qu'il a créés, ainsi que toute copie en sa possession, à la première demande ou dès la cession de ses fonctions car ils restent propriété de la société » ; que la liste des contacts auprès des sociétés clientes faisait indiscutablement partie des documents dont l'employeur pouvait exiger la restitution, et le fait de ne pas obtempérer à l'injonction doit être considéré comme un manquement à l'obligation de loyauté ; que la société HCL pouvait d'autant plus exiger la restitution que le conflit entre associés commençait à prendre forme, conflit dans lequel, selon les pièces versées aux débats :- Messieurs X... et B... commençaient en leur qualité d'associés à contester certains choix de la société HCL comme l'attribution au gérant (Y...) d'une rémunération de 380 000 euros (dans laquelle ils voyaient un abus de biens social), des conventions d'assistance et de groupe ou de prestations de services entre HCL et TVA INVEST, ayant pour effet d'organiser le détournement des bénéfices de la société HCL dans l'intérêt exclusif du gérant, également gérant des autres sociétés du groupe ; que cela débouchera très rapidement sur plusieurs instances judiciaires dès le licenciement de M. X... ;- le gérant de la société commençait à avoir des doutes sur la loyauté des associés salariés en les soupçonnant de participer à des actes de concurrence déloyale, de débauchage des salariés de l'entreprise au profit d'une société OMAHA, concurrente de la société HCL, et de détournement de clientèle ; qu'il a fait diligenter après le licenciement plusieurs mesures de constats, dans le but d'établir le bien-fondé de ses soupçons ; que dans ce contexte, le refus par Monsieur X... de remettre au gérant la liste des contacts qu'il avait auprès des gérants de la société n'était pas contractuellement admissible et constituait une faute lourde, car l'intention de nuire n'est pas établie, mais certainement grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que les autres griefs tirés du refus de mentionner l'appartenance de la société HCL au groupe TVA, du refus de déplacement géographique sur ANTONY, de la mise en place de commissions illicites, de l'insuffisance professionnelle, et de notes de frais exorbitantes, ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le salarié n'établissant ni ne caractérisant des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, celui-ci sera débouté de sa demande ;
ALORS QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, il incombe au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction en recherchant si, dans leur ensemble, ils permettent de présumer un harcèlement ; qu'ayant retenu que Monsieur X... avait contesté, en sa qualité d'associé, les décisions prises par la société en matière de convention d'assistance qui aboutissait à vider cette société de sa substance, et qu'en outre, selon le courrier de l'avocat de l'exposant, c'était à partir de ce moment-là que celui-ci avait fait l'objet d'agissements d'harcèlement moral, la Cour d'appel qui, pour écarter de tels agissements, s'est bornée à affirmer que le salarié n'établissait ni ne caractérisait des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, sans examiner les circonstances invoquées par l'exposant dans ses conclusions d'appel et dans le courrier précité de son avocat, desquels il résultait que la société HCL avait multiplié des agissements de harcèlement ayant abouti à des arrêts maladie, et qu'elle avait ainsi imposé au salarié la modification de son lieu de travail sans lui avoir laissé le temps de réfléchir et en le menaçant de licenciement, qu'elle avait en outre refusé de procéder à des avances de frais pour la réparation de son véhicule de fonction, qu'elle surveillait également ses horaires de travail alors qu'il exerçait les fonctions de directeur commercial, qu'au surplus, c'était dans ce contexte qu'elle l'avait enjoint de fournir dans les 48 heures une liste de contacts qu'elle avait déjà en sa possession, qu'elle avait par ailleurs refusé de payer le solde de prime d'intéressement 2006 et de procéder à l'augmentation de salaire promise, et qu'enfin, l'employeur, qui avait interdit aux clients de l'exposant de signer tout document susceptible d'engager la société et avait en outre envoyé à celui-ci un huissier aux fins de constater de prétendus actes de concurrence déloyale, avait en réalité été débouté de son action engagée contre lui en concurrence déloyale, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-24879
Date de la décision : 15/01/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2014, pourvoi n°12-24879


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.24879
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