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07/01/2014 | FRANCE | N°13-87014

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 janvier 2014, 13-87014


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Hubert X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 3 octobre 2013, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine sous l'accusation de viols et tentative de viol aggravés ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 121-4, 121-5, 222-22, 222-23, 222-24, 222-44, 222-45, 222-47 du code pénal, 211, 213, 214,

préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Hubert X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 3 octobre 2013, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine sous l'accusation de viols et tentative de viol aggravés ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 121-4, 121-5, 222-22, 222-23, 222-24, 222-44, 222-45, 222-47 du code pénal, 211, 213, 214, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a ordonné la mise en accusation de M. X...du chef de viols et tentative de viol sur personne particulièrement vulnérable en raison de son état physique ou mental ;
" aux motifs que, sur l'impossibilité invoquée de caractériser l'absence de consentement de Mme Camille Y..., la partie civile a exposé comment après dix-huit mois de thérapie à laquelle elle voulait mettre un terme, le docteur X...l'avait fait asseoir sur ses genoux, se comportant comme un père, alors qu'il connaissait sa quête affective particulièrement envers son père ; qu'il a ainsi développé l'attachement et la dépendance de sa patiente à son égard ; et qu'ensuite, selon les dires de Mme Y..., il a alterné les gestes paternels en la faisant asseoir sur ses genoux et les actes sexuels sous forme de caresses et de fellations, créant dans l'esprit de la jeune femme une confusion entre affection et sexualité ; que le mis en examen a affirmé au contraire que la partie civile avait pris l'initiative de la première fellation et qu'il avait succombé au comportement séducteur de la jeune femme, affirmant tour à tour qu'à l'époque, elle n'était plus sa patiente, puis qu'elle n'était plus malade, alors qu'il avait demandé pour elle une prise en charge à 100 % pour affection de longue durée ; que la lecture des notes prises par le praticien démontre qu'il lui a prescrit des médicaments tout au long de sa thérapie, ce qui contredit ses affirmations de guérison ou d'amélioration de son état ; qu'il a également précisé qu'elle n'avait pas payé les séances au cours desquelles s'étaient déroulées les deux fellations qu'il reconnaît, avant d'admettre, lors de la confrontation, que Mme Y...avait réglé toutes les séances de thérapie sans exception ; que lors de fellations qui, selon partie civile, ont eu lieu de 1992 à 1997, une séance sur deux, M. X...et Mme Y...se trouvaient donc dans une relation de thérapeute à patiente et non sur un pied d'égalité homme-femme ; que les notes prises par le psychiatre le 4 novembre 1991 démontrent qu'à cette époque, Mme Camille Y... n'avait jamais eu de relations sexuelles et qu'elle n'en souhaitait pas ; qu'en effet, ont été consignés les propos suivants : " tout mon corps est à moi et on ne va pas y toucher de sitôt ". " Je n'ai pas envie qu'on y touche de sitôt ". " Je n'ai pas envie qu'on y touche avant longtemps " ; que cette affirmation est en inadéquation totale avec le comportement provocateur et séducteur décrit par le thérapeute ; qu'en outre, si, comme le soutient le psychiatre, elle a pris l'initiative des fellations, il est incompréhensible qu'elle soit allée immédiatement s'en plaindre à sa meilleure amie et qu'elle ait sollicité l'intervention de son père auprès du docteur X..., laquelle a été faite le 6 janvier 1992, selon les notes du psychiatre ; que les propos de Mme Y...au docteur X..., consignés par celui-ci dans ses notes en septembre 1989, novembre 1989, mai 1990, janvier 1991 et le 2 juillet 1997 attestent d'un grand besoin d'affection, mais sont dépourvus de connotation sexuelle ; que la partie civile a affirmé de manière constante qu'elle n'avait jamais eu de geste tendre envers son thérapeute, qu'elle restait passive durant leurs rapports sexuels, qu'elle vomissait de plus en plus après les fellations ; qu'elle a expliqué au magistrat instructeur que la première fellation lui avait été ordonnée par le thérapeute, alors qu'elle n'avait aucune expérience en matière sexuelle et qu'elle n'avait même jamais eu de petit ami, et qu'ensuite, elle s'était soumise aux actes imposés par le docteur X...pour pouvoir s'asseoir sur ses genoux, manifestation d'affection qu'elle recherchait tant son sentiment de solitude était grand ; qu'en effet, son père ne la soutenait pas, son thérapeute l'avait amenée à prendre un appartement alors qu'elle n'était pas prête à l'autonomie et souffrait de dépression ; qu'en agissant de la sorte, le docteur X...l'a éloignée de ses proches, l'a isolée et a ainsi renforcé sa domination sur elle en devenant sa seule référence ; qu'elle n'a jamais dissimulé son ambivalence à l'égard de son thérapeute, tout en soulignant qu'elle recherchait une relation sentimentale platonique et non sexuelle ; qu'il ressort également des notes prises par le docteur X...que Mme Y...a voulu espacer les séances, ne plus prendre d'antidépresseurs et qu'il n'en a pas tenu compte ; qu'au contraire, afin de l'empêcher de mettre un terme à sa thérapie pour des raisons financières, il lui a obtenu une prise en charge à 100 % sur la production d'un faux diagnostic ; que non seulement, il n'a pas cherché à la confier à un autre psychiatre mais qu'encore, il a tout fait pour la conserver comme patiente ; que tous ces éléments tendent à démontrer que Mme Camille Y... se trouvait sous la domination du docteur X..., emprise accrue par les médicaments prescrits, d'ailleurs, reconnue par l'intéressé, puis réfutée ; que cette soumission la privait de sa capacité à s'opposer aux actes décidés par son thérapeute ; que cette emprise caractérise la contrainte, laquelle est un élément constitutif du viol ; que M. X...ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré l'état de contrainte allégué par Mme Y..., alors qu'il a lui-même créé et entretenu cette situation de dépendance de la jeune femme à son égard ; qu'il a pu constater lui-même le dégoût que lui inspiraient les fellations par ses vomissements répétés ; qu'il a d'ailleurs consigné dans ses notes que sa patiente avait les fellations en horreur ; que pour démontrer le consentement de la partie civile à ces actes, le conseil de M. X...établit un parallèle entre les fellations reconnues par le mis en examen et les rapports de la jeune femme avec un certain E..., cette dernière ayant déclaré que ses relations intimes avec cet homme lui donnaient " envie de gerber " alors qu'elles étaient consenties ; qu'il convient de rappeler qu'il a été constaté dans l'expertise de la transcription des notes du docteur X...que ce passage, daté du 21 mars 1995, dans lequel Mme Y...est censée faire état de son dégoût de ses relations avec E... ne figurait pas sur la fiche manuscrite du docteur X...et a été rajouté à la transcription ; que cet argument est donc inopérant ; que la défense soupçonne la partie civile d'avoir, compte tenu de son état psychique, fantasmé, fabulé et avec l'aide de thérapeutes ayant succédé à Hubert X..., aménagé la réalité ; qu'elle en veut pour preuve les doutes exprimés par les parents de Mme Y...quant au caractère contraint de ses rapports sexuels avec M. X...; qu'aucun des experts n'a relevé chez Mme Y...de signe évocateur de mythomanie ou d'affabulation ; que si elle avait " réécrit ", son histoire, ils n'auraient pas manqué de s'en apercevoir et de le signaler ; qu'il convient de rappeler que la partie civile a réitéré ses accusations dans les mêmes termes lors de toutes ses auditions par le juge d'instruction, y compris en présence de M. X...et devant les différents experts ; qu'en ce qui concerne les époux Y..., il leur est plus facile de douter de la sincérité de leur fille que d'admettre leurs défaillances dans leur rôle de parents ;
" 1°) alors que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la contrainte doit être concomitante des faits de viol ou tentative de viol ; qu'en se fondant sur des déclarations ou des notes relatives à des faits (1989 à 1992) non contemporains et mêmes antérieurs de plusieurs années aux seuls actes objet de la mise en accusation (1995/ 1997), la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que dans ses écritures, M. X..., qui a toujours déclaré avoir succombé à sa patiente, faisait valoir que Mme Camille Y... « déclarait au magistrat-instructeur le 23 septembre 2005 (D17/ 6) : « J'étais tellement seule que j'aurai tout donné pour être sur ses genoux, il fallait que je passe par là ¿ J'avais le haut le coeur à chaque fois, j'étais obligée de lui cacher que je n'aimais pas cela pour le garder, c'est lui qui bougeait son bassin » ; que non seulement Mme Y...n'évoquait aucune contrainte, aucune coercition, aucune violence, mais indiquait, au contraire, qu'elle « voulait le garder » et ajoutait, toujours au cours de la même audition : « Je lui demandais s'il m'aimait, s'il était amoureux de moi, je lui ni même demandé qu'on arrête la thérapie et qu'éventuellement je devienne sa maîtresse. Je lui demandais de construire une relation extérieure à la thérapie et qu'il m'apprenne à faire l'amour mais il disait toujours qu'en dehors de la thérapie, ce n'était pas possible. » ; que Mme Y...n'avait jamais affirmé avoir demandé au docteur X...de cesser d'avoir des rapports sexuels avec elle ; qu'au contraire, elle dit avoir souhaité interrompre sa thérapie, afin de pouvoir devenir sa maîtresse ; qu'en voulant ajouter à leur relation intime une dimension sentimentale et loin de vouloir y mettre un terme, Camille Y... apporte la preuve que ses relations avec M. X...n'étaient ni contraintes, ni forcées, bien au contraire ; que de même, lorsqu'elle lui exprime le regret de n'avoir pas eu d'enfant avec lui (dossier médical, 5 avril 1994) ; qu'enfin, que Mme Y...ait souhaité que ses relations avec M. X...ne soient pas uniquement sexuelles n'implique absolument pas que leurs relations sexuelles aient été contraintes ou forcées, bien au contraire ; qu'en ne répondant pas à ces écritures de nature à établir non pas seulement que Mme Y...n'avait jamais dissimulé son ambivalence à l'égard de son thérapeute dans le cadre de la présente procédure, mais qu'à l'époque des faits objet de la mise en accusation, elle avait bel et bien adopté un comportement à l'égard de M. X...susceptible d'exclure, chez ce dernier, tout élément intentionnel, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 121-4, 121-5, 222-22, 222-23, 222-24, 222-44, 222-45, 222-47 du code pénal, 211, 213, 214, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a ordonné la mise en accusation de M. X...du chef de viols et tentative de viol sur personne particulièrement vulnérable en raison de son état physique ou mental ;
" aux motifs que, sur la particulière vulnérabilité de Mme Y..., le docteur X...a nié la vulnérabilité de la partie civile, en dépit de sa fragilité et du diagnostic qu'il avait posé lui-même à l'époque des faits dénoncés ; que le docteur Z...et Mme A...ont conclu que " son âge au début des faits dénoncés, sa fragilité psychologique initiale, le lien de dépendance instauré de fait par le statut de l'agresseur présumé et l'utilisation dans sa fonction de son savoir de psychiatrie et de psychothérapie permettaient de considérer Mme Y...comme une personne particulièrement vulnérable " ; que le docteur B...et Mme C...ont conclu " qu'une situation transférentielle d'une post-adolescente fragile était en soi une situation de vulnérabilité " ; que la circonstance aggravante de particulière vulnérabilité est donc caractérisée en l'espèce ; qu'elle ne pouvait être ignorée du docteur X...en sa qualité de psychiatre et de thérapeute de la partie civile ;
" 1°) alors que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en n'expliquant pas en quoi une fragilité psychologique post-adolescente « initiale » ou « au début des faits dénoncés » (1991), chez une adulte ayant atteint l'âge de 24 à 26 ans au moment des seuls faits objet de la mise en accusation (1995/ 1997), la mettait dans une situation de particulière vulnérabilité, la chambre de l'instruction n'a pas justifiée légalement sa décision ;
" 2°) alors que le transfert, propre à tout travail analytique, ne caractérise pas une déficience physique ou psychique constitutive d'une particulière vulnérabilité au sens de l'article 222-24 3° du code pénal ;
" 3°) alors que le statut de psychiatre de M. X...et son savoir de psychiatrie et de psychothérapie sont des circonstances inopérantes pour caractériser la particulière vulnérabilité, faute de relever d'un état relatif à la personne de la victime " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué et de l'ordonnance qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles des mémoires dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre M. X...pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols et tentative de viol sur personne particulièrement vulnérable ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. X...devra payer à Mme Y..., épouse D..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Mirguet, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-87014
Date de la décision : 07/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 03 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jan. 2014, pourvoi n°13-87014


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.87014
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