LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé en qualité de manutentionnaire par la société Carmin (l'employeur), a été victime le 21 avril 2006 d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, avec reconnaissance d'un taux d'incapacité permanente de 52 % ; qu'une juridiction de sécurité sociale ayant reconnu la faute inexcusable de l'employeur, l'intéressé a sollicité l'indemnisation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident qui est identique :
Vu les articles L. 434-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que le besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation, indemnisé dans les conditions prévues par le premier de ces textes, est un dommage couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour indemniser l'assistance par une tierce personne après consolidation, l'arrêt retient que la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel prive l'énumération de la liste des préjudices de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale de son caractère limitatif ou exclusif, de sorte que M. X... peut réclamer à son employeur la réparation de tout dommage non couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que ce dernier ne prévoyant l'assistance d'une tierce personne que pour les incapacités d'au moins 80 %, la demande de M. X... ne peut être rejetée au motif qu'elle est prise en compte dans le livre IV du même code ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident qui est identique :
Vu les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte des trois premiers de ces textes que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que le préjudice d'agrément réparable en application du quatrième de ces textes est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; que sont réparables en application du même texte les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ;
Attendu que pour allouer à la victime les sommes de 20 000 euros au titre de l'indemnisation de ses souffrances physiques, 30 000 euros au titre de ses souffrances morales et 25 000 euros au titre de l'indemnisation d'un préjudice d'agrément, l'arrêt retient, d'une part, que titulaire d'un brevet d'études professionnelles en électroménager, M. X... s'orientait vers l'exercice d'un métier manuel ; qu'il était un jeune homme sportif pratiquant plusieurs activités sportives dans le cadre de clubs (rugby, boxe), jouait au football et appréciait le bricolage ; que l'accident du travail dont il a été victime a provoqué une amputation traumatique bilatérale des extrémités digitales nécessitant trois interventions chirurgicales ; que la tentative de réimplantation d'un doigt a échoué ; qu'outre les traitements antibiotiques et antalgiques, il a suivi trente séances de rééducation, la consolidation étant intervenue en juin 2009, soit trois ans après l'accident ; que plusieurs années après l'accident, il souffre de douleurs aux changements de température et ressent des décharges électriques au niveau de certains moignons ; que, d'autre part, l'accident a eu un retentissement psychologique très important sur un jeune homme qui en subira les conséquences tout au long de sa vie ; que l'expert note des troubles du sommeil, un état anxio-dépressif réactionnel, des ruminations ; que lui-même dit faire des cauchemars et revit la scène de l'accident ; qu'il évoque également des difficultés dans les relations amoureuses et une tendance au repli sur soi ; qu'il retient enfin, que du fait de l'accident, M. X... subit d'importants troubles dans ses conditions d'existence en raison de l'altération de sa capacité à accomplir des gestes ordinaires tels que boutonner un pantalon, nouer ses lacets, se raser et qu'il se trouve également privé de la possibilité de se consacrer aux activités sportives et de loisir qui étaient les siennes et de se déplacer sur un deux roues ;
Qu'en se déterminant ainsi, d'une part, sans distinguer les souffrances subies pendant la période de soins des souffrances permanentes indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente d'accident du travail majorée, d'autre part, sans distinguer le préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir du préjudice constitué par les troubles dans les conditions d'existence indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente d'accident du travail majorée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. X... la somme de 5 000 euros au titre de la tierce personne après consolidation, la somme de 20 000 euros au titre des souffrances physiques, celles de 30 000 euros au titre des souffrances morales et de 25 000 euros au titre du préjudice d'agrément, l'arrêt rendu le 2 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens identiques produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la société Carmin, M. Y..., ès qualités et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (Groupama) Rhône-Alpes Auvergne.
PREMIER MOYENDE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir alloué à Monsieur X..., victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société CARMIN, la somme de 5.000 euros au titre de la tierce personne après consolidation ;
AUX MOTIFS QUE la réserve d'interprétation émise par le Conseil Constitutionnel prive l'énumération de la liste des préjudices de l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale de son caractère limitatif ou exclusif, de sorte que Hachemi X... peut réclamer à son employeur la réparation de tout dommage non couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale ; le livre IV de la sécurité sociale ne prévoyant l'assistance d'une tierce personne que pour les incapacités d'au moins 80%, la demande de Hachemi X... ne peut être rejetée au motif qu'elle est prise en compte dans le livre IV ; que pour autant l'expert évalue tout au plus à une heure par semaine l'aide qui pourrait lui être apportée pour des tâches particulières comme le lavage des cheveux ou la coupe des ongles ; qu'il sera alloué à Hachemi X... la somme de 5.000 euros au titre de l'assistance par une tierce personne après consolidation ;
ALORS QUE dans le cas où l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum et oblige la victime, pour les actes ordinaires de la vie, à avoir recours à l'assistance d'une tierce personne, le montant de la rente prévue au deuxième alinéa de l'article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, est majoré en application du troisième alinéa de ce même texte, de sorte que le préjudice résultant de la nécessité de l'assistance d'une tierce personne, couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale, ne peut être indemnisé sur le fondement de l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale tel qu'interprété par la décision n° 2010-8 QPC du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 ; qu'ayant constaté que le livre IV du Code de la sécurité sociale prévoyait l'assistance d'une tierce personne pour les incapacités d'au moins 80%, la Cour d'appel qui a néanmoins alloué à Monsieur X... une somme de 5.000 euros au titre de la tierce personne après consolidation en énonçant que sa demande ne pouvait être rejetée au motif qu'elle était prise en compte par le livre IV, a violé les articles L 434-2 et L 453-2 du Code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir alloué à Monsieur X... une somme de 20.000 euros au titre des souffrances physiques, de 30.000 euros au titre des souffrances morales et de 25.000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS QUE la réserve d'interprétation émise par le Conseil Constitutionnel prive l'énumération de la liste des préjudices de l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale de son caractère limitatif ou exclusif, de sorte que Hachemi X... peut réclamer à son employeur la réparation de tout dommage non couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale ; que la rente d'accident du travail majorée en cas de faute inexcusable, indemnise la perte de gains professionnels, les incidences professionnelle de l'incapacité, mais aussi le déficit fonctionnel permanent ; que ce préjudice étant couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale, la demande de Hachemi X... de ce chef sera rejetée ; que titulaire d'un BEP en électroménager, Hachemi X... s'orientait vers l'exercice d'un métier manuel ; qu'il était un jeune homme sportif pratiquant plusieurs activités sportives dans le cadre de clubs (rugby, boxe) jouait au football et appréciait le bricolage ; que l'accident du travail dont il a été victime a provoqué une amputation traumatique bilatérale des extrémités digitales (index, majeur, annulaire) nécessitant trois interventions chirurgicales (21 avril, 24 avril et 13 juin 2006) ; que la tentative de réimplantation d'un doigt a échoué ; qu'outre les traitements antibiotiques et antalgiques, Hachemi X... a suivi trente séances de rééducation, la consolidation étant intervenue au mois de juin 2009 soit trois ans après l'accident ; que plusieurs années après l'accident, il souffre de douleurs aux changements de température et ressent des décharges électriques au niveau de certains moignons ; que les souffrances physiques seront réparées par la somme de 20.000 euros ; que l'accident a un retentissement psychologique très important sur un jeune homme qui en subira les conséquences tout au long de sa vie ; que l'expert note des troubles du sommeil, un état anxio-dépressif réactionnel, des ruminations ; que lui-même dit faire des cauchemars et revivre la scène de l'accident ; qu'il évoque également des difficultés dans les relations amoureuses et une tendance au repli sur soi ; que les souffrances morales seront réparées par la somme de 30.000 euros ; que du fait de l'accident, Hachemi X... subit d'importants troubles dans ses conditions d'existence en raison de l'altération de sa capacité à accomplir des gestes ordinaires (boutonner un pantalon, nouer ses lacets, se raser) ; qu'il se trouve également privé de la possibilité de se consacrer aux activités sportives et de loisirs qui étaient les siennes et de se déplacer sur un deux roues ; que le préjudice d'agrément sera réparé par la somme de 25.000 euros ;
ALORS D'UNE PART QUE la rente majorée versée à la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'une part, et le déficit fonctionnel permanent, d'autre part, de sorte que sont réparables, en application de l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent lequel comprend la douleur permanente ressentie, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence ; qu'ayant débouté Monsieur X... de la demande d'indemnisation qu'il avait formée au titre du déficit fonctionnel permanent en retenant que ce préjudice était inclus dans la rente d'accident du travail majorée et donc couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale, la Cour d'appel qui lui a cependant alloué une indemnité au titre des souffrances physiques ainsi qu'une indemnité au titre des souffrances morales pour réparer les douleurs ressenties aux changements de température et les décharges électriques ressenties au niveau de certains moignons, le retentissement psychologique de l'accident constitué de troubles du sommeil, d'un état anxio-dépressif réactionnel, de ruminations, de cauchemars et de difficultés dans les relations amoureuses et une tendance au repli sur soi, a violé les articles L 434-1, L 434-2, L 452-2 et L 452-3 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la rente majorée versée à la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'une part, et le déficit fonctionnel permanent, d'autre part, de sorte que le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; que, pour allouer à Monsieur X... une indemnité au titre du préjudice d'agrément, la Cour d'appel qui a retenu que du fait de l'accident, il subissait d'importants troubles dans les conditions d'existence en raison de l'altération de sa capacité à accomplir les gestes ordinaires (boutonner un pantalon, nouer ses lacets, se raser) et qu'il se trouvait également privé de la possibilité de se déplacer sur un deux roues, a violé les articles L 434-1, L 434-2, L 452-2 et L 452-3 du Code de la sécurité sociale.