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18/12/2013 | FRANCE | N°12-27416

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-27416


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2011) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 21 avril 2010 n° 08-45. 030), que M. X..., engagé le 2 août 1982 en qualité de directeur de cave par la société coopérative agricole de vinification de Cessenon, a été employé parallèlement par la société Rieux, société de négoce en gros de vin, en qualité de directeur financier à compter du 1er décembre 1995 ; que les deux sociétés étaient liées, la première étant actionna

ire de la seconde ; que le salarié a été condamné par jugement du 14 novembre 2006 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2011) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 21 avril 2010 n° 08-45. 030), que M. X..., engagé le 2 août 1982 en qualité de directeur de cave par la société coopérative agricole de vinification de Cessenon, a été employé parallèlement par la société Rieux, société de négoce en gros de vin, en qualité de directeur financier à compter du 1er décembre 1995 ; que les deux sociétés étaient liées, la première étant actionnaire de la seconde ; que le salarié a été condamné par jugement du 14 novembre 2006 confirmé par arrêt du 28 juin 2007 pour complicité par aide et assistance des délits d'usurpation d'appellation d'origine, tromperie et falsification par coupage de vins destinés à la vente, avec interdiction de se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise et qu'à compter du 16 novembre 2006, il a été placé en arrêt pour maladie ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénale, le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail n'est interrompu à l'égard de l'employeur qu'à la condition que ce délai ne soit pas expiré au moment où la procédure pénale est mise en oeuvre ; qu'en statuant par ces seuls motifs ne concernant que la durée de l'interruption du délai de prescription, qui laissent incertain le point de savoir si les poursuites pénales avaient été engagées dans le délai de deux mois à compter des faits litigieux, sans qu'il en résulte davantage que les poursuites disciplinaires auraient été engagées dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'employeur avait eu connaissance de ces faits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions du texte susvisé ;
2°/ qu'en retenant qu'en participant à la fraude visée par les poursuites pénales dont il a fait l'objet et en procédant aux livraisons des vins des coopérateurs de la cave de Cessenon à la société Rieux, M. X... a nécessairement manqué gravement à ses obligations contractuelles à l'égard de la société coopérative Cave de Cessenon, tout en relevant, d'une part, que le système de fraude litigieux n'avait été mis en place qu'au sein de la société Rieux, par l'établissement de faux documents, et n'était caractérisé que lors de la revente des vins qu'elle avait acquis, d'autre part, qu'en sa qualité de directeur de la cave de Cessenon, M. X... avait pour mission essentielle de gérer et de vendre le vin produit par la cave qui l'employait, ce dont il résultait que les faits litigieux, dénoncés dans la lettre de rupture, ne caractérisaient pas un manquement du salarié aux obligations professionnelles résultant de ses fonctions de directeur de la société coopérative Cave de Cessenon, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que par motifs adoptés, la cour d'appel a fait ressortir, pour conclure que le délai de prescription n'avait pu commencer à courir qu'à compter de fin janvier 2007, que c'est à cette date que la société coopérative qui n'était pas été partie à la procédure pénale engagée avait eu pleine connaissance des faits, que le jugement du tribunal correctionnel avait été nécessaire pour comprendre ce qui était reproché au salarié et que seule l'absence de ce dernier pour maladie avait permis de se rendre compte de la situation obérée de la coopérative ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir rappelé que le contrat de travail unissant le salarié à la société soumettait le premier aux dispositions de l'accord paritaire national du 21 octobre 1975 relatives aux cadres dirigeants des coopératives agricoles, la cour d'appel a constaté qu'en participant à un système de fraude sur les vins notamment ceux en provenance de la société qui l'employait, le salarié avait violé de manière avérée ses obligations professionnelles et commis un manquement à la loyauté qui devait présider à l'exécution du contrat de travail ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour M. X...

En ce que l'arrêt attaqué a jugé que le licenciement de Monsieur X... était justifié par une faute grave et, en conséquence, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes du chef du licenciement ;
Aux motifs, d'une part, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n'ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; c'est la convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire qui interrompt le délai de prescription de deux mois ; le délai de deux mois pour engager les poursuites disciplinaires est, également, interrompu par la mise en mouvement de l'action publique jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale ; en l'espèce, ce n'est que postérieurement à l'arrêt rendu par la Cour de cassation, chambre criminelle, le 5 février 2008, que la condamnation pénale dont il s'agit de M. X... est devenue définitive ; dès lors, les faits qui ont donné lieu à cette condamnation et qui sont visés dans la lettre de licenciement n'encourent pas la prescription, la procédure de licenciement ayant été engagée le 13 mars 2007 (arrêt attaqué, p. 7 et 8) ;
1°/ Alors que lorsqu'un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénale, le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L 1332-4 du code du travail n'est interrompu à l'égard de l'employeur qu'à la condition que ce délai ne soit pas expiré au moment où la procédure pénale est mise en oeuvre ; qu'en statuant par ces seuls motifs ne concernant que la durée de l'interruption du délai de prescription, qui laissent incertain le point de savoir si les poursuites pénales avaient été engagées dans le délai de deux mois à compter des faits litigieux, sans qu'il en résulte davantage que les poursuites disciplinaires auraient été engagées dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'employeur avait eu connaissance de ces faits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions du texte susvisé ;
Et aux motifs, d'autre part, que par ailleurs, la faute lourde est celle qui est commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur alors que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat, étant précisé que la charge de la preuve de la faute lourde comme celle de la faute grave incombe à l'employeur ; il est constant que par jugement en date du 14 novembre 2006, confirmé par arrêt de la cour de Montpellier du 28 juin 2007, le tribunal correctionnel de Narbonne a déclaré Monsieur X... coupable de complicité par aide et assistance des infractions d'usurpation d'appellations d'origine des vins commercialisés, de tromperie sur la nature, l'origine et les qualités substantielles des vins commercialisés, de falsifications par coupage des vins blancs avec des vins rouges ou rosés des vins destinés à la vente, reprochés à la Sarl Rieux ; or, le contrat de travail en date du 12 février 1999 liant M. X... à la cave coopérative de Cessenon prévoyait en son article 2 que M. X... est investi des pouvoirs attachés à la fonction directoriale recommandés à l'annexe 1 de l'accord paritaire national conclu à Paris le 21 octobre 1975, l'article 3 de ce même contrat précisant : « il est décidé d'accorder et d'appliquer à M. X... Elie, directeur et dans toutes ses dispositions, l'accord paritaire national conclu à Paris le 21 octobre 1975 tel que modifié par les avenants successifs entre la confédération française de la coopération agricole et le syndicat national des directeurs et sous directeurs des coopératives agricoles et sica » ; l'article 2 de l'accord paritaire national du 21 octobre 1975 concernant le contrat de travail des cadres dirigeants de la coopérative agricole mentionne dans son article 2 intitulé « obligations professionnelles » : « les cadres dirigeants s'interdisent, même en dehors de l'exercice de leurs fonctions professionnelles, d'exercer toute activité de nature à porter directement ou indirectement toute atteinte aux intérêts matériels et/ ou moraux de l'entreprise qui les emploie et du mouvement coopératif agricole en général » ; la Sarl Rieux était l'outil de commercialisation du groupement des producteurs Plein Sud auquel appartenait la CAVE de Cessenon, cette dernière étant au surplus directement liée à la Sarl Rieux dont elle détenait 2 % des actions ; le système de fraude mis en place au sein de la Sarl Rieux a nécessité l'établissement de faux documents d'accompagnement des vins vendus ainsi que l'établissement de fausses factures ne reflétant pas la réalité du produit vendu et il est établi que M. X... y a activement participé en sa qualité de directeur financier ; cette fraude a porté, sur la seule période considérée de janvier à mai 2005, sur plus de 160. 000 hl de vins, la fraude ayant consisté à vendre des vins de table comme des AOC ou à mélanger des blancs et des rouges pour en faire du rosé, le tribunal correctionnel de Narbonne ayant, en outre, relevé que celle-ci avait perduré jusqu'à la comparution des prévenus devant la juridiction, soit jusqu'au 17 octobre 2006 ; M. X... prétend que la cave de Cessenon et notamment ses deux présidents successifs étaient au courant voire acteurs des pratiques illicites de la Sarl Rieux ; toutefois, il ne peut être que constaté que ces derniers n'ont en rien été inquiétés lors du contrôle de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et des investigations qui ont donné lieu à la procédure pénale susvisée ; il est, en outre, constant que tant dans le cadre de cette procédure que devant les juridictions répressives et dans la presse de l'époque, M. X... a toujours contesté formellement la réalité des malversations commises par la Sarl Rieux ainsi que toute participation de sa part à la fraude et que encore dans les jours qui ont suivi le prononcé du jugement correctionnel, il a provoqué une réunion au sein de la cave de Cessenon à l'issue de laquelle nombre de coopérateurs ont signé une pétition ainsi rédigée : « j'atteste par cette signature que M. Elie X... est un homme honnête qu'il faut absolument préserver », étant précisé que par la suite ces mêmes coopérateurs ont, aux termes d'attestations établies aux formes de droit en octobre 2007, indiqué qu'ils regrettaient d'avoir ainsi soutenu M. X... et qu'ils estimaient avoir été trompés par ce dernier ; en sa qualité de directeur de la cave de Cessenon, M. X... avait pour mission essentielle de gérer et de vendre le vin produit par la cave qui l'employait ; il a, en cette dernière qualité, livré le vin des coopérateurs de la cave de Cessenon à la Sarl Rieux ; en participant à la fraude ci-dessus rappelée et en procédant à ces livraisons alors qu'il n'ignorait rien de celle-ci, il a donc manqué gravement à ses obligations contractuelles à l'égard de la société coopérative Cave de Cessenon, portant indéniablement atteinte aux intérêts matériels et moraux tant de cette entreprise que du mouvement coopératif agricole en général ; en effet, le retentissement médiatique lié à la découverte de la fraude en cause dans un département voué aux travaux vinicoles et la condamnation comme complice de M. X..., professionnel de la viticulture, dont la double activité de directeur financier de la Sarl Rieux mais aussi de directeur de la cave de Cessenon était amplement rappelée dans les articles de presse de même que dans les motifs du jugement correctionnel ainsi que la nature même de la fraude ayant consisté notamment en une tromperie sur l'origine des vins et en une falsification de ceux-ci alors que l'objet social d'une coopérative est précisément de fabriquer le vine et de le vendre ont été, indiscutablement, de nature à jeter le discrédit sur les coopérateurs de la cave de Cessenon, sur la qualité du vin qu'ils commercialisaient et plus généralement sur le mouvement coopératif agricole ; de plus, le dernier contrat d'achat de vins conclu entre la Sarl Rieux et M. X... en sa qualité de directeur de la cave de Cessenon est en date du 3 octobre 2006, soit quelques jours à peine avant l'audience correctionnelle qui a abouti à la condamnation de l'appelant et ce, alors que compte tenu de ses fonctions de directeur financier de la Sarl Rieux, M. X... ne pouvait ignorer la situation largement obérée de cette dernière, ce qui a eu pour effet de générer un impayé de 361. 439 ¿ au préjudice de la société coopérative cave de Cessenon ; il s'ensuit que la faute pénale commise par M. X... est à l'origine d'un trouble caractérisé causé à la société cave coopérative de Cessenon et que les agissements ci-dessus rappelés de M. X... sont constitutifs d'une violation avérée, par l'intéressé, de ses obligations professionnelles à l'égard de cette dernière ainsi que d'un manquement indéniable à la loyauté qui devait présider à l'exécution du contrat de travail le liant à la cave de Cessenon ; ces manquements, qui se rattachent pleinement à la vie professionnelle de l'appelant au sein de la cave de Cessenon caractérisent suffisamment, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre du salarié, une violation du contrat de travail et des relations de travail, constitutive de la faute grave, étant précisé qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir à l'encontre de ce dernier une quelconque intention de nuire à l'entreprise, caractéristique de la faute lourde ; la faute grave étant retenue, il convient, dès lors, de débouter M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt attaqué, pages 8 à 10) ;
2°/ Alors, subsidiairement, qu'en retenant qu'en participant à la fraude visée par les poursuites pénales dont il a fait l'objet et en procédant aux livraisons des vins des coopérateurs de la cave de Cessenon à la Sarl Rieux, Monsieur X... a nécessairement manqué gravement à ses obligations contractuelles à l'égard de la société coopérative Cave de Cessenon, tout en relevant, d'une part, que le système de fraude litigieux n'avait été mis en place qu'au sein de la Sarl Rieux, par l'établissement de faux documents, et n'était caractérisé que lors de la revente des vins qu'elle avait acquis, d'autre part, qu'en sa qualité de directeur de la cave de Cessenon, Monsieur X... avait pour mission essentielle de gérer et de vendre le vin produit par la cave qui l'employait, ce dont il résultait que les faits litigieux, dénoncés dans la lettre de rupture, ne caractérisaient pas un manquement du salarié aux obligations professionnelles résultant de ses fonctions de directeur de la société coopérative Cave de Cessenon, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L 1331-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27416
Date de la décision : 18/12/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 16 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2013, pourvoi n°12-27416


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.27416
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