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18/12/2013 | FRANCE | N°12-27253

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-27253


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu, selon ce texte, que nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans

le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu, selon ce texte, que nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent de la société Electricité de France, Unité logistique de maintenance, a été mis en inactivité d'office par lettre du 11 juillet 2007, avec effet au 1er novembre 2008, en application du décret n° 54-50 du 16 janvier 1954 prévoyant la cessation d'activité à 55 ans des agents ayant vingt-cinq ans de service dont quinze ans de service actif ;
Attendu que pour dire que la mise en inactivité d'office de l'intéressé n'était pas constitutive d'une discrimination fondée sur l'âge et le débouter de ses demandes indemnitaires, l'arrêt retient, d'une part, que la mesure critiquée n'est pas exclusivement fondée sur l'âge du salarié mais également sur la durée de service, l'ancienneté et l'appartenance aux services actifs ; qu'elle répond, d'autre part, à l'objectif légitime de tenir compte des conditions de travail pour assurer la protection des salariés exposés à des travaux pénibles ; que M. X... qui a pu être exposé à des produits dangereux, percevait l'indemnité pour travaux pénibles ; qu'enfin les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires dès lors que l'agent allait percevoir une pension de retraite de 75 % de son salaire ;
Qu'en se déterminant ainsi alors, d'abord, que le fait que la condition d'âge n'ait pas été la seule à déterminer la mise en inactivité d'office n'est pas en soi de nature à exclure le caractère discriminatoire de cette mesure, ensuite, que l'objectif de protection de la santé des agents ayant accompli quinze ans de service actif n'est étayé par aucun élément précis relatif à la nature de ces travaux et à leurs conséquences sur la santé, non plus qu'aux travaux accomplis par l'intéressé, enfin, que le montant de la pension de retraite est impropre à établir que la mise en inactivité à 55 ans constitue un moyen approprié et nécessaire pour atteindre un tel objectif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Electricité de France, Unité logistique de maintenance, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Electricité de France, Unité logistique de maintenance, à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la mise en inactivité d'office de Monsieur X... était fondée et de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE sur la nullité du licenciement, le décret 54-50 du 16 janvier 1954 a créé dans son article 2 la possibilité pour les employeurs de prononcer l'admission à la retraite d'office des agents remplissant plusieurs conditions cumulatives d'âge et de durée de service ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 1er novembre 2008, Serge X... remplissait les conditions d'âge (55 ans) et de durée de service (plus de 25 ans dont 15 ans de service actif) pour une mise en inactivité d'office par l'employeur ; qu'au soutien de sa demande de nullité, Serge X... invoque un dispositif fondé sur une discrimination liée à l'âge ; que le statut du personnel issu du décret du 22 juin 1946 et du décret du 16 janvier 1954 n'a jamais été remis en cause, les dispositions réglementaires qui autorisent à certaines conditions la mise à la retraite d'un salarié, ne constituant pas par elles-mêmes une discrimination interdite par l'article L. 1132-1 du Code du travail ; que, d'une part, la mesure critiquée n'est pas exclusivement fondée sur l'âge du salarié mais également sur la durée de service, l'ancienneté et l'appartenance aux services actifs ; qu'elle répond d'autre part à l'objectif légitime de tenir compte des conditions de travail pour assurer la protection des salariés exposés à des travaux pénibles ; que Serge X... qui a pu être exposé à des produits dangereux, percevait l'indemnité pour travaux pénibles ; qu'enfin les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires dès lors que Serge X... allait percevoir une pension de retraite de 75 % de son salaire, ce qu'a indiqué EDF sans être démentie ; que l'argumentation de Serge X... sur la nullité du licenciement sera rejetée ; que sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, par courrier du 11 juillet 2007, EDF a informé Serge X... qu'au 1er novembre 2008, il remplirait les conditions d'âge et d'ancienneté pour bénéficier d'une prestation pension à jouissance immédiate et que sa mise en inactivité serait prononcée d'office à cette date, avec un préavis de 3 mois à compter du 1er août 2008 ; qu'en application de la recommandation patronale du 28 novembre 2007, EDF ULM a, par courrier du 16 janvier 2008, offert à Serge X... la possibilité de poursuivre son activité et lui a demandé, si tel était son souhait, d'en informer le directeur de l'unité dans le délai d'une semaine ; que par courrier du 25 janvier 2008, Serge X... a sollicité un délai supplémentaire pour prendre sa décision, demande renouvelée le 30 mai 2008 ; que sans réponse de sa part, la Direction des ressources humaines d'EDF lui a adressé une dernière demande le 21 juillet 2008, à laquelle il n'a pas répondu ; qu'il indique dans ses conclusions qu'il a informé son chef de service le 31 juillet 2008 qu'il se considérait en préavis à compter du 1er août 2008 ; qu'il ressort de cette chronologie que Serge X... n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance de la recommandation patronale du 28 novembre 2007 ; que c'est précisément en vertu de cette recommandation qui préconisait une application systématique de l'article 3 du décret 54-50 du 16 janvier 1954 en cas de demande du salarié, qu'EDF ULM lui a offert la possibilité de poursuivre son activité ; que Serge X... ne justifie par aucune pièce des pressions qu'il dit avoir subies afin qu'il ne demande pas à prolonger son activité professionnelle ; que c'est à tort qu'il soutient que sa mise en inactivité est intervenue en violation de la recommandation patronale du 28 novembre 2007 ; qu'enfin, le moyen tiré de l'abrogation depuis le 20 octobre 2008 du décret 54-50 lors du départ à la retraite n'est pas pertinent dès lors qu'il résulte d'une jurisprudence constante que si c'est à la date d'expiration du contrat de travail qu'il convient d'apprécier si les conditions du départ sont réunies, ce sont les dispositions en vigueur à la date de la notification (soit en l'espèce le 11 juillet 2007) qui fixent ces conditions ; que le jugement du 6 septembre 2011 sera confirmé en toutes ses dispositions ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article 6, paragraphe 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination si, d'une part, elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et, d'autre part, que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de nullité du licenciement formulée par Monsieur X..., que les dispositions du statut du personnel des Industries électriques et gazières autorisant la mise en inactivité d'office à 55 ans répondaient à l'objectif légitime de tenir compte des conditions de travail pour assurer la protection des salariés exposés à des travaux pénibles et que le salarié « qui a pu être exposé à des produits dangereux » percevait l'indemnité pour travaux pénibles, sans même rechercher si la Société EDF ULM justifiait, autrement que par le versement de cette prime, de la nature de l'activité de l'intéressé et de la réalité du caractère pénible de celle-ci qui ne ressortait en toute hypothèse que de ses seules affirmations, la Cour d'appel a d'ores et déjà privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'aux termes de l'article 6, paragraphe 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination si, d'une part, elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et, d'autre part, que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que la Cour d'appel a retenu, pour rejeter la demande de nullité du licenciement formulée par Monsieur X..., que les dispositions du statut du personnel des Industries électriques et gazières autorisant la mise en inactivité d'office à 55 ans répondaient à l'objectif légitime de tenir compte des conditions de travail et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires dès lors que l'intéressé allait percevoir une pension de retraite de 75 % de son salaire ; qu'en statuant de la sorte sans caractériser ni en quoi la cessation des fonctions de contremaître à l'âge de 55 ans était nécessaire à la réalisation de l'objectif légitime qu'elle avait retenu, ni en quoi le versement d'une pension équivalente à 75 % du salaire constituait un moyen approprié pour atteindre ledit objectif, la Cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;
ET ALORS, ENFIN (et subsidiairement), QUE dès lors que la Société EDF ne pouvait plus prononcer la mise en inactivité d'office de Monsieur X... à 55 ans en raison de la suppression des clauses couperet, à moins qu'il n'accepte expressément une telle mesure, la Cour d'appel ne pouvait déduire de l'absence de réponse de l'intéressé au courrier de la direction des ressources humaines du 21 juillet 2008 qu'il acceptait, de manière claire et non équivoque de partir à la retraite à 55 ans en l'absence du moindre écrit exprimant explicitement une telle volonté ; qu'en statuant de la sorte, la cour a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27253
Date de la décision : 18/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 05 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2013, pourvoi n°12-27253


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.27253
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