LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de mécanicien le 1er septembre 2000 par la société Soprema, aux droits de laquelle vient la société Mialanes béton ; qu'il a été présenté par le syndicat CGT comme candidat aux élections des délégués du personnel le 9 janvier 2004 ; qu'à la suite de son licenciement prononcé par lettre du 15 juillet 2004 sans autorisation de l'inspecteur du travail, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société, qui est préalable :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de M. X... était nul, alors, selon le moyen, que la période de protection légale d'un salarié ayant pris fin, l'employeur peut à nouveau licencier sans autorisation de l'autorité administrative, laquelle n'est plus compétente pour délivrer ou refuser une telle autorisation ; que le licenciement prononcé à l'issue de la période de protection sans autorisation de l'inspecteur du travail est donc valable, même s'il est prononcé pour des faits relevant de la période de protection ; qu'il était constant, en l'espèce, que la protection dont bénéficiait le salarié en qualité de candidat aux élections des délégués du personnel avait pris fin, le 9 juillet 2004, lorsque son licenciement pour motif économique avait, le 15 juillet 2004, été prononcé ; qu'en décidant cependant que le licenciement du salarié était nul à défaut d'autorisation de l'inspecteur du travail, au motif que le refus, par le salarié, de la proposition de modification à titre économique du contrat de travail qui lui avait été faite, était intervenu pendant la période de protection, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-7 alinéa 1er et L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, peu important que la lettre notifiant le licenciement soit envoyée postérieurement à l'expiration de la période de protection ;
Et attendu qu'ayant relevé que le salarié bénéficiait du statut protecteur jusqu'au 9 juillet 2004 et qu'il avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 24 juin 2004, la cour d'appel a exactement décidé que le licenciement, prononcé sans observation des formalités protectrices, était nul ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article L. 425-1, septième alinéa, du code du travail, alors applicable ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le salarié protégé, licencié sans autorisation préalable, qui demande sa réintégration pendant la période de protection, a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à sa réintégration ; que cette rémunération lui est également due alors que la demande de réintégration est formulée par le salarié après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne lui sont pas imputables ; que lorsqu'il est constaté judiciairement que l'employeur fait obstacle à la réintégration, le salarié a droit, d'une part, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à la date de renonciation à sa réintégration, d'autre part, aux indemnités de rupture de son contrat de travail et enfin à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu que pour allouer au salarié une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, l'arrêt retient que l'intéressé ne peut prétendre à la fois à une indemnisation spécifique liée à la poursuite du contrat et à une indemnisation liée à sa rupture ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait alors que le conseil de prud'hommes avait relevé que, lors de l'audience de départage, l'employeur avait refusé de faire droit à la demande de réintégration dans l'entreprise présentée par le salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en tant qu'il fixe l'indemnisation à la somme de 10 000 euros pour licenciement illicite et déboute M. X... de ses demandes indemnitaires liées au refus de réintégration opposé par son employeur, l'arrêt rendu le 5 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Mialanes béton aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Mialanes béton à payer à M. X..., la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité l'indemnisation du salarié protégé à la seule somme de 10.000 ¿ pour licenciement illicite et d'avoir rejeté ses demandes indemnitaires liées au refus de réintégration opposé par l'employeur ;
aux motifs que, sur la durée de la protection, sauf si la demande est manifestement dépourvue de tout caractère sérieux, le salarié qui a demandé l'organisation des élections pour la mise en place des délégués du personnel bénéficie, lorsqu'une organisation syndicale intervient aux mêmes fins, de la protection de six mois prévue par l'article L.2411-6 du Code du travail ; qu'une mesure de modification du contrat de travail ou de condition de travail d'un salarié protégé ne peut être imposé à un salarié protégé, et celui-ci ne peut être licencié au terme de la période de protection en raison de faits commis ou survenus pendant cette période qui auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, selon les pièces fournies aux débats par la société appelante, il résulte que Monsieur X... avait été volontairement absent du 10 décembre 2003 au 3 juin 2004 à la suite d'un conflit d'un durée de 6 mois entre les parties sur l'existence et le paiement d'heures supplémentaires, qu'alléguant le bilan positif du remplacement de Monsieur X... par des entreprises extérieures qui avaient démontré qu'elles étaient moins onéreuses que ce salarié dans les travaux de réparations ponctuelles et courantes des véhicules de l'entreprise, la société Soprema avait pris la décision de supprimer l'emploi de Monsieur X... ; qu'au 18 juin 2004, ce salarié avait définitivement refusé le reclassement envisagé par l'employeur, qu'ainsi la date à prendre en considération pour déterminer si le licenciement se situait, dans ou hors la durée de protection, n'est pas celle du jour de la date d'expédition de la lettre de licenciement, comme le soutient la société, mais celle du 18 juin 2004 correspondant au retour de Monsieur X... qui était revenu travailler après s'être absenté pendant plusieurs mois de sa propre initiative et venait de refuser, à cette date, toute modification de son contrat ; que la rupture est donc nulle et le jugement doit être confirmé de ce chef ;
sur les conséquences de la rupture, attendu que dans un premier temps, Monsieur X... a invoqué dans sa requête introductive d'instance devant le Conseil de prud'hommes un licenciement sans cause réelle et sérieuse lui ayant causé un préjudice de 102.155,40 euros ou à défaut des dommages et intérêts pour rupture abusive d'un même montant, ainsi que la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;qu'ensuite, à l'audience de la formation de départage, il a encore demandé au Conseil de prud'hommes de dire que le licenciement pour motif économique n'était pas fondé et ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et a demandé sa réintégration dans l'entreprise ; qu'ainsi, il présentait tout à la fois des prétentions relatives à la poursuite du contrat de travail, comme la réintégration, et des prétentions, antinomiques, fondées sur la rupture du contrat de travail ; que cependant, le salarié qui demande sa réintégration pendant la période de protection afférente à ses fonctions peut obtenir une réintégration formulée après la période de protection que pour des raisons qui ne lui sont pas imputables, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'enfin, Monsieur X... présente en cause d'appel des demandes fondées sur la rupture du contrat de travail, et qui sont incompatibles avec une poursuite de celui-ci, comme l'indemnité pour licenciement illicite, les dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, et des dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L.1235-11 du Code du travail ; qu'en revanche il ne sollicite plus sa réintégration ; que dans ces conditions, si Monsieur X... invoque toujours la nullité de son licenciement, il n'en tire pas la conséquence qu'une réparation par une réintégration au sein de l'entreprise, et donc par une obligation de faire, mais la conséquence d'une réparation par une indemnisation découlant d'une obligation à paiement ; que dès lors, le jugement, égaré par le demandeur, a procédé à un cumul entre une indemnisation spécifique liée à la poursuite du contrat et une indemnisation liée à la rupture, que dès lors le jugement doit être infirmé ;
alors que, lorsque le salarié protégé, dont le droit à réintégration a été reconnu, prend acte à l'audience du refus de réintégration de son employeur, il a droit à une indemnité réparant le préjudice résultant de ce refus ; qu'en l'espèce, le salarié protégé avait pris acte en première instance du refus de réintégration de son employeur et sollicité une indemnisation à ce titre ; qu'en concluant à la confirmation du jugement entrepris, le salarié ne pouvait pas être considéré comme ayant renoncé à un droit dont les éléments constitutifs avaient été constatés par les premiers juges ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L.2411-7 du code du travail.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Mialanes béton, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était nul et d'AVOIR en conséquence confirmé de ce chef le jugement du 6 avril 2010 du Conseil de prud'hommes de Mende et d'AVOIR rejeté toutes autres demandes.
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur la durée de la protection. Attendu que d'abord, sauf si la demande est manifestement dépourvue de tout caractère sérieux, le salarié qui a demandé l'organisation des élections pour la mise en place des délégués du personnel bénéficie, lorsqu'une organisation syndicale intervient aux mêmes fins, de la protection de six mois prévue par l'article L. 2411-6 du Code du travail ; Attendu qu'ensuite une mesure de modification du contrat de travail ou d'une condition de travail d'un salarié protégé ne peut être imposée à un salarié protégé, et celui-ci ne peut être licencié au terme de la période de protection en raison de faits commis ou survenus pendant cette période qui auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail ; Attendu qu'en l'espèce, selon les pièces fournies aux débats par la société appelante, il résulte que : -Monsieur X... avait été volontairement absent du 10 décembre 2003 au 3 juin 2004 à la suite d'un conflit d'une durée de 6 mois entre les parties sur l'existence et le paiement d'heures supplémentaires, -Alléguant le bilan positif du remplacement de Monsieur X... par des entreprises extérieures qui avaient démontré qu'elles étaient moins onéreuses que ce salarié dans les travaux de réparations ponctuelles et courantes des véhicules de l'entreprise , la société SOPREMA avait pris la décision de supprimer l'emploi de Monsieur X.... Au 18 juin 2004 ce salarié avait définitivement refusé le reclassement envisagé par l'employeur; Attendu qu'ainsi la date à prendre en considération pour déterminer si le licenciement se situait, dans ou hors la durée de la protection, n'est pas celle du jour de la date d'expédition de la lettre de licenciement, comme le soutient la société, mais celle du 18 juin 2004 correspondant au retour de Monsieur X... qui était revenu travailler après s'être absenté pendant plusieurs mois de sa propre initiative et venait de refuser, à cette date, toute modification de son contrat; Attendu que la rupture est donc nulle et le jugement doit être confirmé de ce chef; »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Aux termes de l'article 2411-7 du code du travail : « L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur. Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement. » Par lettre du 9 janvier 2004, le syndicat CGT informe la SARL SOPREMA de la candidature de M. Alain X... aux élections des délégués du personnel. En application des dispositions légales susvisées, M. Alain X... bénéficiait donc de la procédure de protection contre le licenciement jusqu'au 9 juillet 2004. Il n'est pas contesté que la convocation à l'entretien préalable de licenciement a été envoyée en date du 24 juin 2004, alors même que le salarié bénéficiait de la protection légale. La volonté de l'employeur était donc clairement celle de procéder au licenciement de M. M. Alain X..., volonté qu'il a formalisée par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable (sociale 28 janvier 2009, n° 08-41.633). Des lors, peu importe que la lettre de licenciement soit parvenue au salarié à l'expiration de la période légale de protection, la SARL SOPREMA de faire respecter la procédure adaptée au salarié candidat à une élection de délégués du personnel. À défaut, licenciement de M. Alain X... est nul. Il n'est donc pas nécessaire d'analyser le fond du licenciement en l'espèce les motifs économiques évoqués par l'employeur. »
1. ALORS QUE la période de protection légale d'un salarié ayant pris fin, l'employeur peut à nouveau licencier sans autorisation de l'autorité administrative, laquelle n'est plus compétente pour délivrer ou refuser une telle autorisation ; que le licenciement prononcé à l'issue de la période de protection sans autorisation de l'inspecteur du travail est donc valable, même s'il est prononcé pour des faits relevant de la période de protection ; qu'il était constant, en l'espèce, que la protection dont bénéficiait le salarié en qualité de candidat aux élections des délégués du personnel avait pris fin, le 9 juillet 2004, lorsque son licenciement pour motif économique avait, le 15 juillet 2004, été prononcé ; qu'en décidant cependant que le licenciement du salarié était nul à défaut d'autorisation de l'inspecteur du travail, au motif que le refus, par le salarié, de la proposition de modification à titre économique du contrat de travail qui lui avait été faite, était intervenu pendant la période de protection, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-7 alinéa 1er et L. 1233-3 du Code du travail.