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18/12/2013 | FRANCE | N°12-17900

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2013, 12-17900


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 14 avril 1975 en qualité de métreur par la société Ségex ; qu'il a exercé divers mandats syndicaux à compter de 1978 ; que, soutenant avoir été victime d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié et de l'Union département...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 14 avril 1975 en qualité de métreur par la société Ségex ; qu'il a exercé divers mandats syndicaux à compter de 1978 ; que, soutenant avoir été victime d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié et de l'Union départementale CGT du Val-de-Marne :
Vu l'article 8.5 du titre VIII de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 12 juillet 2006 ;
Attendu, selon ce texte, que le montant de l'indemnité de licenciement est calculé à raison de 2,5/10 de mois par année d'ancienneté, à partir de deux ans révolus et jusqu'à 15 ans d'ancienneté et de 3,5/10 de mois par année d'ancienneté pour les années au-delà de 15 ans d'ancienneté, sans pouvoir dépasser la valeur de dix mois et qu'en cas de licenciement d'un ETAM âgé de plus de 55 ans à la date d'expiration du délai de préavis, le montant de l'indemnité de licenciement est majoré de 10 %, cette majoration s'ajoutant à l'indemnité éventuellement plafonnée ;
Attendu qu'après avoir retenu que le salarié justifiait de trente-sept années d'ancienneté et fixé son salaire mensuel à 3 500 euros, l'arrêt lui alloue la somme de 35 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié âgé de 58 ans demandait le bénéfice de l'indemnité majorée de 10 %, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité au plafond de dix mois de salaire l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 21 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Société centrale des entreprises Segex aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société centrale des entreprises Segex à payer à M. X... et à l'Union départementale CGT du Val-de-Marne la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Centrale des entreprises Segex, demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR retenu l'existence d'une discrimination syndicale au préjudice de M. Jacky X..., salarié, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date de l'arrêt aux torts de la Sas Segex, employeur, et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement nul et, en conséquence, d'AVOIR condamné la Sas Segex à payer à M. X... les indemnités et dommages-intérêts afférents ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, il est établi que M. Jacky X..., engagé en avril 1975 par la société Segex en qualité de métreur 1er échelon (ETAM, coefficient 655 selon la nomenclature du 19 décembre 1975), sur la base d'un salaire brut mensuel de 2.400 F (365,87 ¿) porté à 2.500 F (381 ¿), n'a bénéficié d'aucune évolution de carrière, ayant toujours un emploi de métreur après 35 ans au service de la même entreprise, son salaire brut mensuel de base s'élevant à 2.530 ¿ au 31 décembre 2010 ; qu'il est par ailleurs constant qu'à partir de 1978 il a exercé des mandats de représentation du personnel, qu'il est titulaire de mandats syndicaux depuis 1981, qu'il est délégué syndical et délégué du personnel suppléant, qu'avoir après été élu juge au conseil de prud'hommes de Créteil en 1992, il est devenu président de la section Industrie en 2000 puis président ou vice-président du conseil de prud'hommes de Créteil en alternance depuis 2009 ; qu'il doit être observé, contrairement à ce qui est soutenu par la société Segex, que, préalablement à son engagement syndical, aucun élément ne permet de retenir que M. X... se serait comporté « comme un salarié très "moyen", peu ambitieux de promotion professionnelle, et pas particulièrement zélé » ce qui aurait dissuadé son employeur de lui accorder des promotions ou des augmentations individuelles de base, alors qu'il résulte de l'examen de ses bulletins de salaire du mois d'avril 1975 au 31 décembre 1978 que M. Jacky X..., engagé en avril 1975 sur la base d'un salaire de 2.400 F, percevait à ce titre, 2.500 F en décembre 1975, 3.200 F en décembre 1976, 3.920 F en décembre 1977 et 4.850 F en décembre 1978 soit une augmentation de son salaire de base de 100 %, étant précisé qu'il a perçu pendant cette période des primes exceptionnelles dont il n'est pas établi qu'elles aient été versées à tous les salariés de la société Segex dans les mêmes proportions ; qu'en revanche, son salaire et sa rémunération n'ont pas augmenté de la même façon à partir de l'année 1979 et pendant les 22 années qui ont suivi jusqu'en 2001, son salaire n'ayant augmenté que de 148 % de 1979 (773 ¿) à 2001 (1.919 ¿), étant précisé qu'ensuite, jusqu'en 2008 il a bénéficié d'une augmentation de 25 % de sorte que son salaire brut mensuel s'élevait en décembre 2008 à la somme de 2.450 ¿ ; que pour établir que sa carrière était bloquée depuis 33 ans, M. Jacky X... s'est en premier lieu référé à la situation professionnelle de trois techniciens, engagés en qualité de métreur ou de géomètre topographe respectivement en 1988, 1991 et 1975 en faisant l'estimation de ce qu'aurait dû être son salaire s'il avait suivi l'évolution de chacun de ces trois salariés, à savoir MM. Y..., Z... et A... ; que contestant ces exemples au motif notamment que ces salariés étaient devenus cadres et relevant qu'il était « fantaisiste » de considérer, comme M. Jacky X..., « qu'une évolution de carrière normale consiste à passer du statut Etam au statut cadre », la société Segex donne en exemple le cas de M. Salah B..., engagé le 14 août 2006 en qualité de métreur TAM position E au salaire de 1.800 ¿ et évoque la situation de Mme Marie-Louise C..., engagée le 15 septembre 1975 en qualité de sténodactylo et de Mme Marie-Françoise D... recrutée le 1er février 1977 dans les mêmes fonctions, deux salariées avec lesquelles, selon elle « il peut être utile de comparer l'évolution de carrière et de rémunération » ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucune comparaison ne saurait être faite à ce jour entre la carrière de M. Salah B... embauché en 2006 et celle de M. Jacky X... engagé en 1975, s'agissant de deux salariés ayant plus de 30 ans de différence d'ancienneté dans l'entreprise ; que concernant M. Rémy A..., M. Pascal Y... et M. Didier Z..., tous trois ayant accédé au statut Cadre, il est exact, comme le soutient la société Segex, qu'il n'existe « aucun droit acquis » pour un salarié « Etam » d'obtenir le statut cadre, cette progression n'ayant nullement un caractère automatique, de sorte qu'il convient de prendre en compte pour établir une comparaison entre les situations respectives de ces salariés les périodes pendant lesquelles ils étaient « Etam » avant qu'ils ne soient promus « Cadre » ;
que s'agissant de M. Rémy A..., embauché le 1er juillet 1975 en qualité de technicien géomètre 2ème échelon avec un salaire de 4.100 F et devenu cadre en 1998 avant d'avoir des problèmes de santé, il convient d'examiner la période de 1978 à 1997, qui met en évidence les différences suivantes :

M. Rémy A...
M. Jacky X...

Salaire de décembre 1978942 ¿739 ¿

Salaire de décembre 19973.034 ¿1.868 ¿

Augmentation sur 19 ans222 %152 %

Salaire de 1997 avec % rectifié
2.379 ¿

que s'agissant de M. Pascal Y..., embauché le 1er décembre 1988 en qualité de « métreur sur attachement » avec le coefficient 480 et qui deviendra cadre en 2004, la comparaison avec M. Jacky X..., faite de 1989 à 2003, s'établit ainsi :

M. Pascal Y...
M. Jacky X...

Salaire de décembre 19891.172 ¿1.555 ¿

Salaire de décembre 20032.250 ¿2.040 ¿

Augmentation sur 13 ans92 %31 %

Salaire de 2003 avec % rectifié
2.985 ¿

que la comparaison avec M. Didier Z..., embauché le 26 août 191 en qualité de technicien géomètre topographe avec le coefficient 730, faite de 1991 à 2002, avant qu'il obtienne le statut de cadre en 2003, est la suivante :

M. Didier Z...
M. Jacky X...

Salaire de décembre 19911.906 ¿1.669 ¿

Salaire de décembre 20023.140 ¿1.982 ¿

Augmentation sur 12 ans65 %19 %

Salaire de 2002 avec % rectifié
2.753 ¿

que dans l'examen comparatif des situations professionnelles de Mmes C... et D... et de celle de M. Jacky X..., la société Segex retient qu'en moyenne sur 33 ans, la première a connu une augmentation de salaire de 65,93 ¿ par an, la seconde de 59,70 ¿ alors que le troisième a bénéficié d'une augmentation de 61,18 ¿ soit une moyenne de 62,27 ¿ et en déduit en conséquence que tout au plus le préjudice de M. X... s'élèverait à 311,74 ¿ ; que, toutefois, ainsi que le fait observer M. Jacky X..., il convient, pour comparer des évolutions, de raisonner en pourcentage et non pas d'établir une moyenne d'augmentation annuelle pendant 33 ans en prenant pour base des salaires de départ très inférieurs s'agissant d'emploi de sténodactylo alors qu'il était métreur ; que les comparaisons, qui seront donc effectuées à partir de 1979, correspondant au début de la période de discrimination alléguée, jusqu'en 2001 puis jusqu'en 2008 mettent en évidence les différences suivantes :

Mme C...
Mme D...
M. X...

Salaire décembre 1979538 ¿392 ¿773 ¿

Salaire décembre 20011.988 ¿1.805 ¿1.919 ¿

Evolution sur 22 ans269 %360 %148 %

Salaire décembre 20082.450 ¿2.255 ¿2.400 ¿

Evolution sur 29 ans355 %475 %210 %

Evolution entre 2001 et 200823 %24 %25 %

qu'il résulte de ces différentes comparaisons que M. Jacky X... n'a pas bénéficié à partir de l'année 1979 des mêmes augmentations de son salaire brut mensuel que les autres salariés de la société Segex dans des situations et à des périodes comparables ; que par ailleurs, le seul entretien d'évaluation qu'il a eu en 2003 avec son employeur, alors que l'ensemble des salariés pouvait en bénéficier, sinon chaque année du moins tous les deux ou trois ans ainsi que l'absence de versement de primes autres que celles attribuées à la totalité des salariés, établissent une différence de traitement étant observé en revanche que le choix privilégiant les formations aux fonctions de conseiller prud'homme ne saurait être reproché à la société Segex ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments objectifs, il est établi que M. Jacky X... a subi à partir de 1979, année correspondant au début de son engagement syndical, une disparité de traitement caractérisant la discrimination dont il se plaint, ayant eu notamment pour conséquence une évolution de carrière au-dessous de la moyenne et une limitation de sa rémunération qui a perduré au-delà de l'année 2002, aucune régularisation de sa situation n'ayant été faite pour résorber l'écart de salaire ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'une discrimination syndicale au préjudice de M. Jacky X... (arrêt, pp. 3-6) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE, lorsqu'ils se livrent à une comparaison entre salariés, les juges du fond ne peuvent se limiter à des situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur et doivent, lorsqu'ils y sont invités, étendre la comparaison aux salariés occupant un même poste de travail à des périodes différentes dans le temps ; que, dès lors, en se fondant sur la circonstance inopérante que M. B... n'avait été embauché qu'en 2006 par la Sas Segex au poste de métreur pour refuser de comparer sa situation avec celle de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 1184 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'une inégalité de traitement doit ressortir d'une comparaison entre des salariés placés dans une situation équivalente ; qu'en se fondant, pour dire que la carrière de M. X... était bloquée depuis 33 ans, sur la situation professionnelle de trois techniciens, en la personne de MM. A..., Y... et Z..., dont elle constatait pourtant que le premier avait été embauché en qualité de technicien géomètre 2ème échelon, le deuxième en qualité de métreur sur attachement et le troisième en qualité de technicien géomètre topographe, et qu'ils n'avaient ainsi pas été embauchés dans des conditions identiques de qualification et n'avaient ensuite pas non plus exercé des fonctions équivalentes à celles de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 1184 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE ne subit pas d'inégalité de traitement le salarié dont la progression du salaire se situe normalement dans l'évolution moyenne des salaires de l'entreprise ; qu'en s'en tenant, dès lors, à la constatation d'une prétendue disparité dans l'évolution de la rémunération de M. X... d'une part, et de celle des salariés nommés par l'arrêt d'autre part, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, pp. 13-15), si l'évolution de la rémunération de M. X... ne se situait pas, par ailleurs, dans la moyenne de celle des salaires de l'entreprise, et de celle également des salaires par catégories d'emplois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 1184 du code civil.

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 35.000 ¿ le montant dû à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE sur l'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'en application des dispositions de l'article 8.5 du titre VIII de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 12 juillet 2006, le montant de l'indemnité de licenciement est calculé sur la base de 2,5/10 de mois par année d'ancienneté à partir de 2 ans révolus et jusqu'à 15 ans d'ancienneté, puis de 3,5/10 de mois par année d'ancienneté au delà des 15 ans sans toutefois que cette indemnité puisse dépasser la valeur de 10 mois ; qu'il sera alloué à M. Jacky X..., qui bénéficie d'une ancienneté de 37 ans, la somme de 35.000 ¿ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
ALORS QUE selon l'article 8.5 du titre VIII de la convention collective nationale des ETAM des travaux publics du 12 juillet 2006, « en cas de licenciement d'un ETAM âgé de plus de 55 ans à la date d'expiration du délai de préavis, effectué ou non, le montant de l'indemnité de licenciement est majoré de 10 %. Cette majoration s'ajoute à l'indemnité de licenciement éventuellement plafonnée perçue par l'Etam » ; qu'en limitant à la somme de l'indemnité conventionnelle de licenciement à 10 mois de salaire, quand le salarié, âgé de 58 ans, pouvait prétendre à l'indemnité plafonnée et majorée, la Cour d'appel a violé l'article précité.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-17900
Date de la décision : 18/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2013, pourvoi n°12-17900


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.17900
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