LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société D. Soft de ce qu'elle reprend l'instance ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 13 janvier 2012), que M. X... a été engagé par contrat du 18 février 2002 par la société Aviproduct dont il était gérant jusqu'en mai 2003, aux droits de laquelle vient la société D. Soft ; qu'à cette date, la société a été acquise par la société Pr finance, société holding du groupe, dont fait également partie la société D. Soft ; qu'occupant en dernier lieu, les fonctions de responsable projet, il a été licencié pour faute lourde le 2 juin 2009 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de retenir sa faute lourde, de le débouter de toutes ses demandes au titre de la rupture et de le condamner à payer des dommages-intérêts à son employeur, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute lourde nécessite l'intention du salarié de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; qu'en qualifiant de faute lourde des faits dont il ressortait de ses constatations qu'ils avaient été commis par le salarié au préjudice de la société D. Soft, qui n'était pas son employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-26 du code du travail ;
2°/ que la seule déloyauté du salarié ne suffit pas à caractériser une intention de nuire à son employeur ; qu'en se déterminant par des considérations ne caractérisant pas l'intention du salarié de nuire à son employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-26 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le salarié n'avait pas averti son employeur de la démission le même jour des quatre autres seuls salariés de la société, qu'il avait incité au même moment le stagiaire engagé pour six mois à quitter l'entreprise et avait pris contact avec les clients de son employeur pour dénigrer la qualité des services de celui-ci et sa capacité à maintenir et développer les logiciels et les détourner sur une autre société, alors en cours de création, créée par son fils et utilisatrice des quatre salariés démissionnaires par l'intermédiaire d'une entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a pu en déduire que les agissements de ce salarié procédaient d'une intention de nuire caractérisant une faute lourde ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la faute lourde de M. X... est établie, D'AVOIR débouté M. X... des demandes qu'il avait formées au titre de la rupture du contrat de travail et D'AVOIR condamné M. X... à payer à la société Aviproduct la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts résultant des actes de dénigrement et de concurrence déloyale jusqu'à la rupture du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE la réalité des réunions tenues avec les salariés démissionnaires chez un client ou au domicile de l'intéressé comme son départ précipité des locaux d'un client le 4 mai 2009 lorsqu'il a appris que te gérant de la société devait se présenter ne sont pas établis ; que, sur l'absence de prestation de travail depuis le 6 avril 2009, M. X... produit le détail de ses interventions du 8 au 30 avril 2009, les attestations précitées de MM. Y... et Z... ainsi que les notes de frais d'avril 2009 documents desquels il résulte qu'il est resté à la disposition de l'employeur et a effectué diverses interventions en avril 2009 ; qu'il ne résulte en revanche d'aucun élément que l'intéressé ait travaillé dans l'intérêt de l'entreprise après le 30 avril 2009 et qu'il soit resté à la disposition de l'employeur ; que c'est au demeurant ce que confirment l'absence de tout rapport d'activité, de toute trace d'un compte-rendu, de tout échange par mail ou par un autre moyen, étant rappelé que le salarié avait reçu une première convocation à un entretien préalable en date du 21 avril 2009 ; que, pareillement, il est avéré que M. X... n'a pas pris contact avec la société Aviproduct lorsque la société a reçu, le 27 avril 2009, la démission des quatre seuls salariés de la société, MM. A..., B..., C... et D... ; que, de même, une attestation de Mme E..., comptable, en date du 26 juin 2009, permet de tenir pour démontré que M. X... a « fait changer de société d'accueil » le stagiaire engagé du 23 mars au 16 septembre 2009 ; que, s'agissant des actes de dénigrement et des actes de concurrence déloyale commis par M. X... pendant la période d'exécution du contrat de travail, c'est-à-dire avant le 2 juin 2009, l'attestation précitée de M. F... du 29 juin 2009, est rédigée en ces termes : « Alors que M. X... travaillait toujours pour la société DSOFT et malgré une absence totale de communication avec sa hiérarchie ou ses collègues, M. X... a tenté d'appeler le gérant de la société Interlift l'après-midi même de mon passage et le lendemain du jour où nous avons été avertis de la démission de l'ensemble de l'équipe Aviproduct, cet appel était destiné à rencontrer M. G..., gérant d'Interlift à Marange-Silvange (57535) afin de détourner et de signer la convention prévue avec DSOFT (Aviproduct) sur une nouvelle structure » ; que Mme H..., technico-commerciale de la société DSOFT, a libellé une attestation datée du 29 juin 2009 en ces termes: « M. X... a contacté à plusieurs reprises mes clients de la période d'avril 2009 jusqu'à ce jour dans le but de les détourner de la société DSOFT en prétextant que les compétences de nos équipes n'étaient pas suffisantes à maintenir et il déployer les projets chez les clients. D'autre part, j'avais remis en main propre à M. X... les conventions de formation signées par la société Techniplast début mars. J'ai appris par ce client début avril que M. X... les avait rendues à Mme I... de chez Techniplast en prétextant qu'elles étaient caduques. Depuis, ce client ne sait plus à qui faire confiance d'autant plus que M. X... leur a fait depuis une démonstration d'un logiciel qu'il aurait développé et qui remplacerait la gestion de production Aviproduct en place. D'autres clients ont assisté à des démonstrations de ce logiciel faites par M. X... » : que M. J..., agent technico-commercial, indique, quant à lui, dans une attestation non datée, qu'« à plusieurs reprises et chez différents clients, M. X... a détourné des plans de formation pour le compte de la société Dune (plans de formation de plus janvier 2009). Arthur X... a appelé plusieurs de mes clients pour leur demander de signer des documents de formation en prétextant que c'était la continuité de ce qui avait été commencé par le groupe DSOFT. M. Eric X... et les quatre personnes de Aviproduct ont fait une démo d'un nouveau logiciel aux clients DSOFT pour leur demander d'en changer et continuaient à proposer leurs services pour la maintenance du logiciel Aviproduct ». (sic) ; qu'il résulte des attestations de M. F... et de Mme H... (celle de M. J... ne permettant pas de situer les faits dans le temps) qu'avant la rupture du contrat de travail, M. X... a pris contact avec les clients de son employeur pour dénigrer la qualité des services de celui-ci et sa capacité à maintenir et développer les logiciels et les détourner sur une autre société, la société Dune, alors en cours de création ; que cette société, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 18 mai 2009, a été créée par le fils de M. X... avec le même objet que la société Aviproduct et, depuis le 27 avril 2009, est entreprise utilisatrice des quatre salariés démissionnaires de la société Aviproduct, par l'intermédiaire de l'entreprise de travail temporaire luxembourgeoise Access Travail Temporaire ; que ces salariés, selon une attestation de M. L..., technicien de la société DSOFT, ont fait disparaître toutes les données professionnelles de l'ordinateur portable qu'ils ont restitué à la société Aviproduct ; que, dès lors, la violation de l'obligation de loyauté reprochée à M. X... est établie ; que si, statuant en référé, la cour d'appel de Nancy a, par un arrêt confirmatif du 2 juin 2010, débouté la société Aviproduct de la demande dirigée contre la société Dune tendant à voir interdire à celle-ci de démarcher ses clients et à lui voir ordonner la cessation des actes de concurrence, elle n'a pas pris position sur les agissements de M. X... dans le cadre de son contrat de travail ; que, de même, le fait que M. X... ne soit pas salarié de la société Dune, ne retire pas à ses agissements leur caractère fautif ; que ce manquement à l'obligation de loyauté, commis dans l'intention de nuire à l'employeur, conjugué avec les autres fautes du salarié, constitue une faute lourde.
ALORS, 1°), QUE la faute lourde nécessite l'intention du salarié de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; qu'en qualifiant de faute lourde des faits dont il ressortait de ses constatations qu'ils avaient été commis par M. X... au préjudice de la société DSOFT, qui n'était pas son employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-26 du code du travail ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE la seule déloyauté du salarié ne suffit pas à caractériser une intention de nuire à son employeur ; qu'en se déterminant par des considérations ne caractérisant pas l'intention de M. X... de nuire à son employeur, la société Aviproduct, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-26 du code du travail.